ITW Sylvain Lautié : « La victoire en Coupe Korac ? Un grand souvenir ! »
Interview
A 50 ans à peine, Sylvain Lautié a déjà près de 30 années d’expériences dans le coaching. Fils d’un entraîneur de foot, il faut dire qu’il est tombé dedans quand il était petit. De la Pro B à la Pro A, de Poissy à Nancy, en passant par Levallois et le monde amateur, sans oublier ses expériences marquantes en Afrique, Sylvain Lautié avait beaucoup de souvenirs à nous raconter.
BR : Vous avez une longue carrière d’entraîneur derrière-vous, mais avez-vous été joueur auparavant ?
SL : J’ai joué au club de Versailles, mais en raison d’une blessure j’ai passé et obtenu le brevet d’état d’éducateur sportif au 1er degré dès mes 18 ans.
BR : Comment avez-vous découvert le monde du coaching ?
SL : Mon père était entraîneur de foot au haut niveau, directeur du Paris FC qui était en 2ème division puis du Stade Français, et entraîneur des gardiens de but à Clairefontaine. Puisque je vivais dans le milieu du coaching, je m’y suis intéressé et ça m’a vraiment plu de voir ce qu’était un meneur, quelqu’un qui gérait un groupe. Ça m’a tout de suite attiré et ma blessure m’a aussi permis de mieux découvrir le rôle d’entraîneur, et j’ai adoré ça. Après le bac, je suis parti aux Etats-Unis pour poursuivre mon apprentissage.
« Mon père était entraîneur de foot au haut niveau, en 2ème division […] Puisque je vivais dans le milieu du coaching, je m’y suis intéressé et ça m’a vraiment plu »
BR : Vous avez fait vos armes en tant qu’assistant coach durant les années 90 à Levallois et Poissy, était-ce formateur et quels souvenirs gardez-vous de cette période ?
SL : Déjà, j’ai eu la chance d’avoir deux coachs différents à Levallois. Ivano Ballarini était un chercheur, un penseur, qui avait une philosophie propre à lui. Jacky Renaud était quand-à lui un coach avec une grande expérience qui m’a appris à toujours aller à l’essentiel, à faire fi des futilités.
Quand on est jeune coach, on a en effet tendance à tout vouloir contrôler, l’échauffement, les tests d’aptitude, mais trop d’informations tuent l’information ! Il s’est avéré qu’aller à l’essentiel m’a permis de gagner du temps et d’éviter les embuches que peut rencontrer un jeune coach.
BR : Quelle différence décelez-vous entre le poste d’assistant coach et celui d’entraîneur principal ?
SL : Le poste d’adjoint est un poste merveilleux, on vit de notre passion, on vit au milieu d’un groupe pro, on n’est pas la tête dans le guidon, on peut aider du mieux possible le coach principal mais on peut dire ce qu’on veut, on n’a pas du tout la même pression ! Je pense que lorsqu’on a été adjoint et qu’on est coach, on est capable d’analyser les performances de notre équipe, les matchs des équipes adverses, les statistiques…
C’est justement à Poissy au cours de la saison 1995/1996 que vous êtes pour la première fois nommé à la tête d’une équipe, était-ce un rêve devenu réalité ou aviez-vous le sentiment d’être -pardonnez-moi l’expression- le pompier de service ?
Ça remonte loin ! Ni l’un ni l’autre, c’était tout simplement une situation où le club de Poissy n’avait pas de grands moyens, j’avais été champion de France avec les espoirs, et j’ai eu la chance d’être là au bon endroit au bon moment. Ce facteur chance fait aussi partie de la carrière d’entraîneur.
BR : Si je vous parle de Nancy, qu’est-ce que cela vous évoque ?
SL : J’avais été coach en pro B, j’avais été coach en Pro A, et j’ai accepté de redevenir adjoint à Nancy avec Dubuisson, parce qu’Hervé est un homme honnête et gentil qui me respectait. Il ne m’a pas pris comme un adjoint porteur d’eau, non, j’avais un vrai rôle, et mon rôle n’était pas simplement de faire des échauffements, c’est pour ça que je suis allé là-bas. D’ailleurs, le premier souvenir que j’ai lorsqu’on évoque cette période est l’accident qu’a eu Hervé.
« J’ai accepté de redevenir adjoint à Nancy avec Dubuisson, parce qu’Hervé est un homme honnête et gentil qui me respectait. »
BR : En dehors de cet événement dramatique, vous avez vécu beaucoup de choses à Nancy, notamment un succès européen en 2002, pouvez-vous revenir sur ce parcours victorieux en coupe Korac ?
SL : On avait fait une superbe saison, on était dans les deux ou trois premiers du championnat, on jouait la coupe d’Europe… Nous n’avions pas forcément un effectif capable de jouer les deux parcours en même temps, on avait dit qu’on essaierait de tenir et de voir ce que ça donnerait. On a eu beaucoup de blessés en fin de saison, ce qui a un peu précipité la dégringolade, mais on a fait les efforts suffisants pour gagner cette coupe Korac. C’était dur physiquement, on faisait de longs déplacements, des journées dans les aéroports, on n’était pas prêt à ça, mais il y a des souvenirs merveilleux, comme voir la place Stanislas pleine de monde, ou des files d’attentes de 500 mètres à la billetterie pour les matchs de coupe Korac. Les gens rataient les deux premières heures de travail de la semaine pour avoir leur billet à tous prix ! Je crois qu’on avait fait plus de 10 ou 12 matchs à guichets fermés, c’était impressionnant. La finale était impressionnante également. Quand on est coach, on est concentré, on n’entend pas le brouhaha autour de nous, mais c’est l’une des deux fois dans ma carrière où j’ai entendu le bruit, il y avait vraiment des tremblements à Gentilly, notamment vis-à-vis de l’arbitrage après la blessure de Cyril Julian, c’était un chaudron…un grand souvenir !

Sylvain Lautié et Nancy vainqueurs de la coupe Korac en 2002 ! Crédit Photo: Est Républicain
BR : Pourquoi avoir quitté Nancy pour Levallois, alors en Nationale 1 ?
SL : Ce sont des cycles ! Quand on est entraîneur, il faut éviter de faire l’année de trop. Des fois, on n’a pas le choix. Le club de Levallois me proposait un challenge, il y avait l’ambition de remonter un gros club, avec des dirigeants que je connaissais bien qui m’ont proposé un contrat de cinq ans. Ça me plaisait bien de construire et remonter le club de Levallois qui a tout de même un passé sportif. Après, il a fallu aller plus vite, il y a eu la fusion, mais on a fait des choses sympas avec ce club, et c’était normal de revenir aussi, puisque c’était mon deuxième club, j’y ai passé huit ans. C’est mon autre club de cœur avec Nancy.
BR : Que représente votre titre de champion de France de Pro B obtenu à Bercy avec Besançon en 2008 ?
SL : C’était un pied de nez à certains dirigeants de Paris-Levallois qui ne m’avaient pas fait confiance lors de la fusion, ils avaient préféré Ilías Zoúros. Je n’avais pas de soucis avec lui, mais la manière dont cela avait été fait était très peu élégante, au téléphone, par Antoine Rigaudeau. Mais bon, c’est la vie, on passe à autre chose.
BR : En parlant de passer à autre chose, vous êtes retournés dans le monde amateur avec l’ES Gardonne puis Sorgues-Avignon, quelle était votre ambition ?
SL : Après Boulazac, avec qui on est remonté en Pro A, ce passage dans le monde amateur m’a permis de continuer à être actif au quotidien dans le basket, mais mon activité principale était plus sur l’Afrique.

Crédit Photo: Nicolas Ravinaud
BR :Justement, pouvez-vous nous raconter vos expériences en Afrique ?
SL : J’ai fait les deux dernières qualifications à la CAN (Coupe d’Afrique des nations) ainsi que la dernière CAN avec les garçons, et j’ai coaché les filles à la CAN à Bamako en 2017, où l’on perdu que d’un point en demi-finale contre le Nigeria, qui a ensuite gagné la finale de 20 points contre le Sénégal. L’objectif des trois dernières années était de qualifier l’équipe au championnat du monde, c’est donc beaucoup de déception parce qu’on avait travaillé très dur avec ce groupe de jeunes femmes. On a manqué d’expérience, on a eu trois balles de match d’affilée qu’on n’a pas su concrétiser. Emotionnellement c’est dur.
BR : Comment abordiez-vous ces nouvelles expériences de coaching d’une sélection nationale ?
SL : Les sélections, c’est vraiment autre chose, c’est un autre métier. Les gens ne se rendent pas compte que l’Afrique a un basket un peu différent mais avec beaucoup de pression et beaucoup d’attentes. Nous représentons un peuple, c’est un vrai niveau pas facile à gérer. Le peuple malien est accueillant, il m’a fait confiance et je lui en suis gré. Il faut connaître l’Afrique pour bien s’adapter, parce que c’est quand même à nous de nous adapter à eux et pas le contraire, comme Hervé Renard ou Claude Leroy en football qui ont les capacités de compréhension des situations.
« Les gens ne se rendent pas compte que l’Afrique a un basket un peu différent mais avec beaucoup de pression et beaucoup d’attentes. »
BR : Qu’est-ce que « L’Académie Sylvain Lautié » ?
SL : Avec des amis nous sommes en train de lancer une académie pour de jeunes joueurs, pour faire du travail individuel avec des petits groupes. L’exemple français est Jean-Marc Guillou, quasiment tous les joueurs de son académie de football deviennent pros parce qu’ils ont été bien formatés et entraînés. Contrairement à ce que disait Willy Sagnol, l’ancien entraîneur de Bordeaux, il n’y a pas en Afrique que des joueurs athlétiques. Ils ont également des qualités techniques qu’il faut développer. C’est important de bien entraîner les jeunes et Jean-Marc Guillou fait un travail exceptionnel à ce niveau-là. On a envie de développer quelque chose de cohérent, avec des fondamentaux.
BR : Avez-vous eu des joueurs qui vous ont marqué ?
SL : Votre question est très compliquée parce que chaque club me fait remonter des émotions de relations mais Thierry Rupert et JD Jackson ont été des personnes importantes dans ma carrière de jeune coach. Il y a aussi eu Gregory Morizeau, le capitaine de cette équipe, et beaucoup d’autres joueurs de Poissy, parce que sans cette époque-là je ne serais pas là à faire cet échange avec vous. On a eu pas mal de succès avec un petit budget, c’est grâce aux joueurs, à leur investissement, leur comportement et à leur attitude. Et on se rappelle toujours plus facilement de nos premières fois !
Merci beaucoup à Sylvain Lautié pour sa gentillesse et sa disponibilité !
LE PARCOURS VICTORIEUX DE NANCY EN COUPE KORAC
Propos recueillis par Alexandre Rivet pour Basket Rétro
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