ITW Freddy Hufnagel – Part 1 : Le souvenir le plus marquant ? « La French Team » de Pau
Interview
A Seyches, c’est dans ce village du Lot-et-Garonne que Frédéric « Freddy » Hufnagel touche son premier ballon de basket. En 1979, sa carrière pro démarre à Orthez, club qui deviendra Pau-Orthez et dans lequel il a évolué au poste de meneur de jeu. Le 9 juillet dernier, Basket Rétro s’est entretenu avec l’ancien joueur historique de l’Elan Béarnais pour revenir sur sa carrière de basketteur mais également d’entraîneur. Première partie.
Basket Rétro : Pour commencer cet entretien, je pose cette habituelle première question. Comment avez-vous découvert le basket ?
Freddy Hufnagel : Ma mère était institutrice. Dans la cour de l’école, on jouait au basket. Mon père y jouait. Dans mon village aussi. C’est pas très compliqué (rires).
BR : Vous avez passé plus de dix ans à Pau-Orthez. Comment êtes vous repéré par le club béarnais ?
FH : Assez facilement, j’ai commencé un stage avec Gérard Bosc grâce à Jean-Paul Cornet. A l’horizon 80, c’est avec Gérard Bosc que j’ai fait mon premier stage pour être en équipe de France cadet. Quand j’étais sélectionné pour effectuer les stages avec les équipes de France cadets, l’Elan béarnais m’a repéré. A l’époque, c’était le club où tous les jeunes de la cité voulaient aller jouer.
BR : Vous avez gagné notamment 3 titres de champion de France avec Pau-Orthez (86,87 et 96), la Coupe Korac en 1984 reçu plusieurs distinctions personnelles (meilleur joueur français en 87), quel est le souvenir le plus marquant de votre carrière de basketteur ?
FH : Parmi les événements marquants, avec la French Team (ndlr : nom attribué à Pau qui était composé de joueurs majoritairement français : Frédéric Fauthoux, Fabien Dubos, Laurent Foirest, Antoine Rigaudeau, les frères Thierry Gadou et Didier Gadou coachés par Michel Gomez), on rate pour quelques paniers la qualification en demi face au CSKA Moscou en Euroligue en 1996. Je suis bien placé pour le savoir car je prends un panier sur la tête en fin de match qui nous fait mal. Je ne sais plus le nom du joueur. On a joué cet Euroligue sans américains. On a été en quart de finale. Il y avait master Rigaudeau, c’était plus facile (ndlr : avec les 31 points de Rigaudeau, Pau-Orthez bat le Panathinaikos le 25 janvier 1996 69-67 et se qualifie pour les quarts de finale).
Il y a aussi le premier match de Coupe d’Europe qui a eu lieu à Orthez contre Badalone. C’était la Coupe Korac à l’époque. C’était marquant car Orthez était un club qui arrivait de Fédérale puis est monté en Nationale 2 et Nationale 1. C’était plus facile à comprendre le basket. Il n’y avait pas 25 ou 27 catégories. Un match de Coupe d’Europe dans un marché couvert (ndlr : la Moutete qui se transformait en une salle de basket le soir qui était donc en marché en journée) avec une équipe sous la houlette de Pierre Seillant et Jean Luent est un événement marquant.
Ensuite, il y a Orthez qui gagne la Coupe Korac en 1984 (ndlr : 97-73 face à l’Etoile Rouge de Belgrade à Coubertin à Paris) même si Limoges l’avait gagné avant. Cette petite ville du Béarn de 10 000/12 000 habitants qui gagne une Coupe d’Europe. Après, il y a eu beaucoup de titres, de domination de l’Elan Béarnais jusqu’en 2003-2004 même si Limoges a repris le flambeau. L’événement qui m’a le plus marqué c’est la French Team de Pau dans laquelle il y avait des joueurs français. On nous a dit qu’on ne pouvait pas y arriver. Ça montre bien que si on fait jouer les gens, à un moment donné on prend de l’expérience en jouant, on finit par être plus performant.

Freddy Hufnagel fête le titre en Coupe Korac en 1984 avec ses coéquipiers de Orthez (c) Photos archives Sud Ouest
BR : Pensiez-vous un instant resté autant de temps dans ce club mythique ?
FH : A l’époque, on restait souvent dans le même club. Je vois Dacoury rester longtemps à Limoges. Dubuisson pareil à Paris. Alain Gilles à Villeurbanne. On réussit dans son club, on connaît sa ville, on se marie, on a des enfants, c’était une autre façon de voir les choses.
BR : Vous avez joué en France. Une aventure vers d’autres championnats en Europe ne s’est pas présentée ?
FH : On m’avait proposé d’aller jouer au Réal Madrid. A l’époque, ce n’était pas dans nos mentalités. Moi j’ai dit non (rires). Vous dites ça aujourd’hui, on vous dit « tu es fou ou quoi » (rires).
Sur les événements marquants avec Orthez, « avec la French Team, on rate pour quelques paniers la qualification en demi face au CSKA Moscou en Euroligue en 1996. On a joué cet Euroligue sans américains. On a été en quart de finale. Il y avait master Rigaudeau, c’était plus facile. Il y a aussi le premier match de Coupe d’Europe en Coupe Korac qui a eu lieu à Orthez contre Badalone. C’était marquant car Orthez était un club qui arrivait de Fédérale puis est monté en Nationale 2 et Nationale 1. Ensuite, il y a Orthez qui gagne la Coupe Korac en 1984 même si Limoges l’avait gagné avant. Une petite ville du Béarn de 10 000- 12 000 habitants qui gagne une Coupe d’Europe ».
BR : J’en viens maintenant à votre passage en équipe de France. Vous comptez 103 sélections entre 1981 et 1989. Quel effet ça vous a fait de porter ce maillot bleu pour la première fois et qui vous a accompagné pendant plus 8 ans de votre carrière ?
FH : C’est toujours un honneur de porter le maillot bleu. C’est une fierté. C’est une récompense pour la passion que l’on a. C’était un moment merveilleux. J’étais en équipe de France cadet junior et avec des gens comme Richard Dacoury, Patrick Cham, Jean-Luc Deganis, George Vestris, on s’est suivi pendant pratiquement 10 ans. C’était agréable. On était comme une bande de copains. On n’avait pas de mal à se supporter en salle.
BR : Vous avez croisé plusieurs générations en équipe de France. Peut-on dire que vous étiez un relai entre l’ancienne et la nouvelle qui arrivait au fil des années ? Aviez-vous un rôle d’accompagnateur ?
FH : On avait un état d’esprit assez particulier. Il y avait toujours un leader mais il y avait une entente commune. Il y avait une grosse équipe de défenseur. Il y avait un trait commun pour la défense. Des gens comme Patrick Cham, Jacques Monclar, Greg Beugnot étaient des gros défenseurs. On était peut-être moins performants en attaque.
BR : Pour ceux et celles qui vous ne connaîtrez pas, quel type de joueur étiez-vous sur le terrain ? Comment décrire votre jeu ?
FH : Comme tous les joueurs, vous avez des évolutions dans votre carrière. Quand j’ai commencé, j’étais un joueur sans un grand shoot. Gérard Bosc a commencé à me faire travailler le shoot. Et j’ai continué à Orthez avec George Fisher. J’étais plutôt défenseur. Avec cette génération Deganis, Dacoury, Cham, Monclar, Beugnot, tous étions des joueurs au profil défensif. Donc plutôt défenseur au début puis on complète la panoplie en essayant d’être un peu plus adroit. On n’avait pas le talent d’Hervé Dubuisson pour le shoot, lui qui avait un talent inné déjà à 15 ans. J’étais meneur de jeu. Mon rôle était de faire pression tout terrain, boîte *, grosse pression défensif sur le porteur du ballon. Et en attaque, j’étais plus passeur que shooteur.
* Cette défense consiste à placer un défenseur en homme à homme de façon stricte sur l’attaquant le plus dangereux (« boite ») pendant que ses partenaires se disposent en » T » (deux joueurs placés l’un derrière l’autre en haut de la zone réservée et deux autres en positions de pivots qui forment la barre du » T « ).
BR : Quelles sont les qualités et défauts qui ressortaient de la part de vos coéquipières, vos coachs en général durant votre carrière ?
FH : On m’aimait comme coéquipier. La vie d’équipe est quand même importante. Mes défauts, ça serait le manque de connaissances du haut niveau. Je suis arrivé en pro. Je n’ai pas fait d’écoles de basket. J’étais dans mon petit club, je suis parti directement en équipe de France cadet, pratiquement pendant 4 mois. J’avais un manque de culture basket. Il fallait que je travaille beaucoup les fondamentaux.
BR : Parmi toutes les joueurs, entraîneurs, et coéquipiers que vous avez croisé, quels sont ceux qui vous ont le plus marqué dans votre carrière ?
FH : Quand j’ai débuté à Orthez, il y avait Alain Larrouquis qui avait un talent exceptionnel. Et j’ai fini à Orthez avec Antoine Rigaudeau. Dans une équipe, il faut des joueurs talentueux, mais aussi des joueurs d’équipe, et ceux qui aillent au charbon. Parmi les talents, y a Larrouquis, Howard Carter, Rigaudeau et Darren Daye. Ça fait deux Français, deux Américains. Au niveau guerriers, on va dire Paul Henderson, Gadou, Roger Estreller par exemple.
BR : Et parmi les entraîneurs ?
FH : Chacun a eu son importance. Gérard Bosc est le premier entraîneur qui m’a formé sous les aspects techniques et pédagogiques. Il y a mon instit qui m’a donné la passion du basket pour la première fois. Ils nous ont inculqué ça. Pour aimer s’entraîner, il faut avoir la passion. Jean Luent m’a donné la chance de pouvoir jouer. Ça serait difficile surement aujourd’hui avoir le nombre d’Américains qu’il y a aujourd’hui sur le terrain. Il y a George Fisher qui resté longtemps à Orthez. J’ai eu Greg Beugnot (ndlr : son coach quand il était à Paris). C’était bien pour d’autres raisons. J’ai fini avec Michel Gomez qui était un coach exceptionnel. J’ai toujours eu de la chance. J’ai toujours eu des gens passionnés de basket parmi mes entraîneurs qui connaissaient leurs métiers.
BR : En retraçant votre carrière, avez-vous le souvenir d’un pire déplacement pour jouer un match ?
FH : Dans les années 80, il y avait des sacrés déplacements effectués en bus ou en train, paradoxalement cela vous a mis à rude épreuve sur le terrain. Ca vous permettait de créer des liens, des fois il y avait 15 heures de voyages. On avait le temps de jouer aux cartes, raconter des conneries, chanter des chansons, apprendre à se connaître. On n’avait que ça à faire quand vous avez 10 heures de bus.
« Chaque entraîneur a eu son importance. Gérard Bosc est le premier qui m’a formé sous les aspects techniques et pédagogiques. Il y a mon instit qui m’a donné la passion du basket pour la première fois. Ils nous ont inculqué ça. Pour aimer s’entraîner, il faut avoir la passion. Jean Luent m’a donné la chance de pouvoir jouer. Il y a George Fisher qui est resté longtemps à Orthez. J’ai eu Greg Beugnot. C’était bien pour d’autres raisons. J’ai fini avec Michel Gomez qui était un coach exceptionnel. J’ai toujours eu de la chance. J’ai toujours eu des gens passionnés de basket parmi mes entraîneurs qui connaissaient leurs métiers ».
BR : Vous avez mis un pied dans le coaching quelques mois après avoir mis un terme à votre carrière de joueur. L’envie d’entraîner se faisait sentir très tôt ?
FH : Oui j’avais envie d’entraîner. Je me suis aperçu qu’ensuite ce n’était pas le moment de le faire. Je l’ai fait au mauvais moment. J’aurai dû couper par autre chose. C’était un plaisir dans l’entraînement mais dans la compétition, ce n’était pas le cas.
BR : C’est un regret ?
FH : Je ne dirais pas un regret. Des fois, il faut faire des choses au moment de les faire. Et entraîner n’était pas le bon moment. J’aurais dû commencer par être assistant, apprendre le métier avec un entraîneur de référence. Alors que là je m’étais lancé dans le feu. Je n’avais pas toutes les armes. Je sortais de Pau, un grand club où pour un entraîneur, c’était beaucoup plus facile. J’ai travaillé dans des petits clubs où c’était plus difficile même si j’ai pris du plaisir. Par exemple, entraîner à Bayonne, avec un super président qui était Robert Indaburu, il y avait un projet, un centre de formation. C’était un grand plaisir. C’est pas que je n’avais pas les capacités d’entraîner, mais je n’ai pas eu la préparation. C’est un peu comme avec les gamins, on a beau savoir parler anglais, il y a des attentes du jury, et il vaut mieux s’en rendre compte.
BR : Vous avez coaché l’équipe espoir de l’Elan Béarnais Pau-Orthez de 2006 à 2008. Vous a-t-on proposé de prendre l’équipe première à un moment ?
FN : Oui j’avais demandé. Mais on m’a dit que je n’étais pas encore prêt. Je voulais entraîner absolument et je suis parti après à Montpellier. Ça n’a pas été une grande expérience. Ca m’a un peu cassé. C’était à l’époque où j’étais marié, avais des enfants assez petits. J’ai donc coaché au détriment de beaucoup de choses.
BR : Avez-vous été sollicité pour prendre un club de Pro A ou Pro B ?
FH : Non jamais. Je n’étais pas non plus sur le marché.
Retrouvez dés vendredi la seconde partie de l’entretien avec Freddy Hufnagel. Il nous parlera de l’équipe de France, de NBA, d’Euroligue et de son camp de basket à Biarritz. En attendant, Basket Rétro vous propose de vivre ou de revivre en images la finale de la Coupe Korac en 1984 remportée par Orthez face à l’Etoile Rouge de Belgrade.
Propos recueillis par Richard Sengmany
Montage Une : Laurent Rullier
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