Souvenirs d’Euro : Jean Galle : « Je suis encore marqué par ma première marseillaise. »
Interview
Jean Galle, sélectionneur de l’équipe de France de 1985 à 1988, a eu une expérience très particulière à l’euro 1987. Malgré un parcours très solide avec ses clubs, il n’a pas pu faire mieux qu’une neuvième place dans un contexte complètement défavorable à l’équipe. Il revient pour nous sur son expérience d’eurobasket.
Basket Rétro : Avant d’approcher la sélection, qu’est ce qui vous avait poussé à devenir entraîneur ?
Jean Galle : J’ai d’abord été joueur, et, très vite, je me suis intéressé à l’entraînement. Je suis calaisien, et il y avait pas loin l’équipe de Boulogne. Il y a eu un stage alors que j’avais 15 ou 16 ans dont je suis sorti en me disant que je voulais être entraîneur. Cela m’avait drôlement plu et je m’y suis accroché. En plus de cela il y a mon frère, avec qui on a 9 ans d’écart, quand il a commencé à jouer j’ai commencé à l’entraîner. Il y a eu d’autres jeunes de mon quartier. Après j’ai eu des entraîneurs, notamment au club de Calais, et ça ne fonctionnait pas toujours. J’ai eu l’occasion de partir comme joueur-entraîneur à Dunkerque. Entre Gravelines et Dunkerque, il y avait la ville de Grand-fort-Philippe. Là j’ai continué à être joueur-entraîneur. Je suis reparti à Calais où j’ai entraîné l’équipe du BAC jusqu’en nationale 2. J’ai eu l’occasion de jouer contre l’équipe de Berck en Nationale 3, en championnat et en tournoi, nous les avons battus deux fois alors qu’ils étaient premiers. De là, mon frère avait été contacté par le dirigeant de Berck et on s’est retrouvés tous les deux là bas, moi comme entraîneur et lui comme joueur.
BR : C’est à Berck que vous vous êtes faits connaître, vous aviez notamment été champions de France en 1973 et 1974…
JG : Voilà. Après je suis passé à Caen, Mulhouse, Vichy. J’avais dû être repéré par les dirigeants de la Fédération. J’avais déjà eu l’occasion de rencontrer Jean Luent, qui coachait Orthez, et il m’a pris comme assistant en équipe de France avec Fisher et Buffière. Quand il a démissionné, on m’a proposé le poste de sélectionneur de l’équipe de France, que j’ai gardé de 1985 à 1988. Dans la même période je suis parti de Vichy à Cholet (NDLR : en 1987), et ensuite à Gravelines.
BR : Avant de prendre part à un eurobasket, vous aviez eu l’occasion de voir ce qui se faisait ailleurs en matière de coaching ?
JG : Ma formation d’entraîneur a été faite en allant souvent en Belgique, j’avais été aux États-Unis, en Yougoslavie … Je suivais déjà bien l’équipe de France. J’avais un œil de technicien et de supporter, ce que je suis toujours d’ailleurs. Et j’avais déjà une bonne expérience en club, j’avais fait des coupes d’Europe avec Berck et Caen. Mais c’est différent de jouer en Europe avec un club, c’est le même groupe de supporters, en équipe de France c’est plus national.
BR : Comment avez vous vécu les championnats d’Europe en tant que sélectionneur ?
JG : C’était en 1987 à Athènes, on ne peut pas dire que la préparation se soit bien passée malheureusement. Le DTN de l’époque avait monté tout un programme de matchs amicaux avec des déplacements très longs, dans les moyens de transports de l’époque hein, ce n’est pas ce qu’on a maintenant. Le résultat c’est que Philip Szaniel, quasiment l’un des meilleurs joueurs de l’équipe, s’est blessé en jouant contre Israël deux ou trois jours avant le championnat, il a dû rentrer d’urgence à Paris. On ne pouvait pas le remplacer, donc ça a été un gros handicap.
BR : L’équipe était si loin de son meilleur niveau ?
JG : Oui, car c’était vraiment un homme de base de l’équipe. On a fait avec les moyens du bord et on n’a pas eu un très bon classement (NDLR : Neuvième place). C’était aussi durant cette compétition qu’il y a eu l’histoire de Richard Dacoury qui a dû rentrer pour passer des examens, avec l’accord du DTN. On a été un peu la risée des championnats d’Europe. Un joueur clé qui quitte l’équipe pour un examen, c’était paradoxal.
BR : C’est à ce genre de choses que l’on sentait la différence d’organisation entre les grandes nations du basket et la France ?
JG : Il y avait déjà des pays qui étaient très très bien organisés. L’Italie, la Grèce qui organisait le championnat, la Yougoslavie et aussi les Espagnols même si ils ne faisaient pas partis des meilleurs à l’époque. Il y avait une prise de conscience à avoir qu’il était indispensable d’appliquer une discipline et qu’un joueur sélectionné devait répondre à une sélection sous peine d’être suspendu. Ça a été voté à l’époque mais pas d’une façon franche, et donc pas vraiment mis en place. À l’heure actuelle, hormis les joueurs NBA pour des raisons tout à fait légitimes, c’est évident que les joueurs ne peuvent plus dire « non ça ne m’intéresse pas d’aller en équipe de France ». Moi je n’ai jamais pu comprendre que l’on puisse refuser une sélection car c’est vraiment quelque chose de formidable de représenter son pays dans une compétition quelle qu’elle soit.
BR : On ressent la même fierté en tant que sélectionneur ?
JG : Absolument. Je me souviens de ma première marseillaise dans un match de préparation à Paris, je peux vous dire que je suis encore marqué. C’est vraiment quelque chose de fort. Chacun réagit différemment, mais c’est ce que ça m’a fait. Je ne sais pas si tout le monde avait la même réaction dans mon groupe, car même si c’est un sport collectif, les réactions sont individuelles. Dans le groupe, c’est certain qu’il y en a pas mal qui étaient comme moi, je pense à la fierté de garçons comme Beugnot, Dubuisson, Demory, Hufnagel, c’est des gars qui étaient fiers du maillot.
BR : Vous étiez en Grèce, un pays réputé pour son public…
JG : Écoutez, on a joué, je ne sais plus si c’est le premier ou le deuxième match, je crois qu’on menait à la mi-temps et ils ont fait descendre la police autour du terrain pour que le match puisse se poursuivre dans de bonnes conditions. Ils ont d’ailleurs été champions d’Europe en battant l’URSS en finale. C’était vraiment particulier, il y avait des jets de briquets, de tout ce qu’ils avaient sous la main.
BR : Il y a eu une crispation de vous ou de vos joueurs en voyant ces mouvements de la police ?
JG : Oh non, on avait pas vraiment peur qu’il y ait des débordements, mais c’était indispensable que les organisateurs mettent cette protection, peut être sur une demande de la FIBA.
BR : Avez vous une anecdote, un fait de jeu qui vous est particulièrement resté ?
JG : Non, je n’ai pas un moment, pas vraiment. C’est un tout, c’est plus une globalité émotionnelle d’un championnat d’Europe plus qu’un truc bien spécifique. Il y a des moments exceptionnels dans les championnats, mais ce sont surtout des courts moments, le basculement entre une défaite et une victoire.
« Je savais qu’un jour l’équipe de France ferait des gros résultats car il y a beaucoup de très bons joueurs en France. »
BR : Vous êtes donc redevenu un supporter à partir de 1989. Comment avez vous décidé de quitter la sélection, puisque c’était votre choix ?
JG : Eh bien c’est simple, à cette époque il n’y avait pas beaucoup d’argent et on me demandait de choisir entre rester coach à Cholet ou rester coach de l’équipe de France. Même si je ne gagnait pas des salaires mirobolants à Cholet, c’était tout de même un petit peu plus que ce qu’on me proposait en équipe de France. Bon je suis marié, j’ai des enfants, c’était logique que ça se passe comme ça. Et en plus, je m’entendais vraiment pas avec le DTN.
BR : Mais le choix a été celui de la continuité puisque c’est votre assistant Francis Jordane qui a pris la suite…
JG : Oui, Francis était lui conseiller technique, détaché à l’équipe de France, mais il était déjà payé par l’éducation nationale et la fédération. Alors que moi sans Cholet, je n’avais plus de salaire et la Fédération ne donnait pas grand-chose pour ce simple poste. C’était une gymnastique assez importante de jumeler le club et la sélection.

L’équipe de France de 1987, avec Francis Jordane (en bas à gauche) et Jean Galle (en bas à droite)
BR : Quel œil vous portez sur les générations qui se sont succédées depuis les années 1990 ?
JG : Je savais qu’un jour l’équipe de France ferait des gros résultats car il y a beaucoup de très bons joueurs en France. La preuve c’est qu’il y a beaucoup de français en NBA et dans les meilleurs clubs européens. On est le pays qui a le plus de joueurs qui jouent à l’étranger. C’est malheureux pour la Pro A, mais le professionnalisme et l’argent veut ça. Qu’on soit pour ou contre, c’est la réalité.
BR : Vous adhérez au style de jeu installé en équipe de France ces dernières années, basé sur des systèmes beaucoup plus individuels que par le passé ?
JG : C’est le basket moderne, maintenant on demande à chaque joueur d’être plus fort que son vis à vis et de créer une action décisive ou pour donner le ballon à quelqu’un d’autre. Quoique le jeu très collectif revient un peu, on revoit des vieux systèmes que l’URSS pratiquait, avec beaucoup d’écrans, de main-à-main. Je ne pense pas qu’un seul joueur puisse faire basculer un match, hormis des garçons exceptionnels comme Parker.
BR : Et pour l’après-Parker ?
JG : Il y a un potentiel exceptionnel, des joueurs de talents. Je vais en citer un parce qu’il est nordiste, De Colo. Mais beaucoup d’autres ont des très forts potentiels et s’ils arrivent à jouer ensemble on pourra aller très loin dans les compétitions. Mais c’est évident que le staff actuel a tout un travail à faire.
BR : Merci pour vos réponses, nous vous laissons maintenant le mot de la fin pour nos lecteurs.
JG : Eh bien, continuez à parler du basket comme vous le faites, en espérant que vous serez enthousiaste sur le championnat d’Europe avec une très belle place pour l’équipe de France. (NDLR : Rappel, l’interview a été enregistrée avant l’euro 2017 et la déception que nous avons vécu).
Propos recueillis par Antoine Abolivier.
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