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[Portrait] Orlando Woolridge, coke en stock

Portrait

Montage Une : Aurélien Sohard pour Basket Rétro

Tombé dans la cocaïne au milieu des années 80, Orlando Woolridge n’a pas eu une carrière à la hauteur de son talent. Coéquipier de Michael Jordan, Magic Johnson et Isiah Thomas, il a dû attendre un passage Outre-Atlantique pour soulever ses premiers trophées. Dunkeur infatigable et showman dans l’âme, il laisse derrière lui des tonnes de highlights et de regrets.

BATI POUR LE SHOW

31 mai 2012, Orlando Woolridge est retrouvé mort au domicile de ses parents. Une fin tragique à 52 ans seulement. L’ancien NBAer avait subi déjà deux crises cardiaques avant de succomber d’une maladie chronique coronaire. Trop fragile pour subir une transplantation, Woolridge était retourné dans son cocon familial pour ne pas sombrer dans la dépression. Incapable de conserver un job du fait de son état de santé, il a payé le prix fort de ses écarts de conduite durant sa carrière. Une carrière qui aurait pu être exceptionnelle. Larry Bird voyait en lui un multiple All Star en puissance à ses débuts. Mais, Orlando a pris des chemins de traverse dans une ligue minée par les problèmes de drogue. Sa route s’est arrêtée, là où elle avait commencé, à Mansfield, une bourgade de Louisiane perdue au milieu des forêts de pins. Cousin du Hall of Famer Willis Reed, Woolridge a le basket dans le sang. Son père Larnceen aime rappeler qu’Orlando a appris à marcher avec un ballon dans les mains pour l’aider à garder l’équilibre. Logique de le retrouver quelques années après, faire la pluie et le beau temps dans le lycée du coin. Star dans une minuscule highschool de classe C, il fait ses bagages chez les Mountaineers de Mansfield dans sa dernière saison. Son objectif, attirer l’attention des recruteurs NCAA.

Pari réussi ! Woolridge reçoit des offres de bourses émanant de tout l’état dont le joyau de la Louisiane, les Tigers de LSU. Son potentiel dépasse les frontières avec des propositions également des Sooners d’Oklahoma et de l’université de Notre Dame. Cette dernière exalte particulièrement le jeune homme. Abonnés au tournoi NCAA durant les 70’s, les Fighting Irishs font partie du gratin universitaire. Sur proposition de Willis Reed, le coach de Notre Dame, Digger Phelps invite Orlando sur le campus. Il parcourt alors plus de 1500 kms pour se rendre dans l’Indiana. Il tombe immédiatement sous le charme du programme sportif, même s’il sait qu’il devra se contenter de miettes pour sa saison freshman. En 1977, l’effectif est pléthorique avec sept futurs NBAers à son bord, parmi lesquels Kelly Tripucka et Bill Laimbeer. Orlando est la dixième roue du carrosse avec seulement 4.1 points en 10 minutes. Sorti tout droit de sa forêt, il est surnommé Tree par ses coéquipiers, en rapport à son corps sculpté dans le bois. Adepte des séances interminables de musculation, il fait l’admiration des fans par ses prouesses athlétiques. Dunkeur infatigable, il assure le show pendant les échauffements. Lors de la présentation de l’équipe, le speaker Jack Lloyd en rajoute des caisses en criant dans le micro, Ourlllllando Woooooolriiidge ! Pour ses débuts en NCAA, le freshman assiste à la meilleure saison de l’Histoire de la fac. Un parcours quasi sans faute à domicile avec 16 victoires en 17 matchs débouchant sur le quatrième bilan du pays (23-8). Pour la première fois, les Fighting Irishs se hissent au Final Four, tombant les armes à la main contre Duke, 86-90.

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© Notre Dame Athletics

Le départ de certains cadres, la saison suivante, offre des opportunités à Orlando. Il gagne ses galons de titulaire pour ne plus les lâcher jusqu’à la fin de son cursus. Son style de jeu détonne complètement dans le collectif orchestré par le meneur John Paxson. Rapide, agile balle en main, Woolridge est une force brute naturellement attirée par le cercle. Doté d’une détente jamais vue sur le campus, son sens du spectacle en fait le chouchou du public. Illustration contre Dayton en février 1979, où les Irishs sont à la traîne avant d’aborder le money time. Orlando intercepte la gonfle, puis seul en contre-attaque, il sort un windmill à 180° qui fait exploser la salle. Le point de départ d’un run létal au cours duquel les fans ne s’assiéront plus. Il n’y a pas que sur le parquet que Woolridge fait le show. Son dortoir est de loin le plus populaire de la fac, ouvert à tous ceux qui veulent se payer une tranche de rigolade. Stan Wilcox, son coéquipier, résume parfaitement son état d’esprit. Il compare Orlando à Tom Hanks dans le film « Big », un môme dans un corps d’adulte qui vous fait retrouver votre âme enfantine à s’amuser de tout. Une joie de vivre qui déteint sur le reste de l’équipe. Catalyseur collectif, Woolridge progresse chaque saison, passant de 11.0 à 12.2 points pour terminer à 14.4 unités. Malheureusement, Notre Dame ne retrouve plus le Final Four, éliminés tour à tour par les Spartans de Magic Johnson puis par un shoot au buzzer de Danny Ainge contre Brigham Young.

Individuellement, Orlando n’a pas grand-chose à se reprocher. Utilisé au poste de pivot par son coach malgré la présence du baobab Joe Kleine, il se coltine défensivement les meilleurs big men du pays. Son duel contre Ralph Sampson reste d’ailleurs gravé à jamais dans les mémoires. Tête de série numéro un, Virginia est sur une série de 28 victoires consécutives avant d’affronter les Fighting Irishs. La mission d’Orlando, contenir comme il peut Sampson et ses 2m24 ! Non seulement, Woolridge frustre la grande tige en pratiquant une défense physique, mais en plus, il devient le héros du match en inscrivant un game winner en bordure de touche. Son plus beau souvenir universitaire :

Je ne pensais pas du tout à l’attaque pendant la majeure partie du match. J’essayais de refuser le ballon à Ralph. De toutes les manières possibles. Pour être honnête, je l’idolâtrais presque. Faire ce qu’il a fait contre Ohio State (40 points et 16 rebonds), c’était irréel. J’ai essayé de le rudoyer de temps en temps, de lui faire perdre le rythme. Je n’aime pas jouer de cette façon, mais il est si puissant. J’ai essayé de le frustrer et de l’intimider. Je ne sais pas si cela a fonctionné. Ce que je sais, c’est qu’il m’a intimidé, avant que je rentre ce game winner. Enfant, vous vous amusez avec des shoots comme ça dans le jardin. Mais vous ne pensez jamais que ça se produira dans un match. Et sûrement pas pour gagner un match comme celui-ci.


LE TRAVELLING COCAINE CIRCUS DE CHICAGO

Draft 1981. Derrière les futurs All Stars Mark Aguirre et Isiah Thomas, aucun prospect ne fait l’unanimité. Avec le sixième choix, les Bulls sélectionnent Orlando Woolridge. Pour épauler son pivot vétéran Artis Gilmore et l’arrière scoreur Reggie Theus, Chicago veut du talent sur son aile. Ironie, Woolridge est appelé six places devant son ancien coéquipier Kelly Tripucka, pourtant meilleur marqueur de Notre Dame chaque saison. C’est le physique d’Orlando qui a fait la différence, les dirigeants chicagoans fantasmant sur son profil NBA Ready. Pour lui faire place nette, les Bulls n’hésitent pas à couper l’ailier Scott May, drafté à la deuxième place cinq ans auparavant. Et au moment de signer son contrat, les choses s’enveniment. Le rookie veut tout de suite se mettre à l’abri financièrement. S’en suit un bras de fer avec le general manager qui ne cède que mi-novembre. Woolridge signe pour 1,5 million sur cinq ans, faisant de lui le Bull le plus payé du roster derrière Gilmore. Avec la saison déjà lancée, il met du temps à trouver le rythme pour ne s’imposer qu’à partir de mars avec 10.3 points et 4.2 rebonds en 20 minutes. Pas suffisant pour les playoffs. Avec un roster mal construit, Chicago enchaîne les défaites et vire le coach légendaire de la franchise, Jerry Sloan, pour nommer à sa place, le GM Rod Thorn. Un dysfonctionnement de plus dans ces Bulls des eighties. Gangréné par des problèmes de drogue, le vestiaire de Chicago fait régulièrement la Une des faits divers, pour une équipe bientôt baptisée Travelling Cocaine Circus. A 22 ans, Orlando tombe dans la mauvaise école.

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© nba.com

Pendant deux saisons encore, c’est la même corrida chez les Bulls : 28 victoires en 1983 puis 27 en 1984. En revanche, individuellement, Orlando explose les compteurs pour devenir le go to guy de l’équipe avec 19.3 points, trois ans après sa draft. Irrésistible sur jeu rapide, Woolridge ponctue bien souvent les contre-attaques, la tête dans le cercle. A défaut de ramener des victoires, il produit le show. Aussi, quand la NBA décide de lancer un concours de dunks lors du All Star Game 1984, le nom du joueur des Bulls apparaît en tête de liste. Inspiré de la défunte ligue ABA, ce Slam Dunk Contest met en scène la crème de la crème en matière d’arabesques aériennes avec notamment Clyde Drexler, Julius Erving, Dominique Wilkins et Larry Nance pour accompagner Woolridge. A la bourre après un dunk raté, Orlando donne tout sur son troisième essai. Parti ligne de fond, il se passe la gonfle dans le dos puis exécute le premier Rider de l’Histoire. Une figure classique banalisée par Isaiah Rider, dix ans plus tard, mais la paternité du dunk entre les jambes revient bien à Woolridge. Malgré cette originalité, il récolte la note de 48 et doit dire adieu à la finale remportée par Larry Nance.

A force de squatter le bas de la Conférence Est, les Bulls héritent du troisième choix de la draft 1984. Devant eux, les Trailblazers optent pour le pivot Sam Bowie. Le GM Rod Thorn est alors tout heureux de réaliser le casse du siècle en choisissant Michael Jordan. En l’espace de quelques semaines, Hir Airness vole la vedette à Woolridge que ce soit au scoring ou en termes de highlights. 37 points pour son troisième match contre les Bucks, 45 points au bout de quinze jours face aux Spurs, la hype autour de MJ grimpe en flèche. De nouveau convié au Slam Dunk Contest, Woolridge est encore éclipsé par Jordan, finaliste de l’édition. Relégué au second plan, c’est pourtant Orlando le métronome de l’équipe : sur les 30 premiers matchs, il score au moins 20 points à 26 reprises ! Mieux que le rookie. Bilan en fin de saison régulière, 28.2 points pour MJ et 22.9 points pour Woolridge, un duo de taureaux ailés qui qualifient les Bulls en playoffs quasiment à eux seuls. Le premier tour contre les Bucks est fatal, mais pour sa découverte de la post-season, Orlando s’illustre avec 20.5 points sur la série. L’avenir appartient à Chicago qui profite de l’intersaison pour enfin se structurer. Le general manager Rod Thorn cède sa place à Jerry Krause, sur le banc Stan Albeck et son assistant Tex Winter prennent les rênes de l’équipe, tandis que la star George Gervin est recrutée pour son expérience.

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© Bulls Yearbook 1985

De bonnes intentions qui retombent comme un soufflé. Au bout de trois matchs, Michael Jordan se fracture le pied gauche. Pendant cinq mois, Woolridge redevient le boss offensif. Il assume pleinement ces fonctions en envoyant 21.5 points, 5.0 rebonds et 3.4 passes. Dans le lot, on trouve huit matchs à plus de 30 points et son record en carrière à 44 unités dans une victoire contre les Suns. Il maintient tant bien que mal Chicago dans la course aux playoffs. Et quand MJ revient mi-mars, le tandem arrache in extremis le huitième spot à l’Est. Face à eux, l’armada celte de Larry Bird & Co, futurs champions cette saison-là. Un duel bien trop déséquilibré sur le papier au cours duquel Jordan marque l’Histoire avec un record au scoring sur un match de playoffs. Dans ce game 2 passé à la postérité, il inscrit 63 points. Derrière cet exploit, Woolridge ajoute 24 points et 9 rebonds… en vain. Sweepés par Boston, le one-two punch a pourtant alimenté 58% de la marque des Bulls sur la série ! Avec un tel duo offensif, les dirigeants devraient être tentés de construire autour d’eux. Mais, la vie extra-sportive d’Orlando va le rattraper. En mars, l’ailier avait raté deux matchs consécutifs pour problèmes personnels. Sans réelle explication de sa part, la franchise l’avait alors mis à l’amende. Sommé de se présenter après une semaine d’absence, Orlando fait un retour pour le moins fantomatique : 5 points contre les Hawks et une bulle contre New York. Le point de départ d’un conflit avec Jerry Krause. Agent libre pendant l’été 1986, les Bulls le laissent filer aux Nets en échange de picks de draft. Officiellement, le front office déclare le profil d’Orlando incompatible avec celui de Jordan. Des styles de jeu trop similaires. Officieusement, Chicago opère une grande purge anti-drogue en pratiquant l’addition par soustraction.

Dans les seventies, la consommation de cocaïne chez les joueurs NBA est estimée entre 40 et 75%. Avec les déplacements incessants et le stress lié à l’enjeu sportif, la coke est le remède clandestin pour tenir le choc. Conséquence, les salles se vident, les audiences sont en berne et certaines franchises perdent de l’argent. Nommé à la tête de la NBA en 1984, David Stern en fait son cheval de bataille. Les general managers lui emboîtent le pas dans ce grand nettoyage. Réputé comme l’un des pires vestiaires en matière de cocaïne, les Bulls n’échappent pas à la chasse au diable. Un lessivage fomenté par Michael Jordan himself. Des années plus tard, MJ est revenu sur une mésaventure qui lui est arrivée lors de sa saison rookie :

Je crois que nous étions dans un hôtel à Peoria et j’essayais de retrouver mes coéquipiers. J’ai commencé à frapper aux portes. A l’une des portes, j’ai entendu une voix dire « Chut, quelqu’un est dehors ». Cette voix demande alors « Qui est-ce ? ». Je réponds, c’est MJ, et ils disent « Ah, putain, c’est juste le rookie. Ne vous inquiétez pas ». Ils ouvrent la porte. J’entre. Pratiquement toute l’équipe était là. C’étaient des choses que je n’avais jamais vues de ma vie d’ado. Vous aviez des rails de cocaïne d’un côté et des fumeurs de weed de l’autre. La première chose que j’ai dite : « Je pars ». Parce que j’ai pensé, si cet endroit est démasqué maintenant, je suis aussi coupable que tout le monde dans cette pièce. À partir de ce moment-là, j’étais plus ou moins seul dans l’équipe.


PAS CLEAN CHEZ LES NETS

Les Bulls prennent le taureau par les cornes et se séparent petit à petit des frondeurs. En l’espace d’un an, les mouvements donnent le tournis : Ennis Whatley, meilleur passeur de l’équipe, transféré, Steve Johnson, 10 points et 6 rebonds, sacrifié contre un pick, Rod Higgins coupé, les intérieurs Sidney Green et Jawann Oldham envoyés à la concurrence. Quant à Quintin Dailey (16.4 points en 1986) et Woolridge, Chicago les laissent libres à la free agency. Un grand ménage qui permet à Chicago de repartir sur des bases saines avec le succès que l’on connait. Pour Orlando, c’est tout le contraire. En posant ses valises dans le New Jersey, ses ennuis ne font que commencer. La franchise est orpheline de Micheal Ray Richardson, banni à vie par David Stern, pour de multiples violations du règlement anti-drogue. Dans un effectif pauvre en talents, Woolridge émarge encore à plus de 20 points de moyenne, pour terminer avec seulement 24 victoires. Incapable de hisser le niveau de l’équipe, il apparaît de plus en plus comme un scoreur solitaire.

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© USA Today Sports

Le camp d’entraînement 1987 donne le premier signal d’alarme. Le 16 octobre, le coach des Nets Dave Wohl est appelé par le motel de Princeton, où l’équipe réside durant le camp. Une femme de chambre s’est plainte d’un désordre dans l’une des chambres et ne voulait pas être accusée d’avoir volé des objets personnels. Sans surprise, il s’agit de la chambre de Woolridge. Quand Wohl débarque, au milieu d’un capharnaüm sans nom, il retrouve de la poudre blanche sur la table de chevet et une canette découpée sur le dessus avec un tube sortant sur le côté. Sans être des stups, difficile de ne pas voir les traces de consommation de drogues, d’autant que Woolridge s’est pointé en retard à plusieurs entraînements cette semaine-là. Le coach investigue auprès d’Orlando qui réfute les faits, prétextant que le matériel appartient à un ami. Les soupçons sont trop forts pour que Wohl laisse passer. Il ordonne une réunion avec le general manager Harry Weltman. L’entraîneur souhaite que son joueur prouve sa bonne foi en pratiquant un dépistage ou alors c’est la cure de désintoxication. Non seulement Woolridge se pointe avec un jour de retard au meeting et en plus il ne reçoit qu’une petite tape sur les doigts de la part du GM, conscient que l’absence prolongée du joueur nuirait aux résultats sportifs. Plus tard, Wohl déclarera que le laxisme de la direction à pousser Orlando à se sentir tout puissant, l’entraînant parallèlement dans sa chute. Et il ne faut pas attendre longtemps pour que Woolridge touche le fond.

Début février 1988, il rate deux matchs consécutifs, un déplacement à Philadelphie puis un autre à domicile contre Seattle, sans donner la moindre nouvelle au club. Ce n’est que le lendemain qu’il appelle sa direction pour indiquer qu’il a raté le bus pour Phila. Sur le trajet, Orlando aurait eu un accident de voiture et se serait rendu aux urgences par peur d’un traumatisme crânien. Pour la forme, les Nets lui retiennent 22.000 dollars sur sa paie pour les matchs manqués. Woolridge essaie bien de revenir en jeu le temps de cinq rencontres, mais le cœur n’y est plus. Le 22 février, il se rend dans les bureaux d’Horace Ballmer, le directeur de la sécurité en NBA, pour avouer sa dépendance à la cocaïne. Comme il s’agit de sa première condamnation, la ligue prend en charge la totalité des soins sans perte de salaire. Chose qui n’aurait pas été le cas, s’il n’avait pas fait ses propres aveux. Il quitte immédiatement les Nets pour entrer en cure de désintoxication. Ironie du sort, il croise son oncle Willis Reed nommé head coach, fin février, pour redresser la franchise. Woolridge fait ses valises pour le ASAP Treatment Center à Van Nuys en Californie du Sud, l’institut de référence pour les sportifs de haut niveau. Depuis son ouverture, pas moins de 14 NBAers ont été traités pour leur addiction, parmi lesquels Roy Tarpley, Walter Davis, David Thompson ou John Lucas. Durée moyenne de la thérapie, 45 jours. Orlando, lui, fait une semaine de rab. Les trente premiers jours sont passés dans une chambre d’hôpital isolée sans téléphone ni télévision, le temps du sevrage. Ensuite, Woolridge rejoint des appartements plus traditionnels avec un programme de remise en forme drastique : réveil à 6h30 pour des séances de natation, de musculation et de shooting, le tout entrecoupé de rendez-vous avec un psychologue et de thérapies de groupe. La cure produit son effet chez lui, tout comme le couperet du bannissement en cas de récidive :

Ce fut un ajustement difficile pendant les deux premières semaines, mais lorsque vous vous habituez au régime, l’endroit devient un foyer loin de chez vous. Vous vous ennuyez de temps en temps. Il y a des choses que vous voulez faire et que vous ne pouvez pas. Mais, ce n’est pas comme si vous viviez en prison. Même si j’entends encore des choses infâmes dans les tribunes, comme des fans qui me traitent de clodo, je ne veux pas refaire ce programme. J’ai trop à perdre.


SUR LE CHEMIN DE LA RÉDEMPTION

A 29 ans, Orlando Woolridge repart de zéro, contraint de se refaire une réputation. Et la NBA ne va plus le lâcher, désormais, avec deux contrôles antidopage par semaine. Pour être sûr de ne pas replonger, il souhaite rester près de ses tuteurs au centre de Van Nuys. Une aubaine pour les Lakers situés à quelques kilomètres du ASAP Treatment Center. Champions en titre, les Californiens signent un renfort de poids pour leur second unit vieillissante. Magic Johnson réclamait un partenaire supplémentaire de alley-oops, le voilà servi. Quant au coach Pat Riley, il veut utiliser Woolridge en super sixième homme à la manière de Bob McAdoo quelques années plus tôt. Encore faut-il savoir dans quel état physique se trouve Orlando après de longs mois sans compétition ? Ses débuts sont plus que mitigés. Non seulement, il doit s’habituer à sortir du banc, mais en plus son inactivité a détraqué son rythme offensif. Dans la presse, il évoque avoir perdu sa fluidité corps-esprit. Avant sa cure, son instinct de scoreur le guidait vers les bons choix, tandis qu’à Los Angeles, il réfléchit trop balle en main, jusqu’à en devenir passif. Heureusement pour lui, les Lakers roulent sur l’Ouest, lui accordant le temps nécessaire pour retrouver ses sensations. Progressivement, il s’adapte à son nouveau rôle pour devenir un facteur X. Illustration en finale de conférence où il se distingue avec 14 points, 7 rebonds et 5 blocks dans le match pour éliminer les Suns. Quelques mois après avoir touché le fond, Orlando goûte aux Finales NBA. Jolie revanche qui tourne en une démonstration des Pistons. Byron Scott blessé, Magic diminué, il ne peut rien faire face aux Bad Boys, malgré une ligne de stats loin d’être ridicule : 9.5 points à 61%, 5.3 rebonds et 1.3 passe.

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Woolridge monte encore d’un cran sur la saison 1989-90. Avec des Lakers remaniés après la retraite de Kareem Abdul-Jabbar, il prolonge la période showtime avec des highlights à la pelle. Ce n’est pas le géant Manute Bol qui dira le contraire, postérisé deux fois au cours du même match. Cinquième joueur le plus adroit de la ligue avec 55,6%, il devient le booster offensif de la meilleure attaque NBA, scorant inlassablement entre 10 et 20 points chaque soir. Les Purple and Gold bouclent un bilan surprenant à 63 victoires, mais se prennent les pieds dans le tapis contre les Suns en demi-finale. Dans le seul succès californien, Woolridge engrange 21 points à 9/11 aux tirs. Sa dernière salve avec les Lakers. L’échec en playoffs pousse Pat Riley vers la sortie et conduit le management à opérer des mouvements. Principale cible sur le marché, Sam Perkins, un agent libre aux prétentions salariales aussi lourdes que son poids de forme. Victime collatérale de cette signature, Orlando Woolridge, bradé aux Nuggets pour faire de la place dans le salary cap. De nouveau titulaire dans les Rocheuses, il débarque en plein run and gun orchestré par le nouveau coach Paul Westhead. Dans cette gabegie offensive, Orlando s’éclate comme jamais avec un nouveau sommet en carrière : 25.1 points, 6.8 rebonds et 2.2 passes. Dans les chiffres seulement, car dans le jeu, Denver est à la ramasse. 113.7 possessions par match, 107 points encaissés en une mi-temps contre les Suns, aucun adversaire tenu à moins de 100 points pendant toute la saison et neuf matchs avec 150 points dans la musette. Autant de records NBA à l’époque pour une équipe qui termine avec 20 petites victoires. Une expérience qui n’est pas reconduite l’année suivante, la draft de Dikembe Mutombo mettant de l’ordre dans la défense. Orlando est une nouvelle fois sacrifié lors de ce changement de cap.

Echangé contre le très obscur Scott Hastings, il déménage du côté de Detroit pour des retrouvailles avec les Bad Boys. Fraîchement sweepés par Chicago, les Pistons veulent doper leur attaque, trop souvent réduite aux exploits d’Isiah Thomas et Joe Dumars. Troisième scoreur de Motor City avec plus de 14 points de moyenne, Woolridge répond aux attentes, sans que cela ne change la destinée de cette équipe en fin de cycle. Éliminé au premier tour par les Knicks, Detroit se sépare de lui à la trade deadline suivante pour l’expédier à Milwaukee. Trois transferts en quatre ans, la fin de carrière d’Orlando ressemble à un grand road trip. Free agent en 1993, il fait un dernier tour de piste chez les Sixers post-Charles Barkley. Dans un effectif en reconstruction, il prouve qu’il a encore du scoring plein les mains en tournant à 15.1 points après le All Star Break. Pourtant, il ne reçoit plus de propositions de la part des franchises NBA. L’envie de jouer est toujours présente, alors il accepte un nouveau challenge Outre-Atlantique en s’engageant avec le Benetton Trevise. Orlando se fixe, alors, le défi de dominer l’Europe à 35 ans passés.

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© Benettonbasket.it

Au début des nineties, le Benetton est un cador de la Lega. Champion d’Italie pour la première fois de son histoire en 1992 avec Toni Kukoc, le club veut renouer avec le succès en embauchant Woolridge. Le NBAer n’est pas seul à rejoindre l’armada avec les arrivées du sniper Petar Naumoski et du stratège Mike d’Antoni sur le banc. Le coach met en place un basket physique et spectaculaire qui correspond parfaitement à Orlando. Il envoie 30 points à 10/14 pour ses débuts dans le PalaVerde et boucle l’exercice avec 20.7 points et 5.3 rebonds. Il fait encore plus fort en playoffs avec 22.0 points sur les deux premiers tours avant de tomber sur un os en finale, nommé Buckler Bologne. Il se venge en Coupe d’Italie en décrochant son premier trophée à 36 ans. Cerise sur le gâteau, il est élu MVP de la compétition avec 23 points dans la finale remportée contre Trieste 81-77. Mais, ses plus grandes performances, Orlando les livrent en Coupe Saporta. Toujours dans ses standards – 22.5 points à 52,8% – pendant la phase de poule, il se sublime en demi-finale face à Antibes avec 65 points sur la série et garde le meilleur pour la fin. Il score 26 points à 11/17 aux tirs devant les 6000 spectateurs de la salle d’Istanbul pour offrir à Trevise son premier sacre européen. Pendant l’été, il déménage à Bologne, l’année où le Benetton est sacré champion. Il se console avec la première édition de la Supercoupe d’Italie, conquise contre ses anciennes couleurs. Sacré MVP du match, il range cette fois ses baskets pour de bons.

Passée cette parenthèse enchantée transalpine, Orlando garde un pied dans l’univers de la balle orange. Il devient l’entraîneur des Sparks de Los Angeles en WNBA entre 1998 et 1999. Une expérience où il a sous ses ordres une rookie pas comme les autres, Lisa Leslie. En quelques matchs, Woolridge en fait la pierre angulaire de l’équipe et laisse la future star en double double de moyenne. Pendant dix ans, il s’éloigne de la scène basket pour refaire surface en 2008 sur le banc des Rhinos d’Arizona en ABA. Un court mandat d’un an avant de disparaître des radars et replonger une nouvelle fois dans les abîmes. Rattrapé par ses problèmes cardiaques, Orlando enchaîne les petits boulots dans l’anonymat le plus complet. En proie à des soucis financiers, il est arrêté en mars 2012 pour un vol de tubes en aluminium sur un site de forage. Valeur estimée de la tuyauterie 1.500 dollars. Relâché après avoir versé une caution de 2000 dollars, Woolridge s’installe chez ses parents où il décède quelques mois plus tard. Sa mère Mattie se rappelle ses derniers moments en sa compagnie après son arrestation :

Il m’a dit « Maman, tu sais que je n’ai jamais voulu blesser personne ». Les gens ont essayé de lui courir après pour de l’argent parce qu’ils savaient qu’il en avait, mais ils ne l’aimaient pas vraiment. Il voulait être l’ami de tout le monde, mais il s’épuisait à chaque fois. Je lui ai dit d’être humble et gentil et c’est ce qui lui a gâche la vie. Les gens ont profité de lui. Il a souvent été en mauvaise compagnie et c’est là que ça a mal tourné pour lui. Quand l’affaire du vol est sortie dans le journal, il est revenu à la maison en pleurant. Il était tellement désolé. Il n’a pas pu parler la semaine dernière, mais il pouvait nous entendre. Sa respiration a ralenti et il est parti tranquillement.


STATISTIQUES ET PALMARES

  • Stats NCAA : 10.6 points à 59,5% aux tirs, 5.0 rebonds et 1.2 passe décisive
  • Stats NBA : 16.0 points à 51,3% aux tirs, 4.3 rebonds et 1.9 passe décisive
  • Stats Lega : 20.5 points à 51,8% aux tirs, 5.6 rebonds et 1.2 passe décisive
  • All-American Second Team (1981)
  • Vainqueur de la Coupe Saporta (1995)
  • Vainqueur de la Coupe d’Italie (1995)
  • Vainqueur de la Supercoupe d’Italie (1996)
  • MVP de la Coupe d’Italie (1995)
  • MVP de la Supercoupe d’Italie (1996)

ORLANDO WOOLRIDGE EN IMAGES

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About mosdehuh (31 Articles)
Tombé dans la NBA au début des 90's avec Penny Hardaway. Grosse passion pour les loosers magnifiques et les shooteurs. Supporter de la Chorale de Roanne depuis 3 générations.

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