[Témoignage] La première cape de Jacky Chazalon et Danielle Peter
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Dimanche 1er décembre 1963 – Le journal télévisé de 13h touche à sa fin. L’assassinat de John F. Kennedy et ses répercussions ont, une nouvelle fois, largement alimenté la chronique. Georges de Caunes, le présentateur, boucle son édition : « En sport, l’équipe de France de basket jouera cet après-midi à Strasbourg contre la Yougoslavie en Coupe des Cinq Nations. Notons la rentrée de l’Alsacien Christ. Espérons qu’il fera des miracles. »
Jérôme Christ a dû entendre mille et une fois cette boutade au cours de sa carrière. Mais ce dimanche est une journée toute particulière pour lui. Face aux Yougoslaves, récents vice-champions du monde, la France, elle-même 5° aux Mondiaux de Rio.Christ, 25 ans, retrouve les Bleus, chez lui, dans son fief, après deux ans d’absence pour cause de blessures, suspensions ou bouderie.

Jacky Chazalon a débuté en équipe de France ce jour-là. @Corbisimages
Cette rencontre n’est pas la seule de l’après-midi. Au programme, également, un France-Suisse féminin et un Alsace – France Espoirs.
De quoi réjouir les nombreux fans de basket de la région. A l’initiative de la Ligue d’Alsace, les clubs ont d’ailleurs répondu à l’appel d’autant que la recette du match est destinée aux victimes du terrible tremblement de terre de Skopje en Macédoine qui, en juillet, a causé plus de 1 000 morts et 3 000 blessés. La couverture du programme du jour reprend d’ailleurs de manière curieuse une scène apocalyptique du chaos de la ville.
J’étais benjamin et nous étions une quarantaine de mon club à rallier, à pied, enthousiastes et impatients, notre premier rendez-vous avec des équipes des France. Au total, nous étions plus de 4 000 à avoir trouvé place dans les gradins en tubulures du vaste « hall 16 » alors dédié le plus souvent aux concerts, au catch et aussi à la Foire européenne de septembre à cent mètres de l’actuel Rhenus.
LA CLAQUETTE DE CORDEVANT
Nous ne savions pas grand-chose des Tricolores, outre la participation du régional de l’étape, Jérôme Christ. Tout juste notre entraîneur nous recommanda-t-il de suivre de près Maxime Dorigo qui, durant l’été, avait terminé meilleur marqueur du championnat du monde de Rio et retenu dans le « cinq idéal ».

Maxime Dorigo, fut le meilleur marqueur de l’équipe de France. @FFBB
Le public frissonna lorsqu’il vit l’équipe s’échauffer, en particulier Christ, dans son maillot blanc frappé du coq et du n°5 : André Buffière joua la carte locale en l’associant d’entrée au Mulhousien du Mans, Christian Baltzer, aux côtés des piliers de Bagnolet, Maxime Dorigo et Bernard Mayeur et du jeune prodige de 18 ans, Alain Gilles de Roanne.
La première mi-temps fut fameuse (43-33), mais tourna vite à la confusion de Christ, frustré avec trois fautes en quatre minutes. Malgré Dorigo et Jean Degros, la France perdit sur le fil : 73-71. Outre Gilles, un autre petit jeune de 17 ans et demi, était de la partie : Jean-Claude Bonato, voisin lorrain de Nilvange et joueur d’Antibes ; il avait fait son entrée chez les bleus à Genève trois mois plus tôt.
Avec mes amis, j’ai retenu une image forte du haut des gradins : la claquette (« il met le couvercle » dirait David Cozette aujourd’hui), de Pierre Cordevant. Pour nous, c’était stratosphérique. « C’était notre pivot inattendu, mais excellent » commenta Buffière.
Formé à St Quentin, le Manceau (décédé en 2010) disputa d’ailleurs son premier match en Equipe de France à cette occasion.
BAPTÊME DE FEU POUR CHAZALON ET PETER
Ce fut aussi le cas, chez les filles, de deux très deux jeunes femmes, bleues parmi les bleues. Le speaker nous présenta Danielle Peter, grande par la taille, pas encore 17 ans, joueuse des SREG Mulhouse, très applaudie, car du coin, ainsi qu’une certaine Jacky Chazalon, 18 ans, gracile et timide, qui venant de Valence, jouait cette saison-là à l’AS Montferrand.
L’opposition modeste de la Suisse, très vite distancée (37-11 au repos, 70-30 score final) permit aux jeunes capées de se distinguer et d’entrer de plain-pied dans l’histoire de l’équipe de France en marquant leurs premiers points (respectivement 4 et 6).
Danielle Peter, elle, resta fidèle à Mulhouse, par choix, toute sa carrière durant sous les différentes appellations (ASM, SREG, MBC ou FCM), et fut finalement, une des rares non-Clermontoises à faire partie de la sélection nationale dont le fait d’armes de cette époque, fut la médaille d’argent de l’Euro 1970. Danielle connut 136 sélections, marqua 697 points en bleu jusqu’au France-URSS de mai 1971 à Sao Paulo. Devenue Danielle Peter-Tognarini et mère de famille, la Mulhousienne fut fauchée par la maladie et emportée pile dix ans plus tard, à 35 ans.

Quelques mois avant sa disparition. Septembre 1980, lors de du jubilé de Danielle Peter, plusieurs joueurses de l’équipe de France étaient présentes dont Jacky Chazalon @ MBC
Pour la petite histoire, on notera que c’est ce jour-là que son frère, le Mulhousien Claude Peter, 16 ans, a également démarré en bleu. Le futur Manceau évolua dans une équipe de France espoirs très jeune avec Gérard Lespinasse, Charles Tassin, Daniel Ledent, tous âgés de 17 ans. Elle ne put rien contre l’équipe d’Alsace, plus expérimentée, emmenée par les joueurs de la SIG, Jean-Jacques Zurini (24 pts), Jean-Marie Oury (18), René Zimmer (8) et Xavier Christ (72-55).
Ce dimanche de décembre, fut, finalement, une sacrée tranche de la grande saga des Bleu(e)s…
- L’équipe de France masculine du jour : Bonato (Antibes), Christ (SI Graffenstaden), Ré (Marseille), Caballé (Villeurbanne, 2 points), Cordevant (Le Mans, 2), Gilles (Roanne, 4), Le Ray (Nantes, 6), Mayeur (Bagnolet, 6), Grange (Villeurbanne, 9), Baltzer (Le Mans, 12), Degros (Denain, 12) et Dorigo (Bagnolet,18).
- L’équipe de France féminine du jour : Auxiêtre (St Maur, 2), Delachet (PUC, 2), Vignot-Guyard (Montceau, 2), Martin (Toulon, 3), Peter (Mulhouse, 4), Prugneau (Montferrand, 4), Cator (PUC, 6), Chazalon (Montferrand, 6), Guinchard (Evreux 6), Verots (Montferrand, 6), Stephan (Montceau, 14), Mazel (Narbonne, 15).
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