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[ITW] Fred Weis « Jacques Monclar, mon mentor au basket »

Interview

Montage Une : Aurélien Sohard pour Basket Rétro

Et pourtant, il n’y croyait pas. Mais Fred Weis va tutoyer les sommets de la planète basket entre 1995 et 2009. De sa Lorraine natale à l’INSEP, de Limoges à Malaga via Bilbao puis Minorque, Basket Rétro vous propose de revenir, en marge de la sortie de son livre : « Jusque là, ça va ! », sur son parcours, une odyssée. Interview !

BR : En 2002, vous jouez à Malaga, en Espagne, avec Mouss Sonko. Vous terminez en tête de la saison régulière mais vous perdez 3 à 0 en finale du championnat contre Vitoria de Laurent Foirest. Qu’est ce qui vous reste de ce moment ?

Fred Weis : Je m’en rappelle très bien parce que moi, je suis blessé. Je me blesse contre Barcelone. C’est Roberto Duenas qui me casse la main et j’avais du me faire opérer. Je commençais à monter en puissance à ce moment là et cela m’avait fait de la peine de ne pas pouvoir accompagner mes coéquipiers. C’est dommage mais c’est comme cela. Et en finale, je ne suis pas là. Je suis certain qu’on avait un coup à jouer sur cette série mais bon… (Nos photos : Fred Weis sous les couleurs de Malaga. Source : marca et malagahoy.es)

BR : Cette opposition : c’est aussi Ivanovic contre Maljkovic. Ce sont forcément deux coachs marquants pour vous. Deux coachs que vous connaissez. Dites nous tout…

FW : C’est difficile à dire. J’ai eu Maljkovic en 98 quand cela ne se passait pas très bien à Limoges puis Ivanovic dans la foulée. C’est lui qui nous permet de faire le triplé. Concrètement, le plus fou des deux c’est Ivanovic. Il nous a fait faire des trucs complètement fou ! En prépa, on se levait à 7h pour aller courir une demi-heure. On prenait le petit déjeuner et on allait courir dans la montagne des 400 mètres, des 200 et des 100. On faisait de la muscu aussi. Des entrainements de malade ! Il disait que la fatigue n’existait pas avec son petit accent. « La fatigue no exist pas. » (il se marre). Je le rejoins de plus en plus d’ailleurs. Je crois que la fatigue, c’est dans la tête.

BR : Vous êtes né en Lorraine à Thionville. Qu’est-ce que vous voulez nous dire de votre enfance ?

FW : Je suis né à Thionville oui. Je suis le petit dernier parce que j’ai 11 ans d’écart avec ma sœur et j’étais un peu dans son ombre. J’étais le frère de Laurence. Il faut dire qu’elle était vraiment très forte au basket. Et puis à l’école, c’était la même chose. Elle était très forte et moi pas vraiment. Au basket, elle a gagné la médaille d’or des Jeux de la Francophonie et les gens la connaissait avant moi. Bref. Jean Pierre de Vincenzi a été son coach avec les jeunes puis le mien ensuite en équipe de France. Et quand on se rencontre, il me dit : « Ah oui, tu es le frère de Laurence ! ».

BR : Et vous faîtes vos débuts à Nilvange, l’ancien club de Jean Claude Bonato.

FW : A 3 ans, je voulais déjà y aller. Et oui, Jean Claude Bonato a joué à Nilvange effectivement. Après, le basket, c’est pas que je voulais y aller, c’est surtout que je ne voulais pas être « écarté » de la famille en fait. Je veux me rapprocher de ma sœur, faire comme tout le monde donc voilà, je veux y aller.

BR : Vos parents sont sportifs, votre sœur a été internationale. Chez les Weis, on vit pour le sport ?

FW : On vit pour le basket, pas pour le sport en général. C’est notre vie oui le basket. J’allais régulièrement voir Nilvange en Nationale 4. Mon père m’emmenait à la salle.

J’y suis devenu un homme, à l’INSEP. La première année, je me faisais un peu harceler donc c’était dur pour moi et à un moment je me rebelle. Je donne un coup de poing au premier mec qui était là et je suis devenu un homme… Je l’explique dans mon livre.

BR : Nous sommes en 1991. Vous avez 14 ans et vous débarquez au CREPS de Nancy. Quels souvenirs vous reste t-il de cette période ?

FW : Je me souviens surtout de Philippe Ory qui négocie avec mes parents pour que j’y aille. Mes parents avaient fait la même chose avec ma sœur. Et c’était dans des grands dortoirs, c’était très compliqué. Mes parents ne voulaient pas reproduire le même schéma et me faire partir si tôt. Et finalement, Philippe a tout fait pour que j’y aille et je l’en remercie parce que ma vie a été tout à fait différente. Je revois de temps en temps Cyril Carnot ou Didier Chomel qui était en équipe de Lorraine avec moi. Mais malheureusement, avec ma vie, je n’ai pas beaucoup le temps de retourner en Lorraine.

Philippe Ory sous les couleurs de Metz. Source : Le Republicain Lorrain

BR : Puis l’INSEP de 92 à 95. Cela se passe comment pour vous cette étape ? Dès le plus jeune âge, on vous avait préparé pour êtes basketteur pro ? Vous ne pensiez qu’à cela ?

FW : J’y suis devenu un homme, à l’INSEP. La première année, je me faisais un peu harceler donc c’était dur pour moi et à un moment je me rebelle. Je donne un coup de poing au premier mec qui était là et je suis devenu un homme… Je l’explique dans mon livre. Mes parents sont très aimants, je suis en quelque sorte le fils de ma maman. Par exemple, je ne savais pas faire mon lit donc cela pose problème dans ce genre de structures. Une journée à l’INSEP, c’est bien mixé. Le matin, c’est cours, entrainement, repas puis douche. Tu repars en cours puis réentrainement le soir. C’est très rythmé. Il y avait des volleyeuses, des filles de la natation synchronisé : notre rêve à tous (il se marre), des cyclistes. Florian Rousseau était là par exemple. Amélie Mauresmo était là aussi et Nathalie Dechy était dans ma classe.

Je me suis dit : je signe à Limoges, c’est cool. trois ans. Et dans trois ans, je rentre chez moi en Lorraine, tranquille. Ils vont se rendre compte que je suis une fraude. Et cela s’est passé mieux que prévu.

BR : Et vous signez en 95 à Limoges, pour trois saisons. C’est pas mal comme destination pour un basketteur qui veut progresser… Comment cela se fait cette signature ? Vous avez eu d’autres opportunités ?

FW : J’ai rencontré un agent : Didier Rose. Il me dit : « Tous les clubs de France te veulent. ». Est-ce que tu veux faire un tour de France ? Finalement, on fait que Le Mans et Limoges… Alors après, je ne sais pas si c’était vrai mais c’est ce qui s’est passé. Je suis peut être allé faire aussi un autre essai, mais j’en ai plus de souvenirs. Au Mans, on me file une veste « Teddy » avec les manches en cuir. Et pour moi, c’est le plus beau cadeau de ma vie. Je veux signer au Mans. Après, on va à Limoges et là mes yeux s’écarquillent. Les installations, les supers stars, quel rêve !

BR : Pour votre première saison, vous êtes la doublure de Montgomery, le père de Javale Mc Gee bien connu en NBA. 10 minutes par match, 3 points, 2 points et 1 contre de moyenne. Vous vous attendiez à cela ?

Fred Weis avec le CSP. Source : wetall.fr

FW : Georges arrive un peu plus tard dans la saison et je ne suis pas la doublure ! Je suis la « triplure », le terme est pas trop joli, mais je suis cela. Honnêtement, je me suis dit : « Je signe à Limoges : c’est cool. trois ans. Et dans trois ans, je rentre chez moi en Lorraine, tranquille. Ils vont se rendre compte que je suis une fraude ». Et cela s’est passé mieux que prévu.

BR : Vous perdez en demi finale contre l’ASVEL de Delaney Rudd. Dans l’équipe, il y a Richard Dacoury, Fred Forte, Marc Bahia, Jim Bilba, Hugues Occansey ou Yann Bonato…

FW : Je ne m’en souviens plus non de cette demi. Je ne jouais pas de toutes les façons… A l’époque, je passais d’un statut où j’avais tous les ballons à l’INSEP et là j’en avais plus. C’était hyper frustrant en fait et j’ai eu du mal à me motiver pendant cette période là. Après, je m’attendais à bien pire en terme d’ambiance. Je pensais que j’allais en prendre « plein la tête ». Pas du tout ! Fred Forte a été exceptionnel avec moi. Il m’a aidé et il a aidé ma famille à s’acclimater à Limoges. Grand coup de chapeau à Fred pour ce qu’il a fait pour moi.

BR : Vous restez cinq ans à Limoges. Et chaque année vous progressez. Qu’est ce qui vous reste sportivement de ces années avec le CSP ?

FW : C’était l’objectif. Les gens ne se rendent pas compte. C’est un peu moins vrai maintenant parce que l’INSEP gagne des matchs mais on était pas prêt à jouer en pro. Après la deuxième année, j’ai la chance d’avoir un coach comme Bogdan Tanjevic qui me met dans le 5. Il m’avait dit qu’il avait confiance en mon potentiel. Je progresse, pas d’un coup effectivement, mais je progresse tous les ans oui. Et puis un pivot arrive à maturité plus tard. A l’époque, j’étais le seul très grand donc ce n’était pas toujours évident en terme de formation, ni d’arbitrage. Après, sportivement, il me reste les titres dont ceux de 2000. A Limoges, j’ai eu la chance de rencontrer aussi Jacques Monclar, mon mentor au basket. Et puis, il me reste Tanjevic. Il m’a mis sur le terrain alors qu’à l’époque, je ne suis pas certain de le mériter vraiment. Mais comme il a confiance en moi, il le fait. Et puis Ivanovic. C’est vrai les conditions financières étaient là mais il a créé une vraie famille à Limoges. (Nos photos : La folie de l’année 2000 à Limoges. Source : Ouest France et La Montagne)

BR : Vous avez des anecdotes qui vous marquent plus que d’autres ? Des matchs de coupe d’Europe dont vous vous souvenez qui ont été particuliers ? Des souvenirs de voyage ? Odile Santaniello nous a raconté par exemple qu’elle achetait du caviar au marché noir derrière la place Rouge avec Bourges.

FW : J’ai une anecdote du même type que celle d’Odile. Ma grand mère était très religieuse. On joue le CSKA et à Moscou, on va se promener avec l’équipe. Je vois des poupées russes magnifiques, des poupées religieuses. Et je voulais faire ce cadeau à ma grand mère, lui acheter. Mais je me plante dans le change et cela me coûte 5000 euros ! C’était juste avant Noël et je venais de me faire arnaquer. On a rien pu s’acheter, c’était la merde ! Mais bon c’était de la qualité ces poupées et j’en garde plutôt un bon souvenir malgré tout. J’aurais mieux fait d’acheter du caviar (il se marre).

BR : Arrive l’année 2000. Il a été beaucoup écrit, dit sur ce triplé… Cette moisson de titres, cela a quelle place dans votre carrière ?

FW : Quand je pense à ma carrière, je pense à mon année 2000 et j’ai eu la chance de faire ce triplé et d’enchainer sur les Jeux dans la foulée. C’est le summum. Encore une fois, à Limoges, on était des vrais potes et on avait créé quelque chose avec les supporters. On pourra jamais nous l’enlever en fait. Honnêtement, j’ai jamais communier comme cela. J’ai joué un peu en Grèce où c’est chaud. A Malaga, le public est fantastique, à Bilbao aussi. Mais là, c’est pas pareil.

BR : Quand on est très grand et que l’on a de la notoriété, c’est l’enfer la vie de tous les jours ? En fait, on a deux questions en une. Est ce que vous pouvez vous balader tranquille dans le centre de Limoges par exemple ? Et est-ce que la vie quotidienne, c’est la galère ?

FW : A Limoges, les gens sont tellement habitués à voir des grands basketteurs que tu passes un peu inaperçu, dans le sens où on te laisse tranquille. Mis à part quand même quand tu joues contre Pau. Là, c’est un peu plus compliqué mais sinon la vie y est tranquille. Les gens respectent le basket parce qu’ils le suivent. Au pire, on te dit : « bon match ce week-end ». C’est sympa en fait. Sauf quand c’est Pau encore une fois, là c’est plutôt toute la semaine : « bon allez, on va à Pau. Allez. » Mais c’est tout ! Franchement après ce n’est pas la galère d’être grand. Certains peuvent faire croire que cela peut être un souci mais il y a des fonds de commerce pour cela. Moi, je n’ai jamais galéré pour m’habiller. Pourtant, je fais 2m18 et je trouve ce que je veux. Et en plus, je suis pas maigre. Après si tu veux te trouver des problèmes, tu t’en trouves.

BR : Suite aux problèmes que rencontrent Limoges, vous signez au PAOK où cela se passe mal… cinq matchs !

FW : Cela se passe très bien sauf que je ne suis pas payé. Je reviens des JO. On me dit : « t’inquiètes pas pour le moment tu joues pas mais cela va venir ». Cela m’agace de ne pas être payé mais cela se passe bien. L’assistant, c’était le coach du Maccabi de cette année : Ioannis Sfairopoulos. On a gardé de bonnes relations et quand on se croise, on est toujours contents de se voir.

Donc à partir de Malaga, je transforme mon jeu. Et, recevoir ce trophée cela fait plaisir c’est vrai mais c’est surtout, pour moi, la reconnaissance du fait que je suis sur le bon chemin niveau basket.

BR : Et puis direction Malaga. Le soleil, la mer, les dauphins au large… et un championnat top niveau. Elle se passe comment cette première saison où vous partagez votre temps de jeu avec Richard Petruska ? Parce que vous regagnez la Korac…

FW : Ma première année se passe bien et puis Malaga me voulait avant la Grèce. J’arrive en cours de saison. On se qualifie pour l’Euroleague, les objectifs sont atteints. C’est une bonne année. En plus, c’est Maljkovic le coach que je connais donc cela facilite les choses. En plus, je regagne la Korac. Avec Petruska, et Smith on se partage le jeu poste 5.

Deux Korac, deux… Source : basketfinals.com

BR : En 2001 vous êtes élu meilleur défenseur d’Europe. Cela vous fait quoi cette distinction ?

FW : Honnêtement, cela marque plus une nouvelle ère qu’autre chose pour moi. Dans le sens où à Limoges, j’étais plutôt « marqueur ». Là, Malaga me fait venir surtout pour défendre et je reçois ce titre. Donc à partir de Malaga, je transforme mon jeu. Et, recevoir ce trophée cela fait plaisir c’est vrai mais c’est surtout, pour moi, la reconnaissance du fait que je suis sur le bon chemin niveau basket.

BR : C’est là que vous êtes à votre top ?

FW : Je sais pas vraiment. A Limoges, j’étais bien aussi. Alors oui peut être. (il marque un temps). Surement même d’autant plus que j’ai pas de blessure en 2001 donc je peux travailler comme je veux. Donc si finalement oui. C’est à ce moment là je pense que je suis au top même si j’ai eu d’autres belles périodes avec Limoges.

BR : On a parlé de 2002 plus tôt. Stéphane Risacher vous rejoint. Vous êtes donc trois français avec Sonko. Que vous reste t-il de votre période « Unicaja Malaga » ?

FW : C’est la French Team à l’époque, le Madrid de maintenant ! Et on est toujours ensemble. Mouss habite juste au dessus de chez moi, Risac un peu plus loin mais on va à l’entrainement ensemble, on s’entend très bien. Je n’ai que de bons souvenirs à Malaga. Aller toute l’année aux entrainements en short, c’est pas mal quand même. Il y a pire pour vivre… sauf l’été quand il fait 50 degrés mais sinon c’est hyper agréable !

Quand je l’apprend, ma vie s’arrête. Plus rien n’a de sens, plus rien ne m’intéresse, plus rien n’a de valeur. Voilà, je ne sais plus quoi faire, la vie n’a plus de saveur pour moi. Je suis en colère avec tout le monde, je veux me battre avec tout le monde.

BR : Direction Bilbao qui monte dans l’élite locale à votre arrivée et où la star locale a pour nom Javi Salgado. Pourquoi ?

FW : La dernière année, à Malaga, j’ai une hernie discale et là je pense que je suis « cramé » pour le basket. Je remontais à Limoges et sur la route, Bilbao me contacte. On s’y arrête pour une IRM. Là bas, je m’allonge et je peux plus me relever. C’est l’infirmière qui m’aide parce que je peux plus bouger. Je vais donc voir la maman de mon fils, Celia, et je lui dit : « C’est fini, les tests ne sont pas bien passés, on s’en va, on rentre à Limoges« . Une heure après cela, Bilbao me recontacte et on me dit : « tu signes quand tu veux ». Je me dit que c’est pas possible. Je me dit qu’ils sont barjots mais je signe et c’est le début de l’aventure avec Bilbao. Le club sait que cela sera compliqué mais on me fait confiance. Et puis oui, il y a Javi qui est dans le staff maintenant. On s’est tout de suite bien entendu ensemble. Je parlais bien espagnol aussi donc cela a facilité les choses. C’est quelqu’un de bien Javi. Il aime son club. On avait un code entre nous. Je lui disais quant tu pénètres : rate ! Mais rate bien. Cela me permettra de prendre le rebond offensif et comme cela on marque notre territoire. Il rigolait en disant qu’il voulait que cela compte comme une passe décisive. Je lui répondais que je m’en moquais que cela faisait un rebond pour moi. Tout cela pour dire qu’on s’entendait bien. tout cela pour dire que cela se passait bien entre nous. Et on était capitaine tous les deux.

Fred Weis en 2008 sous les couleurs de Bilbao. Source : El Mundo

BR : En 2007, vous avez 29 ans. Vos stats sont de 7 points, 8 rebonds et 2 contres en 30 minutes de jeu. Cela matche avec Surne Bilbao ? Vous vous y sentez bien ?

FW : Oui c’est exactement cela. Je m’y sens bien parce que je m’y intègre vite. Grâce notamment au fait que je parle espagnol et je suis capitaine avec Javi Salgado. Je servais aussi de traducteur pour les américains donc cela a aidé aussi. Et puis il paraît que j’étais le plus fou de tous. (il se marre) Personne ne me croît parce que je fais un peu froid comme cela mais j’adore me marrer et faire « le con ». Le club progresse je m’y sens bien mais c’est à ce moment là que j’apprends pour mon fils.

BR : Vous apprenez que votre fils est autiste. Qu’est ce que vous voulez nous dire sur cet épisode ?

FW : L’autiste c’est comme un syndrome. Le spectre autistique d’Enzo est étendu donc c’est difficile pour lui de déterminer à quel grade il est. Quand je l’apprend, ma vie s’arrête. Plus rien n’a de sens, plus rien ne m’intéresse, plus rien n’a de valeur. Voilà, je ne sais plus quoi faire, la vie n’a plus de saveur pour moi. Je suis en colère avec tout le monde, je veux me battre avec tout le monde. Enfin fait, j’ai fait un gros travail sur moi et je l’accepte depuis peu finalement.

Ce livre, je n’aurai pu le faire avec personne d’autre.

BR : Vous avez écrit un livre, en collaboration avec Geoffrey Charpille : « Jusque-là, ca va ! », qui vient de sortir. C’est aux éditions Amphora. Comment vient cette idée et comment cela se passe pour vous ?

FW : Cela faisait longtemps que je voulais poser des mots sur certaines choses. Et j’ai commencé à écrire ce livre voilà un an maintenant. Je voulais parler de mes difficultés, de mes doutes, etc… Parce que c’est vrai que quand on a un statut d’athlète de haut niveau, tout le monde se dit : « Tout va bien, la vie est belle. Tranquille quoi. » Mais il y a une autre facette aussi, c’est notre vie d’homme. La vie d’homme c’est la plus importante parce qu’on est athlète qu’à un moment de sa vie. On est un homme tout le temps par contre. Avec ce livre, je voulais faire un truc lisible donc parler de ma carrière et des difficultés que j’ai eu. Je n’avais pas envie d’embêter les gens qu’avec mes problèmes mais je souhaitais aussi expliquer comment les choses se sont passés pour moi. Techniquement, on travaille tous les deux mais c’est Geoffrey qui écrit. Moi, j’en suis pas capable d’écrire, chacun son talent. Moi, je sais faire ce que je sais faire, ce qui est déjà pas mal d’ailleurs et Geoffrey lui a écrit. Ce livre, je n’aurai pu le faire avec personne d’autre. Geoffrey c’est un ami, je suis en confiance avec lui. C’est pas facile parce qu’il a fallu que je me livre sur des sujets sensibles donc Geoffrey était la bonne personne. Je n’ai pas l’intention de faire un prix Pullitzer mais j’avais envie et besoin de le faire. C’est un exutoire nécessaire pour avancer.

BR : C’est Jacques Monclar qui le préface. Cela a forcément un sens.

FW : Évidemment que cela a un sens. Il m’a connu comme joueur mais aussi comme consultant. Il est là pour me conseiller, pour m’orienter, pour m’aider à trouver du taf aussi. Jacques m’a connu très jeune et il me connait maintenant comme vrai « adulte ». Je l’apprécie beaucoup. Comme je l’ai déjà dit c’est mon mentor en tant que joueur. Et mon mentor comme consultant maintenant.

BR : Et puis Minorque en 2009. Vous étiez prêt à raccrocher ? Comment avez vous vécu votre retraite sportive ?

FW : Concrètement, je n’étais pas prêt à raccrocher. Mais je n’étais pas prêt à continuer non plus. Donc je n’avais pas le choix. Et puis, je n’avais plus de forces. Quand tu es sportif de haut niveau, tu ne peux pas te mentir. Tu ne peux pas te lever le matin comme cela. Ma tête, mon corps ne pouvaient, voulaient plus.

BR : Pour boucler la boucle, il nous reste deux sujets à aborder. La NBA et les Bleus. Si je vous dit que Porzingis a été hué par les fans des Knicks en 2015 le jour de sa draft, cela vous faire dire quoi ? Parce qu’en 2018, il devient All star et qu’en carrière (337 matchs), il tourne à 19 points de moyenne.

FW : Cela me fait dire deux choses. La première c’est que Porzingis paye un peu à la place des joueurs qui sont jamais venus dans une draft haute. Pour un club, c’est une catastrophe de drafter un joueur qui ne vient pas. Moi, on peut dire que j’en suis responsable d’une infime partie. Et ensuite, cela me fait dire qu’ils se trompent parfois en NBA. Par exemple, Charles Barkley dit de Doncic que c’est « une pipe » quand il est drafté. Donc les clubs, les gens autour de la NBA se trompent aussi. Parce qu’on a tous des préjugés. Moi, je ne veux pas avoir avoir des préjugés sur des gens qui ont des préjugés. Parfois, on se trompe, c’est comme cela et lorsque cela arrive c’est bien de leur montrer. Et puis parfois les gens ont raison. C’est mieux en général mais c’est comme cela. C’est la vie.

BR : Plus de 20 ans après, qu’est ce que vous voulez nous dire sur cet épisode Knicks ?

FW : J’en parle dans mon livre. Parce que pleins de choses fausses ont été écrites sur cet épisode. D’abord New York voulait que je signe là-bas. Mais j’avais une hernie discale donc c’est pas facile de signer dans cet état. En NBA ensuite quand on a un contrat garanti, ils sont obligés de te faire un chèque. Moi, je suis 15 donc à une marche d’un lottery pick et mon contrat est garanti. Si je veux y aller, je me pointe. Après j’ y vais pas parce que j’ai eu des aventures avec mes agents. Des aventures que je retrace dans mon livre d’ailleurs mais à aucun moment New York a fait le choix. Cela s’est passé comme cela. Je suis trop vieux pour avoir des regrets mais les circonstances ont fait que cela s’est pas fait. Les planètes n’étaient pas alignés. Voilà. C’est comme cela. Est-ce que cela aurait marché ? Impossible à dire même si certains prétendant le contraire. En fait, c’était écrit et il n’y a pas de hasard dans la vie.

Fred Weis sous les maillot des Knicks en Summer League. Source : nytimes.com

BR : Votre première sélection a lieu le 18 décembre 1996 contre la Suisse, à Besançon. Cela signifie quoi pour vous porter le maillot bleu et est ce que vous vous souvenez de ce moment ?

FW : Pour moi, le maillot des bleus c’est hyper important. Je suis fils d’immigré, ma maman est italienne. Cela a été difficile pour mes parents de s’intégrer donc c’était très important pour moi de porter ce maillot. Mon père était déjà en France mais pas ma maman et on l’a déjà traité de : « sale italienne » donc s’intégrer cela a une vraie valeur.

Ali a une aura incroyable, je suis figé, subjugué. Cela a du durer 20 secondes mais c’était une éternité pour moi. Il m’avait envouté.

BR : Dans la foulée… les JO. Avec une belle médaille d’argent !

FW : Ramener une médaille, c’est toujours fantastique. Et tout le monde était content, forcément. Sauf que maintenant, les mecs jouent en NBA. Ils connaissent leur adversaires. Nous on avait des posters de nos adversaires qui jouent en NBA. C’était encore plus incroyable. On a ouvert la voix. Il y a eu 2005 aussi mais ces jeux c’est le top. Parce que ramener une médaille des JO, c’est le rêve de tout athlète. La cérémonie d’ouverture, on la fait pas parce qu’on joue le lendemain matin tôt contre la Nouvelle Zélande. Avec mon physique hors norme, je me fatigue plus vite et je n’ai pas pris le risque d’y aller. A regret mais bon, j’avais fais un choix parce que je voulais rien me reprocher.

BR : Vous avez joué plusieurs Limoges – Pau. Mais nous aussi, on a un classico à Basket Rétro… Quand on interviewe un basketteur qui a fait les JO, on lui demande toujours quelle anecdote l’a frappé. Madlena Staneva a mangé à côté de Ben Johnson en 88, Magic et Jordan ont assisté à une rencontre d’Anna Kotocova en 92. Vous, vous ne pouvez pas nous répondre Mohammed Ali parce que c’est déjà pris par Loetitia Moussard (LOL) A vous …

FW : Ah ba non, c’est dégueulasse parce que Mohammed Ali, cela m’a marqué (il se marre). Déjà le village olympique, pour manger, c’est un réfectoire immense avec toutes les cuisines du monde. Sauf qu’il y a un Mac Do à l’intérieur. Et puis c’est tellement grand qu’on mange pas comme d’habitude avec toute l’équipe. Moi, j’ai quasiment mangé du Mac Do pendant les 15 jours ! Le fait de pas payer, c’était un rêve de gosse… Donc je croise Mohammed Ali et je le regarde passer. La table en face de moi, il y a un attroupement. Cet attroupement part et là Ali est devant moi. Et là, je peux pas décrocher. Il est déjà malade et je ne veux pas le gêner par mon regard mais il est tellement impressionnant. Il a une aura incroyable, je suis figé, subjugué. Cela a du durer 20 secondes mais c’était une éternité pour moi. Il m’avait envouté.

BR : En bleu, il y a également cet épisode de 2005 où vous remplacez Vincent Masingue pour un Euro que vous finissez troisième.

FW : 2005 ce sont de bons souvenirs également. En 2000, on est des précurseurs. En 2005, on est plutôt des passeurs de flambeaux. Dans l’équipe, il y a Antoine Rigaudeau, Laurent Foirest qui est pas là au final et puis Cyril Julian aussi. Moi, je suis un peu entre les deux âges mais l’ère Parker commence à ce moment là en quelque sorte. Moi, j’ai pas l’impression d’avoir été le plus important mais j’étais là quand il fallait.

Weis médaillé de bronze avec les bleus à en 2005. Source : FFBB

BR : A part ces deux épisodes. Est-ce que quelque chose vous marque pendant votre carrière en équipe de France ?

FW : Oui il y a quelque chose qui m’a marqué et cela me tient à cœur de vous en parler. J’étais en équipe de France et on joue à Pau. On est en 99 lors du championnat d’Europe à la maison. Il y a une pancarte dans le public qui met « Les bleus à Bercy et Weis à Perigueux ». Tous le monde me déteste à Pau… Et là Pierre Seillant se lève et passe une « fumée » aux mecs qui avaient la banderole. Il va les voir et leur dit « Vous m’enlevez cela où je vous dégage de la salle ». Et ils l’enlèvent. Pierre Seillant, c’est un sacré mec ! Autant avec Limoges, ils avaient le droit de la mettre cette banderole mais là, il ne l’avait pas accepté. Il fallait protéger les bleus et il avait, en faisant cela, bien fait passer le message.

BR : Quel regard portez vous sur votre carrière de basketteur ?

FW : Ma carrière, c’était en noir et blanc… Je ne m’en rappelle pas très bien… Quand je commente, parfois des gens viennent me voir à la fin des matchs et me disent « J’aime bien ce que vous faites, vos commentaires me plaisent mais vous avez joué au basket ? ». C’est une de mes plus grandes fiertés parce que j’ai réussi ma reconversion. Les mecs savent même pas qui je suis par contre ils m’apprécient en tant que consultant. Quel plaisir énorme d’avoir été reconnu deux fois : comme basketteur et comme consultant. C’est ma plus grande fierté.

BR : Il y a des joueurs qui vous ont impressionné pendant votre carrière ?

FW : J’en ai eu tellement de partenaires, j’ai joué avec un tas de joueurs et pas des joueurs en bois… Quand tu penses à Mouss Sonko. Avec la facilité qu’on maintenant les joueurs à aller en NBA, aujourd’hui, Mouss y serait sans problèmes. Sauf que c’était pas la mode, pas le bon moment pour lui. Mouss, c’est un roc. J’ai essayé de le poster et je ne pouvais pas le faire parce qu’il était trop costaud. Et puis quelle lecture du jeu… Des qualités physiques incroyables et un mec en or. Alors j’espère vraiment ne faire injure à personne, vraiment, mais si je ne devais en citer qu’un ce serait lui : Mouss Sonko.

Fred Weis et Mous Sonko. Source : Malagahoy.es

BR : Et à l’inverse, contre qui cela a été compliqué pour vous sur le terrain ?

FW : Il y a une anecdote que je raconte tout le temps. Ma deuxième année à Limoges, je joue beaucoup mais j’avoue je ne connais pas très bien le championnat de France. Et on me dit tu vas défendre sur Paul Fortier. Je le regarde et je dis : « le petit gros là ? ». Et il m’a mis 30 / 15 (NDRL : points et rebonds). Il m’a tout fait, il m’a donné une correction comme jamais dans ma vie. Pour moi, Paul Fortier est un des gars les plus sous côtés qu’on ait jamais vu. Il savait tout faire. Trois points, pénétrer, faire des feintes, passer, tout… il savait tout faire.

BR : Le mot de la fin, Fred, c’est pour vous…

FW : Merci d’abord pour l’ITW. Vous êtes cool, je vous suis et c’est important ce que vous faites. J’ai toujours cette expression en tête : « Si tu veux savoir où tu vas, il faut savoir d’où tu viens ». Grâce à votre site, cela nous permet de savoir d’où on vient. Vous parlez des pionniers du basket français ou des pionniers en général. C’est donc avec plaisir que j’ai répondu à vos questions.

Propos recueillis par Guillaume Paquereau pour Basket Rétro. Montage Une : Aurel Shed. Un grand merci à Fred Weis pour sa disponibilité

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Amoureux de Gozilla depuis mon plus jeune âge, je suis devenu fan des Suns ! De Sir Charles à Dan Majerle en passant par Nash, via Stoudemire pour aller jusqu'à Devin Booker : PHX a le monopole de mon coeur. Je veux du soleil !

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