[Portrait] Dee Brown, Pump and Dunk !
Portrait
Un dunk. Il a suffi d’un seul dunk à Dee Brown pour se faire un nom en NBA. Véritable phénomène marketing au début des nineties, le meneur est devenu l’icône de Reebok pendant plusieurs saisons. Pourtant, sa carrière est loin de se résumer à une paire de sneakers. Dans une période délicate pour les fans des Celtics, Brown est le joueur qui a fait le lien entre la dynastie Larry Bird et la génération Paul Pierce.
NO SEE DEE
All Star Game 1991. Charlotte, toute jeune franchise en NBA, accueille pour la première fois les festivités de mi-saison. Inauguré sept ans auparavant, le Slam Dunk Contest est l’une des attractions les plus attendues du week-end. Les duels Michael Jordan vs Dominique Wilkins sont encore dans tous les esprits des fans. Les nineties représentent l’âge d’or de cette compétition qui tombera dans une certaine routine un peu plus tard. L’édition 91 réunit le gratin de la discipline. Dans la catégorie musculeux fracasseurs d’arceau, on retrouve Otis Smith, Kenny Williams et Blue Edwards. Le meneur Kenny Smith, finaliste en 1990, est invité à prendre sa revanche face à deux Hornets, chouchous du public, Kendall Gill et Rex Chapman. Mais, pour la majorité des médias, le grandissime favori reste Shawn Kemp, un bestiau de 2m08, alliage parfait de puissance et d’élégance nécessaire au trophée. Dans cette liste, on oublierait presque la présence de Dee Brown. Le rookie des Celtics est un inconnu du grand public, avec seulement une quarantaine de matches dans les pattes pour à peine 20 minutes de temps de jeu. Son physique passe-partout – 1m85 pour 72 kilos – le fait même passer pour le petit frère d’un participant, se souvient l’intéressé :
C’était à quelques heures du concours. Je suis assis dans les gradins avec Shawn Kemp et le reste des participants. Nous sommes habillés avec nos fringues de ville, et je suis juste à côté de Shawn, quand un gamin arrive et lui demande un autographe. L’enfant me montre du doigt et dit à Shawn : « Hé, c’est ton petit frère ? » J’ai juste regardé le gamin et je me suis dit intérieurement : « Petit, tu n’as aucune idée de ce que je vais faire dans ce concours ».

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Inconnu ? Pas tout à fait ! A Boston, la cote de Dee Brown commence à monter en flèche. Son dynamisme et sa fraîcheur physique tranchent au sein d’une équipe vieillissante. Le 16 janvier contre les Warriors, le rookie fait exploser le Garden sur une claquette assourdissante. Parti de dessous le cercle, le rookie gobe la balle d’une main, garde son équilibre en l’air pour un poster énorme. Le journaliste du Boston Globe, Bob Ryan, ne se souvient pas d’un tel dunk au Garden et en aucun cas de la part d’un Celtic. A l’entraînement, Brown est un habitué de ce genre d’action. Epoustouflé par la détente de son poulain, l’assistant coach de l’équipe, Jon Jennings, milite pour sa participation au Slam Dunk Contest. Une campagne qui porte ses fruits : Brown est d’abord ajouté à la liste des remplaçants puis à celle officielle après le forfait d’un des participants. Il est le septième concurrent à s’élancer dans le Charlotte Coliseum. Avant de s’exécuter, Dee se baisse et gonfle machinalement ses Reebok Pump Omni Zone 2. Les commentateurs et le public s’embrasent immédiatement. Brown ne le sait pas encore, mais ce geste va le faire entrer dans la postérité du concours. En plus d’un coup marketing génial, ce gonflage de sneakers est une façon originale de faire monter la sauce avant de prendre son envol. Comme si sa paire de Pump allait délivrer une sorte de magie. Son premier essai, un reverse dunk après un rebond au sol, le place d’emblée au centre du concours. Sa seconde tentative, un windmill surpuissant à deux mains, confirme l’impression visuelle : Brown a de la dynamite dans les mollets ! Avec 92.4 points, il se qualifie pour le deuxième round, bien calé entre Smith (90.8 pts), Chapman (95.2 pts) et Kemp (95.8 pts).
Devant son public, Chapman innove le alley-oop en se faisant une passe derrière le dos pour lui-même. Une figure ultra-technique reprise quelques minutes plus tard par Kemp qui la conclut sur un dunk arrière. Brown, lui, riposte par un autre moulin à vent main gauche de toute beauté puis enchaîne avec un reverse dunk, jambes écartées, la tête dans le filet. La détente verticale du Celtic fait chavirer Dominique Wilkins et Magic Johnson, commentateurs de l’événement. Le jury composé de George Gervin, Maurice Lucas et Julius Erving ne s’y trompe pas. Il accorde la meilleure moyenne du second round à Brown avec 98.0 points. En finale, la puce celte retrouve son « grand frère » Shawn Kemp pour un duel à la David contre Goliath. Un combat final joué sur les deux meilleurs dunks des trois proposés. The Reignman engage les hostilités : il s’élance à l’angle du parquet, jette la balle, sprinte pour finir par un dunk violent à une main. A la puissance, Brown répond par la créativité. Il coince un ballon en haut de l’arceau et part avec un autre sous le bras pour un double dunk original qui lui vaut la note de 48.1. Avec un retard de quatre points, Kemp n’a pas dit son dernier mot. Il défie les lois de la pesanteur avec une impulsion juste après la ligne des lancers pour une envolée pleine de grâce ponctué pour un dunk double clutch. Résultat, une note de 48 points méritée. C’est mieux que les 46.4 points obtenus par Brown sur un 360° réalisé lors de son second essai. Pour son dernier galop, le Supersonic fait passer la balle sous son coude avant de la rattraper pour un dunk arrière. Une figure propre et maîtrisée qui ne lui rapporte que 45.7 points. Avant même son dernier essai, Dee Brown a la main sur le trophée. Mais, le meneur cherche autre chose.
Dans sa jeunesse, Dee a observé les plus grands dunkeurs de la Ligue. De Julius Erving et son baseline scoop contre les Lakers en 1980 au moulin à vent iconique de Dominique Wilkins, tous ont leur move signature. Brown veut aussi le sien, histoire de marquer les esprits. Pour préparer le concours, il a cherché l’inspiration au sein de son équipe. Bizarrement, ce ne sont pas les jeunes Celtics comme Reggie Lewis ou Brian Shaw, qui l’aident, mais le vieux sage Kevin McHale. Même si à 34 ans passés, l’intérieur est tout juste capable de dunker, il est celui qui propose le plus d’idées au rookie. Sur les conseils précieux de son aîné, Dee bosse quatre ou cinq figures en coulisses. Pourtant, au moment de s’élancer pour son dernier essai, il n’a pas encore fait son choix. En totale impro, il ferme les yeux après son impulsion et plonge sa tête dans son coude droit. Coup d’essai, coup de maître. Surnommé « No See Dee » ce dunk aveugle est la cerise sur le gâteau d’un concours survolé de bout en bout.

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Je n’avais jamais fait ce dunk avant. Je l’ai littéralement inventé sur place. Je voulais faire quelque chose dont tout le monde se souviendrait, comme Michael Jordan décollant de la ligne des lancers francs. Je voulais que les gens se souviennent de Dee Brown faisant quelque chose que personne n’avait jamais fait auparavant. Toutes ces pensées me sont venues à l’esprit, alors que je commençais ma course d’élan. Quand j’ai sauté, j’ai fermé les yeux et mis ma tête dans mon coude. Je savais que soit j’allais y arriver, et tout le monde parlerait de moi 25 ans plus tard, soit je me manquerais, et tout le monde allait aussi en parler pendant 25 ans.
LA GUERRE DES SNEAKERS
Sans le vouloir, Dee Brown ouvre une nouvelle ère du Slam Dunk Contest, celle des accessoires en tous genres. Du bandeau sur les yeux de Cedric Ceballos au dunk par-dessus une mascotte d’Aaron Gordon, nombreux sont les participants qui usent d’artifices par la suite… avec plus ou moins de succès. Dee n’a utilisé que son bras et la pompe de ses baskets, mais son originalité inspire les nouvelles générations de dunkeurs. Cette victoire lui ouvre immédiatement les portes de la célébrité. Reebok, notamment, s’empare de lui pour développer un marketing imparable. L’image des Pump gonflées avant chaque dunk a fait le tour de la planète. L’équipementier capitalise dessus avec un spot où on retrouve Dee au cœur de New York pour un dunk tout en haut d’un building. L’engouement populaire pour ces chaussures connaît un boom terrible. La marque – dont le siège est basé à Boston – se permet même de marcher sur les plates-bandes de Nike et d’un certain Michael Jordan. His Airness n’a pas apprécié la mise en scène de Brown et le fait savoir. Pour lui, le Celtic a été trop loin et voulait uniquement un plus gros contrat avec la marque. Dee se défend en déclarant que son geste était spontané. Trop tard, la guerre des sneakers est déclarée. Sur l’année 1991, le chiffre d’affaires de Reebok augmente de 27% pour atteindre environ 3 milliards. Après le Slam Dunk Contest, les Pump surfent sur une déferlante commerciale et font sérieusement de l’ombre aux Air Jordan. En 1992, le modèle atteint les 6 millions de paires vendues. Un comble pour une basket dont le prix dépasse les 170 dollars (plus de 1000 francs à l’époque), soit le double du prix moyen d’une paire classique. Un record ! A 21 ans, Brown a encore du mal à réaliser sa nouvelle notoriété jusqu’au jour où Michael Jordan himself lui tombe sur le râble :
Un jour, il m’a coincé. J’étais invité à un événement et des fans ont franchi la barrière de sécurité, tant et si bien que les joueurs NBA présents, se sont en quelque sorte regroupés pour essayer de sortir de l’hôtel. C’est ainsi que je me suis retrouvé dans la même zone que MJ. Honnêtement, je ne crois pas que c’était un accident parce que Michael prémédite ces choses. Il sait ce qu’il fait. Il m’a félicité pour le Slam Dunk Contest et m’a dit : « Tu as fait un excellent travail, mais maintenant je vais devoir te botter les fesses sur le terrain et en dehors, car tu as lancé la guerre des sneakers ». J’ai bredouillé une sorte de merci, mais être dans le radar de Michael Jordan, c’était vraiment la dernière chose qu’on peut souhaiter.

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Il n’y a pas que dans les médias et hors terrain que Dee Brown jouit d’une soudaine popularité. Les fans veulent tous approcher le rookie. Le Big Three des Celtics, Larry Bird, Kevin McHale et Robert Parish, était lui aussi présent au All Star Game 1991, mais pour la grande messe du dimanche soir. Pourtant, c’est le jeune Brown qui leur vole la vedette. Après ce week-end de festivités, Boston reprend la saison régulière par un déplacement à Seattle. Au sortir de l’avion, un bus prend en charge l’équipe pour l’emmener directement à l’entraînement. Brown et Bird entrent ensemble dans l’enceinte quand une équipe de télévision crie « Le voilà ». Larry grimace. Mais, à sa grande surprise, les micros se tendent vers le rookie. Plus loin, les quelques supporters présents se précipitent sur Brown pour recueillir un autographe, en snobant Larry Legend au passage. Un peu plus tard, le numéro 33 livre une analyse Birdienne de cette situation : « Avant ce concours de dunk, tout le monde voulait shooter comme moi et maintenant, tout le monde veut dunker comme Dee ». Il faut avouer que voir un Celtic remporter le concours de dunk a quelque chose d’anachronique au début des nineties. Aussi, Brown devient l’attraction de toute la Nouvelle Angleterre pendant plusieurs semaines, où il multiplie les spots radio et les apparitions télé. Son agent, Steve Zucker, ne sait plus où donner de la tête et reçoit même des appels en pleine nuit de la part de dirigeants qui veulent les chaussures de son poulain. Sans parler des mascottes qui reproduisent le no-look dunk à chaque apparition des Celtics en ville.
SELECTIONNE PAR RED POUR DEVENIR UN GREEN
Aux yeux du grand public, Brown est né lors du Slam Dunk Contest. Mais, avant cette gloire fulgurante, il a dû batailler pour gravir les échelons. Natif de Jacksonville, au Nord de la Floride, ses parents n’ont que 16 et 17 ans quand il vient au monde. Cela n’empêche pas le couple de travailler et de fournir tout ce qu’il faut au jeune DeCovan Kadell Brown pour s’épanouir. Son père, mordu de basket, le dirige très tôt vers les terrains. En compagnie de ses oncles, à peine plus âgés que lui, Dee pose ses premiers dribbles en famille. Collégien, il s’inscrit à la Bolles School, une école préparatoire réputée pour son excellence académique et sportive. Plus de 50 nageurs olympiques américains sont passés par ce campus, ainsi que des journalistes futurs lauréats du Prix Pulitzer. Au milieu de cette élite, Brown, seul afro-américain de sa promotion, dénote. Son truc à lui, c’est le hip-hop et le basket, deux disciplines qui n’ont pas vraiment la cote dans le programme. Le week-end, Dee alterne entre la balle orange la journée et les compétitions de break dance le soir. A cette période, il ne sort jamais sans son ghetto blaster qu’il traine jusqu’au playground pour enchaîner les shoots sur du Sugar Hill Gang ou Kurtis Blow. Ses progrès balle en main sont spectaculaires. Il domine de la tête et des épaules l’équipe des Bulldogs. Mais, en terme de basket, la Bolles School reste une petite école privée qui apparaît à peine sur la carte de Floride, un état qui vit pour le football américain. Au terme de son cursus, aucune fac de première division NCAA ne s’intéresse à lui. Il ne reçoit qu’une proposition de bourse de la part du Presbyterian College en Caroline du Sud qui évolue un échelon en-dessous, en NAIA.
Brown commence à se faire une raison, lorsqu’à la fin de l’été, il participe aux Sunshine State Games, une sorte de compétition olympique régionale. Avec son équipe du lycée, il défonce la concurrence y compris les meilleurs prospects du coin. 37 points de moyenne sur le tournoi et un face à face avec Mister Florida 1986, Chris Corchiani, qui tourne à la démonstration. Deux jours après ses exploits, Dee recueille 15 offres de bourse des plus grandes universités du Sud. La rentrée approchant, il n’a qu’une semaine pour se décider. Il opte pour la sécurité en restant chez lui à Jacksonville. Dans la Sun Belt Conference, les Dolphins boivent la tasse depuis pas mal d’année. La fac n’a plus brillé depuis 1970 portée par le futur Hall of Famer, Artis Gilmore. Le géant avait emmené les Dolphins en finale NCAA en surnageant à 22 points et 23 rebonds ! Sans obligation de résultats, Brown gagne en confiance chaque saison. Avant dernier de sa conférence en 1988, Jacksonville double quasiment son nombre de victoires l’année suivante avec Dee en leader offensif : 19.6 points à 49% aux tirs. Estampillé meneur scoreur, il fait des efforts pour étoffer son jeu durant sa dernière saison . Le résultat est saisissant : 19.3 points, 6.6 rebonds, 5.2 assists et surtout 3.0 interceptions par match, le record all-time de la fac. Malgré des stats ronflantes, il n’intègre pas les sélections All-American et n’a aucune certitude d’être sélectionné à la draft. Son profil hybride interroge les scouts : pas assez gestionnaire pour jouer meneur et pas assez adroit de loin pour évoluer shooting guard. En plus, son physique relativement frêle promet une acclimatation difficile face aux tanks de la Grande Ligue.

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Dee s’engage alors dans différents camps d’été pour se mettre en valeur. Il commence par celui d’Orlando, où il met la misère à deux gros prospects, Travis Mays et Bimbo Coles. Son nom apparaît alors comme un solide second tour de draft. Le camp de Chicago le fait définitivement changer de catégorie. Il lève les derniers doutes sur ses aptitudes à diriger le jeu offensif. Moins organisateur que d’autres meneurs de la cuvée, la vitesse de son premier pas et ses qualités pour finir près du cercle en font un candidat crédible pour le premier tour. Trois franchises suivent avec attention son dossier. Les Pistons, champions en titre, les Rockets et les Celtics. C’est dans le Texas où Brown passe le plus de temps. Pendant une semaine, il participe à des pick-up games avec des vétérans qui semblent apprécier sa fraîcheur physique. Tout le contraire de Boston, où il ne prend part qu’à un court entraînement. Pourtant, une rencontre va changer la donne. A l’issue de son essai, Dee est convoqué dans le bureau du grand Red Auerbach. Fan des oppositions mythiques entre les C’s et les Lakers dans les eighties, Brown a l’impression d’entrer dans les coulisses du Hall of Fame, tant les gloires NBA tapissent les murs de la pièce. Il ne se laisse pas démonter et étale sa culture sur la franchise celte. Non seulement, le minot connait les légendes des années 50 comme Frank Ramsey ou Jim Loscutoff, mais il est aussi capable de sortir des anecdotes sur Togo Palazzi, un obscur remplaçant passé furtivement par Boston en 1955. Dee fait bonne impression auprès du vieux sage. Le 27 juin 1990, soir de la draft, il tient sa récompense : il est choisi en 19ème position par les Celtics.
La meilleure chose à propos de ma draft par les Celtics, c’est que ce soit Red Auerbach lui-même qui a fait ce choix. Les gens me parlent toujours du Slam Dunk Contest, mais c’est le soir de ma draft qui a été le meilleur moment de ma vie de basketteur. Juste en repensant à tous les autres joueurs qu’il a sélectionnés dans le passé – Russell, Havlicek, Cowens, Bird – faire partie de cette liste, c’est quelque chose d’incroyable. Je ne pouvais pas entrer dans la Ligue sur une meilleure sensation que celle-ci.
ENTRE DEUX DEE-NASTIES
Être choisi par Auerbach, on peut difficilement rêver mieux pour commencer une carrière pro. En plus, Dee atterrit dans l’une des équipes les plus structurées et expérimentées de l’époque. Faire ses gammes avec Bird, McHale et Parish, beaucoup de rookies signeraient des deux mains ! Même vieillissant, le frontcourt de Boston reste compétitif en 1990. Seuls les départs de Danny Ainge et Dennis Johnson sont encore à combler sur la ligne arrière. Pour redynamiser leur backcourt, les dirigeants misent sur des jeunes pousses vertes. Brown est l’une des pièces de ce projet, en compagnie de Brian Shaw (24 ans), Kevin Gamble et Reggie Lewis (25 ans). Le basket académique du Big Three pimenté par le jeu plus spontané des gamins donne un résultat détonnant. Les fans sont surpris par des actions fulgurantes terminées sur des alley-oops ou des tomars bien violents. Un showtime à la mode bostonienne servi par les quatre jeunes pépites, bientôt surnommées les Zip Boys par Tom Heinsohn himself, en rapport aux contre-attaques menées à la vitesse de l’éclair. Un bilan de 56 victoires – deuxième à l’Est – vient récompenser ce cocktail explosif ! Brown apprend vitesse grand V au contact des vétérans. Après sa fameuse victoire au Slam Dunk Contest, il double quasiment ses stats en mars avec 13 points et 5 passes de moyenne. En concurrence avec Shaw sur le poste de meneur, les playoffs servent de révélateur. Après un tour contre les Pacers pour se mettre en jambe, Dee affronte les Pistons, tenants du titre, en demi. Touché au dos, Bird n’est que l’ombre de lui-même dans ce duel. Tout le contraire du rookie qui bat son record personnel dans la victoire du Game 2 avec 22 points. Plus tenace en défense face à Isiah Thomas, Brown est un poison des deux côtés du parquet. Il éclipse totalement Shaw avec une ligne statistique convaincante sur la série – 15.8 points, 4.8 rebonds et 5.3 assists – malgré la défaite 4 à 2.

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La saison de sophomore de Dee devait être celle de la confirmation. Auréolé d’une sélection dans la All-Rookie First Team, la place de meneur titulaire lui tend les bras après ses excellents playoffs. Malheureusement, rien ne se passe comme prévu. Brown se blesse gravement au genou pendant les matchs de préparation en octobre 1991. Bilan : quatre mois d’inactivité. Le marsupilami des Celtics ronge son frein sur le banc tout comme Bird et McHale, scotchés à l’infirmerie. Pour ne pas arranger ses affaires, Boston transfère Brian Shaw pour ramener dans ses pattes, Sherman Douglas, un autre jeune meneur prometteur. De retour après le All Star Game, Dee ne retrouve pas complètement son explosivité. Ses performances sont en dents de scie à l’image des C’s qui lui préfèrent John Bagley en playoffs. Derrière le vétéran, Brown se bat pour regagner des minutes. Dans le Game 7 contre les Cavaliers en demi, il ramène 18 points et 5 assists. En vain ! Boston se fait sortir sans gloire et doit dire adieu à Larry Bird. La retraite de la légende celte a forcément un impact sur les résultats la saison suivante. Xavier McDaniel, arrivé à la rescousse, n’a plus son rendement d’antan. Qualifiés in extremis pour la post-season, les Celtics sont débordés par des Hornets plus jeunes et plus ambitieux. Une sortie de piste qui marque la fin d’une époque. Pendant l’été, non seulement Kevin McHale raccroche à son tour les baskets, mais les fans perdent aussi celui qui incarne l’avenir de la franchise, Reggie Lewis. Décédé d’un malaise cardiaque, l’ailier laisse ses coéquipiers orphelins. En l’espace de deux ans, Boston perd ses trois meilleurs scoreurs. A l’entame de la saison 1993-94, Dee Brown se trouve sur un champ en ruines.
Les bookmakers prédisent l’enfer aux Celtics qui se préparent à une énorme reconstruction. Le coach Chris Ford ne l’entend pas ainsi et ajuste ses rotations. Dans le 5 majeur, le couteau suisse Rick Fox et le rookie croate Dino Radja font leur apparition. L’entraîneur titularise également Sherman Douglas à la mène et décale Brown au poste deux pour lui donner les clés du scoring. De joueur de complément, Dee incarne subitement le visage de la franchise. Un nouveau costume qu’il enfile sans rechigner. Après le départ de Robert Parish, il reprend même le capitanat de l’équipe. Libéré d’une partie de la création, il s’éclate dans un rôle d’électron libre. Meilleur marqueur des C’s en 1994 avec 15.5 points, il ramène 32 victoires, un bilan au-dessus des pronostics. La saison suivante est encore meilleure. Son entente sur pick’n’roll avec Radja maintient Boston à flot. Sur la seconde partie de championnat, Brown dépasse les 40 points à deux reprises pour des succès de prestige contre Phoenix et Miami. A la surprise générale, l’équipe accède aux playoffs, le temps d’une série contre le Magic de Shaq et Penny. Dee se montre digne de son statut avec 18.8 points, 5.0 rebonds et 4.8 passes. Cette campagne marque la fin du célèbre Boston Garden. La franchise déménage en 1995 dans le flambant neuf Fleet Center pour le début d’une nouvelle ère. Malgré les efforts de Brown, le niveau plafond de l’équipe reste limité. Quand Rick Pitino débarque sur le banc en 1997, il décide de faire le ménage. Perçu comme le sauveur de Boston, le coach évacue les anciens cadres pour façonner un roster à son image. En février, Dee est transféré en compagnie du rookie Chauncey Billups à Toronto en échange de Kenny Anderson. Il quitte à regret sa franchise de cœur après huit années de service, juste avant la draft de Paul Pierce et d’un nouveau cycle victorieux. Comme un symbole, Brown fait le trait d’union entre les générations Bird et Pierce.
Personne ne parle des années 90 et personne ne parle vraiment de ma carrière à Boston. Cette époque est devenue une note de bas de page dans l’histoire des Celtics. Pourtant, je me considère chanceux. J’ai joué le dernier match dans l’ancien Boston Garden et le premier au Fleet Center. J’étais la dernière personne à jouer avec le Big Three. J’étais le dernier des choix de Red Auerbach à apporter une contribution significative sous l’uniforme des Celtics. J’ai eu l’honneur d’être capitaine aussi. Quand vous regardez qui m’a précédé – Cousy, Russell, Havlicek, Cowens, Bird, Parish – on parle des plus grands joueurs de basket. Être mentionné avec eux, c’est un honneur. Je n’ai pas une carrière à leur hauteur, mais j’ai l’impression d’avoir le même respect sur ce que cela signifie d’être un Celtic.

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La carrière de Dee ne s’est pas terminée avec son transfert. A Toronto, dans un rôle de meneur remplaçant, il sert de rampe de lancement à un autre dunkeur iconique, Vince Carter. A 30 ans passés, il s’affiche encore à plus de 11 points de moyenne et participe l’année suivante à la première campagne de playoffs de l’Histoire des Raptors. Agent libre en 2000, il rentre au bercail en signant près de chez lui à Orlando, le temps de deux petites saisons entrecoupées de blessures. Il raccroche définitivement en 2002, mais ne quitte pas totalement l’univers du basket, puisque la même année il devient entraîneur en chef du Orlando Miracle, l’équipe de WNBA. Il bourlingue ensuite sur différents bancs, de San Antonio toujours chez les féminines à la NBA en tant qu’assistant chez les Pistons et les Kings. Dernièrement, en avril 2021, il décide de boucler la boucle en acceptant le poste de directeur exécutif des Dolphins de Jacksonville. Un retour aux sources dans la fac qui l’a vu accomplir ses premiers exploits.
STATISTIQUES ET PALMARES
- Stats NCAA : 13.9 points à 48,2% aux tirs, 5.3 rebonds et 3.1 assists
- Stats NBA : 11.1 points à 43,6% aux tirs, 2.6 rebonds et 3.7 assists
- Nommé dans la All-Rookie First Team (1991)
- Vainqueur du Slam Dunk Contest (1991)
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