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[Portrait] Rod Strickland, l’insupportable ?

Portrait

Illustration Une : Adrien PMMP pour Bakste Rétro

Une feinte, une accélération, un lay up au nez et à la barbe de trois défenseurs. Au début des années 90, Rod Strickland précipite les parquets NBA en mode « playground du Bronx » ! Aussi, dégoûtant que génial, exaspérant, Rod joue comme il respire : à l’instinct. Portrait.

En ce 19 mai 1990, la série qui met aux prises San Antonio à Portland passionne le pays tant ces deux formations sont proches. L’opposition est si serrée que le score en est à 103 partout avec 30 secondes à jouer. Le public du Memorial Coliseum de Portland est en transe dans ce Game 7. C’est alors que la balle arrive dans les mains de Rod Strickland, suite à une passe de David Robinson. Le meneur de 23 ans va alors tenter d’alerter Sean Elliot d’une passe aveugle à deux mains derrière la tête. Sans réaction, Eliott voit Jérôme Kersey récupérer la gonfle, puis alerter Clyde Drexler parti en contre-attaque. Strickland qui veut se racheter se jette sur The Glide pour empêcher le double-pas. Le résultat est catastrophique pour Rod : sixième faute, deux lancers, faute flagrante et donc balle aux Blazers. La série a basculé. Portland l’emporte 108 à 106. Et le coupable est tout trouvé ! Sam MacManis dans le LA Times daté du 20 mai 1990 écrit alors :

Rod Strickland a perdu la tête à 30 secondes de la fin, envoyant les Blazers en Finale de Conférence. Cette gaffe a totalement éclipsé l’infime différence qui existe entre ces deux formations et qui s’empoignent depuis deux semaines.

Le meneur de seconde année tentera bien de se justifier en conférence de presse :

J’ai pris une mauvaise décision. Je pensais que quelqu’un coupait vers le panneau… Mais cette passe était une mauvaise idée. Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? C’est comme cela… Si cela avait fonctionné, cela aurait été l’action du match ! Mais cela n’a pas d’importance car au final, la décision que j’ai prise s’est avéré mauvaise.

Avec cette passe, sans le savoir, Strickland a écrit ce soir-là ce qui sera globalement un résumé de ce qui le caractérise aux yeux des journalistes US : un joueur talentueux mais controversé, un meneur parfois perçu comme écœurant par son talent, mi ange – mi démon. Le meilleur joueur à ne pas avoir été All Star ?

LES DEMONS 

Source : DePaul.com

Rodney Strickland voit le jour en 1966, un 11 juillet. Natif du Bronx, à New York, il va comme de nombreux gamins écumer les playgrounds. Le Bronx est en effet à l’abandon dans les années 80, les nombreux immeubles y sont massivement insalubres. La population, majoritairement afro-américaine y survit parfois par la culture hip-hop et/ou le basket-ball. Ajoutez à cela des problématiques liées au racisme et à la pauvreté, et ce sont des générations entières de gens, dont fait parti Rod Strickland, qui se retrouvent touchées. A NY, Rod grandît avec un certain Drederick Irving (papa de Kyrie) et intègre l’équipe des New York Gauchos, à 12 ans. Les Gauchos, c’est une Académie de basket après l’école crée en 1967. En plein cœur du Bronx, elle vise à entretenir le lien entre les jeunes sportifs et l’école. L’idée est ensuite d’essaimer les Universités en joueur de basket. Et Strickland va y jouer de 1978 à 1985. Sont issus de cette académie de nombreuses stars comme Kenny AndersonTaj Gibson, Mark Jackson, Stephon Marbury, Chris Mullin, John Salley, Jamal Washburn, ou plus proche de nous : Kemba Walker. Parallèlement, notre teigneux héros va fréquenter le Truman High School toujours dans le Bronx puis le Oak Hill Academy en Virginie qui ont accueillis les célèbres Jerry Stackhouse, Carmelo Anthony, Rajon Rondo, Brandon Jennings Josh Smith et surtout Kevin Durant ! En 1986, Rod fait parti des 10 meilleurs lycéens du pays et c’est à la surprise générale qu’il choisit une fac de Chicago : DePaul d’où sont issus George Mikan et Mark Aguirre. Il arrive à l’automne sur le campus et virevolte avec son numéro 10. Strickland va jouer 87 rencontres pour les Démons et sa meilleure saison statistique sera la junior avec 20 point et 8 passes de moyenne. Cette année là, il est nommé dans le meilleur 5 universitaire de l’année. De 1985 à 1988, les Blue Demons atteignent chaque saison la March Madness. Mieux, en 1986 et 1987, DePaul échoue lors du Sweet Sixteen (1/8èmes de finales) face à LSU puis Duke emmenés par Dany Ferry et Quin Snyder. Meilleur joueur de son équipe, Strickland va se présenter après un cursus universitaire complet à une draft pauvre en meneurs. On en retrouvera seulement quatre d’entre eux au premier tour : Jeff Grayer d’Iowa State qui finit aux Bucks, Gary Grant de Michigan à Seattle et le bien connu en France David Rivers qui atterrit lui aux Lakers à sa sortie de Notre Dame. Quant à Rod, il est pris par New York en 1988, au 19ème rang. Ce choix est assez bizarre de la part des Knicks puisqu’ils comptent déjà dans leur rang le Rookie Of The Year 1988 : Mark Jackson. Tous les deux ont un style assez similaires d’ailleurs.

HOT ROD

Irving et Strickland dans le Bronx. Source : aminoaps.com

La Grosse Pomme ne pouvait pas être la bonne destination pour Strickland du fait de la présence de Mark Jackson. C’est ainsi qu’il est échangé aux Spurs contre Maurice Cheeks à la trade deadline 1990. Son arrivée dans le Texas est une réussite puisqu’il y tourne à 14 points de moyenne et 8 passes en 31 rencontres. Denver balayé en 3 rencontres, San Antonio voit Portland arriver sur son passage. La suite, nous la connaissons. Beaucoup de journalistes qui ont écrit sur la carrière de Hot Rod (son surnom) prétendent que Rodney pète les plombs avec cet épisode malheureux de cette passe aveugle perdue dans le match 7. Difficile à dire… En tous cas, les Spurs ne le retiennent pas. La faute à cette main cassée dans une bagarre fin 1991 dans un bar de San Antonio ? La faute la même année, à son arrestation à Seattle, un soir de match, pour attentat à la pudeur ? Rodney part, ironie de l’histoire, pour Portland via la free agency et ce pour 4 saisons. De 1992 à 1996, il y remplace plutôt bien Terry Porter à la mène. Mais si ses stats personnelles sont bonnes, les performances collectives manquent de souffle. Les Blazers chutent ainsi au premier tour des playoffs en 1993 contre les Spurs. (décidément !). En 1994, c’est Houston qui envoie Rod sur les roses, puis Phoenix en 1995 et enfin Utah en 1996. Rod a beau être nommé joueur de la semaine en février 1996, ses performances ne sont qu’individuelles… Doit-on, en outre, vous parler de son accusation pour coups et blessures à Chicago à la sortie d’un parking ? Des violences conjugales qu’il inflige à la mère de son fils ? Des 7 points de suture, suite à une bagarre avec son coéquipier Tracy Murray ?

Strickland va encore ajouter de nombreuses lignes à son casier judiciaire comme ces soirs de septembre 1997, d’avril 1999 ou de janvier 2001 où il est arrêté complètement ivre au volant de sa voiture.

Sale type ? Borderline sociopathe ? Il n’en reste pas moins un excellent joueur de basket. Mais encore une fois, il arrive au mauvais endroit : Washington ! Les Wizards digèrent en effet le trade réalisé avec les Warriors en novembre 1994. Ce dernier envoie Chris Webber à DC contre 4 premiers tours de draft (Tom Gugliotta en 1996). Strickland arrive dans la capitale accompagné de Harvey Grant contre le bouillant Rasheed Wallace. Rod y cumule 17 points et 9 passes de moyenne et c’est en parti grâce à lui si les Wizards retrouvent les playoffs pour la première fois depuis 1989. En 1997 / 1998, Rod connait d’ailleurs la meilleure saison statistique de sa carrière avec 18 points et 10,5 assists de moyenne. Meilleur passeur de la Ligue 1998, il devient ainsi le 25ème joueur de l’histoire à cumuler 10.000 points et 5000 passes. Sélectionné dans le second meilleur 5 de la Ligue, Rod est pourtant coupé en fin de saison ! Si son coéquipier Gilbert Arenas insulte les médecins qui lui disent qu’il est trop blessé pour jouer, Strickland, lui, ne vient pas aux matchs alors que les médecins lui ont dit qu’il pouvait jouer. Et que dire de ce « vomi » sur le terrain en milieu de match qui oppose les siens à New Jersey, en mars 1998. Interrogé par le Washington Post, notre insupportable a admis avoir un rituel d’avant-match. Celui de se goinfrer de pizza et de hot-dogs juste avant le tip-off.… Dur à avaler ! Le reste de sa carrière ne sera qu’un long périple. Miami, Minnesota, Orlando, Toronto et Houston pour conclure une carrière de 1094 rencontres NBA avec des statistiques globales, sur 30 minutes, de 13 points, 2 rebonds, 1,5 steals et 7 passes.

Hot Rod à Washington. Source : Getty Image

JUSQU’A QUAND ?

Génie de la passe, accélérateur du jeu, capable de réaliser des actions incroyables, Strickland pâti des ses errements extra-sportifs. C’est ainsi qu’il ne sera jamais All Star ! Peut être serait-il même devenu Hall Of Famer avec une approche différente de sa vie professionnelle ? Mais jamais sa détestable image ne lui permettra de récolter les votes des fans ou des coachs de la Ligue pour de tels honneurs… A la fin de sa carrière, il devient assistant coach à l’ Université de South Florida. Ses premiers pas sont un grand succès. Il est brillant dit-on, et les joueurs dont il a la charge l’adore. LSU devenue trop petite pour lui, il intègre le staff de John Calipari à Kentucky ! Son nom avait été évoqué pour mener DePaul. Et quand Cal est envoyé en NBA par la presse, c’est son nom qui est cité. Mais dans un air de déjà vu, Rod est repris deux fois par la patrouille pour conduite en état d’ivresse. Il est également soupçonné de prise de stupéfiants. Difficile ce faisant de prétendre à des postes à responsabilité. Rod semble avoir non pas du sang, mais le Bronx dans ses veines. Avec Kenny Anderson et Sam Perkins, la ville de New York l’honore bien en le faisant rentrer au Hall Of Fame de la cité. Mais on ne grandit pas au Bronx sans en garder certaines marques. Son filleul, Kyrie Irving, parfois lui aussi décrié, en sait quelque chose. Aujourd’hui, Rodney œuvre pour la NBA. Il écume les franchises de G-League pour échanger sur son parcours et éduquer les jeunes joueurs à respecter les règles de la vie professionnelle. Jusqu’à quand ?

LA PASSE AVEUGLE QUI FAIT TOUT BASCULER

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About Guillaume Paquereau (70 Articles)
Amoureux de Gozilla depuis mon plus jeune âge, je suis devenu fan des Suns ! De Sir Charles à Dan Majerle en passant par Nash, via Stoudemire pour aller jusqu'à Devin Booker : PHX a le monopole de mon coeur. Je veux du soleil !

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