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1919 – Après la guerre, les Jeux Interalliés

France

Montage Une : Laurent Rullier pour Basket Retro

Même après l’Armistice du 11 novembre 1918, les bases militaires américaines installées un peu partout au nord du territoire conservent un certain esprit de camaraderie où la victoire se célèbre par des échanges culturels. En 1919, la petite ville de Joinville-le-Pont accueille les Jeux Interalliés mettant un point d’honneur sur cette amitié entre les pays vainqueurs à un an de la reprise des Jeux Olympiques à Anvers.

24 ans après le premier match en France (dans la célèbre salle de la rue de Trévise à Paris), le basketball débarque à nouveau sur le territoire cette fois dans un contexte bien différent. Le 2 avril 1917, le président Woodrow Wilson prend la décision d’engager les États-Unis dans la Première Guerre mondiale. Avant l’arrivée des premiers soldats américains sur le front lorrain (le 23 octobre 1917), des foyers de repos sont installés au nord et à l’est de la France pour accueillir les troupes. C’est dans ces camps militaires (provisoires) que les premiers échanges culturels se font notamment à travers le Jazz mais aussi le base-ball et le basket (qui n’est pas encore connu de tous les Français). Des terrains sont installés à Brest, Saint-Nazaire et même à Nevers par les YMCA (Young Men’s Christian Association) et les Unités de loisirs Américaines pour que les soldats arrivants ne soient pas dépaysés.

Le sport est vu comme un moyen de galvaniser les troupes et de canaliser cette énergie :

« Johnson aurait la conviction que quelque chose était nécessaire pour remplacer le combat en tant qu’effort collectif et unitaire. Il était évident qu’une liste d’exercices militaires obligatoires ne pourrait accrocher l’imagination ou maintenir l’enthousiasme d’une armée civile ». (Les quatre enjeux des Jeux Interalliés de 1919, Thierry Terret).  

Afin d’inciter la mobilisation dans l’armée, la presse américaine met en avant un parallèle entre le sport et la guerre (exemple de la boxe et la baïonnette, du baseball et du lancer de grenade, du football américain et du fait de courir vers les tranchées adverses…). Dès 1917, une préparation athlétique est données aux soldats américains déployés en Europe, puis en 1918, 300 instructeurs de la YMCA sont envoyés afin de poursuivre ce processus.

Ainsi, les premières parties démonstratives s’improvisent entre les Américains et les Alliés. Finalement, les près de deux millions d’hommes déployés par l’Oncle Sam donnent un regain d’énergie et de puissance aux alliés qui remporteront la guerre un an plus tard. Indirectement, la France devient l’un des berceaux du soft power américain en Europe. Une sorte d’outil diplomatique avant l’heure. Voyant qu’une partie des soldats alliés apprennent eux aussi à jouer, les YMCA décident d’inclure cette discipline aux onze autres prévues lors des Jeux Interalliés.

Match de basket-ball durant les Jeux Interalliés de 1919 (crédits: collection l’EQUIPE)

Le 22 juin 1919, Joinville-le-Pont accueille les Jeux Interalliés pour quinze jours de démonstration de sport pratiqués par les anciens soldats célébrant la diplomatie entre les pays vainqueurs de la Première Guerre mondiale. Seuls la Pologne et la Russie refusent l’invitation. Au programme, de l’athlétisme, de la natation, du baseball, du football, du rugby à XV, du tennis, de la boxe, de l’équitation, du tir, de l’escrime, de la lutte et bien sûr du basketball. C’est dans un évènement organisé par les Américains pour les Américains que les États-Unis cherchent à montrer cette excellence de leur modèle d’éducation, comparé aux autres pays qui n’accordaient pas la même importance au sport et dont les méthodes d’entraînements étaient bien moins avancées. Les Jeux Interalliés apparaissent de ce fait comme une arme destinée à renforcer la position hégémonique des États-Unis.

La modernisation des structures et méthodes d’entrainement en France apparait également parmi les bienfaits collatéraux. Si le sport était l’un des fer de lance dans la formation des soldats, il a aussi toute son utilité dans la réinsertion de l’après-guerre :

« La compétition sportive se présente dès lors comme l’occasion d’un retour à un état de vie physiquement et socialement acceptable pour les troupes » (Les quatre enjeux des Jeux Interalliés de 1919, Thierry Terret).  

Pour l’occasion, c’est le sport international qui reprend ses droits, préfigurant la relance de la machine olympique l’année suivante.

Quid de la place du basketball dans cet évènement ? Trois nations participent à ce gala de la balle orange au stade John Pershing à Paris (premier véritable stade fondé en quelques mois par l’armée américaine et les collectivités YMCA) : les Etats-Unis, la France et l’Italie. Près de 20 000 spectateurs sont au rendez-vous pour voir les États-Unis rouler sur la compétition emmenés par Marty Friedman, considéré comme l’un des pionniers du basketball professionnel (dont le duo avec Barney Sedran était surnommé les Heavenly Twins que l’on peut traduire par les jumeaux divins). Il passe la majeure partie de sa carrière (1910-1927) à voyager à travers le monde afin de populariser le basketball et a même organisé un tournoi en France réunissant près de 600 équipes, ce qui a inspiré les organisateurs de ces Jeux Interalliés à inclure le basket-ball parmi les épreuves. Il sera finalement intronisé au Hall of Fame en 1972. Sans grande surprise, les Américains battent sèchement la France (96-6) et l’Italie (55-17) et repartent avec la médaille d’or ; tandis que la France doit se contenter d’une troisième et dernière place après sa défaite contre les Italiens (11-15).

Charles Laffargue se remémore :

« D’après mes souvenirs, le score était de plus de 90 à 6 en faveur des Américains. Ils étaient vraiment au-dessus. Ils étaient plus grands, athlétiques et avaient la pratique. Le niveau des Français était plus proche de celui des Italiens. » (FFBB, 100 ans de basket en France).

Plus grand et plus athlétique certes, mais mieux préparé pour un sport qui est le leur et qu’ils ne découvrent pas.

Les médias sont évidemment sur le coup afin de mettre la lumière sur les Jeux et accordent ainsi un jugement sur cette discipline pourtant pas nouvelle mais qui reste encore méconnue a travers une petite page de leurs journaux. Si les Jeux Interalliés connaissent un certain engouement, ce tournoi de basket à trois équipes reste on peut le dire « anecdotique ». Charles Laffargue rappelant la peinture faite par le journal l’Auto (ancêtre de l’Equipe) sur le basket-ball considérant ce sport comme « bon pour les jeunes filles ou les vieux colonels ». (FFBB, 100 ans de basket en France)

La revue La Vie au grand air (dont une page est entièrement dédié aux Jeux Interalliés) en fait une appréciation guère plus positive en n’accordant qu’une infime partie au basket. Le journal présente les Jeux comme « Un admirable moyen de propagande pour les États-Unis  dont on peut interpréter la participation des autres nations comme que de la participation ». (Les quatre enjeux des Jeux Interalliés de 1919, Thierry Terret).

Le premier pas est maigre, plutôt fébrile, mais qu’importe l’avis des journalistes, le basketball a connu son premier évènement sous impulsion des YMCA avec cet essai aux Jeux Interalliés (tombé dans l’oubli général, vu le faible intérêt accordé à ces trois matchs).

Dans les années qui suivent, ce sont les diocèses et les paroisses catholiques qui prennent le relais des très protestantes YMCA pour répandre la bonne parole de « Saint » Naismith à travers les bourgs et villages de France. L’Abbé Guedré lance une campagne de popularisation du basket dans les organisations catholiques qui possèdent des terrains plus ou moins aux normes. Il ne reste qu’à fixer un anneau aux murs de la paroisses ou deux poteaux de bois. Quelques années plus tard, le premier championnat de France réunit patronages,, associations sportives communales et autres clubs corpo et désigne son champion sacré après une finale qui se tient chaque année dans les Arènes de Lutèce à Paris. Ainsi, les équipes fleurissent d’abord en région Parisienne, puis dans le nord et l’est de la France et enfin dans le reste du pays. Parmi les premières équipes, on peut citer : AS Bonne Nouvelle, Jeanne d’Arc de Clichy, Saint Hippolyte, AS Bon Conseil, l’Union Athlétique Inter-Quat’zart, US St Thomas d’Aquin, CAUFA de Reims, Stade Français, Saintt Charles d’Alfortville, CS Plaisance, Racing Club de France pour ne citer qu’eux. Les Alsaciens de Mulhouse étant la première équipe à contester cette domination Parisienne. Cependant, il reste du chemin à parcourir avant de voir cette discipline unifiée. En effet, à ses débuts, chaque pays ou région avaient ses propres règles qui différent selon les valeurs, mœurs et mentalités. Bien des années plus tard, une stabilité s’est trouvée de manière assez naturelle. Par ailleurs, il faut attendre 1932 et la création de la Fédération Française de Basket-Ball (FFBB) pour que ce sport ne soit plus sous l’aile de la fédération d’athlétisme, puis dans la foulée reconnu comme une discipline olympique.

D’un simple sport inconnu du grand public et dont la pratique ne relevait que de l’exhibition, à une véritable institution. L’histoire fait bien les choses avec cette mode américaine qui est venue lancer (indirectement) un processus qui a fini par tenir toutes ses promesses grâce aux investissements de l’église catholique via les YMCA. Finalement, les Jeux Interalliés ne restent certes qu’anecdotiques dans le développement du basket en France, mais gravés comme les premières rencontres internationales de basketball en Europe occidentale, quelques 17 ans avant l’entrée de cette discipline aux Jeux Olympiques à Berlin.

Match de basketball durant les Jeux Interalliés (crédits : Patrimoine)

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About Léo Daulon-Nicolas (14 Articles)
Etudiant en L2 Information-Communication dans l'objectif d'entrer dans le monde journalisme. Beaucoup de sujets historiques avec un peu d'actualité sur la NBA et le basket en général, l'histoire n'a pas fini d'être racontée dans un devoir de mémoire des plus grandes légendes.

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