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Wade Houston, l’ami américain

France

Montage Une : Aurélien Sohard pour Basket Rétro

Le basket est certes un sport de chiffres, de faits, d’émotions. Il arrive aussi qu’il devienne une aventure humaine et une histoire d’amitié. Exemple parmi d’autres, l’amitié qui a relié cinquante ans durant, Wade Houston à Carlo Wilm.

Eté 1970. Wade Houston débarque à Strasbourg avec sa jeune épouse Alice. Il vient renforcer l’Association sportive (ASS), promue parmi l’élite nationale pour la première fois à la fois comme joueur intérieur mais aussi comme coach. Il y rejoint son ancien coéquipier des Louisville Cardinals, Bob Doutaz, sacré artilleur de loin.

Wade Houston, joueur à Louisville

Durant cette saison, Wade fait le job, plutôt très bien d’ailleurs. Son efficacité sous les paniers et son flair, n’ont d’égale que son élégance dans le geste et son fair-play. C’est un gentleman. Il termine d’ailleurs deuxième meilleur marqueur de la Nationale 1 avec une moyenne de 26 points, derrière Larry Robertson (Nice, 32,4) et devant Firmin Onissah (Nice également, 25,8) et des habitués comme Alain Gilles, Jean-Claude Bonato ou Jean-Pierre Staelens.

Wade a fait l’unanimité à Strasbourg, en particulier auprès de ses coéquipiers. Parmi eux, le jeune pivot Carlo Wilm, 20 ans, étudiant en médecine, venu du club voisin de la SIG où il a conquis ses premières capes en Equipe de France. Les deux ont, durant leurs longs déplacements, trouvé des atomes crochus et Carlo, curieux de la culture américaine, s’est trouvé un ami, prolongeant leur belle connexion sur le terrain.

MEILLEUR POURCENTAGE A L’EURO D’ESSEN !

Le championnat se termine le 4 avril 1971 sur un total huit victoires en 26 matches pour l’ASS. Insuffisant : le club redescend en N2. Avec quatre relégations pour un championnat à 14 équipes, la barre était trop haute. Deux semaines plus tard, rentrée à Louisville, dans le Kentucky, Alice Houston accouche d’Allan, le premier de ses trois enfants.

En septembre, Carlo dispute les championnats d’Europe à Essen avec l’équipe de France de Joe Jaunay où il fait partie des tout jeunes au même titre que Claude Gasnal. En forme de boutade, Wilm aimait raconter plus tard qu’il avait le meilleur pourcentage de réussite de cet Euro : 100% avec… deux paniers pour deux tirs marqués face à Alexandre Belov, lui-même !

1971 : Veillée d’armes avant l’Euro d’Essen pour le jeune Carlo Wilm (pull clair) avec Jacques Cachemire, Jean-Pierre Staelens, Alain Gilles, Gérard Lespinasse, Claude Gasnal et Charles Tassin.

Reléguée en N2 mais désireuse de remonter immédiatement, l’ASS fait une offre à Wade Houston pour une nouvelle saison. Mais au grand dam des dirigeants et de Carlo Wilm, Houston, jeune père de famille, décide de rester dans le Kentucky. Strasbourg aura ainsi été sa seule incursion en Europe.

WADE ENTRAÎNE SON FILS, ALLAN

Content de sa première saison en tant que coach, Wade décide de faire carrière dans ce domaine et de se lancer chez lui dans le Kentucky, d’abord dans des high schools à Ahrens puis à la Male High School de Louisville. Avant d’intégrer les Cardinals de Louisville, sa fac d’origine, comme assistant-coach de Denny Crum. Il vit treize saisons royales avec deux titres NCAA (1980 contre UCLA, 1986 face à Duke) et deux autres Final Four (1982 et 1983).

1986 : Wade Houston, assistant coach à Louisville.

Pendant tout ce temps, Carlo Wilm viendra voir régulièrement la famille dans le Kentucky (agrandie avec l’arrivée de Lyna et Natalie), assister aux promesses sportives du jeune Allan. De même, les Houston passeront régulièrement en Alsace, tout en nourrissant des relations épistolaires et téléphoniques.

Alors que Carlo poursuit ses études de médecine en parallèle à sa carrière de basketteur (retour à la SIG, Wangenbourg, AS Menora Strasbourg et nouveau retour à la SIG) avant d’ouvrir un cabinet de radiologie, son ami Wade franchit un cap en devenant, en 1989, Head Coach de l’Université du Tennessee, et, à ce titre, le premier entraîneur afro américain de la conférence. Avec la particularité rarissime d’y entraîner son fils, Allan, qui devient le meilleur marqueur de l’histoire des Volunteers du Tennessee et le deuxième derrière le futur Manceau, Chris Lofton, au nombre de tirs à trois points.

Wade stoppe sa carrière de coach en 1993 au moment où Allan est drafté à la 11° place, intégrant trois saisons durant les Detroit Pistons avant de passer aux New-York Knicks jusqu’en 2005. Avec un palmarès éloquent : 14 551 points inscrits en 839 matches de NBA, une finale perdue contre les Spurs en 1999, deux nominations comme All Star et la médaille d’or avec Team USA aux Jeux olympiques de 2000.

CANDIDATS A LA REPRISE DE LA SIG 

En Alsace, Carlo Wilm est devenu dirigeant à la SIG passée à l’ère pro à Strasbourg. Il entre au Directoire présidé par l’ancien international Jérôme Christ.

En 2010, la municipalité socialiste, actionnaire majoritaire, estime qu’il n’est pas dans sa vocation d’être à la tête d’une entreprise de sport professionnel. Elle entend privatiser le club et lance un appel à projet.

1989 : Wade Houston est nommé Head Coach à l’Université de Tennessee.

A la tête d’un groupe d’une douzaine de colistiers, Carlo Wilm entend devenir le futur patron. Dans son équipe de repreneurs, figure un certain Wade Houston. Il signe une lettre dans laquelle il écrit : « Cher Carlo, C’est un honneur pour moi d’avoir l’occasion de faire partie du projet SIG. Je suis vraiment enthousiasmé par ce projet lié à ma très grande admiration pour la ville de Strasbourg et mes 40 années d’amitié avec toi et ta famille. S’il m’est permis, je me suis engagé à prendre part au capital et je me suis engagé, avec mon fils Allan, à apporter mon concours pour recruter les meilleurs joueurs pour le club et aussi à mettre l’accent sur la formation des jeunes joueurs en France et aux Etats Unis. Cet engagement sera effectif, dès la venue d’Allan à Strasbourg en avril, et il sera poursuivi quand je viendrai en mai. Je suis impatient de rejoindre la famille SIG ».

Cette lettre est intégrée dans le dossier de reprise officiel.

L’idée est de créer un hub en créant une passerelle entre les jeunes des deux pays et la SIG, compte tenu de l’important réseau de Wade et Allan Houston, alors en charge des Opérations aux Knicks, tant en NBA qu’en NCAA.

Wade qui, après avoir quitté le monde du coaching, s’était avec réussite, lancé dans le business et avait, notamment, développé une importante société de logistique et de transport à Louisville, était – et est toujours – très présent localement dans un grand nombre d’actions d’insertion, d’égalité des chances chez les jeunes. Allan l’a imité, lançant lui aussi des actions citoyennes auprès des enfants, dont le programme lié aux relations père/fils (« Father Knows Best »).

Wade arrive bien Strasbourg en mai, démontre son enthousiasme et son amitié pour Carlo et se projette pour la suite. En face, parmi les deux autres projets en lice, celui d’Alain Saint-Michel, le premier président de l’ère professionnelle du club, soutenu, lui, par Crawford Palmer.

L’appel à projet tourne court. Devant un certain nombre de problèmes de procédure et, surtout, devant la tension exacerbée de rivalité entre les deux candidats à la reprise, le maire de Strasbourg, Roland Ries, décide d’ajourner à plus tard la privatisation estimant que les conditions pacifiées ne sont pas réunies. Celle-ci se réalise six ans plus tard, sans Wilm, déçu et amer, et donc sans Houston.

Tous deux restent en contacts rapprochés jusqu’à ce funeste jour d’avril 2018 où Carlo Wilm est terrassé dans son cabinet de radiologie.

Depuis, Wade pleure son ami.

About Dominique WENDLING (57 Articles)
Ancien journaliste, joueur, entraîneur, dirigeant, président de club. Auteur en 2021 de "Basket in France", avec Laurent Rullier (I.D. L'Edition) et en 2018 de "Plus près des étoiles", avec Jean-Claude Frey (I.D. L'Edition).

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