[Portrait] Stephen Jackson, l’oeuvre de Dieu la part du Diable
Portrait
De Malice at the Palace à l’épopée We Believe, Stephen Jackson a marqué les esprits par ses sorties de piste incontrôlées comme par ses performances héroïques en fin de match. Un joueur incandescent aux multiples facettes, qui a traversé le globe avant d’avoir une fenêtre de tir en NBA. Un parcours stupéfiant fait de gloires et de déboires.
L’ORIGINE DU MAL
Stephen Jackson est un homme de contradiction. Sur son torse, il arbore fièrement un tatouage représentant une arme à feu sortant de la Bible. Le comble pour un joueur qui avait l’habitude d’aller à la chapelle avant les matchs et qui chantait dans la chorale de son église, plus jeune. Abonné à la rubrique faits divers pour des histoires sordides, Captain Jack est également décrit comme le coéquipier ultime par d’anciens partenaires, celui avec qui on peut partir à la guerre. Pour comprendre cette personnalité complexe et torturée, il faut remonter à son enfance passée à Port Arthur dans le Texas. Une ville de 50.000 habitants située dans la banlieue lointaine de Houston. Là-bas, se procurer un flingue est aussi facile que d’acheter un paquet de bonbons. 60% des jeunes vivent au rythme des gangs et des trafics de drogue. Les autres essaient tant bien que mal de survivre en multipliant les petits jobs. L’opportunité de sortir de la misère est faible, très faible. Comme si ça ne suffisait pas, Jackson n’a jamais connu son paternel. Quant à son beau-père, il purge une peine de prison pendant toute sa jeunesse. Du coup, c’est sa mère Judyette qui élève seule ses trois enfants. Stephen se retrouve avec des oncles et des cousins dans tous les coins de la ville. Mais, celui qui lui se sert de pilier, c’est son demi-frère aîné Donald Buckner. Très vite, il capte les aptitudes de son frangin pour le basket. Il le protège, alors, des dealers, lui interdit d’avoir un calibre, tout en le poussant vers la balle orange. En 1994, Buckner se fait rattraper par la réalité. Pour protéger sa petite amie, il s’interpose contre son ex, bientôt rejoint par deux autres caïds. Impuissant, il succombe quelques heures plus tard des coups et blessures. Un drame qui marque au plus profond de son être Stephen Jackson, âgé de 16 ans à l’époque :
C’est là que tout a commencé avec moi. Quand j’ai perdu mon frère, ça m’a chamboulé car dans ma ville, je connaissais tout le monde. Je me sentais intouchable. Quand mon frère a été tué, je savais qui avait fait ça. J’avais l’impression que j’aurais dû être là. J’avais l’impression que j’aurais pu changer quelque chose. Après l’avoir vu à l’hôpital avec 17 agrafes dans la tête, respirant à peine, j’ai quitté l’hôpital et j’ai cherché les gars. Je pensais à comment leur faire mal. J’aurais aimé être présent, car la personne que je suis maintenant, c’est grâce à lui. Comment être loyal. Comment être là pour vos amis. Je sais que Dieu travaille de manière mystérieuse et que tout arrive pour une raison. Je ne remets jamais Dieu en question. Mais chaque jour, j’aurais aimé pouvoir être là pour changer le destin.

Jackson à Lincoln High School © texashistory.edu
Pour se remettre de ce meurtre, Stephen écume les terrains jour et nuit. C’est là qu’il est repéré par Andre Boutte, le coach de la Lincoln High School à Port Arthur. Dans le jeu, Jackson semble possédé et fait preuve d’une ténacité rarement vue par l’entraîneur. Il déboule en plein milieu de saison dans l’équipe du lycée pour ponctuer un run de 27 victoires consécutives. Les Bees et Captain Jack deviennent l’attraction numéro un de la ville. Pour lui permettre de rester sur le droit chemin et lui enlever la pression de Port Arthur, Andre Boutte l’envoie passer les week-ends à Houston, dans la famille de son coéquipier Josh Pastner. Focus sur l’objectif collectif, Jackson guide les siens jusqu’en finale d’état contre Austin. Un match remporté 57-56 après prolongation dans lequel Stephen s’illustre avec 10 points, 7 rebonds et 5 blocks. Des débuts tonitruants gâchés quelques mois après par ses mauvais résultats scolaires. Face à son inéligibilité académique, il est envoyé à l’Oak Hill Academy en Virginie, une usine à champion réputée pour sa discipline : petit-déjeuner à 7h00, messe obligatoire, tests anti-drogue, interdiction de fumer, etc… Dans ce carcan, Stephen exprime son plein potentiel pour décrocher les honneurs de la Parade All-American Second Team en 1996. Et lors du All Star Game McDonald’s, c’est lui qui vole la vedette à Kobe Bryant, Mike Bibby et Rip Hamilton, en terminant meilleur scoreur de la rencontre.
Prospect très sérieux avant de rejoindre la NCAA, Stephen séduit par sa palette offensive et son énergie déployée en défense. Si son tir longue distance reste à travailler, il a un instinct inné pour pénétrer et finir près du cercle, sans jamais rechigner aux contacts. Son choix se porte sur l’Université d’Arizona, histoire de suivre son ami proche Mike Bibby. Le coach des Wildcats Lute Olson salive déjà de cette association à laquelle il faut ajouter les futurs NBAers Jason Terry et Michael Dickerson. Hélas, Jackson ne remplit pas les minima scolaires. Recalé à l’entrée de la fac, il ne peut que suivre de loin le sacre d’Arizona en 1997. Pour ne pas perdre complètement la main, il s’entraîne pendant un semestre au Butler Community College dans le Kansas. Il choisit, quand même, de se présenter à la draft sans le moindre match universitaire à son actif. Peu de chance de se voir appeler dans ces conditions, lorsqu’il reçoit un coup de pouce du destin. Virginia Bibby, la mère de Mike, est persuadé de son talent. Elle force la main du coaching staff des Suns pour le tester. Jackson transforme l’essai et se voit drafté à la 42ème position par Phoenix. Dans un effectif bien fourni en talents, il ne passe pas le cut du training camp, le coach Danny Ainge lui préférant un autre rookie, Marko Milic. Le chapitre NBA se clôt momentanément, le temps pour Captain Jack d’entamer un long road trip à travers le globe.

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Pendant trois saisons, la carrière de Jackson rebondit au gré de ses envies, avec parfois des escales très exotiques. Il débute classiquement par la CBA, l’antichambre de la Grande Ligue, chez les Bobcats de La Crosse. Après seulement six petits matchs à moisir sur le banc, Stephen a des fourmis dans les jambes. Il prend la direction de l’Australie pour s’engager avec les Sydney Kings. Le coach Bill Tomlinson est impressionné par ses performances en présaison et par l’enthousiasme qu’il dégage. Un enthousiasme de courte durée, puisqu’il se brise le pied lors de son quatrième match. Avec une rééducation estimée à trois mois, Sydney préfère le couper. Jackson reste dans l’hémisphère Sud pour un arrêt improbable au Venezuela. Dans un environnement où il ne comprend pas le moindre mot, il s’exprime sur le parquet en scorant 23 points de moyenne avec les Marinos de Oriente. En coulisses, il trouve le moyen de se prendre la tête avec des supporters locaux. Et quand un homme se suicide juste devant lui à la sortie d’un taxi, Stephen préfère changer d’air. Il fait son baluchon pour la République Dominicaine à Pueblo Nuevo ! Un endroit qui ne le dépayse pas tant que ça, les autochtones ayant pour habitude d’emmener leur flingue même au restaurant. Meilleur marqueur de la Ligue, il remporte le championnat national pour devenir l’idole de toute la région. Un statut de superstar qui ne remplace pas la NBA. Pendant des mois, Stephen implore son agent d’envoyer son CV aux franchises. A l’été 2000, son vœu est enfin exaucé.
Dans ses multiples tentatives pour accrocher une place en NBA, Captain Jack réalise un essai avec Memphis en toute fin des nineties. Un test ordonné encore une fois par Mike Bibby, la star montante de l’équipe. Le profil de Jackson tape dans l’œil de l’assistant des Grizzlies, Lawrence Frank. Aussi, lorsque celui-ci rejoint les Nets, il rapatrie Stephen dans le New Jersey. Cette fois, l’exilé ne rate pas le coche en envoyant 15.8 points en présaison, largement assez pour convaincre le coaching staff de le conserver. Et quand Keith Van Horn se brise la jambe, c’est lui qui prend sa place dans le starting five pour débuter la saison. Une occasion en or de se montrer ! Sur ses 40 titularisations, Stephen plante sa dizaine de points avec quelques dunks rageurs qui marquent les esprits. Le New York Times s’intéresse à son cas avec un portrait de ses aventures rocambolesques à l’étranger. La hype semble en marche, mais, au fil de la saison, son temps de jeu s’étiole. Une raison à cela, sa relation avec Stephon Marbury. En quête d’un mentor, Jackson s’est entiché du meneur All Star des Nets. Deux têtes brûlées dans le même panier, mauvaise idée. Au lieu de bosser son jeu, Captain Jack découvre la night new-yorkaise. Rattrapé par sa réputation, New Jersey décide de ne pas le prolonger à l’intersaison, son coach Byron Scott le jugeant trop immature.
J’ai trop fait la fête. Je n’avais que 22 ans. Je venais d’une petite ville où il y a 40.000 habitants, donc en arrivant dans le New Jersey, la proximité avec New York était attirante. En plus, j’étais avec un grand All-Star comme Stephon Marbury. Il m’appelait tous les soirs pour sortir avec lui. Je ne savais pas dire non.
LA PORTE DU PARADIS
Cette décision des Nets est un mal pour un bien. Lors de la free agency 2001, les Spurs tentent le pari via un contrat minimum de 1,3 million sur 2 ans. En matière de fortes têtes, Gregg Popovich en a vu d’autres. Connaissant le pedigree de Stephen, il clarifie immédiatement la situation. Le coach prévoit de bencher sa recrue une grande partie de la saison, histoire de lui mettre du plomb dans la tête. S’il n’est pas d’accord avec cela, c’est la porte ! S’il arrive en retard aux entraînements et ne fait pas de rab, idem ! Même si les endroits pour sortir sont moins nombreux à San Antonio qu’à Big Apple, Stephen fait l’inverse au début : il part en virée tôt pour rentrer tard. Sur ses rares apparitions sur le parquet, il ne parvient pas à canaliser ses émotions. Comme lors d’un match contre Minnesota, où il dégoupille complètement avec une faute flagrante sur Loren Woods. Bilan : un match de suspension et 7500 dollars d’amende. Jackson ne joue que 23 matchs cette saison-là pour à peine 10 minutes de temps de jeu, mais il survit au régime spécial imposé par Popovich. Les valeurs collectives prônées par l’organisation texane déteignent progressivement sur lui. Dans le vestiaire, son casier est placé à côté de celui de Tim Duncan pour qu’il s’empreigne de son professionnalisme. Quant à l’assistant Mike Brown, il s’attache à transformer sa soif de parquet en énergie positive. A l’orée de l’exercice 2002-2003, Jackson s’est enfin formaté au moule Spurs.

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Il envoie un premier message en novembre : 28 points contre les Lakers de Shaq et Kobe. Mal embarqués avec un seul shoot rentré sur leurs 19 premières tentatives, les Spurs recollent dès l’entrée en jeu de Captain Jack. Avec 8 tirs primés dans le match dont 7 consécutifs, son incandescence permet à San Antonio d’emporter le morceau 95-88. Premier fait d’armes de celui-ci qui sera toute sa carrière un streak shooter. Pas forcément régulier derrière l’arc, Stephen peut changer le cours d’une rencontre quand il prend feu. Une caractéristique encore plus visible lors des playoffs. Au premier tour, il retrouve son ancien acolyte new-yorkais, Stephon Marbury, passé entre temps chez les Suns. Avec Tony Parker en difficulté face à Starbury, Captain Jack joue les pompiers de service en étant le second scoreur des Spurs : 16.2 points dont 4 matchs à plus de 20 points sur une série pliée en 6. Il remet ça en finale de conférence contre Dallas, avec un scoring identique et son record en playoffs dans le Game 6. 24 points pour terminer les Mavs et soulager Duncan des prises à deux. La finale NBA a une saveur particulière. Sur la dernière marche, il est opposé à son ancienne équipe des Nets. Un homme est particulièrement dans son viseur, Byron Scott. Bien décidé à faire taire les critiques de son ancien coach, il active le mode revanche. Dans le match 6, c’est lui qui porte l’estocade fatale. Menés de 8 points à 10 minutes du terme, les Spurs se mettent au galop dès son entrée en jeu. Avec trois tirs primés de suite, Stephen impulse un run létal de 19-0. New Jersey ne s’en relève pas, San Antonio file vers le titre. A 25 ans, Jackson remporte le graal avec un rôle clé dans la campagne. L’occasion de régler ses comptes :
C’est agréable de gagner contre mon ancienne équipe. C’est vraiment quelque chose qui me tenait à cœur. Quand quelqu’un dit des choses sur moi, je ne l’oublie jamais. Les choses que Byron Scott a dites sur le fait que je n’étais pas coachable et que je ne pouvais pas jouer dans son équipe, peut-être qu’il avait raison. Là-bas, je n’étais pas professionnel, je n’étais pas concentré, je n’étais pas un homme, je n’étais pas focus sur le basket. Et puis, coach Pop m’a redonné la foi et la confiance. Pop me comprend mieux que quiconque. Il sait d’où je viens et que j’ai une rage énorme en moi. Il me laisse exprimer cette rage sur le terrain. Il me laisse être moi.
VOYAGE AU BOUT DE L’ENFER
Le succès peut vite monter à la tête. Alors que San Antonio lui déroule le tapis rouge avec un contrat de 10 millions sur 3 ans, Stephen refuse l’offre. Il pense valoir beaucoup plus et recherche un deal plus substantiel. Pas de chance, les franchises n’ont que peu de cap disponible cet été 2003. Le marché s’est vite asséché et cette fameuse offre n’est jamais venue. Du coup, il est contraint de se contenter d’un contrat de 2,1 millions sur 2 ans chez les Hawks. Une équipe complètement à la dérive depuis le début des années 2000, qui ne va pas arranger son cas. Sans cadre établi, il multiplie les injures aux arbitres et les expulsions. Le GM Billy Knight le punit même d’un match de suspension pour conduite préjudiciable à l’équipe. Seule consolation dans cette saison pourrie, la confirmation que Captain Jack peut être un scoreur élite. Plus de 18 points de moyenne avec une pointe record à 42 unités dans l’une des rares victoires des Hawks. En juillet, c’est la fin du calvaire. Atlanta qui vient de drafter Josh Smith et Josh Childress leur fait de la place dans l’effectif. Jackson est envoyé chez les Pacers en échange d’Al Harrington.

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Changement de décor dans l’Indiana. D’une équipe déprimante, Stephen passe à un contender, qui vient d’atteindre la finale de Conférence. Autour des deux All Stars, Ron Artest et Jermaine O’Neal, l’ajout de Jackson peut encore faire grimper la franchise dans la hiérarchie. C’est, en tous cas, l’attente des Pacers qui lui donnent un contrat de 38 millions sur 6 ans. Le début de saison leur donne raison avec 6 victoires en 8 matchs, jusqu’à la date fatidique du 19 novembre 2004. Un déplacement au Palace d’Auburn Hill qui marque à jamais l’histoire de la NBA. L’ambiance déjà tendue entre Detroit et Indiana prend une autre tournure quand un supporter jette son verre sur Ron Artest, allongé sur la table de marque pour se calmer les nerfs. Le sang du futur Metta World Peace ne fait qu’un tour, il se rue dans les tribunes pour corriger le fan irrespectueux. S’en suit alors un pugilat général mêlant le public aux joueurs, la pire baston des sports US tristement célèbre sous le nom de Malice at the Palace. Quand il voit son coéquipier s’enfoncer dans le bourbier des travées, Stephen fonce tête baissée pour lui venir en aide. Une manière de conjurer le sort lorsqu’il n’avait pas pu intervenir pour son frère, vingt ans plus tôt. A son tour, il envoie des droites sur les spectateurs, après avoir reçu des gobelets de bière. L’apocalypse absolue pour la NBA qui va réagir avec les plus grosses sanctions jamais administrées. Artest est suspendu pour le reste de la saison et Jackson, dont le nom est intimement lié à cette bastonnade désormais, écope, lui, de 30 matchs de suspension. Pourtant, des années plus tard, il ne regrette pas sa réaction. Sa seule amertume concerne le titre NBA qui venait d’échapper aux Pacers par la même occasion :
J’étais en mode combat. Ils n’étaient pas respectueux, s’ils voulaient se battre, j’allais leur donner ce qu’ils cherchaient. Ce que je voulais faire d’abord, c’était choper Ron. Mais, quand je suis arrivé là-haut, j’ai pris de la bière en pleine tête. Je ne regrette pas d’être monté pour protéger mon coéquipier. Par contre, je regrette d’avoir frappé un fan, j’avais tort. Je ne pensais qu’à aider mon pote. Si la bagarre n’avait pas eu lieu, nous aurions été champions. Aucun doute à ce sujet. C’est la seule chose que je regrette dans toute cette histoire. Nous n’avons pas pu faire ce que nous avions promis à Reggie.
Effectivement, après ce drame, la saison d’Indiana prend un coup dans l’aile. Au retour de Captain Jack, les Pacers cumulent les tours de retard avec un bilan juste à l’équilibre (20-20). Heureusement, Stephen passe la surmultipliée avec 19.4 points de moyenne pour hisser Indy à la sixième place à l’Est. Opposé à Boston au premier tour, il conserve son rôle de leader offensif pour réaliser l’upset. Game 7 au Fleet Center, Jackson, en feu, termine meilleur scoreur du match décisif avec 24 points et un festival longue distance. Une victoire synonyme de retrouvailles avec les Pistons au second tour. Cette fois, il est serré de près par la patrouille du Michigan. Stephen n’a pas l’impact escompté avec 12.8 points à 32,6% aux tirs. Des montagnes russes devenues une habitude chez lui. Défaits en 6 matchs par Detroit, cette équipe d’Indiana n’aura plus jamais le même visage. Après la retraite symbolique de Reggie Miller, c’est Artest qui demande son transfert. Un geste vécu comme une trahison par Jackson, qui a mis sa carrière en jeu pour le défendre au Palace. Du coup, son côté sombre refait surface. En octobre 2006, il se retrouve au centre d’une fusillade dans un club de strip-tease d’Indianapolis. Alors que Jamaal Tinsley est molesté par un homme, Stephen vole encore une fois au secours d’un de ses coéquipiers. Sans réfléchir, il sort son flingue et tire en l’air pour disperser la foule. Un geste efficace, sauf que dans sa fuite en voiture, l’agresseur fonce sur Jackson. Le Pacer a à peine le temps d’esquiver, qu’il est projeté dans les airs. Un choc terrible qui ne l’empêche pas de vider son barillet en direction du fuyard. Après la dernière balle tirée, il s’évanouit. A son réveil, des dents cassées, les lèvres déchirées et des ecchymoses sur tout le corps. Une bonne partie de l’équipe le rejoint à l’hôpital le lendemain. Son coach Rick Carlisle lui tient même la main pendant l’opération sans anesthésie de ses lèvres.
SUR LE CHEMIN DE LA REDEMPTION
Ce nouvel incident marque une fracture avec la fanbase des Pacers. Le divorce est inévitable. D’autant que Danny Granger, un autre ailier beaucoup plus docile émerge dans l’équipe. Mi-janvier, le general manager Donnie Walsh envoie Captain Jack à l’autre bout du pays chez les Warriors, dans un blockbuster trade à huit joueurs. Retour chez les cancres pour Stephen, dans une équipe qui n’a plus connu les playoffs depuis 12 saisons. Un homme tente de changer les choses, le coach Don Nelson, de retour dans la Baie d’Oakland, vingt ans après le Run TMC. Ses Warriors version 2007 patinent en début de saison, aussi lorsque le deal pour Jackson et Al Harrington se présente, Nellie n’hésite pas. Il appelle immédiatement Jackson en train de ramasser les ordures sur la route pour purger ses travaux d’intérêt généraux. Il lui expose son plan à son arrivée en Californie lors d’une soirée très arrosée. Nelson veut pratiquer un ultra small ball en le décalant au poste 4. Il pousse même le vice à titulariser Harrington en pivot. Une idée fumeuse qui met du temps à prendre. Monta Ellis, Baron Davis, Jason Richardson, Matt Barnes, Mickaël Piétrus, Jackson et Harrington, aucun cadre des Warriors ne dépasse 2m03 ! Avec un bilan de 26 victoires pour 34 défaites début mars, le projet fou de Nelson semble partir en fumée.

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Deux matchs vont changer la dynamique de l’équipe. Le 5 mars puis le 12, les Warriors font chuter les Pistons et les Mavericks, leaders respectifs de leur conférence. L’équipe prend confiance pour se lancer dans un run improbable de 15 victoires sur les 20 derniers matchs ! La polyvalence du 5 majeur, capable de switcher sur tous les postes en défense, fonctionne enfin à merveille. Sur un ultime succès à Portland, Golden State décroche la huitième place à l’Ouest et se prépare à affronter les Mavs, forts de leurs 67 victoires en régulière. Un duel déséquilibré uniquement sur le papier. Captain Jack insuffle à lui seul un esprit commando au groupe. Des têtes brûlées regorgeant de talent, canalisées par Nelson, qui jouent incroyablement dur pour inspirer la crainte chez l’adversaire. L’osmose parfaite pour un upset. Après avoir récupéré l’avantage du terrain lors du Game 1, les Warriors entrent en transe dans l’Oracle Arena. Les effluves de sueur et de weed des fans des quartiers populaires d’Oakland donnent des ailes au duo Jackson-Davis. Pris à la gorge par les déferlantes californiennes, Dallas laisse filer les deux matchs. L’échéance est repoussée au Game 5, mais de retour à l’Oracle, la punition est la même. Les hommes de Don Nelson accomplissent l’une des plus grosses surprises de l’histoire des playoffs. Fidèle à son image, Stephen est exclu lors des matchs 2 et 5 dans le Texas et écope d’une amende de 50.000 dollars. Des sorties de piste effacées par sa prestation XXL dans le Game 6 décisif. Jackson tape son career high en postseason avec 33 points dont 7 tirs longue distance, nouveau record de franchise. Sa défense ultra physique sur le MVP en titre, Dirk Nowitzki, est aussi la clé de la série. Stephen a maintenu l’Allemand en dessous des 20 points à seulement 38,3% aux tirs. Cette épopée, connue sous le nom de We Believe, s’arrête malheureusement le tour suivant face à un Jazz mieux armé dans la raquette.
Il n’aura fallu qu’un bout de saison à Stephen pour transformer un groupe moribond en contender. Comme à chacun de ses arrêts victorieux, la lune de miel se met en place. Les Warriors lui offrent une extension de 28 millions sur trois ans, alors qu’il lui restait encore deux saisons sous contrat. L’idylle continue en 2008 avec son premier exercice à plus de 20 points de moyenne. Pourtant, il n’est que la troisième lame offensive derrière Baron Davis et Monta Ellis. Un trident qui mène Golden State à un bilan de 48-34, soit six victoires de plus que les prédictions d’avant-saison. Pas de chance pour les fans, devant eux, huit franchises dépassent les 50 wins à l’Ouest. Tout simplement, le deuxième meilleur bilan de l’Histoire privé de playoffs, derrière les Suns de 1972. Un échec qui marque la fin de la supernova We Believe. Pendant l’été, le Baron signe aux Clippers et Matt Barnes aux Suns. Quant à Ellis, il se blesse stupidement dans un accident de moto avant la reprise. Propulsé franchise player, Stephen envoie sa meilleure production en carrière en étant au four et au moulin : 20.7 points, 5.1 rebonds, 6.5 assists et 1.5 steal ! Tout ça pour 29 petites victoires. Mécontent de son sort, Captain Jack demande une porte de sortie avec une grosse préférence pour les Cavaliers de LeBron James. Le GM va bien accéder à sa requête, mais pour l’envoyer chez les Bobcats. Une fin en eau de boudin bien résumée par Don Nelson :
J’ai toujours dit que s’il pouvait être le troisième meilleur joueur d’une équipe, c’est un véritable atout. S’il doit être le deuxième meilleur joueur, il n’est pas aussi bon. Et quand il devait être le franchise player, ça n’a tout simplement pas marché.
CONFESSIONS INTIMES

© Sports Illustrated
Mauvaise nouvelle, à Charlotte, le franchise player c’est lui. Expédié dans une franchise où il ne voulait pas être, il se met en mode arrosage automatique. 18 tirs tentés par match avec un Usage Rate de 28%, Stephen monopolise la gonfle, rendant Charlotte trop tributaire de sa réussite. Avant-dernière attaque de la Ligue, les Bobcats caracolent en tête de l’autre côté du parquet avec seulement 93.8 points encaissés par match. Un socle défensif qui permet à la franchise de décrocher la première qualification en playoffs de son histoire… le temps d’un sweep violent contre Orlando. Sur la série, Jackson a dégoupillé à tort et travers avec 35,8% de réussite. Il est à nouveau l’épicentre offensif la saison suivante, avec à la clé, le record de franchise au scoring (43 points) et le premier triple double des Bobcats. Pas suffisant, l’attaque reste encalminée au 29ème rang NBA. Et comme les dirigeants transfèrent son bras droit, Gerald Wallace, en cours de saison, l’équipe replonge dans l’anonymat. En juin, c’est à son tour de faire ses valises, pour assainir les finances de Charlotte. Direction Milwaukee ! On sait maintenant que les qualités de Jackson sont à leur paroxysme quand il joue dans une équipe bien cadrée. Inversement, ses défauts ne sont jamais aussi criards lorsqu’il est livré à lui-même. Les Bucks cochent clairement la seconde case. Dès le début, le torchon brûle avec le coach Scott Skiles. Ses méthodes autoritaires ne passent pas. Stephen multiplie les absences aux entraînements et les fautes techniques. Benché, suspendu, il n’est que l’ombre de lui-même. Au bout de seulement 26 matchs, il est extradé.
Ironie du sort, il repart vers Golden State en compagnie d’Andrew Bogut contre Monta Ellis. Pas le temps de défaire ses bagages que deux jours plus tard, il est de nouveau échangé dans son autre franchise de cœur, les Spurs. Un ajout validé par Gregg Popovich, certain de pouvoir canaliser sa recrue pour booster sa second unit. Avec l’émergence de Kawhi Leonard, pas le choix, Stephen doit sortir du banc. Un rôle dont il s’acquitte sans problème, fondu dans le Spurs Basketball. Son arrivée coïncide avec une série de 21 victoires sur les 24 matchs derniers matchs ! Les Texans confirment en playoffs avec le sweep du Jazz puis des Clippers avant d’affronter le Thunder en finale à l’Ouest. Vainqueur des deux premières rencontres à domicile, la mécanique s’enraye brutalement. OKC fait parler son physique et son adresse pour décrocher les quatre matchs suivants. En feu sur la fin de série, Jackson termine à 17/25 derrière l’arc dont une dernière salve à 23 points. Une défaite qui lui reste en travers de la gorge. Pour lui, le jeu égoïste de Tony Parker dans le Game 6 est la cause de l’échec. Plus tard, il confie que TP aurait agi dans son dos pour le griller au sein du vestiaire. Un beef s’installe entre les deux Spurs et une semaine avant le début des playoffs 2013, Jackson est coupé par San Antonio. A 35 ans passés, son avenir en NBA s’obscurcit. Avec sa réputation de bad guy, les franchises sont frileuses pour engager un vétéran capable de mettre le feu aux poudres. Seuls, les Clippers tentent le coup en 2014, le temps de deux petites semaines. Viré en janvier, le téléphone cesse de sonner. Après 14 saisons hautes en couleur, Stephen raccroche les baskets.
Retraité, Stephen Jackson refait quelques apparitions dans la BIG3 League fondée par Ice Cube. Un tournoi 3×3 réservé aux vétérans, où Captain Jack s’essaie même au coaching. Mais, le domaine où il excelle désormais, c’est le podcast. Créateur de l’émission All that smoke en compagnie de son ex-coéquipier Matt Barnes, il recueille les anecdotes fumeuses d’anciens NBAers. Sans filtre derrière le micro, Stephen distille des brèves de vestiaires sur fond de marijuana et d’alcool. Il n’hésite pas non plus à fustiger les politiques, lors des violences policières en 2020. George Floyd était son jumeau de cœur. Et comme toujours, il est intervenu bille en tête pour défendre ses amis. Sa conférence de presse suite à l’arrestation du policier a été reprise par tous les médias US. La preuve que Stephen a toujours la voix qui porte.

© AllThatSmoke Podcast
STATISTIQUES ET PALMARES
- Stats NBA : 15.1 points à 41,4% de réussite, 3.9 rebonds et 3.1 assists
- Parade All American Second Team (1996)
- Champion de République Dominicaine (2000)
- Champion NBA (2003)
SA CARRIERE EN IMAGES
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