Le billet de Cathy Malfois – Une histoire polonaise, Acte 2
Témoignage
Véritable légende du basket français, Cathy Malfois, notre consultante de luxe est devenue la première joueuse française à jouer à l’étranger dans les années 70. Après nous avoir évoquer la première partie de sa fabuleuse histoire polonaise, aujourd’hui Cathy reient sur la suite de ses aventures.
L’équipe était très jeune (20 ans de moyenne d’âge), composée de joueuses talentueuses dont certaines évoluaient déjà en Equipe Nationale Polonaise. Notre coach pouvait nous faire pratiquer un jeu spectaculaire, combinaisons de jeu rapide et de pressing tout terrain, ce qui me convenait parfaitement. Nos matches se terminaient souvent sur des scores élevés !
Le premier match en octobre contre Cracovie fut un calvaire. Pour le coup, les 100 points, ce sont nos adversaires qui nous les infligèrent : score final 104 à 43, la honte ! Mais, bon, ce n’était que le début, cela s’améliora par la suite ; quelques semaines plus tard, nous avons réussi l’exploit de l’emporter deux fois à domicile.
Bref, je m’éclatais, je commençais à m’exprimer correctement, en tout cas pour le vocabulaire spécifique. Le coach continuait à me parler en français si nécessaire ! Le polonais est une belle langue, un brin chantée mais la grammaire est assez complexe. Je m’accommodais sans problème du froid en hiver, mes défraiements m’autorisaient quelques restos typiques, je m’étais constituée un groupe d’ami-e-s, c’était cool !

Contre Wisla Cracovie, le champion (collection personnelle de Cathy Malfois)
Cette saison 1976/1977 a été riche. Nous avons fini la saison à la 4ème place et je me suis retrouvée propulsée 3ème marqueuse du championnat.
J’ai le souvenir de quelques épisodes mémorables :
- Une faute technique attribuée pour avoir prononcé à l’arbitre un « gros mot » en polonais (les filles se moquaient : « pourquoi tu l’as pas dit en français ? »),
- Une panne de bus en rase campagne par moins 20 degrés,
- Des déplacements assez cocasses en train couchette,
- La queue devant les étals de boucher pour se procurer un morceau de viande, des balades dans la vieille ville,
- La mer Baltique complètement gelée,
- Un article sympa dans le journal national,
- Des fêtes de fin d’année inoubliables,
- La très émouvante visite d’un camp de concentration,
- La venue de mes parents qui m’avaient pardonné mon escapade, etc.
Et cerise sur le gâteau (polonais), j’ai été invitée après la saison, par la fédération polonaise, à participer à un regroupement de l’équipe nationale à Zakopane dans le sud du pays. Ce fut une expérience très enrichissante et parfois douloureuse : ah ! Les trois entraînements par jour, les marches dans la montagne pendant 3 heures ! J’en ai encore mal aux jambes rien que d’y penser!
Puis je suis rentrée en France, j’ai retrouvé ma famille, j’ai savouré quelques vacances et j’ai repris une licence à…Toulon. Les championnats d’Europe se déroulaient en mai 1978. Je tenais à préparer au mieux cette échéance, être disponible pour les stages de l’équipe de France.
J’ai effectué quelques aller retours à Gdansk pour garder le contact.
Ma saison à Toulon a été sympa. Les dirigeants ne m’ont pas tenu rigueur d’être partie, le club m’avait même trouvé un job, vu que, j’ai omis de le dire, je n’en suis pas très fière maintenant, mon départ en Pologne en 76 m’avait contrainte à abandonner mon premier poste de prof de gym…Rayée des cadres par le Ministère ! Insouciance de la jeunesse…
Toulon a conclu la compétition par une seconde place et j’ai terminé meilleure marqueuse du championnat. Ce n’était pas le plus important : j’attendais les championnats d’Europe avec impatience pour retrouver le pays qui m’avait si bien accueillie deux ans auparavant. La compétition se déroulait en effet à…Poznan, en Pologne.

Match du championnat d’Europe (collection personnelle de Cathy Malfois) en sombre : F. Quiblier, I.Guidotti, M.Joly, E.Riffiod et moi-même à l’entre deux
Les retrouvailles furent assez émouvantes. Et ce qui devait arriver arriva : suite à ses bons résultats au tour préliminaire, l’Équipe de France fut opposée pour son premier match du tour final à l’équipe de…Pologne, où je retrouvais quelques-unes de mes anciennes coéquipières !
Jean Paul Cormy nous coacha avec son énergie habituelle et le jeu assez imprévisible qu’il nous faisait pratiquer désorienta l’adversaire (nous aussi parfois!). Je me souviens d’un entraîneur me rapportant à la fin d’un match :
« J’ai essayé de noter vos systèmes de jeu, mais je n’ai rien compris ! »
J’ai jeté mon numéro 5 et tout mon cœur dans la bataille, mais je ne fus pas transcendante ce jour-là (10 points et 5 fautes personnelles). Peut-être un peu trop d’émotion ! Nous avons gagné 73 à 70 dans le sillage d’une Irène Guidotti toujours percutante malgré ses problèmes au genou. Dans la foulée, nous avons gagné nos deux matches contre la Bulgarie et la Hongrie, ce qui en soit était déjà un exploit. Exploit que nous n’avons malheureusement pas su rééditer contre la Yougoslavie, ce qui nous aurait propulsées en finale.

Match France Pologne (collection personnelle de Cathy Malfois)
Nous avons terminé à la 4ème place (la Pologne 5ème) après un match épique perdu d’un point contre la Tchécoslovaquie pour la médaille de bronze. Encore une « médaille en chocolat » après celle de 76 en France ! Cette compétition a marqué la fin d’une époque dorée qui laissait présager du « trou d’air » de la décennie suivante.
En dépit de cette déception énorme et des larmes partagées avec ma pote Maryline, j’ai quelques souvenirs forts de ce tournoi :
- une interview en direct à la télévision polonaise où je dus répondre en…polonais à des questions en…polonais,
- ma sélection dans l’équipe d’Europe avec ma coéquipière Françoise Quibilier, auteure d’un super championnat, pour rencontrer, en match de gala, la Grande Union Soviétique d’Uliana Semenova et d’Olga Shukarnova, vainqueur de la compétition (102 points de moyenne, aucun match perdu, no comment !),
- à ma grande surprise, ma nomination dans le « top cinq » du championnat au côté de superbes joueuses, toutes des « pays de l’Est » !
Tout cela en Pologne, presque comme « à la maison », devant mes amis de Gdansk et mes parents !
A suivre !
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