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[ITW] – Milica Radovanovic « J’ai été la première joueuse étrangère à jouer en France »

Interview

Montage Une : Laurent Rullier pour Basket Rétro

Les Demoiselles de Clermont lui doivent beaucoup. Milica Radovanovic, star du basket Yougoslave des années 60 et double championne de France en 1968 et 1969 avec le CUC, a accepté pour Basket Rétro de revenir sur sa carrière incroyable. Interview !

Basket Rétro : En 1968, le 9 mars, le CUC devient Champion de France pour la première fois en battant la Gerbe de Montceau les Mines. Est-ce que vous vous souvenez de ce moment ? 

Milica Radovanovic : Je me souviens de cette rencontre et cela a été un grand moment d’émotion pour l’équipe qui était entrainée par Édith Tavert. Moi, je l’aidais aux entrainements à ce moment-là. Le CUC était un club familial très bien organisé pour son époque autour de son président Michel Canque et de sa femme Monique. Après le match et ses détails, je n’en ai plus beaucoup de souvenirs. C’était il y a si longtemps…

Notre photo : Le CUC, Champion de France 1968 avec Milica Radovanovic (numéro 10) – Source : Basket-Ball Magazine

BR : Il y a deux Yougoslaves dans l’équipe. Natacha Bebic et vous… Vous nous expliquez…

MR :  Elle est arrivée en décembre 1967 mais je ne me souviens plus des conditions de sa venue. Par contre, on s’entendait bien avec Natacha. Elle jouait pivot et elle nous a beaucoup aidé sous les panneaux. Moi, je jouais meneuse donc les liens entre nous se devaient d’être importants.

Le Radnicki est le grand rival sportif de l’Etoile Rouge à cette époque là et le recrutement se faisait le plus souvent dans les écoles.

BR : La même année vous êtes médaillée aux Championnats d’Europe en Italie avec l’équipe nationale Yougoslave. C’est la plus grande année sportive de votre carrière ?

MR : La fédération yougoslave m’a téléphoné à l’époque pour que je vienne aider l’équipe pour ce championnat. Je devais faire la transition entre les générations. Je suis donc rentrée en Yougoslavie pour la préparation qui s’est déroulée à Split. Nous avons très bien travaillé avant d’arriver à Messine. Moi, j’étais capitaine de l’Équipe nationale depuis un bon moment. Il faut bien avoir en mémoire que l’équipe de Yougoslavie de l’époque, se compose de Croates, de Serbes ou de Slovènes par exemple. Mais malgré cela, nous ne dominions pas les grands championnats. L’URSS, la Bulgarie ou la Tchécoslovaquie étaient très fortes, trop fortes. Cette médaille est la première pour la Yougoslavie. J’étais si heureuse ! Mais c’était quand même un peu inattendue même si on se prépare toujours pour gagner.

Notre photo : L’équipe de Yougoslavie, vice championne d’Europe, à Messine en 1968. Source : Kosmagazin.com

BR : Milica, vous êtes née en 1938, en Serbie. Qu’est ce que vous voulez nous dire de votre enfance ?

MR : Je suis née à Belgrade, en août 1938, le 5. Ma famille était pauvre mais j’ai quand même fait des études qui m’ont permis de décrocher un baccalauréat. Ensuite, comme j’étais basketteuse, j’ai pu aller à la Faculté. C’est là que je suis ensuite devenue professeur d’EPS.

BR : Comment venez-vous au basket ? Et comment se passe votre formation ? Madlena Staneva, de nationalité Bulgare, nous disait avoir été repérée à 10 ans puis recrutée par le Levski Sofia à 18 ans. 

MR : J’ai commencé tard le basket, à 14 ans. J’ai en fait découvert le basket à l’école. Un jour, un entraineur du Radnicki Belgrade est venu voir notre séance de sport et il m’a recruté. Le Radnicki est le grand rival sportif de l’Etoile Rouge à cette époque là et le recrutement se faisait le plus souvent dans les écoles. Ensuite, je m’entrainais trois fois par semaine, le plus souvent sur des terrains en extérieur et puis je suis devenue professionnelle, à 17 ans. On ne faisait pas toujours du basket, on jouait aussi parfois au handball.

 

BR : Qu’est-ce que vous pouvez nous dire du Championnat Yougoslave de l’époque ?

MR : Le championnat est très difficile à gagner parce qu’à l’époque, il y avait six républiques en Yougoslavie. Au Radnicki, nous jouions ensemble depuis les juniors alors nous étions très soudées dans l’équipe et on se connaissait par cœur. Nous avons été championnes a de nombreuses reprises : 6 fois entre 1960 et 1967. Moi, j’ai eu la chance d’être désignée quatre fois MVP de ce championnat. J’ai été également quatre fois meilleure marqueuse de cette compétition.

BR : En 1956, à Prague, à 18 ans, vous participez à votre premier grand championnat où vous terminez 9ème avec une formation menée par Tatjana Zokovic. Quels souvenirs en avez-vous ? 

MR : J’ai débuté à 17 ans en équipe nationale et oui cette compétition est mon premier grand championnat. J’ai une anecdote croustillante à ce sujet. Pour aller à Prague, on a pris le train de Belgrade. Et nous avons fait une escale à Vienne. Avec une copine, comme on avait un peu de temps devant nous, on a fait une balade dans Vienne. Mais le train est parti sans nous... Et nos passeports étaient avec la délégation et cela a posé de petits problèmes (elle se marre). J’en rigole maintenant mais la situation était tout sauf drôle sur le moment. On a finalement rejoint Prague avec l’équipe d’Ukraine… Notre entraineur était furieux ! Je pensais qu’on allait nous renvoyer à Belgrade mais finalement, on a joué quand même.

BR : En 1964, vous disputez le Championnat du monde au Pérou. C’est forcément quelque chose d’exceptionnel.

MR : C’est une grande découverte ce championnat 1964. Nous sommes parties de Sofia en avion. On a fait ensuite une escale à Paris pour aller chercher les françaises puis on s’est arrêté à Prague pour aller chercher les Tchèques. Ce n’était pas très logique (elle se marre). Mais à l’époque, c’était comme cela ! Je me souviens de la vue de l’océan dans l’avion. C’était si beau ! On a joué à Aréquipa puis à Lima pour les finales. Nous avons terminé avec la Yougoslavie à la sixième place. Au premier tour, je me souviens avoir battu l’Argentine et la Corée avant de perdre contre la Tchécoslovaquie. Lors du match contre les Russes au second tour, malgré la défaite, j’ai marqué 18 pts et j’ai été désignée MVP du match. C’est un grand souvenir pour moi. Cette compétition était très dure car on jouait à 2000 mètres d’altitude une chose qu’on ne connaissait pas jusqu’ alors.

Nos photos : Milica Radovanovic sous les couleurs de la Yougoslavie. Source : Collection personnelle de Jackie Chazalon

BR : Comment on gère une compétition avec 8 matchs en 10 jours. On termine épuisée ? 

MR : Fatiguée, pas vraiment parce que notre préparation était très dure. Et puis, à l’époque, tous les championnats se déroulaient comme cela. On jouait dehors donc c’était aussi différent.

Et pour tout vous dire, c’est grâce à Jackie Chazalon que j’arrive en France.

BR : En regardant les stats des différents grands championnats, on se rend compte que vous avez de grandes leaders offensives comme Tsmiljka Kalusevic, Jelica Kalenic, Tatjana Zokovic  ou vous. Comment expliquez vous cela ? 

MR : On avait, c’est vrai, un jeu très porté sur l’attaque. La slovène Mirka Kalusevic faisait 2 mètres ! Kalenic jouait avec moi au Radnicki Belgrade et on a gagné beaucoup de matchs ensemble. Jelica jouait pivot et était assez grande. Zokovic jouait à l’intérieur aussi. Comme j’étais meneuse je leur donnais souvent la balle. Et puis à l’époque, j’étais le seule à pratiquer le jump shoot en Yougoslavie.

BR : Et puis vous arrivez en France. Vous avez 30 ans. Comment s’est passée cette arrivée ? 

MR : Je suis venu avec mon mari. Pour être plus précise, je suis arrivée en septembre et lui en décembre 1967. Et pour tout vous dire, c’est grâce à Jackie Chazalon que j’arrive en France. Au départ, le barrage de la langue a été très difficile à accepter pour moi. Je ne cessais de répéter : bonjour ou comment allez-vous ? (elle se marre). Et, en 1968, quand Edith Tavert a souhaité arrêter, j’ai repris l’équipe en main sans avoir un français excellent. C’était très compliqué pour moi d’avoir du mal à me faire comprendre des joueuses que je coachais. Heureusement, les filles étaient toutes sympas et il y avait Jackie donc cela s’est plutôt bien déroulé. Et puis, nous avons été à nouveau championnes ! J’avais eu aussi des contacts en Italie mais le projet du CUC m’a beaucoup plus.

Pour la finale contre Montceau-les-Mines, j’étais enceinte de quatre mois. Et comme, j’étais très mince à l’époque, cela s’est forcément vu ! Mon fils Bogdan est ensuite né en 1970.

BR : On suppose que cela a été un dépaysement pour vous. Qu’est ce qui vous a surpris en France ? 

MR : Jackie m’a beaucoup aidé. Elle a tellement fait pour moi… Jackie traduisait ce que je disais pendant les entrainements avec les mains ! Et les filles, je le répète, ont été très sympa. On s’est préparé à St Tropez parfois. C’est pas mal non ? (elle se marre). Ce qui m’a surpris ensuite en France, ce sont les routes. Tout y est bien organisé, ce qui n’est pas le cas en Yougoslavie à l’époque. Et Paris est si joli ! Je la compare à Saint Petersbourg. Il y a également beaucoup de petits villages charmants. La France est un pays très particulier et très beau !

BR : Quand êtes-vous partie de France ? 

MR : J’ai tellement pleuré en partant… je ne pourrais jamais oublier mon passage en France ! Je suis partie parce que j’attendais un enfant. Pour la finale contre Montceau-les-Mines, j’étais enceinte de quatre mois. Et comme, j’étais très mince à l’époque, cela s’est forcément vu ! Mon fils Bogdan est ensuité né en 1970.

BR : Comment avez-vous vécu votre fin de carrière ? Est-ce que vous étiez prête à cela ? 

MR : Avec mon fils et ma longue carrière, cela n’a pas été trop difficile. Après, j’ai rejoué au Radnicki qui était en difficulté. Je ne pouvais pas laisser le club comme cela. En même temps, j’étais professeur de Sport.

J’ai joué 153 fois en équipe nationale ce qui est un record pour la Yougoslavie.

BR : Est-ce qu’il y a des joueuses qui vous ont marqué pendant votre carrière ? 

MR : Il y a beaucoup de joueuses qui m’ont marqué. Les Bulgares Elena Kafalieva et Borisava étaient d’excellentes joueuses. La Russes Semenova était exceptionnelle. Ce n’est pas parce que c’est mon amie mais Jackie Chazalon est une joueuse d’exception. Elle savait tout faire sur le terrain et son shoot était formidable.

BR : Avec le recul, et vous n’avez pas le droit d’être modeste ! Quel regard portez-vous sur votre carrière ?

MR :  Je suis très fière de ma carrière ! J’ai reçu de nombreuses médailles en Yougoslavie comme la médaille Tito ou la médaille Milosevic. Ce sont des distinctions importantes en Yougoslavie que peu de sportifs ont la chance d’avoir. Notre fédération Yougoslave nous a beaucoup récompensées comme nous sommes les première équipe féminine de basket de l’histoire à gagner une médaille dans un grand championnat. J’ai joué 153 fois en équipe nationale ce qui est un record pour la Yougoslavie.

BR : Le dernier mot c’est pour vous Milica… 

MR : Je suis très heureuse de pouvoir vous parler de mon parcours en France. Ce que vous faites pour les anciens grands champions est quelque chose de très important. J’ai lu vos articles sur Edith Travers, Yannick Stephan, Ginette Mazel ou Jackie Chazalon. Vous n’oubliez pas les gens : merci. Pour moi, cette interview est une belle chose. J’étais très étonnée que vous me contactiez. Vous n’oubliez pas les anciens champions. Merci !

Propos recueillis par Guillaume Paquereau pour Basket Rétro. Un grand merci à Milica Radovanovic pour sa disponibilité et sa capacité à s’exprimer dans un français encore impeccable.

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About Guillaume Paquereau (70 Articles)
Amoureux de Gozilla depuis mon plus jeune âge, je suis devenu fan des Suns ! De Sir Charles à Dan Majerle en passant par Nash, via Stoudemire pour aller jusqu'à Devin Booker : PHX a le monopole de mon coeur. Je veux du soleil !

1 Comment on [ITW] – Milica Radovanovic « J’ai été la première joueuse étrangère à jouer en France »

  1. Tout comme M. Radovanovic, je félicite M. Paquereau pour nous remettre en mémoire ces illustres joueurs qui ont tant contribué au développement de notre basket. Les anecdotes et le contexte nous rappellent les conditions de pratique, Bravo et Merci à ses pionniers et encore de nombreux articles comme celui-ci M. Paquereau.

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