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Le billet de Cathy Malfois – Le jour où j’ai refusé de rejoindre la WBL, l’ancêtre de la WNBA

Témoignage

Montage Une : Laurent Rullier pour Basket Rétro

Véritable légende du basket français, Cathy Malfois, notre consultante de luxe, a été sollicitée au début des années 80 par le championnat américain, la WBL, l’ancêtre de la WNBA. Alors que le basket français féminin était sous statut « amateur » Cathy a finalement décidé de rester fidèle à la France pour l’amour du maillot Bleu. 

Marine Johannès vient d’annoncer sa signature en WNBA, au New York Liberty, qu’elle rejoindra après l’Euro. Elle ne sera pas perdue puisqu’elle retrouvera entre autres Nayo Raincock Ekunwe. Nous souvenons-nous qu’avant la WNBA, la WBL (Women’s Professional Basketball League), crée en 1978, fut la toute première ligue professionnelle féminine de basket ?

8 équipes dans 2 conférences (4 à l’ouest et 4 à l’est) étaient engagées en décembre de cette année-là dans une formule qui proposait 34 matches de saison régulière suivie de play-offs (c’est encore le cas). Cette première compétition se concluait en mai 1978 par la victoire des Houston Angels sur les Iowa Cornets (3 victoires à 2).

Ann Meyers, Carol Blazejowski, Nancy Lieberman, Rosie Walker ont été quelques unes des joueuses emblématiques de cette période. Et quelles joueuses ! Même la célèbre lettone Uljana Semenova devait être de la partie (elle ne joua aucun match, sans doute l’ex URSS avait-elle eu peur de la laisser partir !!!). J’ai eu la chance de croiser certaines d’entre elles sur le terrain. Comment oublier cette mémorable défaite contre Team USA en 1980 au TQO qualificatif pour les JO : 104 à 58…La honte ! Ce ne fut pas toujours aussi pitoyable, je rassure les fans.

Ann Meyers @ WBL

Ann Meyers était une joueuse exceptionnelle. Elle fut la première joueuse à réaliser un quadruple double, avec 20 points, 14 rebonds, 10 passes décisives et 10 interceptions avec UCLA lors d’un match universitaire. Elle a été médaillée d’argent aux Jeux Olympiques de Montréal en 1976 (premiers JO ouverts au basket féminin) derrière l’URSS et championne du Monde en 1978 avec les États-Unis. Elle fut l’une des premières joueuses draftées en WBL et dans un passé récent, manager général des Phœnix Mercury.

La WBL a vécu 3 saisons avant de disparaître en 1981. Il n’y eut plus de ligue féminine jusqu’en 1984 où la WABA (Women’s American Basketball Association) fit son apparition, remplacée à son tour de 1992 à 1995 par la WBA (Women’s Basketball Association) première « summer league » (ou ligue d’été) ancêtre de la WNBA actuelle.

J’ai été sollicitée pour évoluer dans ce championnat américain. A cette époque lointaine, le basket français féminin était sous statut « amateur ». On a du mal à le croire aujourd’hui, mais signer dans un championnat professionnel induisait l’impossibilité de porter le maillot tricolore. Le choix était cornélien : en somme, c’était choisir le professionnalisme ou choisir son pays. L’hypocrisie était totale ! Tout le monde connaissait les pratiques des équipes du « bloc de l’Est » où des joueuses à priori amateures étaient payées pour pratiquer leur sport. Je connaissais bien le système, j’avais moi-même évolué en Pologne comme pro et rien ne m’avait empêché de continuer à être sélectionnée avec l’Équipe de France. Autre temps, autres mœurs !

Le choix du maillot tricolore @ Cathy Malfois

J’ai beaucoup pesé le pour et le contre et finalement décidé de rester fidèle à la France qui pourtant traversait une période de disette terrible, un vrai chemin de croix.

Minneapolis, hiver 1980, il fait moins 20 degrés. Heidi Wayment, mon ancienne coéquipière à Clermont-Ferrand, en contrat avec l’équipe de la Nouvelle Orléans, m’a invitée à partager son expérience en WBL. Quelle frustration : elle sur le terrain, moi, dans les gradins ! En y réfléchissant aujourd’hui, sans doute ai-je laissé passer une opportunité, même si beaucoup de choses restaient à améliorer. Tout commençait à prendre bonne forme ( contrats, déplacements, soins, etc.) mais dans certains secteurs, ça fleurait encore l’amateurisme : les entraînements étaient très longs, sans aucun temps de récupération ; le coach (en tout cas celui que j’ai croisé) arrivait à la salle le cigare à la bouche et dirigeait la séance en fumant, je n’en croyais pas mes yeux ; les spectateurs étaient assez peu nombreux, la salle paraissait immense. Ça ressemblait à une ébauche, un projet pas tout à fait finalisé mais ça avait le mérite d’exister. Mon seul contact avec la ligue américaine fut donc touristique.

Le premier championnat WNBA, sous forme de « summer league » a débuté en 1997 et s’est achevé par la victoire des Houston Comets (avec une Cynthia Cooper de feu – 28 points de moyenne en saison) sur…le New York Liberty, cette franchise où on l’espère voir Marine Johannès briller cet été. Cette saison fut la seule où le titre était décerné sur un seul match. Les play offs firent leur entrée dès l’année suivante. Isabelle Fijalkowski a été la première à y tenter sa chance avec les Cleveland Rockers, avec une belle réussite et un temps de jeu conséquent.

La ligue a véritablement et littéralement pris son essor en 2010 avec une spectaculaire hausse de l’affluence – entre 7000 et 8000 spectateurs de moyenne – et des audiences TV. Les Seattle Storm (déjà elles) montèrent sur le trône. Sue Bird était sur le terrain, l’australienne Laureen Jackson étalait sa grande classe et la tchèque Jana Vesela, une vieille connaissance, était dans le roster. Les Storm durent patienter jusqu’à l’année dernière pour se parer à nouveau de la couronne suprême en atomisant Washington 3 à 0 en finale, avec une Breanna Stewart stratosphérique.

Les joueuses sont attirées par cette ligue comme des ourses par un pot de miel. La WNBA, c’est l’assurance de se confronter aux meilleures joueuses de la planète, les contrats sont souvent juteux (pourtant rien à voir avec les hommes), les salles sont bien remplies, la médiatisation est grandissante…mais contrairement aux garçons, force est de constater que les joueuses européennes ne sont pas toujours considérées à leur juste valeur (ça progresse doucement) et à quelques exceptions près, le jeu proposé reste très individualiste. Sandrine Gruda y a passé 6 saisons et remporté un titre avec Los Angeles en 2016 ; Céline Dumerc et d’autres (Endy Myem l’an dernier) s’y sont essayé avec moins de succès

Seattle Storm championne 2018, avec la MVP Breanna Stewart @WNBA

Je suis assez perplexe sur le format et les enjeux. La WNBA appartient à la NBA et la ligue féminine est organisée pendant la période creuse du calendrier NBA, de fin mai à fin septembre. J’observe également que d’une année sur l’autre, des équipes disparaissent comme par enchantement ou sont délocalisées et avec seulement douze franchises, la WNBA ne couvre qu’une petite partie du territoire américain. Mais je dois être honnête, si j’avais aujourd’hui l’âge de Marine Johannès et si j’étais draftée, je m’y rendrais sans hésiter, en courant, en volant, voire en traversant l’Atlantique à la nage !

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About Cathy Malfois (20 Articles)
Cinq fois Championne de France. Élue dans le top 5 de l'Eurobasket 1978. Élue dans le top 10 des meilleures joueuses du XXe siècle par Maxi-Basket. Ancienne internationale de l'Equipe de France avec 166 sélections.

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