Le billet de Cathy Malfois – Une histoire Polonaise, Acte 3
Témoignage
Véritable légende du basket français, Cathy Malfois, notre consultante de luxe est devenue la première joueuse française à jouer à l’étranger dans les années 70. Après nous avoir évoquer la première partie de sa fabuleuse histoire polonaise, aujourd’hui Cathy revient sur la suite de ses aventures.
Les championnats d’Europe à Poznan en 1978 m’ont redonné le virus de la Pologne . Les dirigeants de Toulon où j’avais repris une licence, n’étaient pas vraiment ravis. Je les comprends : deux mois après la compétition, je repartais à Gdansk. Et avec ma Simca s’il vous plaît, voiture à laquelle il arriva par la suite tous les malheurs.
C’était toujours l’autre côté du « rideau de fer », comme on disait pour évoquer ce mur fictif qui séparait les pays occidentaux des pays « dits de l’Est ». Celui de Berlin, de mur, il n’était pas fictif ! Une fois où je rentrais en train de Pologne vers la France, il a été stoppé en plein milieu de la ville. C’était assez sinistre quand même. Il y avait des militaires partout sur les quais, mitraillette en bandoulière. Avec interdiction expresse de descendre bien entendu. Mais tout cela ne me faisait pas peur. La Pologne était différente, plus libérée, plus cool que les autres pays du bloc soviétique.

Départ en stage avec les copines @ Collection personnelle Cathy Malfois
Arrivée assez tôt, j’ai pu suivre toute la préparation d’avant saison. Et là, j’ai senti ma douleur :
⦁ Un premier stage de 3 semaines, composé de 3 séances par jour sans jamais toucher le ballon (sauf le soir avec quelques séances de shooting), de la musculation, des footings interminables, des fractionnés, des pompes, des sprints, bref, tout l’attirail de la préparation physique de la fin des années 70 avec ce qu’elle avait de plus terrible. J’en ai bavé je dois l’avouer et quelquefois, je me demandais si je n’allais pas craquer et refaire la route en sens inverse.
⦁ Un second stage un peu moins intensif, avec des séances longues mais le plus souvent avec ballon, à base de séquences de fondamentaux individuels ou collectifs.
⦁ puis une reprise d’entraînements traditionnels (2 par jour) agrémentés de rencontres amicales.
Trois mois préparation que l’on ne pourrait infliger à personne aujourd’hui ! Enfin, le championnat pouvait commencer.
Une refonte de la compétition avait été opérée. Désormais, les équipes étaient couplées en fonction de leur situation géographique (deux équipes à Poznan par exemple ou deux équipes dans deux villes proches l’une de l’autre). Nous rencontrions les deux équipes à tour de rôle dans le week-end, la première le samedi, la seconde le dimanche et ainsi de suite. Ce qui était moins marrant, c’était lorsque les deux équipes couplées étaient éloignées l’une de l’autre. Il fallait reprendre le bus pour rejoindre l’autre ville et jouer le lendemain.
A l’issue de la saison régulière, les 4 premières équipes se retrouvaient pour des « play offs » qui consistaient à jouer un tournoi dans chacun des 4 clubs concernés. 4 mini championnats en fait, dans 4 villes différentes, à la fin desquels était décerné le titre de champion de Pologne.
En terminant seconde du championnat la saison précédente, l’équipe s’était qualifiée pour la Coupe Ronchetti (la Coupe d’Europe actuelle). Nous avons joué quelques rencontres internationales dont je n’ai pas de souvenir marquant, hormis Venise avec la venue de ma mère et de mon frère. Par contre il y avait un problème de visa à régler à chaque fois ! Le manager de l’équipe œuvrait de telle sorte que je n’ai jamais eu aucun souci ni pour entrer ni pour sortir du pays.
Cette année là, la qualité des équipements fut nettement améliorée : chaussures, maillots et survêtements « Adidas », la classe ! Mais c’était surtout pour les chaussures que ça changeait. Nous avions troqué les baskets d’importation chinoise en toile pour des baskets en cuir nettement plus confortables et sécurisantes !
Une joueuse arrivée l’année précédente avait piqué mon n°5 fétiche, j’ai pris le 12. Le reste n’avait pas changé : la salle, une sorte de hangar aux structures métalliques avec un parquet toujours impeccable (en France, ce n’était pas rare d’évoluer sur des terrains en béton) ; le public toujours aussi nombreux et chaleureux ; les infrastructures médicales toujours au point ; la salle de restauration rudimentaire mais sympa avec sa grande baie vitrée.
La rivalité toujours forte avec le Wisla de Cracovie annonçait une saison très excitante. Cracovie, le champion en titre (11 titres en 1978 et 25 au total aujourd’hui, plus fort encore que le grand Clermont ou Bourges), composé de nombreuses joueuses internationales. Les rencontres étaient serrées, ça « chambrait » pas mal sur le terrain et les résultats se jouaient toujours à trois fois rien. Cela ne nous empêchait pas de boire un coup ensemble (voire plus) après les matches ! 23 victoires et 7 défaites plus tard, en février 1979, nous récoltions le titre honorifique de vice championne de Pologne.
Cet hiver là, il a fait très très très froid, jusqu’à moins 40 degrés. C’était assez dur ! Heureusement la salle était chauffée. A Noël, j’avais décidé de passer les fêtes en France. Des amis m’ont accompagnée dans ma Simca 1100 jaune canari jusqu’à l’aéroport de Varsovie. C’était la nuit, il neigeait fort et des congères énormes se formaient sur les bords de route. A vrai dire,on n’y voyait pas grand chose. On a mis un nombre d’heures incroyable pour relier les deux villes distantes de seulement 400 kms. Et pour rendre le voyage encore plus épique, le pare brise avant s’est brisé !
J’ai attrapé l’avion, je me demandais s’il allait pouvoir décoller. Mes amis ont effectué le voyage retour avec une bâche de fortune en guise de pare brise, des essuie-glace forcément inutilisables et une température dans le véhicule, je vous raconte pas ! Je crois qu’ils ne s’en sont toujours pas remis !
Au retour des fêtes de fin d’année, en attendant l’arrivée du nouveau pare brise commandé à l’étranger, j’ai trouvé ma voiture stationnée dans un garage, chez les parents d’une de mes coéquipières. Il a fallu attendre deux mois pour récupérer enfin l’équipement et en deux mois,la Simca avait complètement gelée.Il a fallu utiliser le sèche cheveux pendant des heures pour dégeler toutes les pièces du moteur et me permettre de regagner la France. Ainsi s’achevait ma deuxième saison en Pologne.

Contre Cracovie @ Collection personnelle Cathy Malfois
Mon frère était venu me rejoindre pour effectuer avec moi le voyage retour. Ce fut long et mémorable ! Jusqu’à la frontière allemande, nous nous sommes frayés tant bien que mal une route entre les congères ; nous nous sommes perdus en pleine nuit au beau milieu de l’Allemagne de l’Est, des hélicoptères tournoyaient au dessus de nos têtes. Nous nous sommes retrouvés nez à nez avec des soldats russes, très sympas au demeurant, qui nous indiqué la route à suivre. On n’en menait pas large ! Je ramenais avec moi un petit chien noir et blanc nommé « Psotka » (qui signifie…petit chien en polonais, très original !), chien récupéré dans un train lors d’un déplacement. Honnêtement, il était assez laid et je n’ai eu aucun mal à lui faire franchir la frontière. Plus loin, nous avons été bien contents de trouver un hôtel en bord d’autoroute du côté ouest de l’Allemagne. Et la voyage s’est poursuivi sans encombres jusque chez mes parents.
EPILOGUE
Plus tard, chaque fois que j’évoquais mon expérience polonaise, on me questionnait sur le dopage. Normal, c’était l’époque des performances hallucinantes des Allemandes de l’Est en natation et en athlétisme. Honnêtement, c’est un phénomène que je n’ai absolument pas rencontré lors de mes deux séjours en Pologne. Oui, le suivi médical était performant, la récupération privilégiée. Mais à aucun moment, je n’ai entendu ni vu quoique ce soit à propos de manipulation et/ou de traitement médical quelconques.
Aujourd’hui, le club de basket féminin de Gdansk n’existe plus. Il a émigré dans les années 1990 vers Gdynia et remporté de nombreux succès (11 titres de champion de Pologne, la plupart avec Malgo Dydek, la grande joueuse de 2,10m malheureusement disparue). Notre ancien manager en est devenu le président. L’ancien entraîneur des jeunes est devenu chef d’entreprise et président de plusieurs clubs sportifs.
Durant tout ce temps, j’ai très peu parlé la langue, sauf quand je suis devenue à mon tour coach à Bourges et que l’une des joueuses de mon équipe, Teresa, était polonaise. Teresa, une joueuse internationale, extrêmement adroite et attachante, qui elle aussi s’en est allée beaucoup trop tôt.
35 ans après mon départ, au cours d’un voyage à Gdansk, j’ai retrouvé la plupart de mes anciennes coéquipières (certaines sont parties sous d’autres cieux à leur tour, aux États-Unis, en Allemagne, en Autriche, au Luxembourg…). Nous avons échangé autour d’un repas arrosé de pétillant et de…vodka, of course, regardé de vieilles photos d’époque, évoqué les souvenirs. C’était assez chargé en émotions !
Je ne regrette rien de cette expérience : Si l’on ne se met pas en question, si l’on ne court pas une vraie aventure, au bout de laquelle on sera vainqueur ou vaincu avec le risque de se casser la gueule, alors ça n’a aucun intérêt » (Louis Guilloux)
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