[Portrait] Kirk Hinrich, symbole du renouveau de Chicago
Portrait
Adulé dans son université, issu d’une draft exceptionnelle, icône des Chicago Bulls et chouchou du United Center, ayant également porté le maillot des Washington Wizards… Vous avez bien sûr reconnu quelques faits d’armes de… Kirk Hinrich ! À 36 ans et sans équipe depuis l’été 2016, il était donc temps pour ce soldat de l’ombre de passer sous le feu des projecteurs !
Comme de nombreuses histoires d’amour, celle liant Kirk Hinrich aux Chicago Bulls fut parfois agitée. À vrai dire, elle n’aurait même jamais dû exister.
Lors de la draft 2002, la franchise de l’Illinois sélectionne le meneur de jeu Jay Williams en 2ème position. Celui qui a mené la prestigieuse université de Duke au titre NCAA en 2001 doit permettre aux Bulls d’oublier quatre saisons pénibles et de tourner – enfin – la page Michael Jordan. Il réalise une bonne saison rookie, et avec le soutien de Jalen Rose, permet aux Bulls de remporter 30 victoires. Mais il était dit que Chicago paierait au prix fort le calvaire infligé à la ligue durant la décennie précédente. Le 19 juin 2003, Jay Williams subit un grave accident de moto mettant un terme à sa carrière, à ses espoirs et à ceux de toute une ville.
Le 26 juin 2003, avec le 7ème choix, les Bulls sélectionnent donc un autre meneur, Kirk Hinrich, en provenance de l’université de Kansas. S’il n’a, lui, pas réussi à offrir le titre NCAA à son équipe des Jayhawks, il leur permit tout de même d’atteindre le Final Four de la March Madness en 2002 puis en 2003. Lors de cette dernière épopée, Hinrich marque plus de 17 points par match. Sur ses quatre années à la fac, il tourne également à près de 5 passes et 4 rebonds de moyenne, et attire l’attention par un autre aspect de son jeu, le tir à 3 points. Un parcours et des performances récompensés en 2009 par le retrait de son maillot par l’université.
Pour ses premiers pas en NBA, Kirk peut compter sur le soutien d’un vétéran prestigieux. Scottie Pippen vient en effet terminer sa carrière sous les couleurs qui lui ont permis d’être nommé parmi les 50 meilleurs joueurs de l’histoire de la ligue.
UNE PREMIERE SAISON PLEINE DE PROMESSES !
Son premier mois de compétition est difficile, avec un peu mois de 7 points et 4 passes par match. Mais si de nombreux débutants doivent faire face au fameux « rookie wall », Kirk va voir ses statistiques progresser tout au long de la saison. En février 2004, il tourne à près de 15 points et 8 passes en 11 rencontres, et réalise même un triple double le 28 contre Golden State (11 points, 10 passes et 12 rebonds), le seul réalisé par un rookie cette année-là. LeBron, Dwyane, Carmelo et les autres repasseront ! En avril, il colle 15 points et délivre 10 passes décisives par match, mais les Bulls enchaînent les défaites et terminent avec un bilan peu glorieux de 23 victoires pour 59 défaites.
Avec ses 12 points, 6,8 passes et 3,4 rebonds de moyenne, Hinrich a toutefois gagné le respect de la NBA et est nommé dans la All-Rookie First Team.
La saison suivante est celle de la confirmation. Pouvant s’appuyer sur les jeunes Ben Gordon, Luol Deng et Andres Nocioni, Hinrich et les Bulls remportent 47 victoires et retrouvent enfin les playoffs. Kirk commence la saison avec un match de titan en compilant 34 points, 8 passes, 4 rebonds et 3 interceptions contre Indiana. Tantôt scoreur, tantôt altruiste, régulier à 3 points et frôlant à plusieurs reprises un nouveaux triple double, il est déjà un joueur NBA complet et respecté. La série de playoffs contre les Washington Wizards sera une expérience aussi décevante qu’enrichissante pour Hinrich et les « babybulls ». Le meneur parvient à hisser son niveau de jeu en augmentant ses stats de 5 points par rapport à la saison régulière, mais ses 21 points par rencontre et sa précision de tireur d’élite derrière l’arc (17/33 sur la série) ne suffisent pas. Malgré deux succès pour commencer, Washington s’impose 4 victoires à 2.
Le socle des Bulls est constitué, et la franchise aborde la saison 2005/2006 avec confiance. Devant partager les responsabilités avec ses prometteurs coéquipiers, Hinrich réalise une année sensiblement égale à la précédente. Ses coups d’éclats les plus marquants ont lieu chaque fois contre les Minnesota Timberwolves. Le 11 janvier 2006, il compile 17 points, 8 rebonds mais surtout 17 passes décisives sur le parquet de Minneapolis (ce qui restera son record en carrière), et retourne le couteau dans la plaie un peu moins de deux mois plus tard avec 30 points, 13 rebonds et 9 caviars au United Center face à des loups et un Kevin Garnett impuissants.
Si le bilan de Chicago est moins bon qu’en 2005 avec seulement 41 victoires, la série de playoffs contre Miami s’avèrera moins frustrante et plus enrichissante que celle perdue contre les Wizards. Le Heat fait en effet figure d’épouvantail avec son duo Wade/Shaq, mais doit batailler pour décrocher chaque victoire et mener 2-0 dans la série. Après un carton à 29 points hélas inutile dans le match 2, Hinrich colle 43 points et 20 passes sur les deux suivants et permet aux Bulls de revenir à égalité. Le manque d’expérience sera finalement payé cash avec deux défaites plus sèches et une élimination, mais ce n’est alors que partie remise…
2006/2007, LA PLUS BELLE SAISON DE CAPTAIN KIRK
Un an plus tard, les deux équipes se retrouvent en effet au même stade de la compétition, mais beaucoup de choses ont changé !
Kirk a d’abord connu l’honneur de la sélection américaine pour le championnat du monde disputé au Japon à la fin de l’été 2006 et était donc de la fameuse demi-finale perdue contre la Grèce Malgré la déception collective, il est donc revenu avec une médaille de bronze et le statut de joueur de Team USA.
Après son titre NBA en juin 2006, Miami a réalisé une saison régulière décevante avec seulement 44 succès. Les Bulls, renforcés par Ben Wallace, ont quant à eux remporté 49 matchs.
Hinrich n’est pas étranger à ces bons résultats puisqu’il vient tout simplement de réaliser la meilleure saison statistiques de sa carrière ! Ses 16,6 points et 6,3 passes font forte impression, mais c’est son apport défensif qui lui vaut le plus de louanges et même une place dans le 2ème cinq défensif de la NBA aux côtés de son pivot.

Hinrich avec les deux Ben de l’équipe, Gordon et Wallace – Crédit photo : John Zich
Chicago et Miami se retrouvent donc à l’issue de la saison régulière pour une opposition que beaucoup imaginent serrée. Il n’en est rien, les Bulls plient l’affaire en quatre petits matchs et deviennent les premiers à infliger un sweep à un champion sortant depuis 1957 et un succès des Syracuse Nationals sur les Warriors de Philadelphie !
La domination incontestée et inattendue des Bulls sur le Heat permet d’oublier les performances mitigées de Kirk, puisqu’il passe au travers des matchs 1 et 4 et brille dans les matchs 2 et 3. Les difficultés du tour suivant seront cette fois dues à la qualité de l’adversaire, les Detroit Pistons.
Les anciens coéquipiers de Ben Wallace gagnent les trois premiers matchs, on s’oriente vers le coup de balai, mais les 19 points et 10 passes d’Hinrich notamment permettent à Chicago de garder la tête hors de l’eau. Il enchaîne lors du match suivant avec 17 points 3 passes, mais Détroit met fin au rêve chicagoan lors du sixième match malgré un nouveau double-double d’Hinrich.
Les Bulls ont joué dans la cour des grands, la saison suivante n’en est que plus décevante. Ils ne remportent que 33 rencontres, se séparent de Ben Wallace tandis que le rookie Joakim Noah déçoit, Hinrich manque quelques matchs sur blessure et voit ses statistiques baisser nettement… Deux coups d’éclat sont tout de même à noter. Lors de la victoire contre New York le 14 décembre, il enregistre son second triple double en carrière avec 15 points, 14 passes et 12 rebonds. Le 23 janvier 2008, il établit son record offensif avec 38 points contre les Pacers, auxquels il ajoute 10 passes et 7 rebonds.
CHANGEMENT DE ROLE
2008 est surtout synonyme de coup de chance inouï pour les Bulls. Lors de la loterie, alors qu’ils n’ont qu’1,7% de chances d’obtenir le gros lot, ils obtiennent le premier choix de la draft. Le 26 juin, ils sélectionnent Derrick Rose… meneur de jeu.
Hinrich doit donc s’adapter et accepter de voir son rôle diminuer. Il sort désormais du banc et doit en plus faire face à une blessure qui l’éloigne des parquets pendant deux mois. Il réussit tout de même un carton à 31 points contre Milwaukee en février et trois matchs à 20 points ou plus lors des deux dernières semaines de la saison régulière. Chicago retrouve les playoffs et a droit à un adversaire prestigieux, les Boston Celtics, champions en titre, privés de Kevin Garnett mais avec un Rajon Rondo au sommet de sa forme.
Si les séries de premier tour marquent rarement les esprits, celle-ci rentre dans la légende de la NBA. Les Bulls poussent en effet les champions en titre dans leurs derniers retranchements, il faut en effet sept matchs marqués par sept prolongations pour voir Boston se qualifier. Kirk n’a pas donné sa part aux chiens et participe à l’un des moments forts de cette série… une sérieuse altercation avec Rondo lors du match 6 disputé au United Center. Pas forcément très glorieux, mais suffisant pour plaire encore un peu plus aux fans de la franchise et démontrer sa combativité !

La fameuse altercation entre Hinrich et Rondo lors de la mythique série de playoffs de 2009 opposant Bulls et Celtics – Crédit photo : NBAE
Nouveau changement important pour l’équipe lors de l’intersaison 2009 puisque Ben Gordon quitte les Bulls pour les Pistons, Hinrich retrouve donc partiellement une place dans le 5 majeur, au poste de deuxième arrière. Il débute 53 des 74 rencontres qu’il dispute, joue plus de 33 minutes par match en inscrivant près de 11 points chaque soir. Le 20 février 2010, il rentre dans l’histoire de la franchise en devenant le recordman de paniers à trois points inscrits sous le maillot mythique des Bulls avec 771, un chiffre qui montera jusqu’à 1049. Sa meilleure performance de la saison intervient au meilleur des moments, au 1er tour des playoffs contre les Cleveland Cavaliers de LeBron James. Avec 27 points, 5 passes et 5 rebonds, il offre un succès de prestige à son équipe, hélas insuffisant puisque ce sera le seul de Chicago dans cette série.
Les Bulls n’ont cette année-là encore pas réussi à franchir un tour de playoffs et comptent bien profiter de l’été 2010 pour attirer une ou plusieurs stars de la ligue. Beaucoup de grands noms sont en effet agents-libres, de LeBron James à Dwyane Wade, en passant par Chris Bosh et Amare Stoudemire. Les dirigeants décident donc de faire de la place dans l’effectif et sous le plafond salarial et se séparent du contrat de Kirk Hinrich le soir de la draft en échange d’un modeste second tour de draft des Washington Wizards… Voilà le premier sale coup porté par Gar Forman et John Paxson à un joueur ayant grandement participé au renouveau de la franchise.
DE WASHINGTON A ATLANTA…
À partir de ce moment, les choses ne seront plus jamais vraiment les mêmes pour Kirk Hinrich. Pendant quatre mois, il porte le maillot bleu des Wizards qu’un certain Michael avait porté avant lui, mais son impact dans la capitale américaine est moins marquant. Il réussit bien quelques bonnes performances, compilant notamment 19 points et 9 passes lors d’un match à Chicago en décembre, mais est à nouveau transféré en février 2011. Il atterrit cette fois chez les Atlanta Hawks. Son influence sur le jeu et ses statistiques sont en chute libre, les Hawks se qualifient toutefois en playoffs où ils éliminent le Magic d’Orlando avant de retrouver… les Chicago Bulls. Hélas, pas de belle histoire voire de revanche pour Kirk puisque, s’il a activement participé à la qualification contre Orlando, une blessure le prive de retrouvailles avec ses anciens coéquipiers qui raflent la mise en six matchs.

Hinrich sous les couleurs des Hawks – Crédit photo : NBAE
La saison suivante, celle du lock out, ne sera pas vraiment plus agréable pour Hinrich. Il manque le début du championnat suite à une nouvelle blessure et voit son rôle encore diminuer, même si son apport défensif est toujours apprécié et lui permet de jouer près de 26 minutes par match. Les Hawks font encore un bref passage en playoffs et sont sortis par les Celtics au premier tour. Mais ce premier tour va influencer la carrière de Kirk de façon inattendue. Derrick Rose se blesse grièvement lors de la série disputée par les Bulls contre les Sixers, Chicago doit donc apprendre à vivre sans son meneur vedette et lors de l’été se tourne vers son ancien capitaine. Hinrich revient donc au bercail pour la saison 2012/2013.
UN VETERAN DE RETOUR A LA MAISON
Amputés de leur MVP 2011, les Bulls ne sont sur le papier plus vus comme menaçants dans la conférence Est dominée par le Miami Heat et ses « three amigos ». Mais Tom Thibodeau est toujours là, ainsi que des joueurs que Kirk connaît déjà bien comme Luol Deng ou Joakim Noah. Dans l’effectif, on trouve également un sophomore aux qualités défensives certaines à qui le vétéran Hinrich va pouvoir donner de précieux conseils, un certain Jimmy Butler. Les Bulls remportent 45 matchs durant lesquels Hinrich a un apport certain, notamment le 21 décembre au Madison Square Garden où il frôle le triple double avec 16 points, 9 rebonds et 8 passes lors de la victoire contre les Knicks.
Chicago se qualifie pour les playoffs et joue à nouveau une folle série, quatre ans après celle perdue contre Boston. Cette fois, ce sont les Brooklyn Nets qui se présentent sur le chemin des Bulls. Lors du quatrième match, il faut trois prolongations pour départager les deux équipes après que les Nets aient vu fondre leur avance de 14 points en fin de quatrième quart-temps sous l’impulsion du nouveau chouchou de Chicago, Nate Robinson, auteur de 34 points. Hinrich joue 60 minutes, inscrivant 18 points et distribuant 14 passes décisives, mais c’est surtout sa performance défensive contre Deron Williams qui est saluée par les spécialistes du monde entier ! Chicago l’emporte 142-134. Mais les années se suivent et se ressemblent, ce match laisse des traces, une blessure le prive de la fin de la série (remportée par les Bulls au septième match) et des demi-finales de conférence perdues en cinq manches face à Miami.
Le profil d’excellent défenseur vétéran plaît à Tom Thibodeau qui compte bien utiliser au maximum le numéro 12 chicagoan pour l’exercice 2013/2014. Tous les signaux sont au vert puisque Derrick Rose fait, lui, son retour… Un retour éclair, une nouvelle grave blessure après seulement dix rencontres met fin à sa saison, et les Bulls doivent à nouveau faire preuve de courage et d’originalité pour la suite des événements. S’il aurait sans doute préféré un autre scénario, le rôle d’Hinrich est assuré par ce nouveau coup du sort. Le résultat de la saison est on ne peut plus correct puisque Chicago remporte 48 matchs, Kirk frôlant les 10 points par match pour la dernière fois de sa carrière. Pas de coup d’éclat statistique cependant cette année, même s’il est l’un des rares à surnager lors de la défaite rapide et décevante au premier tour des playoffs contre les Washington Wizards de John Wall.
Les deux saisons suivantes seront les deux dernières de Kirk Hinrich en NBA. S’il joue encore une trentaine de minutes fin 2014, son rôle devient plutôt celui de relais du coach sur le parquet que d’un joueur majeur, d’autant plus que D-Rose fait enfin son réel retour après plusieurs campagnes gâchées par les blessures. Toutefois, les Bulls rentrent dans le rang en 2016 et la direction multiplie les choix douteux. L’un des plus scandaleux est sans doute le nouveau transfert d’Hinrich lors de la trade deadline, le 18 février. Il retrouve donc Atlanta, avec qui il dispute 15 matchs dont ses 4 derniers en playoffs pour un temps de jeu famélique.
JOUEUR DISCRET MAIS RESPECTE
Sans contrat à l’issue de la saison, son nom sera évoqué une dernière fois dans l’actualité sportive à l’automne 2016, les Cleveland Cavaliers étant à la recherche d’un meneur remplaçant. Pas de signature chez l’ancien rival cependant pour Kirk Hinrich qui en reste à 879 matchs de saison régulière disputés ainsi que 71 en playoffs.
Si sa retraite n’est pas officielle à l’heure où l’on parle, un retour semble désormais improbable. Sorti par la petite porte, Hinrich gardera cependant une place de choix dans le cœur des fans des Chicago Bulls. Sa combativité et sa présence dans le processus de reconstruction de la franchise auront marqué les esprits, et les chiffres parlent aussi pour lui. Avec 748 apparitions sous le maillot blanc et rouge en treize ans, il est troisième au nombre de matchs joués pour les Bulls derrière Michael Jordan et Scottie Pippen, mais aussi neuvième au nombre de paniers marqués, premier au nombre de tirs à trois points réussis et tentés, troisième au nombre de passes décisives (une fois encore derrière Jordan et Pippen), troisième au nombre d’interceptions (derrière vous savez qui !), ou encore huitième au nombre de points marqués… Certains joueurs ont vu leur numéro retiré par une franchise pour moins que ça, ce ne sera sans doute pas le cas au United Center, mais une photo géante à l’effigie de Captain Kirk décore toujours les coursives de la salle mythique, preuve qu’il ne sera pas oublié de sitôt.
PALMARES ET RECOMPENSES
- élu dans la 3ème équipe All-NCAA (Kansas Jayhawks, 2003)
- vice champion NCAA (Kansas Jayhawks, 2003)
- 7ème choix de la draft NBA (Chicago Bulls, 2003)
- élu dans le 1er cinq Rookie NBA (Chicago Bulls, 2004)
- médaille de bronze du championnat du monde de basket (Team USA, 2006)
- élu dans la 2ème équipe défensive NBA (Chicago Bulls, 2007)
- recordman du nombre de paniers à 3 points inscrits (Chicago Bulls)
KIRK HINRICH EN IMAGES
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