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ITW Geoffroy Garetier (Canal Plus) – Partie 2 : « La footballogie appliqué au basket doit pouvoir se faire »

GEOFFROY GARETIER

Dans la seconde partie de l’interview avec Geoffroy Garetier, nous avons abordé ses souvenirs basket en tant que journaliste. Connu aussi comme étant le spécialiste de la footballogie (décryptage pointu statistique, historique, et politique appliqué au football), Basket Rétro s’est demandé si cela était possible en basket. Découvrez ainsi quelques éléments de comparaison entre le ballon rond et la balle orange.  

BR : Vous êtes devenu journaliste à l’Equipe, au Journal du Dimanche. Avez-vous couvert des événements NBA ?

GG : Le seul reportage que j’ai fait pour le basket, c’est le All-Star Game 96 avec l’émergence de Shaquille O’Neal. Lors de ce match de gala, je me souviens de son dunk sur David Robinson qui avait fait beaucoup jasé. (voir vidéo ci-dessous). C’était aussi le retour de Jordan au plus haut niveau. C’était sympa. En tant que journaliste, j’avais l’impression de travailler pour la NBA.

BR : Et quels joueurs de NBA avez-vous interviewé ? Et quels souvenirs en gardez-vous ?

GG : Oui Grant Hill, joueur de Détroit à l’époque. Il faisait son job. C’était un gars bien sous tous rapports. Dans sa communication, il était intéressant et parlait à tout le monde. Ce n’était pas un bad boy. J’étais content de lui parler. Karl Malone. Il m’avait fait bien rire. Il a le sens de l’humour. Il avait 2-3 formules assez drôles.

BR : Vous êtes consultant football sur les antennes des chaînes du groupe Canal. Suivez-vous la saison NBA actuellement ?

GG : Franchement de très loin. Je suis incapable de vous dire qui est en tête. Les Spurs sont bien placés. Je sais que Phil Jackson a été nommé président des Knicks. Lebron James a de la prestance, un talent incroyable. Je connais des joueurs comme Dwayne Wade, Kobe Bryant. Mais je connais moins bien la période actuelle. Le basket est un sport pointu et de décryptage.

BR : Vous êtes connu pour la « Footballogie », qu’on pourrait définir comme une lecture très statistique du football. En NBA, les statistiques tombent de partout et sont décryptés minutieusement. Est-il possible d’effectuer ce genre d’analyse comme celle que vous faites en football ?

GG : La footballogie est aussi une lecture historique, politique, et géographique. C’est de rassembler le plus possible des déterminants qui à mon sens vont orienter le résultat. J’avais à l’esprit de faire des analyses statistiques au foot européen et mondial. Et on note qu’il y en a beaucoup dans les sports US dont la NBA. La footballogie appliqué au basket doit pouvoir se faire dans les grandes lignes. Il y a sans doute des déterminants qui m’échappent. Il faudrait que je me penche sur la question très sérieusement. Mais c’est possible dans le sens où la NBA est le sommet du basket. C’est une ligue fermé. C’est le rapport conférence Est et Ouest. Beaucoup de rivalités. Je suis assez frappé par exemple que les Lakers ont autant de finales gagnées que perdues.

« Je suis assez frappé par exemple que les Lakers ont autant de finales gagnées que perdues»

BR : Vous aviez déclaré récemment qu’en football, « Tout est joué d’avance ». Pourquoi ? Peut-on dire la même chose pour le basket ?

GG : C’est une provocation. Tout n’est pas joué d’avance. Ce n’est pas ce que je voulais dire. Il y a beaucoup de valeurs déterminantes qui orientent a priori le résultat d’un match. Si tous les matchs ne sont pas joués d’avance, beaucoup de choses sont joué d’avance. Par exemple, regardez les résultats de basket en Euroligue, on note que c’est toujours les 4-5 mêmes équipes qui gagnent: Panathinaikos, CSKA Moscou, Barcelone, Maccabi Tel Aviv et Olympiakos (ndlr : de 2002 à 2013, les 12 derniers vainqueurs de l’Euroligue sont les équipes cités par Geoffroy Garetier ci-contre). On est dans la même logique que la Ligue des Champions de football. En se penchant sur la question sérieusement, on pourrait déterminer un profil de vainqueur de l’Euroligue. Tout n’est pas joué d’avance mais beaucoup de choses concourent avant le match à un résultat final.

BR : Que pensez-vous du système de la draft en NBA qui existe depuis très longtemps dans la ligue ? Est-ce un processus qui pourrait fonctionner en football et en France avec la Ligue 1 ?

GG : Je trouve ça excellent. Il y a deux dispositions qui me semblent très bonne dans le sport US et dont le foot professionnel doit s’inspirer : la draft et le salary cap. Le salary cap évite de donner l’essentiel des ressources à un club avec une masse salariale limitée. La draft est un bon système qui permet de rééquilibrer le championnat NBA  et donne des forces et la possibilité à chaque équipe de renforcer leur effectif. Sans la draft, Jordan n’aurait certainement pas été à Chicago, Magic Johnson aux Lakers, Larry Bird aux Celtics ou encore Lebron James à Cleveland. Certains après ont bougé de l’équipe qui l’a drafté comme James parti à Miami, une franchise plus forte. La draft serait une bonne chose pour rééquilibrer le football en France et en Europe. Ce football se concentre plus entre les mains d’une poignée de clubs restreints.

Pour Geoffroy Garetier, le football professionnel doit s'inspirer du système de la draft comme en NBA. (c) USA Today

Pour Geoffroy Garetier, le football professionnel doit s’inspirer du système de la draft comme en NBA. (c) USA Today

BR : Dans le football, on note l’investissement de Roman Abramovitch à Chelsea, le Qatar au PSG, les russes à Monaco. On parle éventuellement de l’arrivée du Qatar dans le club de basket de Paris-Levallois. Tony Parker a déclaré qu’il prenait les commandes de la présidence de l’Asvel pour qu’elle devienne un top club européen. Ces solutions sont-elles donc les meilleures pour améliorer la visibilité du basket français, elle qui souffre terriblement d’un manque de médiatisation contrairement au football et au rugby ?

GG : Oui le sport est le reflet de la société. En France, l’argent publique est régie par les subventions publiques. Elles sont tellement précieuses et sujettes à des utilisations hors sociales et qui ont tendance à déserter le sport. Tant mieux car le sport de haut niveau n’a pas à fonctionner avec l’argent publique. Le mécénat est donc censé remplacé cela. Investir dans un projet sportif lorsqu’on a réussi par le sport, comme un Etat ou un oligarque tel que Abramovitch, je trouve que c’est vraiment intéressant. Ca me parait une redistribution à la fois morale et efficace de l’économie. Je pense qu’il n’y a pas beaucoup le choix aujourd’hui. Si vous voulez voir des grands clubs ou avoir une concurrence au niveau du marché du sport de haut niveau, ca passe soit par des financements exotiques, ou des gens qui ont réussi dans le sport comme Tony Parker.

BR : On souligne la domination des espagnols ou des allemands en football. Avez-vous une explication de l’hégémonie américaine sur le basket ? 

GG : C’est simple. Ca tient à des motifs culturels. Le foot n’a pas pris aux Etats-Unis la même propension que le baseball, le football américain, le basket. Pourquoi le basket est dominé par les américains ? Cela s’explique par des capacités physiques. Ils ont des gabarits extraordinaires qu’il n’y a pas en Europe. C’est comme ça qu’on peut expliquer la domination de l’équipe nationale US. Et d’autres pays comme la Croatie ont des joueurs correspondants à des morpho types très grands et puissants. Ce qui leur permet de délivrer une masse de joueurs de très haut niveau qui correspond au galon et aux critères physiques de ce sport. C’est donc le cas aux USA qui ont des monstres à la chaîne. C’est comme au rugby à l’image des Tonga, Fidji, Samoa qui possèdent des rugbymen au gabarit hors normes. Ils vont fournir le contingent des  rugbymen en Nouvelle-Zelande. Cà, c’est la première dimension.

La deuxième est économique. La NBA est le pendant de la ligue des champions et du foot en Europe de l’Ouest. Il y a une répartition naturelle des ressources. Au-delà du fait que les américains produisent des joueurs de très haut niveau, et que le public américain soit massivement intéressé par ce sport, il y a une sorte de rituel culturel et sociétal comme le foot us ou le baseball. Et les ressources ont suivies. La notion de spectaculaire est à prendre en compte : la NBA est un spectacle de haut niveau, et les USA ne sont pas arrivés à faire le même spectacle en foot car ils n’ont pas les meilleurs joueurs. Les meilleurs joueurs de la planète basket font systématiquement grossir le contingent de la NBA. Et que les grands clubs européens sont un deuxième choix. En foot, c’est l’inverse. La Major League Soccer est le second ou troisième choix pour les meilleurs joueurs de la diaspora sud-américaine ou africaine qui vont grossir les rangs des grands clubs européens.

« Les meilleurs joueurs de la planète basket font systématiquement grossir le contingent de la NBA. »

BR : Lyon qui a gagné 7 titres de champion de France, le PSG bien parti pour en gagner plusieurs d’affilée. Les Bulls de Chicago ont remporté six titres dans les années 90 (deux fois trois titres d’affilées 91-92-93 et 96-97-98). A l’image du foot, la NBA est donc aussi un phénomène de cycle. Quel est votre avis à ce sujet ?

Oui. Alors il y a l’aspect draft qui rentre en ligne de compte aux Etats-Unis. En France, Jean Michel Aulas a développé un modèle capitaliste, éco sportif de pointe. Ce qui lui a permis de dominer en France car il était seul a ce moment. Le seul pro au milieu d’une foret d’amateurs. Aulas avait une vision professionnelle et réaliste de ce qu’est le foot de haut niveau. Pour des raisons d’économie, il est passé à un autre modèle. Il a été peut être trop loin dans le modèle d’exploitation spectaculaire de son club de Lyon qu’il ne pouvait pas générer de ressources pour un tas de raisons qu’on ne va pas déterminé mais qu’on connait : le public, les droits TV, le nouveau stade. Mais il va rebondir, ce qui est assez probable, lorsque son stade sera sorti de terre. Il semble possible avec un bon coach et une bonne formation de générer une équipe compétitive. Et de reprendre place parmi les meilleures équipes françaises.

Pour ce qui est du cycle, ca parait logique, il y avait un vrai manque dans le foot français, d’un grand club parisien qui cumule des titres. Lorsque les qataris sont arrivés, le PSG n’avait que deux titres de champion. Si on comptabilise le titre de champion de France du Racing Club de Paris en 1936, cela fait 3 titres dans Paris, c’est très faible. Pour l’agrandissement du foot français grâce à un facteur exogène, qu’est le Qatar, un acteur économiquement hors norme sur la scène française,vous avez un rééquilibrage totalement logique de l’histoire. Il y a une petite différence avec le club de Chicago, finalement celle de la manière. Elle se résume par la même chose : c’est-à-dire un rééquilibrage de cycle. Chicago est la troisième ville américaine en termes de population. Le palmarès est pas à la hauteur de leur importance. Les Knicks ont deux titres de champion NBA. Ca parait absurde quand on regarde la tendance de New York dans le pays. Même si Boston a un peu tout pris en basket. (une dizaine de titres de champion NBA) New York connaîtra une bonne dynamique probablement.

Merci à Geoffroy Garetier pour sa disponibilité et de nous avoir accordé cette interview pour Basket Rétro.

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About Richard Sengmany (354 Articles)
Découvrant le basket dans les années 90 grâce à la diffusion des matchs NBA sur Canal+, je rédige depuis plus de dix ans des articles sur la balle orange, sur d'autres disciplines sportives et la culture.

1 Comment on ITW Geoffroy Garetier (Canal Plus) – Partie 2 : « La footballogie appliqué au basket doit pouvoir se faire »

  1. Pour ce qui est de la draft et du salary cap, ce sera difficile de les faire fonctionner dans le football. Si ça marche en NBA, NFL, NHL, MLB et MLS?, c’est parce que ce sont des ligues fermées.

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