[Jeux Vidéos] Des parquets NBA au dojo de la Megadrive : le Shaq devient Shaq Fu.
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Au milieu des années 90, Shaquille O’Neal règne sans partage (ou presque) dans toutes les raquettes de la grande ligue. Son aura va bien au delà de la NBA ; musique, publicité, cinéma, rien n’arrête « Big Cactus » ! Parviendra t-il à s’imposer également dans les rayons de jeux vidéos ? C’est à cette question que nous allons tenté de répondre en revenant ensemble sur le jeu SHAQ FU. Un jeu qui comme son nom l’indique, utilisera l’image du Shaq. Pour le meilleur et aussi un peu pour le pire.
Nous sommes en 1994 et le tout jeune Shaquille O’Neal, qui vient à peine de fêter ses vingt printemps est déjà un phénomène en NBA. Les plus grandes marques du pays l’ont bien compris, et l’image du pivot des Orlando Magic est utilisé dans de nombreux spots publicitaires. Le géant du jeu vidéo, Electronic Arts qui possède la licence d’exploitation de la NBA depuis quelques années pour ces jeux n’hésite pas une seconde lorsque se présente l’occasion de s’associer avec la star montante de la ligue.
O’neal sera donc la figurine de proue d’un jeu qui lui sera dédié et qu’il devra porter commercialement sur ses robustes épaules. Vous pensiez peut-être naïvement que le Shaq serait à l’affiche d’un jeu de basket-ball ? Alors rangez immédiatement au placard vos idées toutes faites car vous êtes loin du compte ! C’est vers un tout autre style que l’on se dirige. En l’occurrence le jeu de baston en 2D, aussi appelé « Versus Fighting ». Un style très en vogue à cette époque, grâce notamment à ses deux plus fiers représentant que sont les mythiques Street Fighter 2 et Mortal Kombat . Le nom de ce projet hors norme ? Shaq Fu ! Comme l’un des nombreux surnoms de Shaquille O’Neal. Celui ci faisant référence à sa passion pour les films de karaté.
SHAQ FU, UN PRODUIT MADE IN FRANCE
Alors que le projet germe dans les bureaux de l’éditeur US, ces derniers découvrent un autre jeu dans un tout autre style. Il s’agit de FlashBack. Un jeu d’aventure au procédé d’animation plutôt innovant pour l’époque. Electronic Arts est épaté par la qualité du jeu et décide de confier la production de son futur bébé aux réalisateurs de ce bijou qu’ils viennent de voir tourner sous leurs yeux. C’est ainsi que le projet Shaq-fu déboule sans crier gare entre les mains d’un tout jeune studio français : Delphine Software International . Cocorico ! Revenir sur le scénario de Shaq Fu ne nous prendra pas beaucoup de temps, du coup on se permet de planter le décor. Shaquille O’Neal se rend au Japon pour un match de charité et en cherchant la salle où doit se dérouler le match, le Shaq se retrouve dans un dojo où un vieil homme lui demande de sauver son petit fils des griffes de la momie Sett-Ra. Hop là, le papy balance le géant de 2m16 dans un portail inter-dimensionnel et O’Neal se retrouve dans une nouvelle dimension pour en découdre avec les sbires de l’immonde Sett-Ra. Ne riez pas, on vous avait prévenu.
Le jeu sortira sur plusieurs consoles et ordinateurs de l’époque (Game Boy, Megadrive, Game Gear, Super Nintendo et Amiga pour ne pas les citer) mais nous allons causer ici en prenant la version Megadrive comme support de réflexion, cette dernière étant considérée à juste titre comme la plus aboutie. Une des raisons principales rendant cette version supérieure aux autres et qu’elle propose douze personnages jouables contre sept seulement pour la version Super Nintendo (tout cela n’est qu’une histoire de gros sous, on vous épargne les détails). Puisque l’on parle des personnages, on notera que le panel proposé aux joueurs est plutôt vaste. On passe allégrement de la femme chat au prince Perse sans oublier quelques monstres ainsi qu’une sorcière vaudou. Et bien entendu, vous pourrez incarner le Shaq himself, affublé de sa plus jolie tenue Reebok . Ready to rumble ?
LE SHAQ SUR SON 31
Plus de 20 ans après sa sortie, ce qui reste en mémoire au sujet de Shaq Fu, c’est sa réalisation. Travaillée et façonnée avec amour par la team Delphine Software elle est vraiment de tout première ordre. Les décors de chaque scène de combat sont fouillés, on y trouve souvent de petites animations en arrière plan, rendant chaque lieu vivant et unique. Les couleurs sont chaleureuses et toujours bien choisies. Si il y a bien un domaine dans lequel Shaq Fu ne souffre pas de la comparaison avec ces rivaux c’est bien celui là. On peut également souligner la qualité et la variété des thèmes musicaux, qui sont propres à chaque lieu visité. Il est important d’évoquer également l’attention toute particulière apportée à l’animation des personnages.
Afin de rendre les mouvements des combattants le plus crédible possible, Delphine Software emploiera (comme pour son titre Flashback) la technique de la Rotoscopie. Une technique révolutionnaire dans le jeu vidéo mais déjà utilisé par exemple par les studios Disney pour le long métrage de Blanche Neige. Cette technique consiste à filmer de véritables acteurs en mouvement pour les transformer en dessin animé. Une preuve supplémentaire du soin tout particulier apporté à l’élaboration technique et artistique de ce Shaq-Fu. Si la plupart des prises de vue sont à mettre au crédit de l’équipe de cascadeurs de Rémy Julienne, c’est Shaquille O’Neal en personne qui tiendra son propre rôle. A la suite de tout ses tournages, plus de 7 000 dessins furent crées à partir des enregistrements. Un vrai travail d’orfèvre.
L’HABIT NE FAIT PAS LE SHAQ
Selon vous, avec une base artistique aussi solide, Shaq Fu se doit forcément d’être un must-have de toute bonne logithèque ? On aimerait vous répondre de façon positive, mais la vérité n’est pas aussi simple qu’elle n’y parait. En effet, si la réalisation mitonnée par les petits gars de chez Delphine Software ne souffre d’aucune fausse note, il n’en est pas de même pour la jouabilité du jeu. Peu intuitive, et extrêmement classique, elle offre trop peu de variété au joueur, qui aura vite fait d’abandonner la recherche de l’enchainement parfait ou du combo mortel pour se contenter de bourriner sur ses boutons comme un sauvage.
Et c’est souvent suffisant pour se débarrasser de ses ennemis. Et pourtant les idées et les subtilités dans le gameplay sont présentes, mais malheureusement mal exploitées, ou du moins pas assez perceptible pour les joueurs de l’époque. La gestion des collisions et des sauts font également partie des points noirs du soft. Et autant l’avouer, un jeu de baston avec une mauvaise gestion des collisions alors que le contact avec l’adversaire est primordial, ça pèse forcément au moment du jugement final.
Alors finalement, ce Shaq Fu, il vaut quoi avec vingt ans de recul ? Tout d’abord attardons nous sur son impact lors de sa sortie. Force est de constater que la présence de Shaquille O’Neal au générique permettra au jeu de s’installer rapidement médiatiquement, avec par exemple une grosse couverture dans les magazines spécialisés de l’époque et une campagne de pub télévisé. Mais les jeux à licence ont souvent mauvaise presse, et une partie des gamers ne trouveront pas très judicieuse l’utilisation d’un joueur de basket dans un jeu de combat. Sans oublier que toutes les personnes réfractaires au Shaq, devenaient naturellement réfractaire au jeu de Delphine Software sans même l’essayer. La présence de Shaquille O’Neal sur la jaquette fût t-elle finalement trop compliqué à gérer ? Thierry Levastre, le directeur artistique du jeu a un avis sur la question :
» Je pense que personne ne nous a pardonné cette licence bizarre avec Shaquille O’Neal. Si nous avions sorti un jeu de combat sans le Shaq nous aurions eu un tout autre accueil. Étrangement au même moment est sorti Samourai Showdown (ndlr : un jeu du même type que Shaq Fu) sur Megadrive et le jeu était à mon sens moins bien que Shaq Fu. Pourtant il n’a pas été aussi décrié »
SIX MAN OF THE VIDEO GAME AWARD ?
Pas assez solide au niveau de la jouabilité pour prétendre au titre de MVP, Shaq Fu n’est pourtant pas aussi mauvais que la légende le raconte et envisager son passage dans une séquence du Shaqtin’ Fool serait le rabaisser plus que de raison. La vérité sur Shaq Fu se situe plus raisonnablement à mi chemin entre ses deux extrêmes. En prenant le temps de s’y attarder, il reste un agréable passe temps capable de sortir du banc pour venir suppléer le cinq majeur des meilleurs jeux du genre. Alors, Shaq Fu meilleur sixième homme ? Pourquoi pas !
Voilà en plus un trophée individuel que le Shaq n’a pas remporté durant sa fructueuse carrière. Si il fallait une dernière preuve que le jeu, malgré son lourd passif, reste un titre emblématique de son époque, nous pouvons évoquer cette campagne de crowfunding lancée en 2014 pour financer un second opus. La somme fût réunie et même dépassée et il était question d’une sortie de « Shaq Fu, A Legend Reborn » sur les consoles nouvelles génération cette année. Nous sommes pour le moment sans nouvelle de ce projet mais de nombreuses images et même un teaser cirucle sur le net. Alors n’en déplaise au site Shaqfu.com qui s’évertue à récolter toute les cartouches du jeu afin de les détruire, le Shaq est prêt est à revenir botter des fesses. Et que l’on soit fan ou non du « Big Cactus », le titre Shaq Fu mérite une seconde chance. Après tout, on ne gagne pas un championnat sans un solide sixième homme.
PUB US POUR LA SORTIE DU JEU
Crédits photos : Mobygames/ Giantbomb/Vgmuseum
Les propos de Thierre Levastre proviennent du magazine Pix’n Love N°13
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