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[ITW] – Anna Kotocova – Partie 1 : « Je me retourne, et là je vois Magic et Michael Jordan »

Interview

Montage Une : Aurélien Sohard pour Basket Rétro

La flamme est le symbole le plus célèbre des Jeux Olympiques. A Séoul, Barcelone puis Sydney en 2000, Anna Kotocova l’admire dans sa vasque, tout en jouant au basket, sa passion, son métier. Mais les Jeux ne sont qu’un épisode d’une carrière internationale forte de 356 sélections. Basket Rétro vous propose, dans cette interview, de revenir sur ce délicieux parcours.

Banska Bystrica se situe à la charnière de trois vastes chaînes de montagnes dans le centre de l’actuelle Slovaquie. C’est là qu’Anna Kotocova étudie les Lettres, au milieu des années 80. Elle y joue également au basket, avec succès, dans l’élite Tchécoslovaque. Placé en 1987 et 1988, son club, Banska, devient en 1989 le premier club Slovaque de l’histoire à devenir champion de Tchécoslovaquie. Ce succès est un évènement retentissant pour l’époque puisqu’une équipe d’universitaires dame le pion aux professionnelles du Slavia et du Sparta de Prague. Pierre angulaire de son équipe, Anna Kotocova fait alors le grand saut pour Mirande, à 22 ans. En club, polie par Alain Jardel, fignolée par Vadim Kapranov puis ciselée par Olivier Hirsch, la native de Trstena va alors compiler les titres : 13 au total ! Dure en défense, adroite à mi distance, son influence psychologique et sportive est indéniable dans les succès de Bourges. Si pour la cité Berrichonne, Charles VII restera le « petit roi », Anna honore quand à elle avec ses coéquipières le patrimoine sportif de la ville. Depuis, au Prado, son maillot est au plafond. En équipe nationale, Anna prendra également part à trois Jeux Olympiques durant sa carrière. Pour Basket Rétro, elle a accepté de revenir sur ce parcours canon.

Le 9 avril 1998 : Bourges écrit l’histoire. Source : dicodusport.fr

Basket Retro : Le 9 avril 1998 est forcément un moment à part dans votre carrière parce qu’en battant Getafe vous conservez votre titre en Euroligue avec Bourges. Ce jour-là, Odile Santaniello score 21 points et prend 10 rebonds. Et pourtant, et ce n’est pas banal, c’est vous qui êtes élue MVP du final Four…

Anna Kotocova : Ce sont des experts qui donnent ces récompenses donc c’est difficile pour moi de vous dire avec précision pourquoi j’ai été désignée ce jour là MVP. J’ai dû marquer 12 points, de mémoire, et prendre quelques rebonds. J’étais surtout contente, pour être honnête, de gagner avec mon club une seconde Euroligue de suite. Et puis à la maison ! A Bourges ! Cela confirmait notre statut d’autant plus qu’avec la Ronchetti de 1995, c’était notre troisième Coupe d’Europe. C’était la récompense du travail de l’équipe. Et puis à Parme (NDRL : lieu de la finale de la Ronchetti 95), le public nous suivait déjà. Ils ne nous ont jamais lâchées alors gagner devant eux avait une saveur particulière. C’était une récompense pour tous le monde finalement. Après pour revenir sur ce trophée de MVP, on étaient intouchables même contre des stars comme Dydek donc c’est plutôt collectif ce titre. Moi je m’étais préparée pour défendre. Je savais que c’était ma première mission : neutraliser Margo Dydek. J’avais visionné des matchs et puis je la connaissais par cœur parce qu’en plus ce n’était pas la première fois que je la rencontrais. C’était un Final Four pas comme les autres, des moments importants pour le club et la ville et donc ce titre a forcément une saveur très particulière pour moi.

BR : Ce jour-là, vous défendez sur Margo Dydek qui était une joueuse extraordinaire. Mais est-ce qu’il y d’autres adversaires qui vous ont plus particulièrement marqué pendant votre longue carrière ?

AK : Oui oui . Et il y en a plein d’autres. Razija Mujanovic par exemple, c’était très difficile de défendre contre elle. Elle était grande, costaude et elle était très très physique. Lisa Leslie m’a aussi beaucoup impressionné lorsque je l’ai rencontré avec les Etats-Unis. Il y avait aussi Daedra Charles qui était d’ailleurs différente de Leslie. Charles, c’est une pivot très physique, Leslie plutôt un poste 4 très mobile et très technique. Mais que ce soit l’une ou l’autre, je m’en souviens très bien parce que c’était moi qui défendait sur ces joueuses- là. C’est par la défense que cela commençait parce qu’avec la Slovaquie, on étaient plutôt bien équilibrés offensivement parlant alors l’idée était de faire en sorte d’enlever le plus possible de points aux meilleures intérieures. La défense, c’était d’ailleurs un peu mon point de départ dans les matchs.

Après pour revenir sur ce trophée de MVP, on étaient intouchables même contre des stars comme Dydek donc c’est plutôt collectif ce titre. Anna Kotocova

BR : Vous êtes née en 1968, à Trstena, en Tchécoslovaquie, à quelques kilomètres de la frontière Polonaise. Que pouvez vous nous dire de votre enfance et de vos débuts au basket ?

AK : Alors Trstena, j’y suis seulement née. Mes parents sont vite partis ensuite pour Banska (nos photos. Source : MT Hicking Photography). C’est donc là où j’ai débuté le basket, dans un centre régional sportif. Ces centres, ce sont un peu comme des CREPS aujourd’hui avec différentes structures et disciplines sportives. Il y avait toutes les disciplines du ski, l’athlétisme et le basket notamment. On étaient talentueuses et complètes ce qui nous a permis de remporter le championnat UNSS. Après, la plupart des joueuses de cette équipe a poursuivi avec le Slavia UMB Banska Bystrica. Banska est une grande ville universitaire. Ce groupe est donc restée ensemble longtemps et on a continué notre évolution sportive dans le même club, ce qui est un plus. C’est Tibor Vasilko qui travaillait sur la formation à Banska. Il était très dur.

BR : Le championnat Tchèque de l’époque est dominé par les équipes de Prague : le Slavia ou le Sparta. Mais on trouve aussi des équipes comme Kosice, Brno, le Slovan Bratislava ou Ruzomberok. Ce Championnat Tchèque était-il une compétition à deux vitesses ou était-ce très homogène au contraire ?

AK : Ce n’est pas du tout un championnat à deux vitesses. La preuve, on a été demi-finalistes plusieurs fois. Après, Kosice avait une belle équipe professionnelle, tout comme Brno. A Prague, le Sparta et le Slavia, c’étaient de grandes équipes, rodées ça c’est certain. Le championnat était constitué de 8 ou 10 équipes et c’était assez équilibré au final.

BR : Avec votre club, vous êtes demi-finaliste du championnat en 1987 puis finaliste en 88 et 89. Comment vivez-vous ces évènements ?

AK : Ce qu’il faut savoir d’abord c’est que nous étions toutes étudiantes. Au contraire des autres équipes qui étaient toutes professionnelles. On étaient très fières de cela. Comme je vous l’ai dit, ce groupe est resté longtemps ensemble. Alors ce titre de 89 : c’est la finalité ! A notre troisième finale, on s’était dit que : « c’était plus possible de perdre si près du but ! ». Notre salle était petite à Banska, c’était une petite salle universitaire qui pouvait contenir 1000 personnes environ et elle était pleine à craquer à chaque fois. Cela ressemblait un peu à Mirande au niveau des encouragements. Les gens continuaient à chanter dehors d’ailleurs parfois. En 1989, nous sommes devenus le premier club Slovaque de l’histoire à gagner ce championnat. Et puis je le répète, nous étions toutes universitaires alors cela a été un grand événement ! Pour nous, comme sportivement parlant d’ailleurs. Mes premières finales, j’avais 19 ans et je me souviens avoir joué contre Hana Zarevucka et d’autres grandes stars de l’époque. Petite j’avais collé des photos de toutes les filles d’en face dans ma chambre et je me retrouvais face à elles ! On s’est fait connaître grâce à cela et puis en Slovaquie cela a été un évènement. C’est à ce moment là que personnellement, j’ai eu des propositions pour partir en Allemagne, aux Pays-Bas et puis à Mirande aussi.

BR : Vous jouez avec Erika Burjanová, Eva Antalecová, Marcela Kalistová ou Zuzana Vasiková et d’autres… Que pouvez-vous nous dire sur vos coéquipières de l’époque, sur vos coachs ?

AK : Je ne peux vous dire que de très bonnes choses sur mes anciennes coéquipières. D’abord, nous avons tout partagé ensemble,. Quelle aventure humaine que ces étudiantes qui jouent au basket et qui gagnent. C’est grand ce qu’on a fait. Et 1989, c’est mon premier titre alors cela marque forcément. C’était énorme et cela a fait décoller certaines carrières comme la mienne. Évidemment dans l’équipe, des joueuses sont restées à Banska, d’autres comme Erika sont venues comme moi, en France.

Ce qu’il faut savoir d’abord c’est que nous étions toutes étudiantes. Au contraire des autres équipes qui étaient toutes professionnelles. On étaient très fières de cela. Anna Kotocova

Nos photos : Eva Antalecová – Source : olympedia.org

BR : Vous faites la Coupe d’Europe également avec votre club. En 1990, par exemple, vous sillonnez l’Europe : la Grèce, Israël, la Russie, l’Italie ou la Bulgarie. Au-delà de cet exemple de 1990, que gardez-vous de ces matchs européens ? Avez en tête des moments en coupe d’Europe qui vous marquent ?

AK : En club, on avait pas beaucoup de temps pour faire quoi que ce soit. Alors avec Banska, je n’ai pas vraiment de souvenirs marquants par contre avec Bourges, je me souviens bien des embouteillages à Istanbul. Et un jour… (elle se marre) Ilona Korstine oublie ses chaussures à l’hôtel ! On était mal parce que Vadim Kapranov était moins compréhensif pour ces choses-là et que c’était l’Euroligue. C’est le kiné de l’équipe qui a finalement dépanné Ilona. D’ailleurs, je ne sais même pas si Vadim l’a su. Bref… Mais ce qui m’a vraiment marqué, c’est le voyage en avion vers Parme pour la finale de la Ronchetti. D’habitude, on partait de Paris où on voyageait en bus mais là notre avion est parti de Bourges, une première. Et quand nous sommes revenues, les gens nous attendaient. C’était fou ! Il y avait tellement de monde. C’était très touchant de vivre tout cela. Et puis, il était deux heures du matin et dans la ville tout le monde klaxonnait. La ville devait être forcément réveillée, c’était juste quelque chose d’énorme.

BR : En 1985, vous avez 17 ans, vous participez à votre premier championnat d’Europe senior avec la Tchécoslovaquie. Quels souvenirs en gardez vous parce que c’est votre première grande compétition internationale ?

AK : J’avais 17 ans effectivement et j’étais la seule Slovaque dans l’équipe de Tchécoslovaquie. Je ne me suis pas sentie mal à l’aise mais presque quand même à côté de toutes ces stars. Mais en même temps, je voulais prouver que la confiance que le coach m’avait donné, je le méritais. On a joué la Bulgarie, la Yougoslavie et l’URSS à ces championnats. A l’époque, ces équipes étaient intouchables. Même une mi-temps contre les Russes, on pouvait pas tenir. J’ai joué pour la première fois contre Uljana Semenova. Défendre sur elle, c’était impossible quand elle était près du panier.

Je m’en souviens aussi parce que je jouais avec ma petite sœur ! C’est la seule compétition que l’on a partagé ensemble. Anna Kotocova

BR : Vous remportez la médaille d’argent avec la Tchécoslovaquie aux Championnats d’Europe de Varna, en 1989. Et en 1993, vous glanez la médaille de bronze en Italie avec la Slovaquie cette fois.

AK : Varna, je m’en souviens parce qu’on perd contre les Russes en finale (NDRL : 61 – 64). Avec Erika, on sort pour 5 fautes et j’avais trouvé cela tellement injuste… Et contre les Russes, c’était toujours très particulier que ce soit au basket, au hockey ou pour un autre sport. En 93, on gagne en poule contre la France que je connaissais bien puisque je jouais déjà à Mirande. On savait qu’elles avaient du mal à attaquer les zones donc on a joué tout le match comme cela. Par contre la France est deuxième et nous troisième, en battant les Italiennes chez elles.

BR : En 1995, vous battez, à Prague, les Tchèques en quart de finale avec la Slovaquie. Est-ce un moment spécial ? Est-ce que quand on est sportif, on peut mettre le politique de côté pour ce genre d’événements ?

AK : Oui c’est vrai. Je me souviens de ce match. L’objectif était de se qualifier pour les JO et on termine 4ème malheureusement au final de ces Championnats. Je m’en souviens aussi parce que je jouais avec ma petite sœur ! C’est la seule compétition que l’on a partagé ensemble. On a gagné mais cela s’est bien passé. C’était comme cela, on était là pour jouer pas pour faire de la politique. La rivalité était bonne. On se respectait entre joueuses des deux équipes.

BR : Parlons à présent des championnats du Monde. Vous en jouez quatre : à Moscou en 1986, en Malaisie en 1990, en Australie en 1994 et en 1998 en Allemagne. Que vous reste-t-il de ces compétitions ?

AK : En ce qui concerne les résultats, je crois que notre meilleur classement reste une quatrième place. En Malaisie, à Bornéo, il y avait un fleuve. Et de notre chambre d’hôtel, on pouvait voir des crocodiles. C’était assez impressionnant. Et puis dans les chambres, il y avait tellement d’humidité qu’il y avait plein de cafards même si c’était très propre. C’était assez perturbant mais au final j’ai beaucoup appris de tous ces voyages.

BR : Les JO, c’est le plus grand moment de votre carrière ? Vous en disputez 3 (Séoul, Barcelone et Sidney) ?

AK : Je suis fière de cela. Vraiment. Et je souhaite à chaque sportif de faire les JO et de vivre les moments que j’ai vécu. C’est à part. Avant Sydney, Yannick (Souvré) et Loetitia (Moussard) me questionnaient sur les Jeux. C’est comment ? etc… Je leur ai répondu que je pouvais leur dire tout ce qu’elles voulaient mais qu’elles ne pourraient jamais le croire tant qu’elles ne l’avaient pas vécu. Les Jeux cela se vit. Je peux vous dire pleins de choses sur les JO mais tant qu’on y est pas, on ne peut pas comprendre ce que c’est exactement. Alors les JO passent et je leur repose la question : c’est comment les JO ? On a rigolé parce qu’elles m’ont donné raison. C’est vraiment à part.

A Sydney, mon mari a pu suivre la compétition et visiter le village olympique aussi. Nous sommes mariés depuis 1992 et il me suit depuis si longtemps… Alors là, c’était un moment spécial pour moi, pour nous. C’était ma manière de le remercier. Anna Kotocova

BR : Madlena Staneva a mangé à côté de Ben Johnson, Loetitia Moussard a vu Mohammed Ali à la cantine. Mais vous ? Quelles anecdotes vous restent-t-il de vos 3 olympiades ?

En 88, c’est Séoul et j’ai 20 ans. Le village, c’est énorme et je voulais en profiter même si je crois que je ne me rendais pas vraiment compte de ce que je vivais. A la cantine, je me suis retrouvée en face de Drazen Petrovic. J’étais si impressionnée… même s’il fait à peu près ma taille (elle se marre). A Barcelone, c’est la Dream Team ! Pour la cérémonie d’ouverture, tout le monde voulait les croiser mais ils ne sont pas venus. On étaient déçues mais on joue notre premier match contre les Etats-Unis et Jordan, Magic, David Robinson et Charles Barkley sont venus voir ce match. Il n’y avait pas grand monde dans la salle parce qu’il était programmé le premier. On perdait de 30 points, il n’y avait même pas de panier à ce moment là et on entend des cris dans la salle. Du n’importe quoi ! Les gens hurlaient. Et je les ai vu arriver alors que je jouais… Je ne peux pas vous dire ce que j’ai ressenti sur le moment en voyant mes idoles : Magic et Michael Jordan ! Je ne savais pas s’il fallait absolument que je marque ou que je sorte pour les voir de plus près et plus longtemps (elle se marre). On était comme des enfants. Mais à l’époque, il n’y avait pas de portables donc on a pas pu prendre de photos. A Sydney, je savais que c’était mes derniers Jeux. J’ai tout apprécié à Sydney parce que c’était l’aboutissement de toute ma carrière. Avec le Comité Olympique, on nous avait donné la possibilité de partir avec quelqu’un et j’ai souhaité partager ce moment avec mon mari. Il est resté dans une famille d’accueil avec un ami français de Bourges. Quand on est sportif de haut niveau, on partage très peu ces moments-là. A Sydney, il a pu suivre la compétition et visiter le village olympique aussi. Nous sommes mariés depuis 1992 et il me suit depuis si longtemps… Alors là, c’était un moment spécial pour moi, pour nous. C’était ma manière de le remercier. Très souvent, les grands sportifs sont bien quand leur vie va bien. On ne dit jamais assez merci à nos proches, à nos amis ou à notre famille alors là j’étais heureuse de pouvoir le faire.

Ivan Kotoc et Anna Kotocova aux JO Sidney. Source : collection personnelle d’Anna Kotocova.

Dans la seconde partie de notre interview, Anna Kotocova reviendra sur son énorme carrière en France ! A suivre …

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About Guillaume Paquereau (71 Articles)
Amoureux de Gozilla depuis mon plus jeune âge, je suis devenu fan des Suns ! De Sir Charles à Dan Majerle en passant par Nash, via Stoudemire pour aller jusqu'à Devin Booker : PHX a le monopole de mon coeur. Je veux du soleil !

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