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ITW David Xoual : « L’écriture est rythmée par moment comme un match de basket »

Interview

Le 15 mars dernier, l’auteur et rédacteur David Xoual a accepté d’évoquer son premier roman « Du Lierre Dans Le Bitume » sorti aux éditions Salto. Après la lecture de celui-ci, Basket Rétro a souhaité en savoir plus sur ce livre qui parle du basket dans les facs américaines. Entretien.

Basket Retro : Dans votre roman, vous parlez du milieu du basket universitaire américain. Ou avez-vous puisé votre inspiration pour l’écriture ?

David Xoual : J’ai fait beaucoup de recherches, tant sur le plan du sport universitaire que l’Histoire des Etats-Unis. J’ai principalement trouvé mes informations dans les hebdomadaires et les quotidiens américains : New York Times,Washington Post, Forbes mais aussi Vice où j’ai trouvé des témoignages très intéressants dont celui d’un étudiant de Columbia qui m’a beaucoup marqué. Il était très heureux d’intégrer cette grande université. Il a finalement été déçu par la compétition que se livraient tous les élèves accros à tous types de médicaments, le jeu des apparences, le culte de l’argent qui les éloignaient de leurs rêves. Je me suis également appuyé sur quelques livres, des études sociologiques (pour les problèmes raciaux) et beaucoup de vidéos de matchs pour la gestuelle des joueurs et l’ambiance.

BR : Hormis la presse américaine, les livres, vous êtes-vous appuyé sur ce que vous avez vu vous-même à travers peut-être vos voyages aux Etats-Unis ?

DX : Non malheureusement, je n’ai pas pu visiter de campus américains. J’ai essayé de regrouper des informations, des faits et des anecdotes pour écrire ce livre. C’est beaucoup de recherches documentaires. Par exemple, il y avait le scandale des notes truquées à UCLA à l’époque où y jouait Russell Westbrook, celui de la prostitution à North Carolina, une fac assez prestigieuse. Une personne de l’encadrement de l’équipe de basket s’occupait de trouver des prostituées, tout un réseau pour aller charmer, appâter les futures recrues.

Couverture Du lierre Dans Le Bitume

Couverture Du lierre Dans Le Bitume @ Editions Salto

BR : Pourquoi parler de ces problématiques du sport universitaire via un roman et pas un autre genre (enquête avec témoignages)?

DX : Quand j’ai écrit le livre, je pensais au roman de Tom Wolfe, l’auteur du Bucher des Vanités. Celui-ci est très ancré dans une réalité avec une écriture chirurgicale et une description très précise des milieux sociaux avec leurs codes, leur langue. Les problématiques du sport universitaire US sont symptomatiques des maux de notre époque : l’argent, l’ambition, le succès à tout prix… Mais aussi un moyen de parler de ces jeunes issus des quartiers défavorisés qui sont soumis à une pression énorme, de la part de leur entourage, des fans et du public. Ils n’ont que 18 ou 20 ans mais ont déjà d’énormes responsabilités. On y voit toute la perversité du système universitaire US qui utilise ces jeunes talents pour attirer de nouveaux investisseurs : rémunérations déguisées, notes truquées… La professionnalisation du sport universitaire US a d’une certaine manière tué la magie du jeu. Ces jeunes évoluent sans filet. Il suffit d’une blessure et l’idole d’un campus se retrouve sans rien. Pour ma part, je pense que parmi les centaines de joueurs professionnels, beaucoup rêvaient de faire autre chose. Malheureusement, le sport US comme européen est pour beaucoup l’unique échappatoire.

BR : Combien de temps avez-vous consacré à l’écriture de ce roman jusqu’à sa sortie ?

DX : 6 mois. J’ai commencé à l’écrire en mai dernier et ai terminé en décembre. A partir de février, j’ai commencé à me documenter jusqu’à avril. Le sujet plaisait à Julien Bernard, éditeur à Salto. J’avais entendu parler de son projet de maison d’édition sur le sport. J’ai trouvé que c’était un super projet. Concepteur rédacteur de métier, je voulais écrire un premier livre, ne m’y étant encore jamais lancé.  Etant un grand fan de sport et un grand lecteur, le pari méritait d’être relevé.

BR : Dès le début du livre, un des personnages principaux intègre les Citadel Black Bears ? Est-ce une équipe fictive ?

DX : C’est une équipe fictive qui s’inspire de l’université de Duke et de son coach emblématique, un véritable mythe : Mike Krzyzewski dit coach K. Je me suis inspiré de Duke et d’autres universités de la Cote Est américaine pour les traditions et leur prestige.

BR : Plusieurs problématiques du basket et sport universitaire sont abordées : l’argent, la jalousie, le sexe, la compétition, le dopage, le succès. Il était évident de parler de tous ces thèmes qui touchent ce milieu pour vous rapprocher le plus possible de la réalité ?

DX : Je suis un grand fan de basket et un peu méfiant vis-à-vis de toutes les critiques émises envers ces jeunes. En l’occurrence dans ce roman, Marcus vient d’un petit lycée et va connaître la starification à l’université. Un grand écart qui peut s’avérer fatal, le jeune homme passant d’un milieu défavorisé à celui d’une université où il est chouchouté, adulé et enfermé dans un cocon. On ne pardonne pas grand-chose à ces gamins quand ils commettent des erreurs. On oublie souvent qu’ils n’ont même pas vingt ans…

« Les problématiques du sport universitaire US sont symptomatiques des maux de notre époque : l’argent, l’ambition, le succès à tout prix… Mais aussi un moyen de parler de ces jeunes issus des quartiers défavorisés qui sont soumis à une pression énorme, de la part de leur entourage, des fans et du public. Ils n’ont que 18 ou 20 ans mais ont déjà d’énormes responsabilités. On y voit toute la perversité du système universitaire US qui utilise ces jeunes talents pour attirer de nouveaux investisseurs : rémunérations déguisées, notes truquées… La professionnalisation du sport universitaire US a d’une certaine manière tué la magie du jeu. Ces jeunes évoluent sans filet. Il suffit d’une blessure et l’idole d’un campus se retrouve sans rien ».

BR : Concernant le titre du livre « Le Lierre Dans le Bitume », le lien de celui-ci n’est pas forcément évident avec le basket. Pourquoi l’avoir intitulé ainsi ?

DX : Les universités les plus prestigieuses de la cote Est sont regroupées sous le terme d’Ivy League (la ligue du Lierre). Le Lierre symbolise le côté noble et éternel, une certaine élite sociale. Le Bitume, c’est pour faire le lien entre ces jeunes qui sont issus de milieux défavorisés et se retrouvent d’un coup dans un univers qu’ils ne connaissent pas, dans lequel ils n’appréhendent pas tous les codes. C’est la rencontre improbable entre la rue et l’intelligentsia de la Côte Est avec ses codes et ses traditions.

BR : Avant le début de chaque chapitre du livre, on note des passages en italiques. Pourquoi ce choix ?

DX : C’est une manière de créer un suspense. Chaque passage en italique illustre un moment de la finale du championnat où Citadel affronte l’université de Iowa State. Il y a un effet d’attente pour le lecteur, de tension pour savoir qui va l’emporter. Je voulais mettre en évidence les finales du basket universitaires qui sont impressionnantes de par leur ambiance et la pression qu’ont ces jeunes. Comme dans mon livre où le nom du vainqueur n’est évoqué qu’à la dernière page, un match ne connait son dénouement qu’au buzzer beater.

BR : Vous donnez aussi des précisions sur le championnat NCAA : Elite 8, Sweet Sixteen, Final Four, March Madness.

DX : Je m’étais renseigné auprès d’un journaliste de l’Equipe. Pourtant je sais ce qu’est le Final Four. Mais c’est très compliqué de comprendre la logique du championnat NCAA. Ce journaliste m’a parfaitement renseigné en m’envoyant des informations très précises. Même si le lecteur n’est pas fan de basket, au moins il apprendra quelque chose sur le déroulement de ce championnat.

BR : Le livre s’adresse aussi bien à des fans de basket qu’à des non-initiés ?

DX : Oui. Je connais des gens qui étaient un peu réticent mais ont adoré !Le livre traite d’autres sujets. Le basket est un prétexte pour parler des Etats-Unis, des problèmes des jeunes, de l’argent et des afro-américains. Obama a été élu mais le rêve d’une Amérique post-raciale est encore loin selon moi.

BR : Une citation de Schopenhauer est barrée dans le livre. On ne comprend pas pourquoi.

DX : Mon éditeur ne l’avait pas compris non plus. Le président de l’université de Citadel écrit un discours pour féliciter l’équipe. Puis, il décide de supprimer la citation en question car il pense que les joueurs ne comprendront pas et ne sauront pas qui est Schopenhauer. C’est le côté cynique de ce personnage qui prend tout le monde de haut, ne pensant pas qu’un sportif puisse être cultivé ou veuille s’instruire.

« J’ai choisi d’offrir plusieurs niveaux de lecture : un côté polar avec la mort d’un personnage, une partie sportive avec l’évolution de l’équipe dans le championnat et une lecture plus romanesque avec un focus par chapitre sur chaque protagoniste ».

BR : Les prénoms et noms des personnages principaux sont familiers à la NBA. Est-ce un choix voulu dès le départ ?

DX : Oui. C’est un grand mix et un hommage à quelques joueurs. Le personnage de Marcus, c’est en rapport avec LaMarcus Aldridge pour le nom mais je l’ai construit en pensant à Allen Iverson, sa vivacité sur le terrain, son background de voyou. Steve Stockton, c’est par rapport à John Stockton. DeAndre pour DeAndre Jordan, un personnage que j’ai imaginé comme un double de Kevin Garnett enplus costaud. Un guerrier sur le terrain qui ne lâche rien. John Pierce pour Paul Pierce.

BR : Vous faîtes aussi références à la NBA en évoquant Wilt Chamberlain, Bill Russell, James Naismith, l’inventeur du basket.

DX : Oui c’est un clin d’œil à la NBA. J’ai lu des analyses sur l’évolution physique des joueurs, celle du jeu d’aujourd’hui par rapport aux années 70-80. C’était une sacrée époque ! C’est le coté old school. Il y avait plus de caractère, de vrais personnages même si dans les années 80-90, on a eu les Bad Boys de Detroit, John Starks. Désormais, c’est plus policé.

BR : Avant de se plonger dans ce roman, en préambule, vous mentionnez la fameuse lettre de Kobe Bryant qui annonça sa retraite en novembre 2015. Quelle est en la raison ?

DX : Quand j’ai terminé d’écrire le livre, je voulais mettre une citation de Wilt Chamberlain je crois. Puis j’ai lu cette lettre de Kobe que j’ai trouvé très émouvante. Je me suis permis de la mettre en préambule car je suis un grand fan du joueur des Lakers, plus que de Michael Jordan. Je le trouve d’une élégance assez rare. Cette lettre correspondait bien à son amour pour le basket au-delà de l’argent, de tout. Ca représente tous les efforts, les sacrifices qu’il a faits.

BR : Je vais passer désormais à deux commentaires d’internautes que j’ai relevés sur Internet. Je vous lis le premier : «  une intrigue qui vous tient en haleine ». Quel est le secret pour tenir en haleine le lecteur ?

Crédits photos @ DLDLB

Crédits photos @ DLDLB

DX : J’ai choisi d’offrir plusieurs niveaux de lecture : un côté polar avec la mort d’un personnage, une partie sportive avec l’évolution de l’équipe dans le championnat et une lecture plus romanesque avec un focus par chapitre sur chaque protagoniste. J’annonce assez tôt que l’un d’eux meurt. En parallèle, chaque partie s’intéresse à un personnage avec des flashbacks, des retours à l’intrigue principale à travers quelques indices qui mettent le lecteur dans la position d’un détective. A chaque partie, on en apprend un peu plus sur un personnage. De cette manière, le doute plane sur l’identité du coupable. De même qu’un personnage sympathique au début du livre peut s’avérer plus sombre. On suit également la progression de l’équipe dans le championnat, les entraînements, les soirées…  Grâce aux passages en italique introduisant chaque partie, le lecteur sait que l’équipe parvient en finale. C’est intéressant de se dire que l’équipe de Citadel est en finale mais que se passe t-il autour ?

Avant de me lancer dans l’écriture, j’ai rédigé un petit résumé à la manière d’un fait-divers de quelques lignes avec un déroulement chronologique. Puis, j’ai découpé l’intrigue, éclaté cette chronologie comme si je décomposais un puzzle où chaque pièce représente un élément-clé. Chaque partie devait nous en apprendre un peu plus sur l’intrigue principale tout en faisant des retours en arrière. Un peu comme un film choral avec beaucoup de flashbacks sur la personnalité et la vie de chaque joueur. Plus on avance, plus le lecteur doit douter, remettre en question ses certitudes.

BR : Le deuxième commentaire est le suivant : « surtout le style de l’auteur m’a totalement captivée ». Comment définir votre style ?

DX : J’ai essayé d’avoir une écriture à la fois simple et fluide, assez rythmé par moment comme un match de basket avec des accélérations, de temps-morts, des ralentissements mais aussi des fulgurances. Je voulais aussi que l’écriture soit visuelle, très cinématographique.

BR : Projetez-vous d’écrire un second roman autour du basket, sur l’histoire de ce sport avec comme personnage principal un de ceux que les lecteurs ont ou vont découvrir dans le Lierre Dans le Bitume ?

DX : Je travaille sur un recueil de nouvelles qui ne parlera pas de sport. Des contes modernes qui évoqueront les problèmes de la société moderne, de notre époque mais de manière assez féerique, voire fantastique. Je compte bien écrire la suite du Lierre dans le Bitume. Je me laisse un peu de temps pour que les personnages grandissent. On pourra peut-être les retrouver en NBA ou ailleurs.

BR : Vous envisagez de reprendre un des personnages principaux du premier livre pour cette suite.

DX : Oui ou même la plupart.

BR : Les lecteurs découvriront le dénouement de l’intrigue dans votre livre. Avez-vous éprouvé des difficultés à trouver la bonne ?

DX : J’ai changé plusieurs fois de coupables.

BR : Pourquoi ces modifications ?

DX : Je voulais qu’il y ait une certaine logique. L’ambition, la pression que subit un des personnages le pousse à faire des choses qu’il n’a pas envie de faire.

BR : Un mot pour inciter les futurs lecteurs à lire et acheter ce roman ?

DX : En tant qu’amoureux du basket, je voulais mettre en lumière les coulisses, les parts d’ombre de ce milieu où naissent les grandes histoires et parfois les destins tragiques. Le sport en général et le basket en particulier ont un énorme potentiel romanesque. Je voulais que le lecteur ait autant de plaisir à lire mon livre qu’à regarder un match. J’espère avoir réussi…

Un grand merci à David Xoual pour sa disponibilité.

Titre : Du lierre dans le bitume
112 pages
Format 140 x 210 mm
Prix de vente : 14 euros

Disponible également chez la Fnac

Editions Salto

Montage Une : Laurent Rullier

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About Richard Sengmany (354 Articles)
Découvrant le basket dans les années 90 grâce à la diffusion des matchs NBA sur Canal+, je rédige depuis plus de dix ans des articles sur la balle orange, sur d'autres disciplines sportives et la culture.

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