1964 : la première Dream team en Europe
Europe
En 1964, une équipe de joueurs NBA fait une tournée de 21 matchs en Europe de l’Est et en Egypte, la « Dream Team » de 1992 n’est pas la première à présenter des joueurs de la NBA avec le maillot américain. En tout cas l’Europe a vu passer lors de cette tournée les meilleurs professionnels des années 60.
Lors des championnats du monde de basketball en 1963 au Brésil, l’équipe des États-Unis ne finit qu’à la quatrième place, s’inclinant face à l’URSS, la Yougoslavie et face au futur champion, le Brésil. Cette équipe comprend tout de même deux futurs joueurs de la NBA, Willis Reed et Lucious Jackson. C’est par ailleurs en même temps l’apogée de la guerre froide et l’équipe américaine qui perd contre deux pays communistes, cela ne passe pas bien à la Maison Blanche.
Ce résultat provoque la colère du président John Fitzgerald Kennedy. JFK est un grand fan de basket-ball et propose un plan pour que la ligue NBA envoie sa sélection en Europe de l’Est et montre aux « communistes » qui est le patron. Peu de temps après, JFK est assassiné, mais son successeur, Lyndon Johnson, poursuit le plan initial. Le président charge l’Interagency on International Athletics du Département d’État de travailler à redonner au basket américain sa place légitime aux yeux du reste du monde.
Nick Rodis, le responsable du département d’État qui est un vieil ami de Red Auerbach, l’entraineur emblématique des Boston Celtics, lui demande de constituer une équipe pour voyager à travers l’URSS, la Yougoslavie, la Pologne, la Roumanie et l’Égypte après la saison 1964 de NBA. Les Soviétiques jettent un coup d’œil à la liste que Red constitue et décident de ne pas les admettre en Union soviétique. En regardant bien cette liste d’uniquement sept joueurs, cela donne le tournis, on comprend pourquoi, l’URSS refuse.


- Entraîneur : Red Auerbach (Boston Celtics) : 9 titres NBA, Hall of Famer.
- Bill Russell (Boston Celtics): 11 titres NBA, 5 titres MVP, 12 fois all-star, 11 fois All-NBA teams, Hall of Famer.
- Bob Cousy (Boston Celtics): 6 titres NBA, 1 titre de MVP, 13 fois all-star, 12 fois All-NBA teams, Hall of Famer.
- Oscar Robertson (Cincinnati Royals) : 1 titre NBA, 1 titre de MVP, 12 fois all-star, 11 fois All-NBA teams, Hall of Famer.
- Bob Pettit (St. Louis Hawks): 1 titre NBA, 2 titres MVP, 11 fois all-star, 11 fois All-NBA teams, Hall of Famer.
- Jerry Lucas (Cincinnati Royals): 1 titre NBA, 7 fois all-star, 5 fois All-NBA team, Hall of Famer.
- Tom Heinsohn (Boston Celtics): 8 titres NBA, 6 fois all-star, 4 fois All-NBA team, Hall of Famer.
- Tom Gola (New York Knicks) : 1 titre NBA, 5 fois all-star, 1 fois All-NBA team, Hall of Famer.
- K.C. Jones (Boston Celtics) : 8 titres NBA, Hall of Famer.
LE VOYAGE DERRIERE LE RIDEAU DE FER
Avant le début de la tournée en mai, les joueurs sont convoqués à Washington, D.C. Le secrétaire d’État Dean Rusk et d’autres responsables du département d’État leur font visiter la Maison Blanche. Après que le président Johnson leur a souhaité bonne chance et encouragé à faire de leur mieux pour représenter leurs compatriotes américains, l’équipe quitte New York le 2 mai (moins d’une semaine après la finale NBA remportée par les Celtics contre les Warriors).
La tournée débute à Varsovie sans Red Auerbach, qui s’occupe de la draft de la NBA. Bob Cousy dirige les deux premiers matchs, qu’ils remportent facilement par 20 et 36 points d’écarts. Lorsque Auerbach rejoint l’équipe à Cracovie, l’emblématique coach des Celtics a l’impression que son équipe prend les choses trop à la légère. Ni une ni deux, les trois matchs suivants, sont remportés par 42, 47 et 46 points d’écarts.

Les 5 matchs disputés en Pologne :
- NBA All-Stars / Legia Varsovie 96 – 76
- NBA All-Stars / AZS AWF Varsovie 94 – 58
- NBA All-Stars / Slask Wroclaw 110 – 68
- NBA All-Stars / Wisla Cracovie 117 – 70
- NBA All-Stars / Wybrzeze Gdansk 117 – 71
On ne sait pas grand-chose des étapes de la tournée en Roumanie et en Égypte, excepté le fait que douze matchs combinés ont été joués là-bas, et que Russell n’a pas joué en Roumanie en raison d’une « combinaison de maladie et de mal du pays ». Tous les matchs ont par ailleurs été remportés par plus de 20 points. Forcément avec l’exigence d’un Red Auerbach, cela aide.
La tournée doit initialement durer un mois. Cependant, les pays hôtes n’ont eu de cesse de demander plus de matchs et de clinic (sorte de master class sur les aspects techniques du jeu). Malgré la fatigue, la délégation a ainsi dû affronter des équipes nationales, des équipes militaires, des équipes universitaires. La tournée fait surtout face à un énorme problème de logistique. Toutes les villes ne possèdent pas forcément les infrastructures adéquats et un certain nombre de matchs sont joués dans des stades de football !
La dernière ligne droite est en Yougoslavie, pour cinq matchs du 29 mai au 4 juin. Il est à noter que cette étape a été beaucoup plus médiatisée que les autres à l’époque. Deux matchs sont joués contre une sélection des meilleurs joueurs serbes à Belgrade, bien sûr encore deux victoires écrasantes de 47 et 58 points d’écarts :
- NBA All-Stars / Belgrade 98 – 51
- NBA All-Stars / Belgrade 110 – 52


Au sein de cette belle équipe de Belgrade, on retrouve d’ailleurs des joueurs connus sur le vieux continent comme Nemanja Đurić et Pino Giergia qui font alors leur service militaire, ou encore le légendaire Mirko Novosel. On retrouve aussi la légende yougoslave du basket, et probablement le meilleur joueur européen de l’époque, Radivoj Korac qui est expulsé lors du deuxième match après avoir lancé le ballon dans les tribunes. Dans une interview de 1968, Red Auerbach déclarera que Russell a bloqué les cinq premiers tirs de Korac, ce qui l’a fait exploser de colère, d’où la raison de son expulsion. Pino Giergia est catégorique sur cette équipe :
« Quand nous sommes entrés dans la raquette, nous n’avons pas vu le panier, et encore moins eu la possibilité d’envoyer le ballon vers lui. Aucun de nous n’a ensuite tenté quoique ce soit dans la raquette, et nous avons vu pour la première fois Bill Russell mettre un dunk. »
Bob Cousy se remémore dans une interview cette tournée européenne :
« Ce fut une expérience phénoménale. Je me suis toujours demandé d’où ils ont obtenu les mesures sur le terrain, je n’avais jamais joué sur un terrain aussi étroit. J’ai également été impressionné par les planches en bois, car je n’avais jamais joué sur des planches en bois auparavant. Beaucoup de choses ont changé depuis, mais une chose est restée la même, c’est que les gens de ce peuple sont les plus proches de nous, les Américains, en termes de talent. »
Les deux matchs suivants sont disputés en Croatie, un à Zagreb et un à Karlovac. Le match à Zagreb est joué sur un terrain acheminé depuis Ljubljana et placé sur un terrain de football, 6 000 personnes assistent à la rencontre. Les locaux n’arborent pas le drapeau américain et n’ont pas l’intention de jouer l’hymne de l’Oncle Sam. En réaction, Red Auerbach refuse de faire jouer son équipe. Après un moment de flottement et le mécontentement de la foule, le drapeau est finalement hissé, l’hymne national est joué et les américains écrasent l’équipe croate de 22 points pour le premier match puis de 55 lors du match à Karlovac qui se joue d’ailleurs aussi à l’extérieur mais sur un terrain en béton avec des panneaux de bois :
- Croatie – NBA All Stars 71 – 93
- NBA All Stars – Croatie 110 – 65


LES ETATS-UNIS VS LE RESTE DU MONDE
Oscar Robertson déclare sur ses adversaires quelque chose d’étonnant pour l’époque, car le jeu était très peu porté sur le tir extérieur mais plus concentré sur le jeu intérieur :
« Nos adversaires européens étaient bien préparés physiquement. Les matchs pouvaient être assez physiques et le niveau de compétition était meilleur que prévu. Ils ont essentiellement fait tourner le ballon pour avoir un joueur ouvert qui pouvait tirer de l’extérieur, ils étaient de très bons tireurs extérieurs. Mais ils n’étaient pas très habiles au mouvement au poste ou même pour créer des tirs à partir du dribble, ils n’avaient pas beaucoup de jeu intérieur, pas que cela leur aurait changer grand-chose surtout quand on a Bill Russell positionné sous le panier. »
Les Américains remportent finalement tous les matchs de la tournée, et la plus faible écart est de 20 points en Pologne. Jerry Lucas relèvera après coup que les Polonais étaient les plus désireux d’apprendre le jeu des Américains. On ne peut s’empêcher d’imaginer que les scores auraient pu être bien pire, ces sept joueurs laissent une telle impression de domination. Tous ont apporté leur pierre à l’édifice, Heinsohn est l’un des meilleurs marqueurs de cette tournée, Russell un véritable rempart sous le panier, Lucas et Pettit tout en maitrise à la fois en attaque et en défense, enfin Robertson et Cousy sont d’excellents techniciens balle en main.
Et tout cela sans préparation avant d’entreprendre ce périple ! Red Auerbach a fait du Red Auerbach, une attaque construite sur la vitesse, la préparation physique, l’équilibre, le rebond et surtout une excellente défense. La NBA ne comptant que neuf équipes et 80 matchs à l’époque, les joueurs « non Celtic » de l’équipe connaissaient la façon de jouer du technicien.
UNE TOURNEE MALHEUREUSEMENT IGNOREE
On peut penser qu’une équipe de sept joueurs NBA et un coach légendaire, méritaient une couverture médiatique décente dans leur pays. Malheureusement, ce ne fut le cas uniquement dans les pays hôtes . En 1964, peu de chaînes de télévision couvrent la balle orange outre-atlantique et la NBA est loin derrière d’autres sports comme le baseball et le football en termes de couverture médiatique. D’ailleurs à l’époque, la NCAA (championnat universitaire) fait plus de recette que la NBA.


Quelques articles ont tout de même relaté l’événement mais il a fallu attendre le NBA All-Star Game de 2014 et une émission spéciale de la chaine TNT d’une heure sur Oscar Robertson pour qu’on parle véritablement de la tournée de 1964.
Au final, cette première « Dream Team » est malheureusement oubliée à l’instar de celle de 1992, mais cette équipe laissera tout de même une belle image du basket américain dans les pays de l’ex-URSS lors de cette guerre froide..
Crédit photos : DavorVitkovic
Merci Yvan de nous avoir fait découvrir cette pépite méconnue du Basket américain !
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