ITW Cathy Melain – Part 1 : En regardant l’Euroligue, j’ai su que je voulais être basketteuse
Interview
Après Edwige Lawson-Wade, Céline Dumerc, une autre grande joueuse de l’équipe de France féminine de basket a accepté de répondre aux questions de Basket Rétro le 13 septembre dernier : Cathy Melain. Titrée à de nombreuses reprises avec le club de Bourges, la championne d’Europe en 2001 et 2009 nous a accordé ainsi un long entretien dont voici la première partie à découvrir. Elle nous parle de NBA, de Pro A, ou encore de sa grande carrière. Chers lecteurs, à vos clics.
Basket Rétro : Comment avez-vous découvert le basket ? Qu’est ce qui vous a donné envie de faire une carrière professionnelle ?
Cathy Melain : A tout hasard. J’habitais dans un village à côté de Rennes. Et je traînais avec mon voisin qui avait commencé à jouer au basket. Il m’a demandé de venir avec lui. Je l’ai suivi puis je suis resté.
BR : A quel âge à peu près avez-vous commencé à jouer ?
CM : J’avais 11 ans.
BR : Quels sont vos premiers souvenirs de la NBA ?
CM : C’était déjà le seul et le premier basket que je voyais à la télévision. C’est ce qui m’a marqué. C’était l’époque de Larry Bird, Magic Johnson. C’étaient mes références. Je connaissais quelques joueurs NBA au tout début mais pas forcément les joueurs et joueuses majeurs en France.
BR : Quels sont les joueurs/équipes (actuels ou passés) que vous aimez en NBA ?
CM : En tant que française, on est forcément attiré par San Antonio. J’apprécie le jeu que développent les Spurs et ce qu’ils ont mis en place.
BR : Et ceux que vous détestez le moins ? (actuels ou passés)
CM : Il n’y a pas une équipe ou un joueur bien précis que je peux citer. Je trouve que les Américains ont une grande force dans leur façon d’aborder les choses, de développer du jeu, de s’engager dans le jeu. Ce que j’aime le moins chez eux sont les excès qu’il peut y avoir : l’individualisme, les attitudes arrogantes.
BR : Y a t-il un match marquant et historique de la NBA qui vous vient à l’esprit: playoffs, performances d’un joueur, All Star Game ?
CM : Non je n’ai pas le souvenir d’un match marquant en NBA. Mais la première Dream Team a forcément marqué les esprits. Je n’ai pas de matchs précis. Juste des images.
BR : Même question. Avez-vous le souvenir d’un match marquant en Europe, de l’Equipe de France que ce soit chez les filles ou les garçons ?
CM : Oui ce sont des souvenirs avant que je me lance dans le basket. Je ne sais même plus comment j’avais récupéré cette cassette sur laquelle j’avais vu un match d’Euroligue féminine entre Come et Getafe Madrid au début des années 90. Ça m’a marqué et m’a permis de me fixer des objectifs. En voyant ce match, je me suis dit que c’est ça que je voulais faire basketteuse professionnelle comme métier. C’était un des premiers matchs féminins de haut niveau que je voyais d’ailleurs.
BR : Possédez-vous des produits dérivés NBA, du basket européen ?
CM : Je ne suis pas du tout une collectionneuse. Je donne tout à mes parents qui gardent tout. Je n’ai pratiquement rien.
BR : Quel serait le 5 majeur idéal de toute l’histoire de la NBA pour vous ?
CM : Forcément il y a Michael Jordan. Je mettrais Larry Bird. Tony Parker à la mène. Shaquille O’Neal car il a vraiment marqué une époque. Tim Duncan pour sa sobriété qui est à la fois très fort et très sobre dans sa technique, dans son influence dans le jeu. Il est très efficace.
BR : Qui voyez-vous en finale NBA et qui sera champion 2015 ?
CM : Je ne suis pas assez connaisseuse pour émettre un jugement. Je souhaite forcément que San Antonio garde son titre. Cleveland a constitué une équipe qui peut aller loin.
BR : On assiste à un championnat de France de Pro A de plus en plus serré avec des champions différents chaque année. Pensez-vous que cette saison sera la même chose ou qu’un club va s’installer dans la durée et asseoir sa domination ?
CM : Il y a du bon et du mauvais. Ça reste une saison où tout le monde a ses chances. C’est intéressant car il peut y avoir plein de rebondissements. Ensuite, au vu de cette situation, on ne peut pas prétendre à de grandes choses en Europe. Il y a quelques années, une ou deux équipes dominaient le championnat de France et cela pouvait permettre de jouer les Coupes d’Europe plus sérieusement. Limoges reste un prétendant à sa succession. D’autres équipes se renforcent. J’ai l’impression que ça va rester un championnat dans la lignée des précédentes. On ne sait pas ce qu’il peut arriver.
BR : Venons-en à votre carrière. Vous avez gagné beaucoup de compétitions que ce soit en club ou en Equipe de France, reçu plusieurs distinctions personnelles. J’imagine que c’est difficile d’en sortir plusieurs mais quels sont les souvenirs marquants que vous retenez de votre carrière de basketteuse ?
CM : C’est forcément lié à des grands événements et victoires. Chaque succès est marquant. Des défaites ont été très dur aussi à digérer. Mais celles-ci nous ont permis de pouvoir gagner derrière. Je pense aux Jeux Olympiques de Sydney où on perd en quart de finale contre la Corée. Ça a été marquant car tu sais que tu as la possibilité de passer mais t’es pas prête à affronter un style de jeu que tu ne connais pas. Cela peut s’expliquer par le manque d’habitude aussi sur la scène mondiale. En Europe, on connait à peu près tout le monde car on a cette habitude de rencontrer des nations issues de ce continent lorsqu’on joue dans les équipes de France jeunes, en Euroligue. Ce sont des équipes qu’on peut connaitre parfaitement. Dés qu’on sort de notre zone européenne, on croise des équipes aux styles différents. Et sans cette habitude de participer à des championnats du monde, des Jeux Olympiques, on prend en pleine tête le manque d’expérience. Ça a donc été marquant dans la défaite. Je retiens aussi la défaite en Euroligue en 2000 après trois prolongations. On a trois points d’avance et on ne fait pas faute. C’était dur. C’est ce genre d’erreur d’ailleurs qu’on ne fait plus. Dans le bonheur, il y a forcément les titres avec l’équipe de France en 2001 et 2009. Et ceux avec Bourges en Euroligue.
BR : Le dernier match avec Bourges en mai 2009 est aussi plein d’émotion.
CM : Oui c’est un grand moment d’émotion même si pour le coup je n’avais pas totalement fini. Ca aura été vraiment mémorable si c’était mon vrai dernier match puisque j’ai enchaîné avec l’équipe de France derrière. C’est à la fois marquant, émotionnel, car on quitte ce monde (du basket), à cet endroit là. Je n’arrêtais pas totalement car j’avais à jouer des rencontres avec l’équipe nationale. C’était plus de l’émotion que m’a donnée le public, les joueuses, et les dirigeants. Les gens vous remercient. Cela veut dire que vous avez répondu à leurs attentes, été digne de porter ce maillot. Ces gens-là ont passé leur temps à dépenser leur argent pour venir nous voir.
BR : Vous avez joué en France, en Italie (à Venise entre 2003-2005). Pouvez-vous nous parler de la différence de culture basket entre ces deux pays (les entraînements, le style et niveau de jeu, l’ambiance dans les salles, les supporters) ? Que retenez-vous de cette expérience à l’étranger ?
CM : De façon générale, on ne peut pas dire que ce soient des clubs forcément mieux organisés. Mais en tout cas on constate que vous êtes bien entouré par toute l’équipe professionnelle. Quand j’ai vécu à Bourges, j’avais un entraîneur, un assistant, un président. J’arrive en Italie, il y a un président, un général manager, deux préparateurs physiques, un entraîneur, un assistant, un chargé du scouting, un docteur à plein temps, deux kinés. Ce sont des organisations plus fournies. Sur la qualité pure des personnes qui vous entourent, c’est moins connaisseur, moins fin. L’approche du basket italien est plus portée par l’engagement que sur la compréhension qu’on peut avoir en France. Nous, nos athlètes dégagent une force physique qui est plus liée à la vitesse, à la hauteur tandis que les Italiens sont très forts au sol, très durs. Tout le championnat italien est construit de ce type. Celui-ci n’avait le droit d’engager que 3 étrangères. En France, c’est 5. Du coup, c’est un championnat qui compte mieux sur les joueuses du pays. Maintenant je ne connais pas assez. A l’époque, il y avait très peu de bonnes joueuses italiennes qui pouvaient se frotter aux meilleures joueuses européennes. Les clubs qui avaient de l’argent possédaient ces joueuses là. Et derrière, c’est très pauvre. Avec des joueuses italiennes moyennes et pas beaucoup d’étrangères, on a un niveau global en dessous de ce qu’on pouvait avoir en France dans son championnat. Maintenant, c’est un peu à l’image de la Pro A. Le championnat en Italie était très homogène où tout le monde pouvait prétendre à jouer la finale.
BR : Et qu’en est-il de l’ambiance dans les salles, des supporters ?
CM : A part dans le Sud de l’Italie, à Tarente ou en Sicile à Priolo, ils sont perdus. A Venise, à partir du moment où on commençait à gagner, ca ramenait un petit peu de monde. Mais ce ne sont pas des fidèles à part à Tarante et Priolo. Si ca gagne, les gens se déplacent pour venir voir l’équipe.
« Mon dernier match à Bourges ? C’était plus de l’émotion que m’a donnée le public, les joueuses, et les dirigeants. Les gens vous remercient. Cela veut dire que vous avez répondu à leurs attentes, été digne de porter ce maillot. Ces gens-là ont passé leur temps à dépenser leur argent pour venir nous voir »
BR : Pour ceux et celles qui vous ne connaîtrez pas, quelle type de joueuse étiez-vous sur le terrain ? Comment décrire votre jeu ?
CM : C’est un style évolutif. On ne peut pas tenir la même forme physique tout au long de sa carrière. J’ai eu une période où j’avais un rôle beaucoup plus important dans le scoring et donc offensivement. Je faisais pas mal de choses sur un terrain. Je n’avais pas une grande force mais j’étais capable de passer, marquer des points, prendre des rebonds, créer du jeu. Je remplissais toutes les cases statistiques mêmes les balles perdues (rires). Tout cela demande de l’énergie et quand je commençais à vieillir, j’ai modifié un peu mon jeu. En se rapprochant du cercle, physiquement c’était plus difficile. Je me suis plus focalisé sur les missions en défense. Et dans l’orientation du jeu il fallait que je sois un peu plus réfléchie, cherchais ce qui allait bien.
BR : Quels sont les qualités et les défauts qu’ont dits vos coéquipières, vos coachs en général durant votre carrière?
CM : Il n’y a pas une liste bien précise. Ensuite, on me disait de temps en temps de prendre plus d’initiatives dans les tirs. On me poussait à marquer plus. C’était un cap qui était difficile à passer car ca ne correspondait pas à ma personnalité. On me poussait contre nature. Moi je faisais marquer des points. Je ne le cachais pas. J’aimais bien faire partager, que le jeu se développe. Me concentrer sur le scoring uniquement est trop réducteur à mon sens. J’avais l’impression que je ne servais pas à grand-chose.
Retrouvez la seconde partie de l’entretien dés vendredi. Cathy Melain a continué à nous parler de sa carrière mais aussi entre autres de l’équipe de France, de son travail de coach chez les U16 de cette même équipe nationale.
Propos recueillis par Richard Sengmany
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