Mike Krzyzewski, l’histoire d’un coach de légende
Histoire d'un coach
Dimanche 25 janvier 2015, dans la salle mythique du Madison Square Garden, la jeune garde des Blue Devils de Duke ont offert à leur entraîneur Mike Krzyzewski, la millième victoire de sa carrière. Coach K, est devenu ainsi, le premier entraîneur de l’histoire du basketball universitaire à franchir ce cap mythique. Focus sur une carrière hors du commun par Basket Rétro.
AU COMMENCEMENT
Chaque histoire a un début et celle de Mike Krzyzewski démarre au sein de la prestigieuse Académie Militaire américaine de West Point. Doté d’un petit gabarit (1m78), le jeune Mike trouve rapidement une place importante au sein des Black Knights de l’Army. Sous la houlette de son jeune coach Bobby Knight, âgé seulement de 26 ans, il participe à l’intégralité des rencontres de son équipe. Malgré un bilan positif (13v-8d), les pensionnaires de West Point ne participent ni à la March Madness ni au N.I.T (National Invitation Tournament). Les deux années suivantes seront plus prolifiques pour les Blacks Knights, avec pour récompense une demi-finale du N.I.T disputée et perdue aux dépens des Eagles de Boston Collège. Durant ces trois années universitaires, Mike Krzyzewski disputera 69 rencontres, compilera une moyenne de 6 points pour 3,5 rebonds. Après cinq années de service au sein de l’Army dont trois à diriger le service des sports, il démissionne pour intégrer le staff des Hoosiers de l’Indiana, dont l ‘entraîneur n’est autre que Bobby Knight.
FORMATION ET APPRENTISSAGE
Arrivant sur la pointe des pieds au sein de l’université de l’Indiana, Mike Krzyzewski est aux premières loges pour assister à l’une des saisons les plus passionnantes de l’histoire du collège Basketball. Le niveau de jeu affiché des Indiana Hoosiers, des UCLA Bruins et des Kentucky Wildcats affole la presse et les observateurs. Wooden (head coach de UCLA), John B.Hall (head coach de Kentucky) et Knight vont se disputer le titre suprême. Discret, mais disposant d’une analyse décisionnelle hors du commun, Mike apprend : gestion de l’effectif, communication, relation avec la presse, pression du résultat ainsi qu’une bonne dose de malice.
En effet, Bobby Knight n’hésite pas à mettre la pression sur ses adversaires, comme en témoigne son accrochage volontairement provoqué sur le Head Coach de Kentucky John B.Hall, lors de leur première confrontation de la saison. Les Hoosiers termineront la phase régulière invaincus, avec un bilan de 18-0 et 22,8 points d’écart de moyenne par match, se présentant à la March Madness en favori. Cependant, au cours d’un tournoi final considéré par beaucoup comme l’un des plus spectaculaires de l’histoire, l’université d’Indiana s’inclinera de 2 points en finale régionale face à son homologue de Kentucky, dans un match qui marqua à jamais ces deux universités. Le dernier mot de l’histoire reviendra à John Wooden qui empocha le dixième titre de sa carrière, et fit de l’université californienne de UCLA la plus titrée de l’histoire du Collège Basketball.
Fort de l’expérience acquise cette année-là, Mike Krzyzewski quitte Indiana pour rejoindre West Point et devenir le Head Coach des Black Knights.
COACH K
Mike Krzyzewski prend tout le monde à contre-pied avec cette annonce. Si l’université d’Indiana fait partie des meilleurs programmes sportifs du pays, ce n’est pas le cas de l’Académie Militaire américaine de West Point. Fini l’Assembly Hall et son public de passionnés, place maintenant à la vétuste Gillis Field House et sa capacité de 3500 places. Les Black Knights sortent d’une saison catastrophique (3-22), l’équipe est en friche. Dan Dougherty finissant ses quatre années à la tête de l’équipe avec un bilan de (31-66). Tout le programme sportif de l’équipe de Basketball est à refaire. Mike Krzyzewski dispose alors des pleins pouvoirs. Malgré une faible attractivité et des moyens limités, il va pouvoir faire ses gammes et, mettre en place une stratégie sportive cohérente en parfaite adéquation avec sa vision personnelle du Basketball.
Mais il n’est pas dupe, parfaitement conscient de la différence de niveau qui le sépare des meilleurs entraîneurs universitaires, il va avoir besoin de temps, facteur essentiel qui ne manque pas à West Point. Marquant de son empreinte les premiers entraînements collectifs avec une lourde préparation physique, ses joueurs progressent rapidement. Il met en place une défense agressive sur l’ homme afin de combler les lacunes de son équipe, n’hésitant pas pendant deux semaines entières à faire travailler ses joueurs sur ce secteur du jeu.
Le 28 novembre 1975, face aux Mountain Hawks de l’université de Lehigh emmené par Brian Hall, Mike Krzyzewski obtiendra sa première victoire en tant que Head Coach sur le score de 56 à 29, devenant par la même occasion Coach K. Au cours de ces quatre années, la progression de son équipe est flagrante, avec un bilan très honorable de 73-59, parvenant même à disputer un premier tour du NIT (National Invitation Tournament) lors de la saison 1977-1978. Cependant, il ne dispose pas de moyens à la hauteur de ses ambitions, d’autant plus que les Black Knights viennent de changer de conférence passant de l’Independent à la Eastern Collegiate Athletic Conference Metro, et rendant sa tâche encore plus ardue. Dos au mur suite à une saison ratée (9-17), la carrière de Coach K va totalement basculer lorsqu’il reçoit au mois de mars un appel de Tom Butters, directeur sportif de l’université de Duke.
L’ENTRETIEN D’UNE VIE
Alors que la saison 79-80 de Collège Basketball bat son plein, et que les Blue Devils de Duke se dirigent tout droit vers la March Madness, Tom Butters se lance à la recherche d’un nouvel entraîneur pour la saison suivante. Si le programme de Basketball de l’université de Caroline du Nord fait partie des meilleurs du pays, il souffre de la comparaison avec ses rivales du même État (Tar Heels de North Carolina, Wolfpacks de North Carolina State) malgré deux apparitions en finale nationale (1964-1978). Admiratif du travail et ami de Bobby Knight toujours en poste au sein de l’université d’Indiana, Tom Butters appelle ce dernier afin de lui demander quelques renseignements sur certains entraîneurs dont le profil défensif est particulièrement cherché pour diriger les Blue Devils. Les noms de Dave Bliss (Oklahoma) et Bob Weltlich (Ole Miss de Mississippi) circulent, mais aussi celui de Mike Krzyzewski (West Point). Septique au sujet de ce dernier (âge, bilan), Butters décide de le rencontrer tout de même se basant unique sur les compliments de Knight.
Alors que les Blue Devils préparent leur rencontre face à Kentucky (Eastern Regional), c’est en toute discrétion que Coach K et Butters se rencontrent pour la première fois. L’entretien durera plusieurs heures, mais l’issue ne sera pas favorable pour le natif de Chicago. Les jours passent et Butters n’arrive pas à se sortir Mike Krzyzewski de la tête, et contre toute attente le convoque pour un deuxième entretien. Bob Weltlich, entraîneur de l’année dans la conférence S.E.C (South Eastern Conference), fait figure de favoris. Et pourtant, c’est bien Coach K qui obtiendra le poste. Butters ne le laissant pas prendre son avion de retour pour West Point. Duke terminera sa saison au troisième tour de la March Madness sur une défaite face au Boilermakers de l’université de Purdue sur le score de 60 à 68. Bill Foster l’héritier du légendaire Vic Bubbas est démis de ses fonctions. Pratiquement personne n’a su à cette époque ce qui a poussé Butters à risquer sa carrière sur cette décision. Tout jouait en défaveur de Mike Krzyzewski à l’époque (expérience, âge) et pourtant le directeur sportif de l’université de Caroline du Nord venait de faire le choix le plus judicieux de sa carrière.
DES DÉBUTS DIFFICILE A DURHAM
Le 18 mars 1980, Mike Krzyzewski est présenté à la presse, et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’accueil n’est pas chaleureux, loin de là. Très peu de personnes le connaissent, son nom est imprononçable. L’équipe est en reconstruction. Il ne dispose pas du soutien des fans. Certains même annoncent que Coach K ne terminera même pas la saison. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ses débuts au sein de sa nouvelle équipe sont délicats. Virginia, North Carolina et Maryland sont les ogres de l’A.C.C (Atlantic Coast Conférence), laissant peu d’espoir aux autres équipes. Avec un bilan négatif au sein de la conférence, il parvient tout de même à obtenir une place pour le NIT, se faisant éliminer en quart de finale du tournoi par l’université de Purdue.
Les deux années suivantes ne sont guère plus glorieuses pour les Blue Devils. Aucune participation à la March Madness, avec un bilan de (21-34). Certaines voix s’élèvent en Caroline du Nord pour sa démission. Durant la saison 1982-1983, il ne dispose plus du soutien de certains de ses joueurs qui demandent directement à Butters de le licencier. Il sortira de son entretien avec son directeur sportif avec une prolongation de contrat, prenant encore une fois tout le monde à contre-pied. Si encore une fois personne ne saura réellement ce qu’il s’est dit au cours de cet entretien, le recrutement de joueurs comme Johnny Dawkins, David Henderson, Marc Alarie et Jay Bilas ont fait clairement pencher la balance en sa faveur. Disposant d’une autorité qui ne sera plus jamais remise en question, Coach K peut définitivement marquer de son empreinte son équipe. Sous l’impulsion de son quatuor (Dawkins, Henderson, Alarie et Bilas) il parvient au deuxième tour de la March Madness lors des saisons 83-84 et 84-85. Les Blues Devils de Duke sont de nouveau pris au sérieux dans l’ACC et le travail de Coach K commence à porter ses fruits.
La consécration viendra l’année suivante. Les Blue Devils de Duke écrasent tout sur leur passage en saison régulière. Ils sortent vainqueur de l’A.C.C après un match haletant face à Georgia Tech, mais s’inclineront en finale nationale de 3 points face aux Cardinals de l’université de Louisville. Johnny Dawkins deviendra par la même occasion le meilleur marqueur de l’histoire des Blue Devils. Il remportera également le trophée Naismith College Player of the Year. Mike Krzyzewski sera quant à lui nommer Coach of the Year. Dawkins, Henderson, Alarie et Bilas seront tous les quatre draftés au cours de cette année-là.
LA CONQUÊTE DU TITRE
Grâce à ce fabuleux parcours, Coach K a maintenant gagné le respect de tout le monde, mais il lui manque encore le plus important, un titre national. Une fois encore, sa capacité à faire signer au sein de son programme les meilleurs jeunes du pays (Danny Ferry, Quin Snyder) permet à Duke de rester compétitif. Il n’hésite pas à donner sa confiance à certains joueurs peu utilisés les saisons passées comme John Smith ou encore Kevin Strickland. Coach K conduira cette nouvelle génération à trois Final Four en trois ans avec une défaite en finale du tournoi national contre les Rebels de l’université de Nevada. Danny Ferry, auteur d’une saison remarquable (22,6 points par match) remportera le trophée de joueur de l’année. Son maillot n°35 sera retiré par les Blue Devils, il est à cette époque considéré comme le meilleur joueur de tous les temps ayant foulé les parquets de l’université de Durham. Il sera finalement drafté en 1989 en 2ème position par les Clippers de Los Angeles.
Malgré une régularité hors norme, Mike Krzyzewski échoue encore aux portes du titre suprême. Considéré par certains de ses confrères comme un Lucky Loser à l’approche de la saison 90-91, il ne change pas sa politique sportive d’un iota. Il parvient à signer le jeune prodige Grant Hill, et disposant d’une équipe parfaitement équilibrée se qualifie une nouvelle fois pour le Final Four. Sous l’impulsion de son big three (Hurley, Laettner et Hill), il élimine ses bourreaux de l’année passée pour s’offrir les Jayhawks de Kansas en finale nationale. Christian Laettner, auteur d’un Final Four remarquable est élu meilleur joueur et Coach K remporte le titre d’entraîneur de l’année. Ce couronnement est la récompense d’une politique sportive cohérente qu’il a mise en place durant toutes ses années au sein des Blue Devils de Duke. Coach K ne fait plus rire personne, et saison après saison, il écrit un peu plus sa légende.
20 GLORIEUSES ET PANTHÉON
Les 20 prochaines saisons du Collège Basketball seront marquées de l’empreinte de Coach K. A la tête des Blue Devils de Duke, il remporte 3 titres N.C.A.A, 11 de l’A.C.C, 2 titres d’entraîneur de l’année, il participera avec son équipe à 5 Final Four. Il prend en parallèle les rênes de l’équipe nationale américaine avec laquelle il remporte 2 titres olympiques et deux championnats du monde. Le 15 novembre 2011, face aux Spartans de Michigan State, il obtient une 903ème victoire universitaire et par la même occasion, dépasse son ancien entraîneur et mentor Bobby Knight au nombre de victoires.
Au cours de ses années, nombre sont les joueurs passés par Duke à intégrer la NBA : Christian Laettner, Grant Hill, Carlos Boozer, J.J Redick, Kyrie Irving ou encore Jabari Parker. Pas moins de 12 de ses anciens joueurs ou assistants sont devenus à leur tour Head Coach en université ou en NBA.
Le 25 janvier 2015, face à St John’s, à seulement 54 miles de la salle qui l’a vu remporter sa première victoire, il repousse encore les limites de sa légende en signant la 1000ème victoire de sa carrière. Au-delà de cette performance surréaliste, il a réussi à créer autour de lui un véritable esprit de famille liant chaque personne passant par Duke à tout jamais. Malgré les assauts répétés de plusieurs équipes NBA à diverses époques de sa carrière (Celtics 1989, Blazers 1994, Lakers 2004), il restera fidèle à son université, celle-là même qui lui ouvrit les portes du succès.
Rien ne prédestinait ce fils d’immigrant polonais à devenir l’homme qu’il est devenu aujourd’hui, symbolisant l’incarnation parfaite du rêve américain. Il est juste de penser que sa formation militaire à West Point joua un rôle déterminant dans sa carrière, imprégnant notamment ses entraînements ainsi que sa communication. S’il fallait symboliser le système de management de Coach K par une expression, on choisirait celle-ci : « You hear, you forget. You see, you remember. You do, you understand ». À l’image des John Wooden, Bobby Knight, Adolph Rupp, ou bien encore Dean Smith, Mike Krzyzewski a marqué, marque et marquera à jamais l’histoire du Collège Basketball.
LA CARRIÈRE DE COACK K EN IMAGES
Crédits photo : Usma Sports Information, National Sports, Imgur, AP photo, Sportige, NCAA.
très bel article
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Merci bien 🙂
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Super intéressant, comme d’hab! De plus je trouve que la fidélité de cet homme, à West Point et surtout aux Duke, est remarquable. Bravo Nico
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