Mulhouse : l’ascenseur le jour de l’Ascension
France
Jeudi 4 mai 1978 : Mulhouse retrouve l’élite nationale après 12 ans de cheminement sur des sentiers tourmentés. Retour sur cette journée de l’Ascension dans tous les sens du terme.
Fief d’équipes championnes de France à neuf reprises entre 1924 et 37 (Foyer Alsacien et Cercle Athlétique), fief de Robert Busnel, l’homme qui fit 60 ans durant la pluie et le beau temps dans la France du basket, Mulhouse s’est longtemps imaginé comme la matrice de ce sport en France, comme la cité qui lui a donné l’élan et l’envol. Est-ce la raison pour laquelle, leurs rapports sont à ce point passionnels ? Crises, titres, brouilles, faillites, fusions, changements de nom ont, des décennies durant, saccadé, en montagnes russes, les rapports fusionnels entre la cité mulhousienne et leurs clubs de basket.

L’équipe du Mulhouse BC, champion de France de Nationale II en 1978 avec de gauche à droite, debout : Carmine Calzonetti, Christian Petit, Philippe Scholastique, Hugo Harrewijn, Jimmy Moore, Joseph Sauter. Accroupis : Alain Derein, Smain Benabid, Daniel Schreck, Francis Schneider. @DNA.
Après les deux historiques, on a connu l’ASM, le FCM, le BCM, les SREG (en Nationale 1 en 1965/66) et, enfin, – c’est le sujet du jour – le Mulhouse BC, né de la fusion entre les SREG, exsangues, et le BCM, moyennant une subvention confortable de la municipalité et de Peugeot. Vous suivez ? On est en 1970. Les fans se disent que, cette fois, c’est la bonne. Quitte à repartir de loin. De fait, très rapidement, histoire d’assurer et avancer fort sur l’échiquier, le club s’américanise dès les divisions inférieures. Les résultats suivent, mais pas au rythme souhaité.
Le titre en Fédérale est signé l’année de la création de la Nationale III. Une année perdue. Deux ans plus tard, le club est champion de France de Nationale III (1974) et accède en Nationale II avec les Jean-Luc Monschau, Francis Schneider, Aubrey Allen, Gene Armstead, Jean-Luc Cereja, Daniel Schreck, Yves Magail, Philippe Hartmann, Jean-Marc Lentz, Patrick Schlegel, Bernard Romann.

Francis Schneider, des SREG au Mulhouse BC en passant par Le Mans et Caen. @MBC
Mais les retrouvailles avec l’élite sont retardées trois années de suite. Le MBC bute sur la dernière marche successivement face à la SIG, Nilvange et Joeuf, malgré un troisième joueur US (John O’Donnell puis Gil Mc Gregor) et une course impressionnante à l’armement avec la venue de joueurs référencés comme Alain Derein, Christian Petit, Philippe Scholastique, Hugo Harrewijn. Et joue d’une certaine dose de déveine et/ou de fatalité comme cette année où Aubrey Allen se dribble sur le pied au moment clutch du match décisif contre Joeuf…
L’arrivée de Carmine Calzonetti au coaching change les choses. Venu de Nantes après avoir été étudiant en sociologie à St Johns, il est le premier entraineur professionnel du club. Et conduit – enfin – le MBC à terminer premier de sa poule au terme d’un championnat rondement mené et maitrisé : deux défaites (à Nilvange et au Stade Français) et un nul à domicile contre Menora Strasbourg en 26 matches. Mais compte tenu du resserrement de l’élite, le MBC n’est pas assuré de monter : il lui faut disputer- en deux manches – une place parmi l’élite contre la JA Vichy. On est au printemps 1978.
Au match aller, le 1° mai, les débats sont équilibrés (79-72 pour Vichy) et les deux coaches y trouvent finalement leur compte. « Sans un fléchissement au milieu de la première mi-temps, nous pouvions faire une plus grande différence. Mais peut-être vaut-il mieux aller à Mulhouse avec une marge de sept points que de 15. Avec notre avance, il faudra entamer le match retour à zéro. Tandis qu’autrement, nous aurions été tentés de vouloir préserver les 15 points. Pour la motivation et la concentration, cela sera beaucoup mieux » analyse Paul Besson, le coach de Vichy. Son homologue mulhousien Calzonetti, lui répond : « Vichy pratique une excellente défense. Elle m’a impressionné. Nous avons tout de même atteint une partie de notre objectif : réussir un score serré ! ».
43 POINTS D’ÉCART DES LA 32′ !
Le retour, trois jours plus tard, Mulhouse vit une soirée magique dans un Palais des Sports à guichets fermés. L’ambiance est électrique, les joueurs sont survoltés. Un rêve éveillé ! En 1’19, Christian Petit a déjà gommé l’écart de l’aller (8-0). Et très vite, le MBC, porté par une salle en délire et une adresse absolument exceptionnelle fait voler la défense de Vichy en éclats et s’envole au score, malgré Skip Howard.
A 67-42 au repos, tout est dit au sujet de l’efficacité offensive du MBC emmené par Philippe Scholastique et Jimmy Moore. L’écart maximum – 43 points – est atteint dès la 32 ‘(99-56), le reste n’est plus que littérature tant le festival est complet. « On a joué le match comme prévu, commente Calzonetti, radieux. Tout ce qu’on espérait faire a été réalisé. Il faut aussi reconnaitre que tout était pour nous dans ce match, notamment l’adresse et une constante pression sur l’adversaire ».

Francis Schneider, des SREG au Mulhouse BC en passant par Le Mans et Caen. @MBC
Mulhouse retrouve ainsi la Nationale 1 douze ans après la relégation des SREG Mulhouse. Dans cette dernière équipe, figurait encore Claude Peter, futur Manceau mais aussi Francis Schneider, à nouveau présent à Mulhouse après un périple au Mans et Caen.
Mulhouse réintègre ainsi une élite resserrée à 14 clubs.
CHAMPION DE FRANCE DE NATIONALE II DEVANT LIMOGES
Reste un dernier match, honorifique, pour le titre de champion de France de Nationale II avec son compagnon de promotion, le Limoges CSP.

Francis Schneider, des SREG au Mulhouse BC en passant par Le Mans et Caen. @MBC
Dix jours plus tard, en effet, tous deux se retrouvent au Prado à Bourges. Un énorme Appolo Faye (44 points) et Moltimore font des ravages. Le CSP semble longtemps devoir se parer du titre, mais les débats s’équilibrent sur la fin. Le MBC, animé par une étincelante doublette Moore-Scholastique, prend l’ascendant et Faye rate trois lancers-francs de suite au moment-clé alors que son équipe est menée de 5 points. Les Alsaciens tentent de geler la balle, mais le CSP résiste avant de s’avouer vaincu après un dernier panier de Maza (92-90). « Nous avons mal joué en première mi-temps, mais ensuite nous avons modifié notre défense, notamment sur Moltimore et les joueurs ont fait preuve d’une belle détermination » conclut Carmine Calzonetti.
Le coach avec compétence, doigté et malice a rempli son contrat. Mais, il ne reste pas à Mulhouse ! Le bruit avait fuité le 1° avril, mais beaucoup croyaient à un poisson ! Coach professionnel et soucieux de son futur, il estime que le club ne lui a pas répondu à temps : il a signé à Challans !
Du coup, le MBC recrute Serge Kalember (venu de … Challans). Qui sera remplacé un an plus tard par Rudy D’Amico. A qui succèdera un an plus tard Jan Racz. Qui sera remplacé un an plus tard par Jean Galle ! Symbole de l’impatience incroyable du management mulhousien, incapable de stabilité, de patience et construction dans la durée dans la gestion de ses ressources (son coach et son effectif) … Robert Busnel, qui a toujours réservé à sa ville d’adoption une place spéciale dans son cœur, avouera plus tard avec le recul : « Vous savez, avec l’argent qui entrait dès lors en jeu, les gens sont devenus un peu fous… ».
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