Le temps-mort de Francis Jordane – Etre coach parmi les Géants
Témoignage
Grande figure du coaching français, notre consultant Francis Jordane, assistant de l’Equipe de France, succède à Jean Galle en tant que sélectionneur en 1988. Pour sa grande première contre la Pologne, le néo-entraîneur de l’EDF nous plonge dans les coulisses de son univers, Témoignage.
Il n’est jamais facile de parler de soi-même dans les circonstances particulières liées à des prises de fonctions importantes comme ma nomination à la tête de l’Equipe de France de Basketball en 1988. Je succédais alors à mon ami Jean Galle dont j’étais l’assistant lors du tournoi Préolympique d’Amsterdam en Juillet de la même année ; il souhaitait recouvrer sa fonction en club puisque la Fédération ordonnait que le futur entraineur se consacrerait uniquement à la direction de l’équipe nationale. Après quatre saisons passées en qualité d’adjoint des Bleus avec Jean Luent d’abord (84/86) puis aux cotés de Jean Galle (86/88), ma décision de proposer ma candidature auprès des instances fédérales fut pensée, réfléchie puis établie et finalement accordée par le Président René David et les Membres du Comité Directeur de la FFBB.
DE L’OMBRE à LA LUMIÈRE

Crédits photos @ L’Equipe
Me voici donc investi à l’automne 1988 des plus hautes fonctions auxquelles un Cadre Technique Sportif puisse accéder sur notre territoire. La responsabilité totale de l’Equipe de France avec un objectif fixé à moyen terme de qualifier la Sélection Française pour l’Euro de Zagreb en juin 1989 ! Ma tâche n’était pas facile dans notre groupe préliminaire, puisque derrière l’intouchable URSS, il fallait conquérir la seconde place et devancer la Pologne et la Finlande pour participer au « Tour Final » en Yougoslavie ! L’Equipe de France avait l’obligation de remporter un des deux matchs restant à jouer pour figurer dans le Gotha du Basket Européen. Je n’ai pas eu le temps de savourer comme il se devait ma promotion qui finalisait mon parcours professionnel et sportif du moment, certes linéaire et reconnu mais dont l’aboutissement me plaçait dans une situation claire et à la fois complexe de réussir « mon entrée en matière » et de permettre à la France du Basket de retrouver sa position « sélective » sur l’échiquier international. Le choix de mon assistant pour m’accompagner dans ma mission était fondamental. Ce fut donc Jean-Paul Rebatet (dont je connaissais le profil, le mental de « puncheur « , la parfaite connaissance du Basket et surtout une confiance absolue et réciproque) que je désignais et avec qui je définissais la stratégie commune du staff et la répartition de nos rôles respectifs et complémentaires en recherchant avant tout l’efficacité et l’optimisation de l’Equipe Nationale. L’encadrement était complété par le préparateur physique Willy Ballestro, l’intendant de l’équipe en la personne de Claude Boisseau ainsi que le groupe médical autour du Docteur Restout.
CAP A L’EST POUR L’ESPERANCE
La revue d’effectifs des joueurs potentiels s’avérait être notre préoccupation essentielle et immédiate sachant qu’un délai de préparation raccourcie nous mettait dans l’obligation de déterminer la ligne directrice de l’Equipe en priorisant les candidats les plus opérationnels et expérimentés afin de constituer une sélection guidée par un impératif de résultats. Ceci de manière à effacer des esprits certains traumatismes d’échecs antérieurs à répétitions ! L’objectif était clairement affiché : » Rendre une âme aux Tricolores et valoriser leur image « .
J’avais dans le groupe pressenti des joueurs qui possédaient un passé et un vécu efficient et j’ai trouvé auprès d’eux une disponibilité totale aussi bien physique que mentale pour aborder ces échéances décisives et capitales. Le capitanat était confié à Stéphane Ostrowski qui était à mes yeux « l’homme de la transition » au comportement exemplaire succédant ainsi à Philippe Szanyiel dans cette fonction. Dix équipiers étaient retenus pour la rencontre face à la Pologne dont voici la liste : Meneurs : Grégor Beugnot et Valéry Demory ; Arrières : Hervé Dubuisson et Freddy Hufnaguel ; Ailiers : Richard Dacoury et Eric Occansey; intérieurs : Steph Ostrowski et Skeeter Jackson ; Pivots : Philip Szanyiel et Georges Vestris ; auxquels se rajoutaient les remplaçants participant au stage de Paris : Tito Soulé, Georgy Adams , Franck Butter , Didier Gadou, et Jim Bilba .

Crédits photo @ FFBB
ESPRIT COMMANDO A TORUN
Tout d’abord en fonction des forces en présence, il était primordial de mettre en exergue nos capacités défensives basées sur le développement d’une structure agressive dont l’un des objectifs consistait à limiter le nombre de possessions des shooteurs Polonais et notamment Darius Zelig l’homme le plus dangereux de l’équipe adverse (26 points de moyenne à l’Euro de 87) ; contester le jeu intérieur de Sobcynski et Binkowski ; assurer les phases de conquête et relancer le jeu rapide et la transition offensive ! Telles étaient les options tactiques que l’EDF se devait de mettre en œuvre pour instaurer un rapport dominant dans les secteurs de jeu évoqués.
QUARANTE MINUTES POUR REVIVRE

Crédits photos @ FFBB
Dans une salle vétuste, aux lumières blafardes, avec un parquet instable et des panneaux d’un autre temps, ce match ressemblait bien à un « traquenard » comme le soulignait Ostrowski avant le début de la rencontre ! Une entrée de partie remarquée sous la houlette de Dacoury et Dubuisson opportunistes sur la contre attaque permettait à nos représentants de mener au score (6/0) mais à ce jeu pratiqué sur un rythme élevé avec quelques risques constatés et pertes de balles, c’est la Pologne qui prend un léger avantage (22/16) puis (32/22) avant que nos Tricolores infligent un 13/0 qui les remettaient en course en prenant une avance psychologique à la pause (50/43). Dés la reprise, l’adresse insolente de « DUB » se traduisait par une obédience significative pour aggraver la marque en faveur des Français (61/46). L’écart était substantiel ceci d’autant plus que Hufnaguel et Occansey enrayaient les tentatives et velléités offensives de Zelig et Binkowski ! Et malgré un retour des hommes de Kaczmareck c’est au tour de Dacoury de porter l’estocade finale avec une réussite magistrale « à trois points » scellant définitivement le sort de la rencontre et offrant à ses partenaires une remarquable victoire (103 /88). Grace à ce magnifique succès en Pologne, l’Equipe de France confirmait sa brillante qualification pour l’Euro de Zagreb !! Quelques jours plus tard, la sélection nationale disposait facilement de la Finlande à Coubertin sur un score sans appel de 123 à 88. Retour gagnant vers le futur !!
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