[Portrait] Sam Perkins, l’art de la nonchalance
Portrait
Avec ses paupières lourdes et son regard léthargique, on pourrait croire que Sam Perkins pique son roupillon sur le parquet. Méfiez-vous de l’eau qui dort, laisser libre l’intérieur serait une erreur. Au fil des saisons, Big Smooth s’est fait une spécialité de sanctionner ses adversaires derrière la ligne à 3 points. Un style de jeu anachronique qui lui a permis de jouer jusqu’à ses 40 ans dans la ligue.
LE BON SAM’ARITAIN
12 avril 1990. Les Mavericks se rendent chez les Warriors pour valider leur ticket en playoffs. L’enjeu du match n’affole pas Sam Perkins. Décalé au poste d’ailier cette saison-là, il laisse le jeu venir à lui pour empiler les points. 22 à la fin du premier quart-temps puis 30 à la pause. Chacun de ses tirs est venu dans le flux de l’attaque, sans forcer quoi que ce soit. Et quand le grand Sam dépasse la quarantaine dans la dernière période, il lève curieusement le pied, refusant des tirs ouverts pour des extra passes. Au buzzer, son compteur affiche 45 points, à quatre unités du record de la franchise, qu’il aurait pu aller chercher en étant plus gourmand. Mais, la gloire personnelle, ce n’est tout simplement pas son credo :
Tout le monde veut de l’attention. Mais je ne veux jamais que la lumière brille tellement forte que cela devienne une affaire d’ego. Si la lumière brille tout le temps sur vous, des personnes vont commencer à s’en éloigner.
Sur le parquet comme dans la vie, Sam peut paraître effacé. Pas de trashtalking, pas de célébration intempestive, pas de déclaration assassine. Un flegme à toute épreuve qui tire son origine de son enfance. Perkins n’a jamais connu son père, décédé quand il avait un an. Recueilli par sa grand-mère Martha, il grandit dans un quartier difficile de Brooklyn, en compagnie de ses trois sœurs et de sa mère. Un univers exclusivement féminin où Sam est souvent mis à contribution, notamment par Martha. Cette fervente Témoin de Jéhovah traîne son petit-fils dans la distribution de littérature religieuse. Docile, Sam en adopte les grands préceptes. Cette idéologie le façonne très jeune, d’où sa nature détendue pour ne pas dire paresseuse. Adolescent, il sèche régulièrement les cours. Son truc à lui, se faufiler discrètement à l’arrière des bus pour sillonner la ville pendant des heures. Une attitude qui le mène droit dans le mur, jusqu’à ce qu’il rencontre le travailleur social, Herb Crossman. En plus d’œuvrer auprès des jeunes en difficulté, il dirige l’équipe de basket du quartier. Quand il voit passer les longs segments de Sam avec sa coupe afro, il demande si quelqu’un le connaît. Les gamins acquiescent, mais précisent qu’ils ne l’ont jamais vu jouer. Pour cause, ses résultats scolaires insuffisants ne lui permettent pas d’intégrer la team de Tilden High School. A la recherche d’un big man, Crossman propose à Perkins de rejoindre son groupe. Défi accepté par le jeune homme.

© The Yackety Yack
Crossman fixe un cadre scolaire et sportif à Sam. Pour la première fois, il bénéficie d’une influence masculine et cela fonctionne à merveille : il redresse ses notes de manière spectaculaire, tout en apprenant les bases du basket structuré. Une véritable éponge qui suit partout son mentor à vélo d’un bout à l’autre de la ville. Aussi, lorsque Crossman quitte Big Apple pour accepter un nouveau job dans la région d’Albany, tout s’écroule pour Sam. Absentéisme, démotivation, c’est le retour à la case départ pour lui. Quand il découvre la situation, Crossman décide de devenir son tuteur légal avec l’approbation de la famille. Après avoir expliqué à Martha que le basket ne nuirait pas à ses convictions religieuses, Sam fait ses valises. Direction la Shaker High School à Latham. D’abord hébergé par son nouveau tuteur, il préfère changer de foyer quand la famille Crossman s’agrandit. C’est lors d’un dîner chez son amie Susan Elaqua qu’il trouve son refuge. Perkins tape immédiatement dans l’œil de ses parents avec son tempérament si calme. Il y restera les deux années restantes de son cursus. Cet environnement stable lui convient parfaitement. Il maintient une moyenne de B au lycée et tourne en 25 points et 16 rebonds avec les Shaker Bisons. Des stats lourdes qui lui valent une sélection pour les Championnats du Monde Junior en 1979. En compagnie des futures stars Fat Lever et James Worthy, Perkins apporte sa dizaine de points pour décrocher la médaille d’or. Une première récompense collective assortie du titre de meilleur lycéen de l’Etat de New York en 1980. La carrière de Sam est prête à décoller.
Sur la liste des meilleurs prospects du pays, Perkins est courtisé par les facs de UCLA, Syracuse et North Carolina. Rien que ça ! C’est son amitié avec Worthy nouée chez Team USA qui fait pencher la balance. Comme son pote, il rejoint les Tar Heels en Caroline du Nord. De deux ans son aîné, Worthy fait office de guide pour le freshman. Sur le campus, ils font chambre commune et sur les parquets, l’entente est immédiate. 14.2 points et 8.4 rebonds pour James, 14.9 points et 7.8 prises pour Sam, les stats sont quasi identiques, mais leur jeu aux antipodes. Worthy est aérien et véloce au contraire de Perkins qui détonne par son style décontracté et insouciant. Aux dunks fracassants, Sam préfère les petits tirs en crochet du gauche tout aussi efficaces. Ce one-two punch propulse les Tar Heels jusqu’en finale NCAA pour affronter les Hoosiers d’Indiana. Quelques heures avant le coup d’envoi, un événement perturbe la préparation du match. Le président Ronald Reagan est victime d’une tentative d’assassinat. Hospitalisé d’urgence, son état de santé est encore inconnu, alors que les deux équipes entrent dans l’arène. Les coachs Dean Smith et Bobby Knight sont sondés par le comité universitaire. Plusieurs hypothèses sont envisagées, du report de la finale de 48 heures à la désignation d’un double vainqueur pour l’édition 1981. Ce n’est qu’à 20h50 que la nation apprend que Reagan est sorti indemne de son opération. Le duel peut donc avoir lieu. Après une première mi-temps indécise, les Hoosiers et leur maître à jouer, Isiah Thomas (23 points) se lancent dans un run fatidique pour North Carolina et l’emportent 63-50. Pour sa première campagne, Perkins n’a pas à rougir avec 14.4 points et 8.8 rebonds pendant la March Madness.
Un freshman, du nom de Michael Jordan, vient grossir les rangs des Tar Heels l’année suivante. Encore une recrue de choix qui fait de North Carolina, le grandissime favori au titre. Le bilan de 32 victoires pour 2 défaites confirme cette impression. Pourtant, le premier tour donne des sueurs froides aux hommes de Dean Smith. Opposé à la petite fac de James Madison, NC s’en sort in extremis grâce aux 17 points et 10 rebonds de Perkins, 52-50. Le grand Sam remet le couvert en demi-finale contre les Cougars de Houston. Face au duo Clyde Drexler et Hakeem Olajuwon, il compile 25 points (9/11 aux tirs) et 10 rebonds. Un homme du match discret qui préfère laisser les spotlights à Worthy et Jordan, plus habiles devant les micros. Et ses deux coéquipiers ne manquent pas de lumière en finale : tir de la gagne pour His Airness, 28 points pour Big Game James dans une victoire 63-62 contre Georgetown. Perkins, lui, savoure le titre de champion universitaire au terme d’une March Madness où il inscrit plus de points que Jordan (16.0 points de moyenne) et capte plus de rebonds que Worthy (7.8 prises).

© Sports Illustrated
Ses deux saisons restantes à Chapel Hill, Sam les passe dans l’ombre de MJ. La couverture médiatique très peu pour lui. La preuve, ses 36 points et 17 rebonds contre la future star Ralph Sampson passent quasiment inaperçus. Lors ce récital ponctué par un 4/4 longue distance, Silent Sam n’en rajoute pas, levant furtivement le poing sur sa dernière banderille, dans ce qu’on pourrait définir comme de l’agressivité passive. Perkins est aussi discret que Jordan est spectaculaire. Cela ne l’empêche pas de terminer dans la All-American First Team en 1983 et 1984 avec plus de 17 points et 9 rebonds en moyenne. A Chapel Hill, Sam se sent comme chez lui. Il prend son temps, termine son cursus en sciences de la communication et profite de chaque moment passé avec Dean Smith, sa nouvelle figure paternelle. Lorsqu’enfin, il est prêt à prendre son envol chez les pros, son empreinte laissée chez les Tar Heels est énorme : meilleur rebondeur (1167 prises), contreur (245 blocks) et deuxième scoreur (2145 points). Cette période, qu’il considère comme l’âge d’or de sa carrière, est le socle de sa future carrière NBA :
Dean Smith nous convoquait un par un, dans son bureau, juste pour parler de la vie avant les entraînements. Cinq minutes par-ci, dix minutes par-là, juste pour s’assurer que tu vas bien et que tu gardes la tête sur les épaules. C’est le genre de gars qu’il était, je me rappelle de toutes ces conversations. Et quand vous alliez sur le parquet, c’était une personne complètement différente. C’est un entraîneur, mais aussi un coach de vie. Quand je suis arrivé chez les pros, j’étais plus préparé à faire face à certaines des choses dont il parlait. Bien sûr, j’ai dû apprendre à franchir certains obstacles, mais au fil du temps, j’ai réfléchi plus méthodiquement à ce qu’il fallait faire, au lieu de me précipiter. C’est le genre de gars qui te prépare au niveau suivant dans le basket.
PAS D’EGO, PAS DE FAFIOT
Avant de rejoindre la Grande Ligue, Sam passe sous le scalpel d’un autre grand nom du coaching universitaire : Bobby Knight. Présélectionné par Team USA pour les Jeux Olympiques de Los Angeles, il se rend au camp d’entraînement de Bloomington. Sur la ligne de départ 66 joueurs, avant que le coach des Hoosiers écrème petit à petit l’effectif. Célèbre pour ses coups de sang, Knight malmène voire humilie les futures stars comme Jordan, Patrick Ewing ou Wayman Tisdale. Tous se retrouvent à un moment donné dans l’œil du cyclone, sauf Perkins. Lors du dernier entraînement, le coach prend Sam en aparté, pour lui avouer que s’il ne lui est pas encore tombé dessus, c’est parce qu’il ne fait jamais rien de mal. Mais, par souci d’équité, aujourd’hui, c’est lui qui va trinquer. Une confidence qui tire un sourire au Tar Heel, lequel laisse paisiblement passer l’orage. Nommé co-capitaine de l’équipe, Perkins ramène l’or olympique sans forcément tirer la couverture à lui : 8.1 points et 5.4 rebonds. Avec un tel cursus, Sam est attendu tout en haut de la fameuse draft 1984. Son nom est appelé à la quatrième place, entre son pote Jordan et un certain Charles Barkley. Il prend la direction de Dallas, une jeune franchise créée cinq ans auparavant, qui vient tout juste de fêter sa première qualification en playoffs.

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Septembre 1980, les Mavericks transfèrent l’obscur meneur Mike Bratz aux Cavaliers en échange d’un premier tour de draft 1984. Récupéré lors de l’expansion draft, Bratz n’a jamais joué un seul match pour Dallas et ne restera qu’une seule saison chez les Cavs. Ce deal anecdotique permet aux Texans d’hériter d’un lottery pick quatre saisons plus tard, Cleveland n’ayant pas quitté la zone de médiocrité. Tout le contraire de Dallas qui accroche la postseason après seulement quatre ans d’existence. Le noyau dur de l’équipe est déjà en place avec les deux scoreurs patenté, Mark Aguirre et Rolando Blackman, et le meneur Derek Harper pour orchestrer tout cela. Manque encore à ce roster, un glue guy, un joueur qui se sacrifie pour le bien-être collectif. Avec son style de jeu et son tempérament, Sam Perkins est taillé sur-mesure pour ce rôle. Son acclimatation est immédiate. Début février, il gagne ses galons de titulaire pour ne plus les lâcher. Ses 11.0 points et 7.4 rebonds l’intronisent dans la All-Rookie First Team, d’une cuvée plus que relevée. Et Sam fait encore plus fort en playoffs avec 18.8 points, 12.8 rebonds et 2.8 assists dans une série perdue contre Portland. Toutefois, après sa saison rookie, on comprend que Perkins ne sera jamais un franchise player, ni même un lieutenant, il n’est pas assez individualiste pour cela. En revanche, il s’affirme comme un starter indiscutable à la polyvalence assez folle pour un joueur de son gabarit et à l’état d’esprit parfait pour souder un groupe.
Dallas a bien compris le genre de pépite qu’elle a entre les mains. Pendant cinq années encore, Sam fait les beaux jours de Mavericks, abonnés aux playoffs. C’est dans le Texas qu’il produit ses meilleures moyennes avec toujours sa quinzaine de points, ses 8 rebonds et 2 passes. Il lui arrive même d’avoir la main lourde, comme ce soir de décembre 1985, où il assomme les Rockets avec 31 points et 20 rebonds, le premier match en 30-20 dans l’Histoire des Mavs ! Mais, en règle générale, Sam n’est pas un monstre statistique. Derek Harper aime à rappeler qu’il est toujours « le gars qui se sacrifie le plus pour que l’équipe continue de gagner ». D’où son surnom de Silent Assassin donné par les fans texans. Un bilan de 281 victoires pour 211 défaites sous l’uniforme de Dallas, deux campagnes à plus de 50 wins, Perkins participe à la montée en puissance des Mavericks à l’Ouest. Une période faste avec comme point culminant une Finale de Conférence contre les Lakers en 1988. Dans le camp d’en face, Sam retrouve James Worthy. Fidèle à sa réputation, Big Game James tue la série dans le Game 7 avec 28 points, là où Perkins se contente de 13 unités. Mais, les deux anciens Tar Heels ne vont pas tarder à être de nouveau associés. Eté 1990, Sam est agent libre en pleine flambée des salaires. Pour garder leur joueur, les Mavs doivent proposer un deal de 18 millions sur 6 ans, une somme énorme pour l’époque que la plupart des superstars ne touchent même pas. Perkins n’est pas de ce calibre-là, du coup le general manager Norm Sonju préfère ne pas mettre la main au porte-monnaie.
C’est une bonne personne, un bon joueur et il est très apprécié. Nous le voulions vraiment ici. La meilleure situation est quand votre meilleur joueur gagne le plus d’argent, votre deuxième meilleur joueur a le deuxième salaire. Nous aurions beaucoup moins de problèmes. Et Sam ? Je ne veux pas déprécier ses compétences, et je voulais vraiment le garder, mais nous avons estimé qu’il était le quatrième meilleur joueur de notre équipe. Coach Adubato est allé voir Sam l’année dernière, pour faire de lui un meilleur joueur offensif. Il a eu l’occasion de se mettre en valeur. Mais, les chiffres sont restés fondamentalement les mêmes. Il a marqué, quoi, 15,9 points ? Et quand Roy (Tarpley) était blessé, c’était une opportunité en or pour lui qu’il n’a pas saisi. Sam n’est pas le genre de joueur qui devient un scoreur à 25 points. C’est un joueur complémentaire, et pour certains, il peut sembler surestimé.
UN HEROS TRES DISCRET

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Ce joueur surestimé, il aura fallu à peine une journée à Jerry West, le GM des Lakers, pour lui donner 19,2 millions sur 6 ans. L’éminence grise de L.A. a, lui, compris l’importance d’enrôler Sam Perkins. Avec sa polyvalence, l’ancien Maverick peut à la fois remplacer AC Green au poste 4 ou faire souffler Vlade Divac en occupant le poste de pivot par séquence. Et surprise, Silent Sam va aussi montrer qu’il peut scorer de loin sur jeu de transition. Un couteau suisse qui arrive dans les derniers soubresauts du showtime californien. Le trident Magic Johnson, Byron Scott et Worthy dépasse la trentaine, mais reste assez expérimenté pour performer en playoffs. Sur cette campagne 1991, Perkins justifie la somme investie sur lui : 15.0 points et 9.3 rebonds pour étriller les Rockets au premier tour, puis 20.6 points et 8.4 rebonds contre le Run TMC des Warriors et enfin 17.5 points et 8.2 rebonds pour sortir des Blazers favoris de la Conférence Ouest. Sam goûte pour la première fois aux Finales NBA, face à un autre ancien Tar Heel, Michael Jordan et ses Bulls. Si tous les observateurs n’ont d’yeux que pour le duel Magic vs MJ, c’est bien Perkins qui leur vole la vedette dans le Game 1 au Chicago Stadium. A 24 secondes de la fin, MJ rate le tir qui aurait mis la tête sous l’eau aux Lakers. Au rebond, Sam s’arrache et demande un temps mort. 91-89 pour Chicago, balle dans les mains de Magic qui transmet à Perkins, oublié à 3 points. Sans hésiter, il arme… ficelle ! Derrière, Jordan enchaîne par une gamelle rédhibitoire. La planète basket découvre pour la première fois les qualités de sniper de l’intérieur. Un tir ultra clutch qui lui vaut le surnom de Big Smooth, donné par son coéquipier Byron Scott. Ce coup d’éclat sera le seul malheureusement côté Californiens, balayés ensuite par les prémices de la dynastie chicagoane.
Au contraire des Bulls, l’ère des Lakers est à son crépuscule. Novembre 1991, le groupe s’entraîne à Loyola Marymount, quand en plein milieu du training matinal, le coach Mike Dunleavy indique à ses joueurs de rentrer chez eux pour revenir après le déjeuner. La réunion extraordinaire qui en découle choque la planète entière. Magic Johnson annonce à ses partenaires qu’il a contracté le VIH. Abasourdi, il faudra plusieurs heures à Perkins pour encaisser ce tsunami médiatique. En plus du drame humain, cette nouvelle change complètement la destinée de l’équipe. Avec son compère Worthy, Sam maintient les Lakers à flot le temps d’une saison, sa meilleure offensivement : 16.5 points, 8.8 rebonds et 2.2 passes. Mais, blessés à partir de mars, les deux Tar Heels ne peuvent pas prendre part à la campagne de playoffs qui se termine brutalement au premier tour contre Portland. L’heure est à la reconstruction post showtime à Los Angeles. A la trade deadline 1993, Perkins en fait les frais. Il prend la direction de Seattle en échange du pivot Benoit Benjamin et du rookie Doug Christie. Sans lui, les Lakers passent d’un bilan positif de 26-23 à un cinglant 13-20 pour finir la saison. Orphelin à la suite de son transfert, Worthy trouve la comparaison parfaite :
Il sacrifie son ego pour aider son équipe à gagner. Vous regardez ses statistiques à la fin du match et vous dites « Wow, que s’est-il passé ? » C’est ça, le problème. C’est un travail difficile d’apprécier Sam Perkins. Il faut connaître le jeu. Vous devez le surveiller attentivement. Il est comme les coutures d’un vêtement finement taillé, il est presque invisible, mais maintient le tout ensemble.
20 ANS D’AVANCE SUR LE JEU
En recrutant Perkins, les Sonics ont une idée derrière la tête. George Karl souhaite aligner Sam au poste de pivot pour libérer de l’espace à Shawn Kemp dans la raquette. Le coach a bien noté sa capacité à scorer derrière l’arc. Alors, quand après ses quatre premiers matchs sous ses nouvelles couleurs, Big Smooth n’a toujours pas tenté le moindre tir primé, Karl lui expose sa théorie. L’entraîneur lui somme de dégainer lorsqu’il est ouvert. Perkins retient la leçon pour devenir un intérieur anachronique des nineties, l’un des premiers stretch four capable d’étirer le jeu par son adresse extérieure. De 1,4 tir primé tenté par match en régulière, Sam passe à 4,2 missiles à 3 points en playoffs. Une hérésie à l’époque, mais qui s’avère plus que payante ! Au premier tour contre Utah, Seattle joue sa saison à domicile dans un Game 5 décisif. Menés à la pause, les Sonics produisent leur run dans le 3ème quart avec Perkins en détonateur. Trop lent pour sortir sur lui, Mark Eaton laisse seul l’intérieur de Seattle qui plante trois banderilles consécutives derrière l’arc. Et quand le Jazz décide enfin de le couvrir, il part au cercle pour emplafonner Tyrone Corbin sur un dunk. Il fait encore parler sa « clutchitude » en demi, face aux Rockets. Dans la prolongation du Game 7, Perkins inscrit le panier de la victoire à 20 secondes du buzzer sur un fadeaway dans le périmètre. Sa fiche de stats, 23 points à 10/13 aux tirs, soit autant que le duo Shawn Kemp-Gary Payton. The Silent Assassin récidive en finale de conférence contre les Suns dans le Game 2 avec deux tirs primés dans la dernière minute pour l’emporter 103-99. Les Sonics se heurtent finalement au mur du son contre Phoenix au terme d’un match 7, mais en l’espace de quatre mois, Sam s’est fait sa place dans l’effectif.

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En bon vétéran, Perkins est la force tranquille de ces Sonics, soit en titulaire soit en sortie de banc selon les besoins de l’équipe. Avec l’âge, Perkins abandonne progressivement la raquette pour se spécialiser en shooteur d’élite. En novembre 1993, il réalise un parfait 7/7 from downtown pour inscrire son nom dans les tablettes avec le plus grand nombre de tirs à 3 points réussis sans échec. Et lorsque que Jeff Hornacek lui chipe ce record quelques mois plus tard, Sam met les pendules à l’heure en janvier 1997 avec un magnifique 8/8 longue distance. Mais, à la différence de l’arrière du Jazz, il n’a fallu que 23 minutes à Perkins pour réaliser cette prouesse, établie sans prendre le moindre tir à deux points ! Collectivement, les Supersonics survolent les saisons régulières avant de sérieusement caler en playoffs, sortis prématurément par les Nuggets puis les Lakers. Il faut attendre 1996 pour enfin voir le groupe décoller. Une mise en jambe rapide contre les Kings, puis Seattle offre un récital d’adresse – 41 sur 89 à 3 points en cumulé – pour sweeper les Rockets, tenants du titre. Sam est au diapason du reste de l’équipe avec 14.3 points à 53,3% derrière l’arc. En finale de conf’ contre le Jazz, Perkins confirme son efficacité en restant l’élément du banc le plus rentable : 12.3 points à 42,9% de loin. Comme en 1993, il faut un ultime match pour départager Utah et Seattle. Dans ce choc, Kemp éteint complètement Karl Malone pour propulser les Sonics en finale NBA. Les deuxièmes pour Sam qui retrouve Jordan sur la plus haute marche. Encore une fois, il est impuissant face aux UnbeataBulls en plein prime. Deux victoires au panache après être menés 3-0, quelques coups d’éclat de Perkins avec 17 points dans le Game 4, mais c’est tout. Big Smooth est trop tendre pour la bande à MJ.
Les deux exercices suivants, Seattle tombe en demi de conf’ contre les Rockets puis les Lakers. A 36 ans, Perkins voit son temps de jeu décroître pour tomber à 20 minutes. Idem au niveau de son scoring qui passe pour la première fois de sa carrière en dessous des 10 points. Agent libre pendant le lock-out de 1999, il choisit de ne pas rempiler avec les Sonics. Lors de ses six saisons passées à Seattle, l’équipe a toujours bouclé des bilans supérieurs à 55 victoires pour passer à 25 wins après son départ. Des chiffres qui corroborent les propos de James Worthy ! Alors que la retraite lui tend les bras, il prend la direction de la Conférence Est pour signer avec les Pacers. Une équipe expérimentée autour des grognards Reggie Miller, Rik Smits, Chris Mullin ou Mark Jackson qui tente son baroud d’honneur pour décrocher le Graal après la retraite de Jordan. Dans l’Indiana, Sam est utilisé exclusivement pour son shoot extérieur, une denrée rare chez les pivots qui lui permet d’avoir cette longévité incroyable. En 193 matchs avec Indy, 48% de ses tirs sont pris derrière l’arc, une exception à la fin des 90’s ! Abonné aux équipes victorieuses, Perkins participe à la première qualification des Pacers aux finales NBA. Sa troisième participation avec autant de franchises différentes. Face au rouleau compresseur Shaquille O’Neal, Sam fait de son mieux pour le faire sortir de la raquette. Comme un symbole, il inscrit 11 tirs sur ces finales… uniquement à 3 points. Indiana s’incline 4-2 dans la série et Perkins laisse s’envoler définitivement ses rêves de bague.
Après une saison supplémentaire à Indianapolis, il raccroche ses baskets à quasiment 40 ans. Au compteur 1453 matchs NBA dont 167 en playoffs, 15.324 points, 7666 rebonds et 849 tirs primés. Avec 136 tirs à trois points réussis en 1995, il faudra attendre 2019 pour voir un autre pivot, Brook Lopez, le dépasser dans cet exercice. A sa retraite, Sam reste d’abord au front office des Pacers, en tant que vice-président des relations avec les joueurs, avant d’accepter un rôle plus universel au sein de la Ligue. Avec son caractère pacifique et sa mine toujours détendue, il est envoyé dans des missions humanitaires à travers le globe. Sam devient une sorte de diplomate sportif prêchant la bonne parole, capable tout aussi bien de prendre le marteau pour aider à construire un hôpital que de serrer la main de dirigeants étrangers. Avec sa fondation, il vient également en aide aux personnes porteuses de handicap. Une manière de rendre à son tour, les mains tendues qu’il a reçues dans sa jeunesse.

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STATISTIQUES ET PALMARES
- Stats NCAA : 15.9 points à 57,6% aux tirs, 8.6 rebonds et 1.8 block
- Stats NBA : 11.9 points à 45,9% de réussite, 6.0 rebonds et 1.5 assist
- All American First Team (1983 et 1984)
- All-Atlantic Coast Conference First Team (1982, 1983 et 1984)
- Atlantic Coast Conference Rookie of the Year (1981)
- Champion NCAA (1982)
- Médaille d’or aux Championnats du Monde Junior (1979)
- Médaille d’or Olympique (1984)
- Nommé dans la NBA All-Rookie First Team (1995)
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