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Antibes 1970 : A six pour un premier titre !

France

Montage Une : Aurélien Sohard pour Basket Rétro

12 avril 1970 : On attendait Villeurbanne, champion sortant et à l’effectif inchangé, mais la 48° édition du championnat de Nationale 1 se termine sur le premier sacre – plutôt inattendu – de l’Olympique d’Antibes. Les astres, jusque-là défavorables, se sont enfin alignés. Récit.

Jusqu’alors l’imposant Trophée symbolisant le titre de champion de France de basket, n’avait jamais migré vers le sud. Villeurbanne et Roanne avaient été ses destinations les plus excentrées et le voici, lustré, sous le soleil du port Vauban à Antibes, porté en grande pompe lors d’un défilé ouvert par des majorettes, avec des joueurs azuréens starisés en blazers, chemise blanche et cravate club juchés sur des Renault Caravelle décapotables !

Jacques Cachemire aux prises avec les Denaisiens Ledent, Mrazek et Degros.@L’Equipe

Jusqu’alors, l’Olympique d’Antibes Juan-les-Pins était un club plutôt jalousé par ses pairs (notamment les gros moyens supposés, les vieux clichés liés à la Côte), en mal de reconnaissance (aucun Trophée hormis le titre de Nationale 2 en 1968), de constance (un perpétuel mouvement de joueurs).

Et voici que tout s’est merveilleusement enchaîné en cette saison 1969/70.

Pourquoi ?

CACHOU ET CHOUCHOU, JEUNES LEADERS

La 3° place en 1969 avait été un premier signe annonciateur.  Mais la dernière pièce du puzzle fut sans conteste l’arrivée de Jacques Cachemire.

La pépite, découverte, lors de son service militaire à Rouen par Montivilliers et son coach-président, André Collet, le père de Vincent, qui convertit cet athlète au basket une demi-saison durant avant qu’il ne soit repéré par André Buffière au Bataillon de Joinville et recruté par son SA Lyon en 1968. Une première saison pleine à découvrir le basket de haut niveau et se nourrir des conseils du rusé coach Buffière et de l’Américain Dick Smith.

L’été suivant, le voyant lors d’un rassemblement de jeunes espoirs à Antibes, Henry Fields lui proposa de signer à l’Olympique. Cachemire arriva à 22 ans, il lui restait une marge de progression énorme avant de devenir un des meilleurs ailiers d’Europe. Mais, à l’aise, il se révéla et s’affirma très vite sur la Côte. Cachemire intégra d’ailleurs une équipe de France rajeunie dès septembre 1969 (contre l’Espagne) et ne la quitta que 14 ans plus tard après 250 sélections. « Antibes, c’est ma vie et si le président ne m’avait pas vendu à Tours (ndlr : en 1979), jamais je ne serais parti ! »

Les champions de France 1970.

Cachemire qui deviendra « Cachou » donc, oui, mais encore ?

Il y eut aussi bien-sûr la confirmation du jeune capitaine de 23 ans, Jean-Claude Bonato, alias « Chouchou », meilleur marqueur français la saison précédente (26,8 points), qui arriva à maturité à la faveur de son célèbre bras-roulé absolument imparable, envoyé sous tous les angles, dans, mais aussi autour de la raquette : « Je l’avais beaucoup travaillé et cela m’a valu ma carrière ».

Il y eut également Dan Rodriguez, cet incroyable et facétieux meneur portoricain, au look improbable, savant mélange entre un « Harlem » et Sammy Davis Jr. Qui avait renoncé, semble-t-il, à une carrière qui lui semblait promise dans le baseball. « Avec son arrivée durant l’été 1968, explique Jean-Claude Bonato, on est passé d’un club qui jouait le maintien à une équipe spectaculaire qui drainait les foules. Rodriguez, quel joueur ! Avec son physique atypique, son tonus, ses grandes jambes, il faisait le show à lui tout seul. Dan, c’était les passes aveugles, une quinzaine par match. Un régal pour les intérieurs : je n’avais qu’à poser la balle dans le cercle ! ».

HENRY FIELDS, LE FEDERATEUR 

Jean-Claude Bonato

Il y eut enfin (et surtout ?) Henry Fields, le joueur-entraîneur, qui, à 31 ans, faisait figure de vieux sage dans une équipe très jeune (23 ans de moyenne). « Avec Henry, superbe athlète et technicien, très généreux en défense, et Dan Rodriguez on avait une paire d’étrangers de rêve ! » enchaine, admiratif, Bonato.

Henry Fields fut, à l’évidence, un Américain à part dans les légions US vues alors en France. Arrivé à Orléans comme militaire, il n’est jamais reparti, apportant dans ses clubs successifs, outre ses compétences techniques, un supplément d’âme dans la transmission de son savoir auprès des jeunes. Dans son éditorial dans la revue fédérale « Basketball » clôturant la saison 69/70, Robert Busnel, président de la FFBB, écrivait, laudatif : « Antibes est champion de France : c’est le résultat d’un travail d’équipe certes et d’un enthousiasme, mais c’est aussi beaucoup l’œuvre de M. Fields. Contrairement à beaucoup d’étrangers qui brillent par leur individualisme, Fields a eu le mérite de faire une « équipe » souvent au détriment de sa propre classe. Correct en tout, grand seigneur dans les moments difficiles, il se voit décerner la médaille de la « courtoisie » pour son calme, son élégance de joueur et ses contacts humains toujours souriants ».

De son côté, le président de la section basket de l’OAJLP de l’époque, Jean Poirier, confirme : « Ma plus grande victoire, je l’ai obtenue le jour où je me suis assuré les services de Henry Fields. Si nous sommes champions de France aujourd’hui, c’est à lui que nous le devons. Il est un exemple pour nous tous, et pas seulement sur le terrain. Il a donné un style et un esprit à notre équipe qui ne sont pas étrangers à nos résultats ! ».

CHAMPION DE FRANCE A SIX JOUEURS !

Ironie de l’histoire, Fields fut sacré champion la même année où le PUC, avec lequel il gagna le titre en 1963, fut relégué.

Arrivé à Antibes deux ans plus tôt en Nationale 2, il apporta une stabilité certaine. Ce fut aussi le cas de René Guérin, de retour après un court passage au RC France. Homme au jump shoot très pur et efficace, Guérin fut un danger permanent de loin, multipliant ainsi les possibilités tactiques d’un ensemble qui comptait également sur René Bargès.

« On jouait à six, note Bonato : Fields, Rodriguez, Guérin, Bargès et moi dans le cinq. Cachemire était le sixième homme avant de devenir le grand joueur qu’il a été. A l’époque, on tournait à six, et on râlait quand on sortait deux minutes ! ».

« Nous avons conquis notre titre avec six joueurs, confirme Paul Kiledjian, le manager de l’équipe (4 sélections en équipe de France). Mais physiquement, ils étaient mieux préparés que leurs adversaires pour tenir la partie et enlever la décision dans les dernières minutes. Et la raison de notre réussite, ce fut justement de souffrir dans les entrainements pour que les matches paraissent, ensuite, plus faciles »

Dan Rodriguez @L’Equipe

Dans ce championnat compact avec seulement douze équipes, Antibes (19 victoires, 3 défaites), au jeu rapide et aérien, a également bénéficié de ce nécessaire facteur réussite qui fait les champions, gagnant quelquefois de peu (comme ce 83-84 chez le champion, Villeurbanne), évitant les blessures et les aléas et créant un dynamique irrésistible, dans l’équipe, mais aussi dans la ville, notamment les soirs de match dans une salle Salusse-Santoni en fusion qui ne vit aucune défaite. La salle du Stade Foch devenait le rendez-vous-clé du territoire. Elle était devenue trop petite : contre Vichy, le match fut diffusé en duplex au cinéma Antipolis qui jouxtait la salle.

« En 1970, on était comme une famille. C’est pour cela qu’on a été champions. Et l’équipe minimes que j’entraînais aussi resta invaincue toute la saison ! » commente Fields. Une famille dont les joueurs français travaillaient en cette époque d’entre deux systèmes : Guérin était clerc de notaire, Bargès croupier au casino de Cannes, Bonato, employé municipal, Cachemire représentant et Kiledjian (qui est décédé en 2016) tenait un hôtel.

Cette année-là, alors que des matches de Coupe des Champions se profilaient, le maire de l’époque, Pierre Delmas, se mit à rêver : « Un titre national a un pouvoir de séduction. L’Olympique d’Antibes a réalisé, avec le basket, le rêve qu’il a caressé il y a près de 40 ans avec le football. Antibes avait déjà failli être champion de France et avait même réussi à constituer l’une des premières équipes de professionnels en France. Le basket n’était alors qu’une petite section secondaire ».

Après avoir arrosé le titre, Antibes envisagea la suite en rose. Or les lendemains de fête sont souvent difficiles. Ce fut le cas en l’occurrence.

Mais ceci est une autre histoire…

Henry Fields au dribble sous le regard de Dick Smith, Jean-Claude Bonato et Gérard Nouvelle. @Ray/L’Equipe.

LA SAISON 1970/71 EN BREF

  • Le classement de la Nationale 1 1969/70: 1. Antibes 71 points, 2. SCM Le Mans 68, 3. JA Vichy 62, 4. AS Denain 62, 5. AS Villeurbanne 56, 6. Alsace de Bagnolet 48, 7. RCM Toulouse 46, 8. Racing CF 43,5 9. GSCM Roanne 42, 10. ASPO Tours 36,5, 11. ABC Nantes 35, 12. Paris UC 22.

          Un bonus d’un point récompensait la meilleure équipe sur un aller-retour.

  • Les champions de France 1970: Alain Ballard, Roger Bargès, Jean-Claude Bonato (capitaine), Jacques Cachemire, Henry Fields, René Guérin, Dominique Lamponi, Didier Lefèvre, Jacky Mercier, Dan Rodriguez, René Rolini.

           Entraîneur : Henry Fields.

           Manager : Paul Kiledjian.

  • Ses classements successifs sur la période: 1968 : Champion de France de Nationale 2, 1969 : 3° derrière AS Villeurbanne, champion et JA Vichy, 1970 : champion de France, 1971 : 3°derrière AS Villeurbanne, champion et AS Denain, 1972 : 2° derrière AS Villeurbanne, 1973 : 4° derrière AS Berck, champion, Alsace de Bagnolet et AS Denain.

Sources : François Paturle/Nice Matin, Jacques Marchand/L’Equipe, Jean-Pierre Dusseaulx/L’Equipe Basket Magazine

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About Dominique WENDLING (57 Articles)
Ancien journaliste, joueur, entraîneur, dirigeant, président de club. Auteur en 2021 de "Basket in France", avec Laurent Rullier (I.D. L'Edition) et en 2018 de "Plus près des étoiles", avec Jean-Claude Frey (I.D. L'Edition).

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