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ITW Hugues Occansey – Part 2 : « Depuis toujours, j’ai voulu être coach »

Interview

Suite et fin de notre entretien avec Hugues Occansey. L’ancien international est revenu sur les grands moments de sa carrière, ses oppositions, sa vision du basket français, sa reconversion en tant que coach et son engagement pour la formation des jeunes. 

BasketRétro : On compare souvent les championnats entre la France et l’Espagne. Le championnat espagnol est l’un des meilleurs actuellement. Est ce que cela vient de ce professionnalisme plus poussé ?

Hugues Occansey : Ah oui ! En 2000 quand on arrivait dans le vestiaire on avait un dossier avec tous les articles de la presse nationale et régionale qui parlaient de basket. Il y avait quelqu’un le matin qui récoltait, découpait les articles et surlignait le nom du président dès qu’il apparaissait. Tous les joueurs et le staff avaient ça. Quand je suis arrivé à l’aéroport, il y avait 3 caméras, 4 radios, 5 journalistes de la presse écrite. A tous les niveaux il y avait je ne sais pas combien de salariés, en dehors du staff technique et des joueurs. Tout était surdimensionné au niveau du professionnalisme. C’était il y a 15 ans, et on a pas encore ça en France. Il y a une meilleure préoccupation du joueur, plus de rigueur, et donc plus de performances. Il y a bien sûr plus d’argent qui permettent plus de résultats à des niveaux très haut.

BR : Après ces deux expériences, vous revenez en Pro A en 2001. Vous venez à Strasbourg, un club qui vous tient à coeur …

HO : C’est là où j’ai commencé. C’est à la SIG que j’ai appris le basket entre 8 et 15 ans. Cela faisait plusieurs années que les dirigeants voulaient que je revienne, que je joue en équipe première pour la première fois. Je les ai vu devenir professionnels à distance quand je n’y étais plus, revenir dans ce club où j’ai débuté une fois qu’il était au plus haut niveau français c’était vraiment super. J’avais une certaine fierté de voir que le club avait continué à grandir, et qu’il puisse se hisser au niveau professionnel auquel j’évoluais, et m’a permis de jouer là bas.

BR : Est ce qu’il y a un souvenir particulier qui vous reste après votre carrière ?

HO : Il y a la Dream Team. En 1992, ils avaient demandé un match amical avant les JO de Barcelone. Outre le match, on a passé 3 jours ensemble. Ils nous ont invité, bloqué 2 restaurants où il n’y avait que l’équipe de France et la Dream Team. Ils étaient là avec leurs familles, avant chaque repas on discutait avec eux.

Dream Team

BR : Est ce qu’il y a un joueur auquel vous ayez été opposé qui vous ait particulièrement marqué ?

HO : C’était plus une équipe, la Yougoslavie. C’était chiant ! Dès qu’on les abordait on savait qu’on allait souffrir car ils ne sont que sur les fondamentaux, la lecture du jeu. Défensivement on savait que c’était le match le plus éprouvant. Et ils étaient tous doués : les Drazen, les Kukoc, l’équipe de 1991… A chaque fois qu’on tombait contre la Yougoslavie avec l’équipe de France on savait que ça allait être dur et qu’on risquait de prendre une grosse banane en plus. Mais c’était le beau basket que j’aimais. C’est un des adversaires que je respectais le plus.

BR : Avez vous eu un cas de caractère particulièrement mauvais en face de vous ?

HO : Non je pense que j’étais aussi un mauvais caractère. On le comprend, quand on a le cœur à 180 pulsations par minute et qu’on est là pour gagner … Des mauvais caractères, non ça ne m’a pas plus marqué. Tout le monde ne peut pas être comme Magic avec le sourire 48 minutes sur le terrain. Il y en a certainement, mais ça ne m’a pas marqué plus que ça.

BR : A vous entendre depuis le début de l’interview, j’ai l’impression que votre reconversion en tant que coach a été longuement réfléchi …

HO : Tout à fait. Dès ma première année de basket, quand j’ai vu mon entraîneur Thierry Goroune. Moi ce qui me plaisait avant tout, c’était l’ambiance quand on partait en déplacement, avec tous les copains. Moi je me suis dit que c’est ça que je voulais faire, créer le fait qu’on soit bien tous ensemble. Depuis toujours j’ai voulu être coach, même plus que joueur.

BR : En tant que coach, vous avez fait monter Limoges en Pro B. Quel effet ça fait de revenir dans la terre de vos débuts en tant que pro ?

HO : C’était très intéressant, le challenge l’était encore plus. Limoges reste Limoges quel que soit le niveau. On a su tout de suite en 2004 redonner une fierté au public par rapport à cette chute de Pro A à la Nationale 1. C’était un super challenge.

BR : Comment décririez vous votre style de jeu en tant qu’entraîneur ?

HO : Plus défensif, l’attaque fait gagner des matchs et la défense des championnats. Ce qui m’intéresse c’est de gagner des titres, comme avec Limoges, comme quand on a a atteint le final Four avec Blois alors qu’on était pas du tout parmi les plus gros budgets. C’est avant tout défensif, rigoureux et disciplinaire.

BR : Quelles évolutions entre le basket que vous pratiquiez et celui que vous coachez ?

HO : J’essaie de donner la rigueur et la discipline que je me suis imposé au cours de ma carrière, en faisant comprendre aux joueurs qu’une carrière c’est court et qu’il faut être le plus sérieux possible pour atteindre les meilleures performances. Ce qui m’intéresse c’est que tous les joueurs profitent au maximum de la saison quand je les entraîne, qu’ils aient tout donné et ne puissent pas se dire « j’ai perdu un an ».

Ujap Quimper NM1 Hugues Occansey (avec Fabien Hérard à gauche) Photo Fanch Hémery

Ujap Quimper NM1
Hugues Occansey (avec Fabien Hérard à gauche)
Photo Fanch Hémery

BR : Au niveau du jeu, notez vous des évolutions techniques ou tactiques ?

HO : Il y a un peu tout, il y a aussi les physiques qui ont évolué. Tactiquement il y a plus de pick&roll actuellement, qui permet beaucoup plus de lecture du jeu et d’impliquer les 5 joueurs sur chaque action de jeu alors qu’à l’époque les 5 joueurs ne participaient pas. Moi ce que j’essaie c’est d’apporter le maximum de contraintes à l’adversaire, que les 5 joueurs apportent un danger à tout moment. Il faut que eux aussi soient prêts à accepter que au basket, 98 % du temps on a pas le ballon. Le jeu sans ballon est très important.

BR : Pour revenir à la Pro A, on sait que c’est un championnat irrégulier avec des champions différents tous les ans sur cette dernière décennie. Quel est votre regard à ce sujet ?

HO : Je dirais que c’est un peu faussé car quand on fait une finale en un match, autant la jouer au bar sur un 4-21. Ce n’est pas toujours le plus méritant qui va gagner. Je pense que certains résultats ont été faussés par rapport à cela. Je pense qu’on est revenus à un peu plus de sérieux par rapport à des professionnels. Sinon le problème en France c’est toujours ce manque de structures. Ce que j’ai vécu il y a 15 ans en Espagne on n’y est toujours pas. À part les entraîneurs, les joueurs, il y a peu de professionnels autour. Il y a un manager, un président exécutif, de plus en plus de commerciaux et heureusement. Les salles aussi : aux États-Unis ils n’attendent pas d’atteindre un certain niveau pour construire une salle, ils construisent et savent les remplir. En France on est toujours en attente, c’est très compliqué de construire une salle, ça dépend des élections et de tellement de choses. On a du mal à voir sur le long terme, or ce n’est que comme ça qu’on peut travailler. Le sport collectif est une entreprise, si on a qu’une vision sur un ou deux ans, on ne peut pas évoluer. C’est ça qui est compliqué en France.

Le manque de structure ? « En France on est toujours en attente, c’est très compliqué de construire une salle, ça dépend des élections et de tellement de choses. On a du mal à voir sur le long terme, or ce n’est que comme ça qu’on peut travailler. »

BR : Le Basket français est quand même tiré par les belles performances de l’équipe de France. Quel est votre regard sur cette génération ?

HO : C’est super ! Cela montre qu’il y a de bons joueurs et de bons entraîneurs en France, mais j’en reviens à la question de tout à l’heure, les structures ne suivent pas. On peut voir combien on a un pays de qualité, mais c’est regrettable de ne pas profiter de tout ça. En Europe ça y est on est champions, aux championnats du monde et aux jeux olympiques on est autour du dernier carré. Ce serait bien que les structures suivent le niveau des joueurs et des entraîneurs.

BR : Vous semblez très attachés au basket européen. Regrettez vous que les jeunes joueurs se tournent plus vers la NBA que l’Euroleague ?

HO : Ah oui c’est catastrophique. Je ne peux que regretter des joueurs français qui vont trop tôt en NBA. Je ne vais pas citer de noms mais il y a des joueurs qui auraient mieux fait de rester plus longtemps en Europe. Déjà avec un nom ce n’est pas facile aux États-Unis, alors sans nom, sans avoir joué dans les meilleurs clubs européens… C’est très bien de vouloir jouer en NBA, mais il ne faut pas brûler les étapes. En NBA on ne perd pas son temps à vous apprendre à jouer, on veut que vous jouiez. En Europe les entraîneurs font qu’on continue à progresser tactiquement, techniquement et au niveau de la culture basket. Je schématise, mais en NBA il n’y a plus le temps de faire progresser. En Europe l’euroleague permet de jouer à un très haut niveau, avec Barcelone, Moscou, le Panathinaïkos qui feraient les playoffs en NBA. Je suis souvent surpris que des joueurs rechignent à rester en Europe alors que bien souvent c’est bien meilleur de passer par l’Euroleague.

BR : Vous à titre personnel vous n’avez jamais été tenté que ce soit par la fac ou par des clubs de NBA ?

tiny archibaldHO : A l’époque ça ne faisait pas trop. A vrai dire, il y avait un joueur, « Tiny » Nate Archibald, un petit gaucher qu’on voyait je me souviens pendant les stages de benjamins. En 1984, en Espagne avec Limoges, il y avait une sélection américaine. Il était là en tant qu’assistant coach. C’était mon idôle, je n’osais pas aller lui demander un autographe. A un moment, il vient vers moi et me dit « j’entraîne une université », je n’ai pas eu son autographe mais son numéro de téléphone. Mais c’était une période où j’avais des problèmes de genous, et j’ai bien fait de pas y aller car 2 mois après j’ai dû arrêter le basket pendant un an et aller aux États-Unis sans jouer, ça ne sert à rien. J’avais eu cette possibilité. Après en 1991, je crois me souvenir que j’étais le 17ème meilleur européen, aujourd’hui il y a 90 européens en NBA donc on peut penser que j’aurais pu jouer en NBA. Mais il y avait moins d’échanges que maintenant. Et puis quand on pense aux Dubuisson, aux Benault qui n’ont pas bénéficié de l’arrêt Baussmann et n’ont pas pu jouer à l’étranger. Ce ne sont pas des regrets, c’est juste qu’on ne le faisait pas à l’époque. Et puis, quand on voit Drazen Petrovic comment il en a chié alors qu’il était ce qu’il était, pour les autres c’est dur.

La NCAA ? « Nate Archibald était mon idôle, je n’osais pas aller lui demander un autographe. Il est venu vers moi et me dit « j’entraîne une université », je n’ai pas eu son autographe mais son numéro de téléphone. Mais c’était une période où j’avais des problèmes de genous, et j’ai dû arrêter le basket pendant un an »

BR : On sent un engagement de votre part sur la formation des jeunes. Quel conseil donneriez vous à un jeune qui souhaite faire carrière ?

HO : C’est de se donner les moyens. Ca veut dire beaucoup de choses. C’est la discipline, la rigueur, c’est là dessus que je me suis appuyé toute ma carrière. Ce n’est que comme ça qu’on a pas de regrets et on peut tout espérer. Il faut savoir ce que l’on veut et après se donner les moyens. C’est très court une carrière, c’est pas juste sur le terrain qu’il faut penser à être basketteur, c’est du moment où on se lève au moment où on se couche, régler sa vie autour.

BR : Pour conclure cette interview, je vous laisse le mot de la fin pour les lecteurs de BasketRetro.

HO : Eh bien écoutez ça fait plaisir qu’on se souvienne des anciens et qu’on parle encore de nous ! Il y a deux semaines (propos recueillis le 20 avril, ndlr) je suis arrivé sur le terrain et j’ai demandé si quelqu’un connaissait Jacques Cachemire. Ils m’ont regardé, étonnés. Il ne faut jamais oublier je pense, moi c’est des joueurs qui m’ont fait rêver. Alain Gilles aussi, c’est un déchirement d’avoir appris son décès. Alain Gilles ça représente tout pour moi, quand j’ai commencé le basket c’était lui le joueur représentatif. En plus j’ai pu le côtoyer très jeune, et encore en 2006 quand j’étais assistant à Villeurbanne. Je crois que c’est important, pas pour parler de moi, mais pour donner à tout le monde une culture. Si j’étais directeur de centre de formation, la première chose que je ferais aux jeunes est de leur donner quelques noms et de leur faire faire une dissertation sur ces joueurs : qui c’est, qu’est ce qu’ils ont fait. Quand je parle de Jacques Cachemire et que personne ne le connaît c’est que dommage car si les joueurs professionnels sont là actuellement, c’est grâce à ce genre de personnes.

 dédicace BR Occansey

 

Montage Une : Clément Deomontoux

Propos recueillis par Antoine Abolivier.

Sources Images : Mondial Basket/ CSP Limoges

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About Antoine Abolivier (85 Articles)
Tombé dans le basket en découvrant Tony Parker et Boris Diaw. Passionné par tout ce qui touche à son histoire que ce soit le jeu, la culture ou les institutions. Présent sur twitter, @AAbolivier

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