Axel Julien, c’était comment quand t’étais petit ?
Interview
Le concept même de Basket Retro est de ne s’intéresser qu’aux joueurs et joueuses qui ont remisé leur sneakers dans le casier du vestiaire. Alors comment faire parler ceux et celles qui remplissent toujours les colonnes des box scores. En leur demandant de nous parler en toute simplicité d’avant, d’avant le monde pro, de leurs années apprentissage… De quand ils étaient petits. Pour inaugurer la rubrique, on est allé chercher un bien sympa, un vrai bon mec. Le meneur de la JDA, Axel Julien.
Axel, tu es né le 27 juillet 1992, l’été de la Dream Team. Donc la Dream Team tu ne l’as pas vu jouée en direct. Est-ce quand même un mythe pour toi… ou pas ?
Non pas vraiment. Mais je me suis amusé il n’y a pas très longtemps à regarder sur internet le JT du jour de ma naissance et il y avait un résumé d’un match de la Dream Team Je ne me souviens plus de contre qui, un match de poule sans doute *. Il y a donc une connexion, c’est marrant d’être né le jour d’un match de la Dream team. Je suis quand même assez fan de cette période là. C’est la première et la dernière fois que les USA réunissaient tous les vrais gros joueurs du moment.
* USA-Croatie, (103/70), Match resté dans les annales par le traitement défensif que réservèrent Jordan et Pippen à Toni Kukoc, 4 pts – 7 TO. Ils voulaient lui faire payer son contrat lucratif aux Chicago Bulls qui privait Pippen d’une augmentation.

U9 surclassé U11, la casquette Footix vissée sur le crane.
Né en 92, mais pas n’importe où. A Saint-Tropez ! Personne ne naît à Saint-Trop’. C’est une ville interdite au moins de 18 ans.
Aujourd’hui il n’y a plus personne qui naît là-bas, à l’hôpital tout du moins, car il n’y a plus d’hôpital. Il a fermé depuis. Je fais donc parti des derniers tropéziens de naissance. Quand je dis ça aux Américains ça les étonne toujours. Tout le monde connaît Saint-Trop’ mais ceux qui y sont nés sont plutôt rares. Mais mes parents vivaient, et vivent toujours, à Cavalaire-sur-Mer. Donc mon enfance c’était à Cavalaire, je suis un pur Cavalairois pas un Tropézien. Saint-Tropez, je connais pas tant que ça finalement.
Saint-Tropez, Cavalaire, la Côte d’Azur… Ce ne sont pas trop des « terres de basket » comme on dit. Alors quand et comment le petit Axel a touché sa première balle orange ?
C’est sûr, c’est plus foot et rugby le Var. Mais un club de basket s’est créé dans les années 80. Ma mère a pris sa licence dés la première année. Mon père s’y est mis ensuite après avoir joué longtemps au volley, puis mon grand frère, ma grande sœur… Alors quand je suis arrivée c’était dans la logique familiale. Petit, j’ai vécu tous les week-ends dans un gymnase. Pas que le week-end d’ailleurs. Mes parents étant entraîneurs, dés que j’ai pu saisir un ballon de mini-basket, vers trois ou quatre ans, j’ai passé des heures et des heures sur le côté à jouer avec. J’ai même des souvenirs de devoirs scolaires faits dans les vestiaires. Pendant cinq ou six ans, j’ai fais aussi du foot en parallèle.. Mais quand il a fallu choisir, je n’ai pas hésité un instant. Personne ne m’a obligé ou forcé la main.
« Ma mère a disputé un match avec moi dans le ventre »
Une vraie famille de basketteurs.
Ah oui. Ma mère a disputé un match avec moi dans le ventre. Elle était enceinte de deux-trois mois et devait compléter l’équipe qui ne comptait que quatre joueuses. J’ai eu ma mère en coach, puis mon père, mon frère… et même mon oncle au foot.
A partir de quel moment tu t’es rendu compte que tu étais peut-être un peu plus fort que tes petits camarades et qu’éventuellement tu pouvais jouer à plus haut niveau ?
Je pense que c’était lors des premières sélections du Var. Tu te retrouves avec les meilleurs de ton âge du département. Ça m’a permis de comprendre que j’avais un bon niveau pour mon âge.. Puis ensuite bien sûr quand j’ai intégré le pôle espoir, tu y as ta place, t’es bien, t’es titulaire. Puis à 16 ans j’ai fait un stage avec l’équipe de France qui ne c’est pas très bien passé car je me suis vraiment senti plus faible que les autres. Mais ça m’a surtout donner envie de bosser davantage, de tous casser. C’est donc à 16/17 ans que je me suis dit que j’étais à un bon niveau mais qu’il y avait du monde devant. C’est à ce moment que je suis entré dans le « tout basket », d’abord le basket et le reste après.

Axel, (n°5), en U11, arbitré par son frère Michaël portant le maillot offert par Laurent Legname.
Tu étais dans le haut du panier local, stage en équipe de France… Honnêtement… Avoue… Tu te la pétais un peu ?
Non ! Pas du tout ! Vraiment. J’étais très terre-à-terre. Ce n’est pas ma nature je pense. Puis il y avait les parents pour me remettre les idées en place si j’étais parti en saucisse.
Genre travailleur sérieux, pas showman frimeur qui ne compte que sur son talent ?
Oui, oui.. Je le suis encore aujourd’hui. Je suis pas le style à vouloir coller 30 pts avec des dunk spectaculaires, ni même à tenter des passes incroyables. Basique et sérieux sur le parquet, « old school » comme disent certains. Mais pas forcément hors du terrain. Ça en surprend certains d’ailleurs cette différence entre le « moi » sur le terrain et le « moi » en dehors.
Justement, hors du terrain. Etre une vedette sportive locale… C’était bien pour être « populaire »… Avec les filles ?
Avec les copains, ça change pas grand chose. Les potes, c’est les potes. Pour les filles ? Oui ça aide un peu. Mais faut pas délirer non plus. Je n’étais pas une rock star, un joueur de foot de NBA non plus.
La NBA. Parlons-en. Tu en rêvais ?
Honnêtement j’adore la NBA, des joueurs hors normes, des équipes fantastiques… Il n’y a rien à redire là-dessus. Mais ça ne m’a jamais trop attiré dans le sens où je savais au fond de moi que je ne pourrais pas y arriver. En NBA il faut être très fort très jeune. A 20 ans il faut déjà être compétitif en Pro A pour être drafté. A 18, 19 ans, je savais qu’il y avait une grosse marge pour moi. Je ne suis jamais dit, « Axel, faut que tu sois drafté, tente ta chance. » Même si je voulais être le meilleur possible, je savais que pour la NBA la marche était trop haute.
Et la NCAA ? Ça t’a tenté ?
Oui, ça m’a tenté. Mais bien après que je puisse le faire. Quand j’étais en centre de formation, en espoir, je n’avait aucune envie d’aller là-bas. C’est après, une fois pro que je me suis dis, « J’ai peut-être loupé quelque chose ». Ç’aurait pu être très cool. Si j’avais une deuxième carrière, une deuxième vie, c’est sans doute un truc que j’essaierai.
Pour l’expérience de vie ?
Tout à fait. C’est exactement ça. Mais en même temps ce n’est pas facile de réussir là bas. C’est risqué. Tu peux y perdre ton temps. Les Français qui sont allés là bas et qui y ont réussi étaient où sont très fort… comme le petit Tillie qui y fait des choses vraiment bien. Sinon, soit tu vas dans une grosse fac et tu ne joues pas, soit dans une plus petite. Tu joue plus mais quand tu reviens en France, tu n’as pas fait plus ce que tu aurais fait en restant ici. Alors oui pour l’expérience de vie. Mais pour le basket… Faut déjà être très fort avant de partir.
« Je n’ai jamais vraiment été un spectateur basket »
Est-ce qu’ado tu t’intéressais à la Pro A, l’Euroleague ? Ou tu restais dans ta bulle, ton basket à toi et tes potes ?
Je n’ai jamais vraiment été un spectateur basket. Aujourd’hui encore je suis rarement devant mon écran pour voir un match. Si j’en regarde, c’est principalement de la Pro A parce que je suis dedans, ça fait parti du boulot. Très très rarement l’Euroleague. Bien sûr j’admire comment ça joue, je respecte… Mais je ne suis pas fan de basket au point de ne louper aucun match d’Euroleague. Et je ne me lèverais jamais à trois heures du matin pour voir un match NBA, même de play-off. Je suis un joueur de basket, pas un spectateur. Quand je vois un match, j’ai trop envie de jouer. Par contre tous les matchs de l’Equipe de France que je pouvais voir, je n’en loupais pas une miette. Je suis fan de l’Equipe de France, en basket ou en foot. La fibre nationale, elle est très très importante.
Mais ça c’est aujourd’hui. C’est parce que c’est ton métier. Voir un match, c’est comme retourner au bureau. Mais quand tu avais 13, 15 ans ?
J’adorais aller voir des matchs à Toulon, mais je n’étais pas du genre à me caler devant la télé pour du basket.
Donc tu n’étais pas l’ado fan qui pouvait sortir le classement de la Pro A dans l’ordre à la mi-saison ?
J’étais supporter du HTV, parce que c’était mon club, mais au-delà de ça, ça ne m’intéressait pas plus que ça.

les U13 de Cavalaire, Axel porte fièrement le n°15.
Au HTV, tu y es entré quand ?
La saison 2006-2007, j’avais 14 ans, en minime France et j’y suis resté 9 saisons, jusqu’en Pro B.
Le HTV est un club qui a connu plusieurs moments de troubles, dans sa gestion, son organisation, un usagé récurrent de l’ascenseur. Ça ne te donnait pas des envies d’ailleurs ?
Non. Je ne me voyais pas ailleurs. Je suis quelqu’un d’assez stable. De plus au moment de faire le grand saut chez les pros, le malheur du HTV, une descente en pro B, a fait mon bonheur. Car passer d’espoir à Pro A aurait pu être dur. Pour moi, c’était quand même plus simple d’affronter la Pro B. Et je suis vraiment content que ce soit passer ainsi. Car ça m’a permis de rester sur place, là où j’étais bien, dans un moment important d’une carrière, le passage en pro. Après avoir passé 6 ans dans le même club de sa région, changer de club, de ville, de championnat… Ç’aurait peut-être été beaucoup pour moi.
Le départ à Dijon, c’est la présence rassurante de Laurent Legname ?
Je voulais jouer en Pro A. Lors de la dernière saison à Toulon, Laurent, qui avait déjà des contacts avec Dijon, m’avait dit : « Si l’an prochain je coache en pro A, tu viens avec moi ? ». Et je lui ai dit oui sans savoir de quel club il s’agissait. En fait le deal était que si le HTV remontait, je restais, si il restait en Pro B, j’allais avec lui. Pour moi, le but était avant tout la Pro A.
Tu as toujours évolué au poste de meneur. De par la nature du poste, on demande souvent au meneur de se comporter en leader. Etais-tu un « leader naturel » ?
Non. Pas du tout. Je n’ai jamais été un « leader grande gueule » qui s’impose par la voix. En jeune ça ne posait pas de soucis. Je jouais avec mes amis. On connaissait les qualités et les défauts de chacun, donc je menais le jeu en conséquence. Après avec les pros, j’étais, je suis, plus dans la conversion avec chacun que dans le coup de gueule sur le terrain.
« Axel, t’es peut-être bon au HTV, mais t’es bon pas en France. »
Tu dis qu’avec tes amis, ça ne posait pas de problèmes, mais en sélection ?
En Equipe de France j’avais du mal. Là on m’a en effet reprocher de ne pas assez m’imposer par la voix. Il y a deux trois coachs qui me l’ont dit : « Tu es le meneur, l’équipe doit faire ce que tu décides ». J’ai dû forcer ma nature. Je dois toujours d’ailleurs. Il y a de sacrés caractères dans une équipe, les coachs sont de moins en moins respectés… Ce n’est pas évident. Mais j’essaie de trouver d’autres méthodes que de crier sur un terrain. Parce que moi-même je n’aime pas qu’on me gueule dessus. Mais ça reste un domaine que je travaille encore.
A propos de sélection, ta première en U16, ça t’a fait quel effet ?
Assez surpris. C’était après un stage,j’avais été repéré par le staff lors d’un camp Jordan. A cette époque, c’était surtout des joueurs de l’INSEP et des gars qui s’étaient montrés en sélection minime qui étaient les plus visibles. Moi, je n’avais rien connu de tout ça. Très fier aussi, bien sûr, mais beaucoup de crainte également. C’était quelque que je ne connaissais pas, ni le contexte, ni les joueurs. Ça n’a pas été facile, le niveau était tellement plus fort.

Là, on ne rigole plus.
Intimidant ?
Oui un peu. La plupart des joueurs se connaissaient, moi j’étais un peu l’inconnu. Ce n’était pas que personne ne me parlait, mais j’étais un peu à part quand même. Après faut faire ta place sur le terrain. Mais je n’avais pas vraiment le talent et le niveau. Donc fallait faire tout ce que je pouvais au mieux. Et ça n’a pas été le cas. Du coup, je n’y suis retourné qu’en U20. Mais c’était enrichissant, un grosse expérience. Ça m’a vachement aidé niveau motivation pour la suite. Ça m’a fait grandir.
Pas de découragement ?
Non. Aucun. Juste un rappel à l’ordre : « Axel, t’es peut-être bon au HTV, mais t’es bon pas en France. Y a des gars qui sont bien plus forts que toi dans le pays, alors mets toi au travail et fait les choses correctement. »
Et la dernière, avec les A pour les qualif’ ?
C’est difficile à décrire. Tellement de fierté, tellement gratifiant. Mais là, c’est la grosse pression. On joue une place au mondial avec des forts joueurs contre des forts joueurs. Faut être très bon, sérieux, intense… C’est le métier, mais c’est autre chose que le club. C’est pour le pays avec obligation de résultat. C’est très particulier.
Il est sympa Boris.
Très. Très très sympa. Je l’ai croisé quand on a joué Levallois. Le mot sympa avant et après le match. Non, vraiment sympa. Il n’y a personne qui dira le contraire.
Merci Axel.
Merci à madame Julien et Philippe Dalmasso de nous avoir ouvert l’album photo familiale.
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