[Portrait] Uche Nsonwu-Amadi, le colosse de Lagos
Portrait
Il rêvait de NBA, mais s’est retrouvé à faire le tour des championnats européens. Uche Nsonwu-Amadi, c’est l’histoire d’un géant aussi puissant sur le parquet que sympathique et attachant en dehors. Un colosse venu au basket sur le tard qui a fait de la balle orange, son passeport pour voyager. De la chaleur du Nigéria aux hivers du Wyoming, du Rhône à la Loire, sa carrière est un perpétuel grand écart.
STAR, SKI ET UCHE
Au début des nineties, tout le Nigéria vibre pour ses Super Eagles. Une génération dorée de footballeurs contamine tous les gamins du pays qui se prennent tantôt pour Jay-Jay Okocha, tantôt pour Taribo West. Le ballon rond est roi à Lagos et, gamin, Uche Nsonwu-Amadi n’échappe pas à la folie ambiante. Comme Okocha, il a grandi à Enugu à l’Est de la capitale, mais c’est avec Nwankwo Kanu, l’attaquant d’Arsenal, qu’il est le plus proche. A l’adolescence, le Super Eagle change d’envergure. Nsonwu dépasse largement les 2 mètres et doit laisser son poste d’arrière latéral. Il se tourne alors logiquement vers le basket, un sport encore marginal au Nigéria, mais qui a vu le Grand Hakeem Olajuwon suivre le même cursus sportif quinze ans plus tôt. A 16 ans, il touche son premier ballon, une découverte sur le tard qui ne l’empêche pas de prendre du plaisir sur le bitume :
J’ai commencé à jouer, mais pas de manière structurée au début, puisque le basket n’est pas très organisé au Nigeria. Il est cependant en plein développement. J’ai donc commencé par m’amuser sur les playgrounds, à essayer de répéter les gestes des stars que je voyais à la télé. C’est vite devenu ma passion et mon passe-temps favori. J’y passais des heures, dès la fin de l’école jusque tard le soir.
Le basket loisir c’est bien, toutefois s’il veut progresser Uche va devoir se trouver un club. A cette époque, la Nigerian Premier League vient tout juste de se créer. Un championnat semi-professionnel composé de deux poules : la Conférence Savannah basée dans la province d’Abuja et la Conférence Atlantique dans la région de Lagos. Les premières bases d’un basket structuré sont posées, mais la Fédération manque encore cruellement de moyens. Impossible dans le pays de vivre de la balle orange, les joueurs ont tous un job à côté, le basket leur apportant à peine un complément de revenu. Même la sélection nationale, surnommée les D’Tigers, se heurte à des problèmes financiers et matériels pendant leur préparation : pas de salles disponibles, éclairage défectueux, hôtels non réservés et vols aériens pas entièrement payés. Dans ce contexte, faire son trou relève du miracle ou d’une motivation extrême. C’est le cas d’Uche. Invité par un ami à s’entraîner dans une équipe de Lagos, le géant séduit le coach local par sa taille et sa puissance. La saison d’après, il intègre le groupe. Nsonwu fait alors quatre heures de route, rien que pour rejoindre l’infrastructure. Un vrai parcours du combattant, surtout qu’il ne joue même pas tous les matches. L’emploi du temps du jeune homme est dantesque, car il doit jongler entre ses études et le basket. Ayant perdu son père à l’âge de 13 ans puis sa mère à 17, Uche est déjà l’homme de la famille qui doit assister son frère et ses trois sœurs. Dans ces conditions, impossible de lâcher le lycée. Avec le poids du foyer sur ses épaules, il n’a pas d’autre choix que de réussir à l’école. Le sport c’est juste un bonus… jusqu’à ce qu’un scout américain fasse basculer son destin.

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Le Nigéria comme beaucoup d’autres pays africains est un bon vivier en matière de talents et surtout d’intérieurs massifs. Régulièrement, les scouts font le tour des clubs pour dénicher une pépite. De passage à Lagos, l’un d’eux repère Uche. Il lui propose une bourse d’études et de l’intégrer au programme de basket. Une véritable aubaine pour lui tant sur le plan sportif qu’universitaire. Il prend donc la direction du collège d’Indian Hills dans le Sud-Est de l’Iowa. Dans cette petite structure, Nsonwu comprend rapidement que s’il veut un meilleur niveau d’études, il va devoir bouger. La saison suivante, il déménage à Wyoming University, un état connu pour ses stations de ski et son froid extrême en hiver, aux antipodes de son pays d’origine. Uche y poursuit ses études en ingénierie informatique. Pour le basket, il faudra attendre. Comme il n’a pas validé son cursus en junior, il doit patienter un an avant de pouvoir jouer avec les Cowboys, comme le stipule le règlement NCAA. Sans match officiel à se mettre sous la dent, le pivot se contente de faire le sparring partner à l’entraînement ou de s’échauffer avec le groupe avant les rencontres. Mais, un baobab de 2m08 ne passe pas inaperçu. Les fans finissent par se demander qui est ce géant présent sur le banc qui ne rentre jamais en jeu. Tant est si bien qu’une certaine pression l’entoure la saison 2000-2001 pour ses grands débuts dans le championnat universitaire.
Le Wyoming est, certes, l’état américain le moins peuplé, mais sa tradition avec la balle orange est reconnue dans tout le pays. Créée en 1905, l’équipe de basket remporte le titre suprême universitaire en 1943, compte 15 apparitions au tournoi NCAA et pas moins de 21 titres de champion de conférence. Depuis une dizaine d’années, toutefois, c’est une période de vache maigre pour les Cowboys. Il faut remonter à 1988 pour trouver une trace de qualification au tournoi NCAA avec une équipe portée par le futur pensionnaire de Pro A, Fennis Dembo. Quatre entraîneurs se sont succédé sans inverser la tendance. Cinquième de la Moutain West Conference en 2000, Wyoming améliore son bilan la saison suivante avec l’arrivée d’Uche Nsonwu-Amadi. Titularisé dès ses débuts, le Nigérian lève immédiatement les doutes sur son acclimatation au style de jeu universitaire. Avec 11.8 points et 8.3 rebonds, il devient le shérif de la raquette. Les Cowboys enregistrent notamment une série de 10 victoires consécutives à domicile, synonyme de nouvelles ambitions. Les fans ne s’y trompent pas, Wyoming survole la saison 2002 avec son duo d’ailiers Josh Davis (11.7 points et 7.9 rebonds) et Marcus Bailey (14.6 points et 4.2 rebonds), qui arrive à maturité. Un one-two punch parfaitement secondé par Uche qui engrange les double double. Avec un bilan de 22 victoires pour 9 défaites, les Cowboys s’adjugent la première place de leur conférence et accèdent enfin au tournoi NCAA. Pour sa découverte avec l’élite, Nsonwu frappe fort au premier tour contre Gonzaga pourtant largement favori : 14 points à 6/12 aux tirs, meilleur scoreur de l’équipe. Menés 36-32 à la pause, les Cowboys se lancent dans un rodéo victorieux en seconde mi-temps avec un final ahurissant de Josh Davis (73-66). Une première victoire en March Madness depuis 15 ans qui s’arrête au tour suivant contre les Wildcats d’Arizona, malgré un énième double double d’Uche. Fort d’un CV qui commence à se remplir, le Nigérian se présente à la draft 2002. Snobé par les franchises, il décide de retourner sur le campus pour une dernière année :
J’ai discuté de la situation avec l’entraîneur McClain, et nous avons pensé que c’était la chose à faire la plus positive pour moi. Je veux être pleinement de retour au Wyoming pour ma saison senior. J’ai le sentiment que cela m’exposera plus à la NBA et me donnera l’opportunité de jouer contre certains des meilleurs intérieurs du pays. Cela m’aidera aussi à découvrir ce que je besoin de travailler pour la saison prochaine.

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Avec le départ de Josh Davis pour la NBA, la raquette devient le saloon d’Uche. Le Cowboy domine physiquement dans la peinture en sortant le lasso au rebond : 12.7 prises sur le premier mois de compétition. Wyoming reste compétitif, mais se fait dépasser au classement par Utah et Brigham Young. Nsonwu a beau surnager avec un titre de meilleur rebondeur de la conférence (9.6 rebonds) accompagné de 14.2 points, il ne parvient pas à hisser la fac à la March Madness. Désormais, tous ses efforts sont pointés vers la draft. Le site de scouting DraftReview évalue Uche comme un possible second tour. Ses points forts : un physique NBA ready, une activité permanente sous les cercles et une mobilité certaine sur jeu rapide pour un big man. Nsonwu doit, en revanche, éviter des fautes trop rapides et bosser son petit tir à mi-distance. Il participe bien sûr au Draft Combine pour évaluer ses qualités athlétiques et passer les tests médicaux obligatoires. Invité à plusieurs workouts, il mise sur le célèbre Pre-Draft Camp de Chicago pour faire monter sa cote au milieu de 60 prospects. Sans un gros temps de jeu dans ces matches de préparation, il tire son épingle du jeu avec 7.7 points et 9.3 rebonds. Malgré son manque de taille face aux 7 Footers de sa cuvée, Uche prouve qu’il peut moissonner au rebond. Malheureusement, ce n’est pas suffisant pour séduire les franchises. Le jour de la draft, 22 rookies internationaux sont sélectionnés, mais Nsonwu n’en fait pas partie. S’il veut poursuivre son rêve de basketteur professionnel, il va devoir se tourner vers le Vieux Continent.
LES GRANDS DEMENAGEMENTS : OU T’ES, PAPA UCHE ?
Déraciné du Nigéria à peine majeur pour percer aux Etats-Unis, Uche Nsonwu-Amadi part encore à la découverte de nouvelles cultures. Deux propositions s’offrent à lui : l’une dans le championnat polonais et l’autre en deuxième division italienne. Sur le papier la Lega Due apparaît bien plus forte que la PLK (Polska Liga Koszykowki). Mais, dans la tête du pivot, l’exposition en première division quel que soit le pays, est prioritaire. Il prend donc la direction du Polonia Warbud Warszawa. En proie à des problèmes de trésorerie, le club de Varsovie est contraint de libérer Uche, avant même que celui-ci ait le temps de fouler les parquets. Première expérience ratée ! Le géant rebondit ensuite au Galatasaray. Un changement de décor complet, puisqu’il découvre l’ambiance du championnat turc directement dans le derby contre le Fenerbahçe. Une victoire au forceps des siens (66-64) dans laquelle Uche capte 11 rebonds. Des débuts encourageants qui laissent vite place à la désillusion. Au bout de six matches, Uche attend toujours son chèque qui ne viendra jamais. Plutôt que de passer par la case tribunal, le géant préfère quitter le pays. Deuxième expérience ratée !
Pour terminer une saison déjà bien entamée, Nsonwu se pose à Antibes en décembre 2003. Le club azuréen évolue en Pro B, mais a le mérite d’honorer ses salaires. Il n’en faut pas plus au pivot pour prendre confiance et dégommer littéralement la concurrence. Mal en point avec un bilan de 3 victoires pour 8 défaites, Antibes signe Uche pour lancer l’opération maintien. Il apporte un nouveau souffle aux papys Stéphane Ostrowski (41 ans) et David Rivers (38 ans) : 17.0 points à 55,7%, 11.3 rebonds et 2.2 assists ! Avec 12 double double en 19 matches, le Nigérian porte le club sur ses larges épaules. Le maintien est assuré dans le run final avec six victoires consécutives, où l’on retrouve un Uche en roue libre : 18pts-18 rebonds contre Rouen, 22pts-13 rebonds face à Evreux et 24pts-17 rebonds contre Rueil ! Même en Pro B, ses performances XXL ne passent pas inaperçues. En plus, Uche se construit une image positive, un mec toujours souriant, déconneur dans le vestiaire, mais bulldozer sur le parquet. Du coup, pas de soucis pour retrouver un contrat l’année suivante. Il mise sur la sécurité en s’engageant avec Ostende en Belgique. Cette fois, il joue les premiers rôles du championnat en compagnie des futurs NBAers, Mirza Teletovic et Damjan Rudez. Chouchou du public, Uche tourne tranquillement en 12.3 points et 7.5 rebonds. Des chiffres qu’il réédite la saison 2006, en Israël. Nsonwu a la bougeotte et continue son tour d’Europe du côté de l’Hapoel Galil Elyon. Autre culture, autres mœurs, peu importe pour le Nigérian qui cultive son enrichissement personnel :
Ce qui m’importe le plus, ce sont les rencontres et l’expérience que j’en acquiers. C’est mon soleil, comme un sourire ou un éclat de rire qui au quotidien me sont vitaux. Vous savez, le Nigeria compte 250 ethnies et autant de langues, de cultures, de différences. Alors, oui, sans doute cela favorise mon intérêt pour les autres et me pousse à m’y adapter plutôt que l’inverse.

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Malgré ses pérégrinations en Europe, les coachs français n’ont pas oublié son passage en Pro B. Aussi, lorsque Frédéric Sarre est nommé sur le banc de Gravelines en 2006, il recrute Uche Nsonwu-Amadi pour épauler physiquement la star du BCM, Rahshon Turner. Sarre avait repéré le colosse lors d’un match de Coupe de France Pau/Orthez-Antibes. Quant aux Nordistes, ils avaient été martyrisés par Uche en Coupe d’Europe contre son club israélien : 26 points et 18 rebonds. Sixième de l’exercice précédent, Gravelines reste ambitieux en partant sur un nouveau cycle. Outre Frédéric Sarre et Nsonwu, le club enrôle les meneurs Steeve Essart et Paccelis Morlende et l’intérieur Jérôme Schmitt. Mais, en raison d’un problème de visa, le Nigérian a du retard à l’allumage. Il attend la réception du leader Roanne pour lancer sa saison avec 22 points et 19 rebonds dans une large victoire. Au sein d’un effectif décimé par les blessures, Uche est l’un des rares éléments à surnager : 12.7 points à 64% de réussite et 8.1 rebonds. Le BCM arrache in extremis un spot en playoffs pour affronter l’ogre nancéen au premier tour. Pour ses premiers pas dans le gratin français, Nsonwu tape du poing sur la table : dans le succès 79-77 au Sportica, le baobab capte 22 rebonds, un record en playoffs qu’il partage avec le villeurbannais Ron Curry en 1994. Puis, avec 17 points dans le match décisif, Uche est tout prêt de faire tomber le leader de saison régulière, qui ne s’en sort qu’avec un tir clutch de Tariq Kirksay (64-62). En plus de l’élimination, Gravelines perd son pivot. Ultra sollicité avec ses énormes performances, le BCM ne peut pas s’aligner financièrement face à l’ASVEL.
LE COLOSSE DU RHONE
Uche n’a pas que le physique du déménageur, il aime aussi beaucoup changer d’endroit. En signant à Villeurbanne en juin 2007, il connaît sa septième équipe en cinq saisons. Dans le Rhône, les fans de l’ASVEL s’impatientent, eux, qui n’ont plus remporté le moindre trophée hexagonal depuis 2002. Le club sort donc le porte-monnaie pour recruter du lourd : la jeune pépite Edwin Jackson, l’ailier Robert Conley, l’ancien choletais Lamayn Wilson et la prolongation du musculeux Chevon Troutman. Uche, lui, prend la place dans la raquette du capitaine Vincent Masingue qui n’est pas conservé. Le coach Yves Baratet a une idée derrière la tête. Il souhaite mettre en place une force de frappe intérieure inégalée en Pro A avec le trio Wilson, Troutman, Nsonwu. Le premier évolue dans une position d’électron libre scoreur, pendant que les deux autres apportent leur puissance et leur verticalité sous le cercle. Un plan qui se déroule sans accroc. Le trident villeurbannais rapporte 42.3 points, soit près de la moitié du scoring de l’équipe. En prenant énormément de tirs dans le petit périmètre, l’Asvel est le seul club du championnat à shooter à plus de 50% de réussite. Comme l’année précédente, Uche réserve son meilleur match aux Roannais. Le nigérian a la main lourde dans le derby avec un nouveau record en carrière (28 points). Le trio infernal de l’ASVEL laisse la Chorale aphone avec 75 points sur les 95 de l’équipe ! En tête de Pro A à mi-parcours, la raquette verte est en mode rouleau compresseur : les 230 kilos de barbaque de Nsonwu-Troutman sont impossibles à bouger pour la plupart des adversaires. En toute logique, les trois intérieurs sont sélectionnés pour le All Star Game, une première étoile pour Uche et le seul membre de la sélection étrangère à ne pas être américain.
Après cette pause, l’Asvel lâche un peu de lest au classement. Les hommes de Baratet se font sortir successivement de la Semaine des As par Cholet puis de la Coupe ULEB par Galatasaray. Pour ses retrouvailles avec le club turc, Nsonwu enchaîne deux gros double double, mais ne peut éviter l’élimination pour un petit point de point-average. Heureusement reste la Coupe de France ! En manque de trophée depuis 6 ans, Villeurbanne prend cette compétition au sérieux en écartant Hyères-Toulon, Nancy puis Nanterre. La finale leur tend les bras à Bercy contre Cholet, pour un remake des As. La clé de ce match, le duel d’intérieurs, Uche Nsonwu-Amadi vs Claude Marquis. D’après les dires du Nigérian, le pivot des Mauges est celui qui lui donne le plus de fil à retordre avec le nancéen Cyril Julian. Uche marque d’emblée son territoire avec 9 points et deux fautes provoquées sur Marquis au premier quart-temps. Les ravages dans la raquette sonnent complètement Cholet qui ne reviendra jamais réellement au score (86-76). Villeurbanne tient la huitième Coupe de France de son Histoire. Nsonwu est le grand bonhomme de la finale avec 25 points et 12 rebonds. Il décroche enfin le premier trophée de sa carrière professionnelle et rêve de doublé coupe-championnat.

© Le Progrès – Philippe Vacher
En playoffs, la Maison Verte se défait en deux matches de Hyères-Toulon, puis retrouve Nancy en demi. Les deux équipes ont le même bilan en régulière (21-9), mais c’est le SLUC qui dispose de l’avantage du terrain. Encore une fois, le duel dans la raquette est perçu comme déterminant. Face au duo Nsonwu-Troutman, la paire nancéenne Cyril Julian-Victor Samnick déclare dans la presse locale « Même pas peur ! ». Habitué à se coltiner Uche en défense, Samnick livre la clé du duel lorsque l’on affronte le Nigérian :
Nsonwu joue beaucoup sur l’intimidation. Il te fixe droit dans les yeux. S’il voit que tu as peur, il demande la balle très rapidement. Avec lui, c’est d’abord un combat psychologique. Si ses adversaires montrent qu’ils ont peur, c’est déjà perdu pour eux. En revanche, si on l’agresse, dans le sens sportif du terme, ça l’énerve.
Faire déjouer Uche, c’est le plan de bataille du SLUC, qui cherche à le priver de ballon. Pourtant, le géant reste dans ses standards et termine même meilleur rebondeur de la série avec 23 prises. Les scoreurs Wilson et Conley alternent le chaud et le froid sur les deux premiers matches, où chacun reste maître à domicile. Un avantage qui se confirme lors du match d’appui à Gentilly avec un Ricardo Greer en feu (30 points et 9 rebonds). La route s’arrête brutalement pour les Villeurbannais, mais continuera avec Uche, sous contrat jusqu’en 2009.
UN TENOR A LA CHORALE
Décidément, Nsonwu n’est pas fait pour rester deux saisons au même endroit. Même sans clause de départ, le Nigérian cède au chant des sirènes de Mariupol. L’équipe ukrainienne a des arguments financiers sonnants et trébuchants. L’offre paraît tellement juteuse que même l’Asvel y trouve son compte. L’ambition démesurée du club pousse Nsonwu et Mark Salyers, une autre pointure de Pro A, à rejoindre Mariupol. On raconte que les indemnités de ces deux transferts seraient supérieures à une fois et demie à la masse salariale totale de Villeurbanne. Mais, à la différence d’autres grosses cylindrées européennes, les Ukrainiens n’ont pas fait leur budget à l’avance. Au bout d’un mois, les joueurs ont déjà des retards de paiement. Plus tard, en novembre, après une défaite, la direction annonce une baisse de salaire de 20% ! C’en est trop pour Salyers qui jette l’éponge à la trêve, imité quelques jours plus tard par Uche, le temps que Mariupol lui trouve un remplaçant. De nouveau agent libre, le bibendum est sur les tablettes de plusieurs clubs de Pro A. Une piste, notamment, revient avec insistance : la Chorale de Roanne. Champion en 2007 et finaliste en 2008, l’équipe connaît une reconstruction délicate. Septièmes fin janvier, les Choraliens doivent en plus se passer de leur meilleur élément, l’intérieur Taj Gray, pour la fin de saison. Une blessure qui alimente la rumeur Nsonwu. C’est une discussion avec Mark Salyers qui fait pencher la balance. Convaincu qu’il s’agit de la meilleure opportunité pour lui, Uche s’engage dans la Loire en tant que pigiste médical. Dans la presse, Salyers prévient son ancien club « Attention, Uche est une bête ! ». Jean-Denys Choulet est, lui, déjà converti, sans doute victime du syndrome de Stockholm. A force de faire rouler dessus par le nigérian, le coach piaffait d’impatience pour le recruter.

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L’effet Uche est immédiat. Les Roannais trouvent enfin un point de fixation solide à l’intérieur. Et si l’adversaire double sur le colosse, le ballon est ressorti pour les shooteurs Aaron Harper et Chris Monroe. La remontada est spectaculaire avec 10 victoires sur les 14 derniers matches, le meilleur bilan sur cette période. De 77 points marqués, la Chorale passe à 83 points avec Nsonwu, soit l’attaque la plus prolifique du championnat. Roanne fait de nouveau trembler la Pro A à l’image d’un succès convaincant sur le parquet de Nancy (70-79), une première sous l’ère Choulet. Uche est le grand artisan de cette victoire référence avec 21 points, 8 rebonds et 2 blocks. A la fin des années 2000, Nancy-Roanne est devenu un clasico. Une affiche que l’on retrouve dès le premier tour des playoffs 2009, pour un remake des deux dernières finales. Défait largement à Gentilly, Nsonwu remet les pendules à l’heure à la Halle Vacheresse avec un match énorme : 17 points, 14 rebonds et 3 passes. Dans une belle explosive à Nancy, c’est son ancien coéquipier Lamayn Wilson qui se met en avant avec 24 points. Son adresse à 3 points maintient à distance les Choraliens, qui implosent 95-82, faute de soutien au trio Uche-Harper-Monroe (57 points). Cette sortie prématurée en playoffs n’émaille pas la confiance du club pour Uche. L’essayer c’est l’adopter, le public de Vacheresse en redemande et contre toute attente le géant prolonge dans la Loire… une première dans sa carrière pro !
La lune de miel entre Uche et Roanne s’inscrit dans la durée. Plébiscité à l’applaudimètre de Vacheresse, on peut entendre des « Ou-tché ! Ou-tché ! » descendre des travées à chaque dunk assourdissant du pivot. Combattant sur le parquet, le Choralien est un enfant de choeur en dehors, un gentil géant à l’esprit positif qui rejaillit sur toute l’équipe. Pour l’épauler dans la raquette, le club signe le Palois Dylan Page. Contrairement au duo de malabars qu’il formait à l’Asvel, Jean-Denys Choulet veut lui associer un poste 4 fuyant capable de sanctionner à 3 points. Séduisante sur le papier, l’idée met quelques semaines à se mettre en place. Mais, lors des matchs retour, la Chorale fait la chanson aux autres cadors du championnat avec 12 victoires en 15 matchs. L’attaque carbure à 86 points inscrits, loin devant les concurrents. Uche règne en maître dans la raquette avec ses meilleures statistiques en Pro A : 13.9 points, 8.6 rebonds et 2.1 passes. Sur la même page, Dylan propose une partition sans fausse note : 14.2 points à 54,7% de réussite derrière l’arc. En playoffs, Nsonwu sort le grand jeu pour éliminer Orléans sur un match décisif (20pts et 12 rebonds). L’étape suivante passe par Le Mans, où la Chorale retrouve ses anciennes idoles Mark Salyers et Dewarick Spencer. Comme en 2008, il faut une belle pour départager les deux équipes en demi-finale. Uche et Pape-Philippe Amagou tiennent la baraque jusqu’au 3ème quart-temps (51-51) avant de prendre une salve létale de tirs primés. Roanne échoue à 10 minutes d’une troisième finale en quatre ans.
Uche ne veut pas en rester là. Il prolonge deux saisons de plus à Roanne au sein d’un effectif très peu retouché. Seul l’ailier KC Rivers pose ses valises en dynamiteur offensif. En misant sur la continuité, la Chorale déroule sur la phase aller du championnat. 12 victoires pour 3 défaites, les hommes de Choulet sont tranquillement installés dans le fauteuil de leader. Le tournant a lieu à mi-parcours quand Rivers demande son transfert pour jouer dans une grosse écurie européenne. Pour le remplacer, Roanne tente le pari Ricky Davis. Malgré ses 736 matchs NBA au compteur, l’arrière fait vite déchanter la Chorale. Plus sur le bon tempo, l’attaque passe de 83 à 74 points inscrits. Dans un tourbillon de défaites, Uche tente d’écoper le bateau roannais. Leader de toute la Ligue à l’adresse (66,8%), il tape son record en carrière contre son ancien club de Gravelines. Avec 30 points à 14/19 aux tirs, il offre l’un des rares succès roannais en phase retour. En playoffs, la Chorale retrouve justement le BCM sans l’avantage du terrain. Un handicap insurmontable pour ce groupe qui s’incline dans une belle au Sportica (84-77).

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L’année suivante est peut-être celle de trop à Roanne. La Chorale alterne le bon comme dans sa victoire initiale dans le derby contre l’Asvel et le pathétique dans un revers de 32 points à Gravelines. Le torchon brûle entre Choulet et Uche, critiqué pour son manque d’envie. La réponse du pivot est sans équivoque : « Je joue moins, pas moins bien ! ». Au bout de six rencontres, la direction tranche dans le vif pour se séparer de son coach après 11 années de service. Un départ qui redonne de la voix à Nsonwu, sans pour autant que les résultats s’en ressentent. La Chorale termine septième et se fait sortir sans gloire au premier tour des playoffs contre Chalon, futur champion. Pour le nigérian, il est temps de tourner la page.
Agent libre, Uche, se fixe un dernier défi, à 34 ans passés. Il retourne à Villeurbanne pour un contrat de deux ans. Douzième lors du dernier exercice, l’Asvel veut regagner les sommets et rien de tel qu’un golgoth comme Nsonwu pour gagner en efficacité dans la raquette. Moins rapide sur contre-attaque, il est toujours aussi précieux sur ses écrans XXL et son volume au rebond. Autour de lui, Amara Sy et Edwin Jackson s’éclatent en attaque. La maison verte retrouve des couleurs, sauf dans le derby, où les Choraliens se vengent à deux reprises du départ d’Uche. Qu’importe, Villeurbanne termine à la troisième place. Le groupe de Pierre Vincent ne cède qu’en demi-finale contre la SIG Strasbourg. Nsonwu est limité à 9 points et 6 rebonds sur la série. Le début de la fin pour le géant vert. Dans sa dernière année, ses statistiques chutent pour la première fois en dessous des 10 points et 6 rebonds. Il participe à une saison mi-figue mi-raison de l’Asvel, éliminée sèchement par Limoges. Ironie du sort, son dernier match en carrière en saison régulière est contre Roanne, dans un duel remporté cette fois haut la main, 106 à 74. En août 2015, Uche annonce officiellement sa retraite à 37 ans. L’heure pour lui de remercier le championnat de France qu’il a marqué de son empreinte :
Je prends officiellement ma retraite de basketteur professionnel. J’ai eu la chance d’avoir une carrière de 12 ans à travers plusieurs pays merveilleux. Ma famille est moi avons lié des amitiés durant tout ce chemin parcouru. Merci à tous mes équipiers qui sont devenus une famille. Merci à tous mes fans qui ont rendu ma carrière si agréable. Enfin, un merci spécial à notre « famille française » pour avoir fait de la France notre deuxième maison. Chaque équipe a une place spéciale dans mon cœur.
STATISTIQUES ET PALMARES
- Stats NCAA : 12.0 points à 55,4% aux tirs, 8.7 rebonds et 1.0 block
- Stats Pro A : 12.0 points à 62,6% aux tirs, 7.3 rebonds et 1.6 passe
- Nommé dans la All-MWC Second Team (2001 et 2002)
- Nommé dans la All-MWC First Team (2003)
- Meilleur rebondeur de la Mountain West Conference (2003)
- Vainqueur de la Coupe de France (2008)
- 2 sélections au All Star Game Français (2008 et 2010)
UCHE NSONWU-AMADI DANS LE DERBY ASVEL-CHORALE
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