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ITW Cathy Melain – Part 2 : Pour réussir, il faut développer une culture du basket

Interview

Suite aujourd’hui de l’interview que nous accordé Cathy Melain le 13 septembre dernier. Dans cette deuxième partie, l’ex-internationale de l’équipe de France est revenue notamment sur sa carrière sous le maillot bleu mais aussi sur son nouveau rôle à la tête des U16 de cette même sélection nationale, le basket féminin. Détails.

Cathy Melain (c) Media pitchounes

Cathy Melain (c) Media pitchounes

Basket Retro : Quels souvenirs gardez-vous de votre passage à l’INSEP (1990-1993), là où bon nombre de basketteurs sont passés ?

Cathy Melain : J’en garde un très grand souvenir. Les entrainements étaient durs avec mon coach Jacques Vernerey. Il pousse les gens à se dépasser. C’est une expérience qui m’a forgée par la suite. Je ne retrouvais pas cette dureté comme Jacques me l’amenait par rapport à d’autres séances d’entraînements et à qui que ce soit par la suite. C’était un bon moment car j’étais capable d’encaisser tout cela. A 25-30 ans, si j’aurais subi ça, j’aurais dit non ce n’est pas possible. A l’âge où j’étais à l’Insep avec Jacques, j’en étais donc capable et ca forge des qualités mentales. On n’abandonne pas. Il faut s’accrocher quelque soit l’état dans lequel vous êtes. Vous êtes fatigué, on s’en fout. Et cette période à l’Insep m’a marqué. On vit dans un tel environnement où tout tourne autour du basket mais aussi les résultats scolaires pour avoir son bac. On est concentré sur les objectifs en sport qu’on se fixe et qu’on souhaite atteindre à l’Insep : s’engager dans une carrière pro ou pas. Et là tout est mis en œuvre pour y arriver ou pas.

BR : Après l’Insep, vous avez été recruté par Tarbes, votre premier club professionnel (1993-1994). Comment sont nés les premiers contacts avec cette équipe ?

CM : Toutes les joueuses vont faire des essais dans des clubs qui leur ont manifesté un intérêt. C’est ainsi que cela se passe. A la sortie de l’Insep, j’ai donc fait des essais à Tarbes et à Valenciennes à l’époque.

BR : Comment vous expliquez que Bourges soit club de référence du championnat de France féminine de basket ?

CM : Il y a une régularité. Les dirigeants, les entraîneurs ne sont pas que des gens de passage. Ils ont une sorte de patience et ont accepté de construire quelque chose dans le temps. Quand le club était en haut de l’affiche, il y a eu un moment où il y avait beaucoup de modifications : je suis partie en Italie, Yannick Souvré a arrêté, de petites jeunes sont arrivées dont Celine Dumerc. Le club a eu cette patience avec Pierre Vincent de reconstruire après un an ou deux ans de vaches maigres. Ils sont remontés. Se stabiliser fait que le club peut rester au plus haut niveau. Ensuite, ils ont la chance d’avoir eu de la stabilité financière. Avec leur présence, Bourges gère bien le club et est réaliste dans ce qu’il fait. Il ne va pas mettre de l’argent pour gagner une fois et fait avec les moyens qu’ils ont. Ce qui amène de la stabilité autour de tout ça. Il n’y a eu aucun problème financier. J’ai toujours été payé en temps et en heure.

BR : Auriez-vous pensé faire autant d’années à Bourges (95-2003 ; 2005-2009) ?

CM : Non je n’aurais jamais pensé. La preuve en est. Je n’ai jamais signé un contrat de plus de deux ans. Je ne savais pas. Années après années, j’ai resigné et resigné pour donc rester.

BR : Vous comptabilisez 241 sélections en Equipe de France ? Ce nombre n’a failli ne pas être atteint car vous aviez arrêté l’équipe nationale bien avant. Mais Pierre Vincent vous a demandé de revenir. Avez-vous hésité longuement à porter à nouveau le maillot bleu ?

CM : Oui j’ai hésité. J’avais décidé d’arrêter car je commençais à saturer un peu. Quand on pense à porter le maillot de l’équipe de France, il faut avoir envie de le réaliser ou de dire que je ne suis pas prête à relever ce défi et qu’il y a d’autres personnes pour le faire. Pour moi, ce n’était pas concevable de revenir car j’avais arrêté ma carrière internationale et donc fait une croix là-dessus. Lors de ma dernière année de basket, Pierre m’a demandé de réintégrer l’équipe nationale. La première fois que je l’ai vu pour entendre cela, j’ai cru que c’était une blague. L’aventure en équipe de France était pour moi terminé. Donc revenir sur une décision mûrement réfléchie que j’avais prise n’est forcément pas évidente. Est-ce que je me sentais capable de relever ce défi car je n’étais plus toute très jeune? J’en ai donc discuté avec Pierre Vincent. Il m’a dit ce qu’il voulait mettre en place, comment il voulait me gérer. Et je voulais m’assurer que ma venue soit acceptée par les nouveaux leaders de l’équipe de France. Un ensemble de choses a abouti à un accord. Le projet m’a plu et je me suis lancé dans l’aventure. Et je ne regrette pas du tout.

BR : Ya t-il des joueuses, des entraîneurs, et des coéquipières qui vous ont marqué dans votre carrière ?

CM : Tous les entraineurs d’une façon ou d’une autre m’ont marquée, apporté durant ma carrière. Je ne peux pas dire le contraire. Paul Besson est la première personne qui m’a sélectionné en équipe de France. Avec Alain Jardel, on a gagné en 2001 le titre de championne d’Europe avec la France. Je retiens Jacques Verneret, mon coach à l’Insep qui m’a formé et avec qui j’en ai « chier ». Avec Vadim Kapranov, j’ai découvert des méthodes complètement différentes avec cet entraîneur russe. Il m’a fait passer un cap à partir du moment où je suis devenu pro. Pierre Vincent a aussi été un coach considérable.

Cathy Melain (c) EPA MAX PPP

Cathy Melain (c) EPA MAX PPP

BR : Vous êtes coach de l’équipe de France féminine U16 depuis plus de 6 mois. Entraîner était la suite logique après votre carrière de joueur ? 

CM : Je n’étais pas parti dans cette direction lorsque je menais une réflexion à propos de ce que je pourrais faire après ma carrière. Entrainer est quelque chose qui m’a plu. Jean Pierre de Vincenzi m‘avait conseillé d’aller voir observer un peu dans ce milieu. La Fédération de basket via De Vincenzi m’a recommandé de faire des études pour passer le concours de prof de sport. C’est ce que j’ai fait. Une fois qu’on est rentré là dedans, la suite logique était entraîner l’équipe de France U16.

BR : Envisagez-vous entraîner une équipe professionnelle par la suite ?

CM : Actuellement pas du tout. C’est souvent une question qui m’est posée. Pour l’instant, je me sens à la fois pas intéressé, prête et motivé par ce challenge là. Dans quelques années, peut-être que ca changera. Je suis vraiment concentré sur la formation des jeunes. Ca me plait plus qu’un défi avec des professionnels ou des adultes.

BR : Quel type de coach êtes-vous : plus axé sur la défense ou sur l’attaque ?

CM : Je n’ai pas de style prédéfini. Je ne vais pas décider que mon équipe fasse ceci ou cela. Je prends les gens que j’ai dans le groupe et je vais m’appuyer sur les qualités de celui-ci. Pour cette première expérience, j’ai une équipe dont l’identité de jeu est une très forte défense. Si demain j’ai une équipe très offensive, j’irai chercher là- dedans.

BR : A quoi ressemblent vos séances d’entrainement avec cette équipe ? Vous vous inspirez de ceux que vous avez pu effectuer durant votre carrière?

CM : Oui et non dans le sens où il ne faut pas retranscrire ce que j’ai vécu avec elles. Sinon, on fait fausse route. C’était un autre moment avec un autre type d’équipe avec des personnalités qui étaient parfaitement différentes. L’entrainement est un jeu où il faut s’adapter au besoin des joueuses qui sont en face de moi. Dans la catégorie U16, elles ne sont pas encore en capacité actuellement de vraiment tout enregistrer. Il faut réaliser qu’elles n’ont que 16 ans et qu’elle débute en équipe de France. Par contre, il y a des choses que j’ai pu vivre ou pu observer au plus haut niveau. Je les alerte en leur disant « ok vous êtes jeune mais attention si tu souhaites aller au plus haut niveau, voilà ce qui va t’arriver ».

Son retour sous le maillot tricolore : « L’aventure en équipe de France était pour moi terminé. Donc revenir sur une décision mûrement réfléchie que j’avais prise n’est forcément pas évidente. Est-ce que je me sentais capable de relever ce défi car je n’étais plus toute très jeune? J’en ai donc discuté avec Pierre Vincent. Il m’a dit ce qu’il voulait mettre en place, comment il voulait me gérer. Et je voulais m’assurer que ma venue soit acceptée par les nouveaux leaders de l’équipe de France. Un ensemble de choses a abouti à un accord. Le projet m’a plu et je me suis lancé dans l’aventure. Et je ne regrette pas du tout. »

BR : Justement, quels conseils donneriez-vous à de jeunes basketteuses qui rêvent de vivre une carrière comme la votre ?

Cathy Melain (c) La Nouvelle République

Cathy Melain (c) La Nouvelle République

CM : Je suis très sensible à la culture basket. C’est-à-dire, il faut comprendre ce qu’on fait au plus haut niveau. Certes, il faut s’entrainer dur, être engagé dans ce qu’on fait, aimer et trouver du plaisir dans ce qu’on fait, être motivé, avoir des objectifs. Si on n’a pas ça au départ, ca semble difficile. Maintenant, une fois qu’on a ça, il faut comprendre le pourquoi du comment de ce sport. C’est un peu un jeu d’échec. Il faut trouver la faille de l’adversaire, être capable de contrer toutes les options. Il faut être doté d’une connaissance, d’une compréhension importante du basket pour pouvoir vraiment viser par exemple le podium européen et mondial. Il faut développer autre chose que l’aspect technique et pas uniquement se dire que je suis capable de faire 99 sur 100 à 3 points. Il n’y a pas que cela qui entre en ligne de compte. Il y a le jeu en mouvement. Pour être capable de mettre les forces en application il faut que je comprenne ce qui se passe, que je ne suis pas seule sur le terrain, qu’il y a des espaces, une organisation. Il faut développer une culture, une compréhension du basket voir beaucoup de matchs.

BR : Quelle différence faites-vous dans l’évolution du basket féminin au niveau tactique et technique entre votre époque jusqu’à aujourd’hui ?

CM : Les qualités physiques se sont développées. Les gens sont plus rapides, forts, puissants et grands. Les joueurs de grandes tailles sont aussi rapides que les petits. Ca engendre beaucoup de choses. Tout doit être fait avec beaucoup plus de précision. Comme les gens se déplacent plus vite, je n’ai aucun avantage si je suis lente dans mon action.

BR : Quel regard portez-vous sur l’équipe de France féminine de basket et celle masculine ? Avec leurs bons résultats respectifs, les voyez-vous s’installer comme des équipes dominatrices sur le plan européen voire mondial ?

CM : Je trouve très bien et très intéressant depuis 4-5 ans que les filles ou des garçons s’installent systématiquement dans le top. Ce n’est pas négligeable. Alors qu’ils gagnent une médaille de bronze, d’argent, d’or ou finissent quatrième, c’est important. Mais pour moi le plus marquant est que nos équipes soient toujours présentes. Gagner une fois ca peut arriver à n’importe quelle équipe. C’est difficile de rester au top années après années Et c’est le cas pour nos deux équipes de France. C’est très fort. A partir du moment où on s’inscrit régulièrement dans ce top, on a plus de chances de gagner.

BR : Comment vous l’expliquer cette régularité ? La formation forcément ?

CM : Oui forcément il y a une part de formation. Mais il y a aussi une génération qui est forte et marquante. On n’aura pas tous les ans un Tony Parker, un Boris Diaw, une Céline Dumerc, une Sandrine Gruda. Faut réaliser que ce sont des êtres d’exception. Ce sont des joueurs et des joueuses, du premier au dernier, qui évoluent dans des championnats qui les poussent plusieurs fois par semaine au plus haut niveau. Ca c’est l’habitude de jeu. C’est une remise en cause constante. On passe chaque jour à l’objectif de demain. On a joué un match pour un championnat d’Europe ou une Coupe du monde, il faut passer au suivant. C’est basculer continuellement vers le lendemain.

BR : Ces dernières années ou derniers mois, une question est soulevée, celle de la médiatisation du basket féminin et du sport féminin en général. Ca nous interpelle de ne pas voir une finale de Bourges sur une chaine publique. Alors oui, il y a les matchs de championnat retransmis par les chaînes du Groupe Canal. Quel est votre regard pour développer le basket féminin ?

CM : J’ai forcément un regard dans le temps. Comparé à ce que c’était avant, c’est largement mieux. Quand j’ai commencé, il y avait pas de matchs à la télé, sur aucune chaîne quelque soit le match, la compétition. Maintenant, on arrive à en voir régulièrement. Grace à Internet, il est possible d’aller chercher les matchs. On voit quand même du basket féminin. Qu’améliorer ? Je ne sais pas. Ce ne sont pas dans mes compétences pour savoir ce qu’il faut faire pour développer le basket féminin. On leur a rabâché pendant des années que c’est lié aussi aux résultats. On sera fort médiatiquement à partir du moment où y aura des faits marquants si on devient une nation qui gagne régulièrement, et qui va faire d’exploits. On l’a vu aux JO 2012 avec l’équipe de France féminine médaillée d’argent. Médiatiquement, on était présent. Le match des Français contre l’Espagne a été marquant autant pour le public que les spécialistes. C’est de cette façon que cela va avancer. Après ce qui nous tue un peu, c’est la NBA. Le public lambda  a toujours cette référence, ce point de comparaison. Tout est un peu dévalorisé. C’est-à-dire qu’à part les spécialistes, l’Euroligue masculine n’existe pas alors que c’est une compétition européenne très forte. La NBA aide à parler du basket mais est plus au premier plan que le basket européen.

BR : Avez-vous déjà eté consultante basket comme certains joueurs et joueuses après leur carrière ?

CM : J’ai juste commenté une finale de championnat de France en 2013 pour Sport+.

Merci beaucoup à Cathy Melain pour sa disponibilité et d’avoir répondu à nos questions. Découvrez les autres entretiens par Basket Rétro sur le lien ci-contre : Interviews

Propos recueillis par Richard Sengmany

LE PALMARÈS DE CATHY MELAIN

1/ Titre sous le maillot de l’Équipe de France :

  • Championnat d’Europe de basket-ball féminin
  • médaille d’or Championne d’Europe 2009 à Rīga (Lettonie)
  • médaille d’or Championne d’Europe 2001 au Mans (France)
  • médaille d’argent Vice-championne d’Europe 1999 en Pologne
  • médaille d’argent Vice-championne d’Europe 1993 en Italie

Au total, elle compte 241 sélections en équipe de France (4e rang), entre le 28 décembre 1993 face à l’Allemagne et le 20 juin 2009 contre la Russie.

2/Autres compétitions

  • médaille d’or Jeux de la francophonie 1994
  • médaille d’argent Finaliste des Goodwill Games 1994
  • médaille de bronze Jeux méditerranéens de 1997 (Languedoc-Roussillon)
  • 5e aux Jeux Olympiques de Sydney 2000

3/ Compétitions nationales:

  • Championne de France : 1996, 1997, 1998, 1999, 2000, 2006, 2008, 2009;
  • Finaliste Championne de France : 2001, 2002, 2007;
  • Championne de France de 2e division avec l’INSEP : 1992;
  • Tournoi de la Fédération : 1996, 1999, 2000, 2001, 2006, 2007, 2008;
  • Coupe de France : 2006, 2008, 2009;

Meilleure joueuse française de la saison : 1998-1999, 1999-00, 2000-01.

4/ Compétitions internationales :

  • 3 fois Championne d’Europe Euroligue : 1997, 1998, 2001
  • Vice-Championne d’Europe Euroligue : 2000
  • Meilleure joueuse du Final Four 2000 de l’Euroligue

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About Richard Sengmany (354 Articles)
Découvrant le basket dans les années 90 grâce à la diffusion des matchs NBA sur Canal+, je rédige depuis plus de dix ans des articles sur la balle orange, sur d'autres disciplines sportives et la culture.

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