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Mehmet Okur – A jamais le premier

Portrait

Montage Une : Laurent Rullier pour Basket Retro

On peut avoir été en sélection, avoir transpiré à grosses gouttes ensemble lors de campagnes plus ou victorieuses et avoir été des légendes locales, en Europe et en NBA, l’amour ne se commande pas. Quelques semaines à peine après la fin du championnat d’Europe qui a vu la Turquie atteindre la finale (perdue face à l’Allemagne, 83-88), le président de la Fédération turque de basket a suscité une mini-polémique. Interrogé par la presse pour donner son avis sur les cinq joueurs majeurs de la patrie par un journaliste, Hidayet Türkoğlu, ancien joueur d’Efes Pilsen, du Magic ou des Kings notamment, a fait le boulot. Outre sa personne, il a donc cité son coéquipier d’Efes, Mirsad Türkcan, premier turc drafté en NBA en 1998 et Harun Erdenay, le frénétique scoreur (et accessoirement numéro deux dans la hiérarchie fédérale), ces trois-là accompagnant İbrahim Kutluay. Jusque-là, pas de souci puisque ces quatre éléments ont été des piliers de la sélection nationale durant des décennies. Sauf que « Hedo » a ajouté dans la foulée ne pas « aimer particulièrement Kutluay, tout en respectant malgré tout sa carrière de joueur ». Belle ambiance dans les arcanes turques qui n’a manqué de faire réagir… même si, dans le sport, on aime autant que l’on déteste. Ce qui ramène au cinquième larron de la bande cité par l’ancien capitaine de la sélection turque, qui est un cas à part dans le basket de son pays. L’archétype du bon élève (Okur signifiant « celui qui étudie ») qui ne franchit pas les étapes n’importe comment et coche toutes les cases en temps et en heure. Un vrai métronome, réglé comme du papier à musique jusque dans son numéro de maillot. Le 13, arboré durant toute sa carrière avec régularité. Une carrière également concentrée sur la façade de la mer de Marmara, lui le gamin né à Yalova en mai 1979. Réputée pour ses bains thermaux, ladite ville se situe pile entre Istanbul (au nord) et Bursa (au sud). Deux théâtres futurs des exploits du jeune Mehmet à la fin des années 90. Comme tout Turc qui se respecte, Okur converge tout d’abord vers le football, d’autant que la région de Yalova est enclavée entre deux vraies villes de foot, Bursa au sud et Kocaeli au nord-est.

Mais, physiquement plus aguerri et surtout plus grand que la moyenne, ses parents l’inscrivent finalement au basket à ses 14 ans. Le jeune Mehmet ne tarde pas à faire parler de lui dans les catégories de jeunes. A 18 ans, il intègre même l’équipe professionnelle de… Renault. Oui, la marque au losange possède des usines de fabrication de véhicules dans la région de Bursa que les passionnés connaissent. Usine fondée en 1969, au début de l’ère d’industrialisation du pays, Renault y construit donc quelques modèles standards reconnus tels que la Renault 9, la R11 et la R21. Mais surtout la fameuse R12, véhicule utilisée par la police turque pendant des décennies. De la police à l’armée, il n’y a qu’un pas puisque Renault est aussi associé à la base à un conglomérat franco-turc. Le « OYAK » dont l’acronyme signifie « Institution d’aide à l’armée », fonds de pension dédiée aux militaires et contrôlé par le ministère des Armées et de la Défense.

Bref, une grosse institution officielle qui poursuit un modèle bien connu des initiés du basket turc à partir des années 80-90 : l’association d’une grosse marque (ou usine) à un club de basket. Le combo Mavi Jeans Ortaköy, nom d’un quartier d’Istanbul et d’une célèbre marque de pantalon turque, le duo Netaş Spor Kulübü, entreprise dédiée à la télécommunication, PTT Ankara (La Poste locale) ou encore Efes Pilsen ou Tuborg Basket pour les amateurs de houblons. Chaque entité se rattache à un club de basket plus ou moins généreusement sponsorisé pour gagner en visibilité et s’attirer les faveurs de la population locale. Dans ces conditions, Okur intègre lors de la saison 1997/1998 l’équipe d’Oyak Renault qui évolue à l’époque en première division. Une équipe dont les têtes d’affiches sont tout naturellement américaines avec l’ailier-fort, Troy Brown qui fera un crochet la saison suivante à Evreux. Ben Handlogten, un pivot de 24 ans, débarqué de son Michigan natal et qui fera une petite carrière intéressante notamment en Turquie (Galatasaray et Ülkerspor). Et même en NBA puisqu’il évoluera durant deux saisons, entre 2003 et 2005, au sein des Utah Jazz. Mais le joueur phénomène (et scoreur) de l’équipe turque est surtout Quadre Lollis, 24 ans également, ailier-fort qui accompagnera Handlogten dans les deux clubs turcs cités précédemment avant de poursuivre une carrière à cheval entre l’Italie (Rimini), l’Allemagne (Alba Berlin, Gloria Giants Düsseldorf, Ludwigsburg) et la Grèce (AEK Athènes). Pour les joueurs locaux, citons principalement le meneur gaucher, Bora Sancar, champion d’Europe avec Efes Pilsen en 1996 (vainqueur de la Koraç Cup). Une équipe jeune, sans gros budget malgré le nom accolé à son image et dont l’unique objectif est, à l’instar du club de foot de l’AJ Auxerre des années 90 de ce cher Guy Roux, le maintien. Le tout, coaché par Faruk Akagün, 48 ans à l’époque. Un nom un peu oublié aujourd’hui au pays, coincé entre les légendes Aydan Siyavuş, Aydin Ors ou encore Erman Kunter et autres Ergin Ataman. Mais il reste un double champion de Turquie, avec Efes Pilsen tout d’abord (à 30 ans) en 1979, puis en 1990 avec Galatasaray. Dès lors, porté par le duo Handlogten-Lollis toute la saison, Oyak Renault termine à une belle onzième place. Le jeune Okur, quant à lui, parvient à tirer son épingle du jeu en participant à 25 rencontres avec 13 minutes de moyenne pour 4,4 points et 3,2 rebonds. Pour une première expérience, en second couteau, c’est plutôt pas mal. D’autant plus que la saison suivante, son avenir professionnel change. Direction… Bursa mais au sein d’un club beaucoup plus outillé.

Dans sa quête de perspectives nouvelles, « Memo » débarque au sein du Tofaş SAS. Acronyme signifiant « Türk Otomobil Fabrikası Anonim Şirketi » soit la « Société par actions de l’usine automobile turque ». Tofaş est en fait l’extension de Fiat pour le marché turc. Sur le modèle de sa cousine italienne, quiconque est allé en Turquie dans les années 80-90 voire début des 2000, l’a vu dès sa sortie de l’aéroport. Que ce soit les taxis, les véhicules personnels ou lorsque l’on regarde d’anciens films des regrettés Cüneyt Arkın ou Kemal Sunal (grands acteurs turcs), Tofaş est LA marque emblématique de voitures spécialement conçue pour le marché turc. Une entité fondée par le magnat Vehbi Koç dont le fils Ali était président jusqu’en septembre dernier de Fenerbahçe Beko, vainqueur de l’Euroleague en 2025. Une lignée familiale qui a su décliner de nombreux modèles (Murat 131, 124) tout en faisant référence à des oiseaux de proie (les fameux véhicules Şahin, Doğan et Kartal qui signifient aigle et faucon) dans une vaste gamme de véhicules. Bref, Tofaş est le plus grand fournisseur de voitures du pays à l’époque.

Et comme toute entité qui se respecte, quoi de mieux que d’avoir une petite équipe de basket pour aller glaner, ici et là, quelques trophées. La saison 1998/1999 offre donc à une des plus belles équipes qui ait été donné de voir en Turquie au niveau basket. Un effectif où chacun récite sa partition avec tout d’abord, honneur aux locaux, quelques internationaux patentés. Les meneurs Cüneyt Erden et Serkan Erdoğan. L’ailier « kelepçe » Alper Yılmaz, surnommé « Alper les menottes » en raison de sa grosse capacité à défendre le meneur adverse deviendra par la suite cadre dirigeant au sein de l’Anadolu Efes, double champion d’Europe en 2021 et 2022. Citons également les pivots Murat Konuk et Asım Pars (décédé en 2024) et l’homme à tout faire, l’arrière Şemsettin Baş, hommes de l’ombre de l’effectif permettant aux quatre « R » de se mettre en valeur. Le musculeux pivot Rashard Griffith, 24 ans, de retour à Bursa après une saison passée au sein du Maccabi Tel-Aviv est le premier d’entre eux. Il remportera même l’Euroleague lors de la saison 2000/2001 avec Manu Ginóbili et Antoine Rigaudeau notamment comme partenaires. Le deuxième est l’arrière Steven Rogers, 30 ans, déjà trois saisons au club et qui fera un crochet à Strasbourg lors de la saison 2001/2002. Cependant, le troisième larron a un CV beaucoup plus épais et du génie dans chaque doigt. David Rivers, oui, le génial David Rivers, 33 ans, ancien meneur d’Antibes et vainqueur de l’Euroleague en 1997 avec les Grecs de l’Olympiacos débarque en Turquie, en provenance du Fortitudo Bologna. Le coach de tout ce beau monde est le Croate Jasmin Repesa (un autre « R »), 37 ans. En provenance du Cibona Zagreb où il a fait un doublé en 1996 et 1997, il amène dans ses bagages le dernier larron, son compatriote et arrière Slaven Rimac, sextuple champion de Croatie.

Mehmet Okur est donc bien entouré dans un championnat turc qui investit de plus en plus pour faire venir des stars. Tofaş est engagé cette saison dans une lutte féroce face à Efes Pilsen, Ülkerspor et les trois grands d’Istanbul (Fenerbahçe, Galatasaray et Beşiktaş). Dès lors, sur le plan national, les bleus et vert de Bursa remportent 23 rencontres sur 28 en saison régulière et Okur apporte son écot avec 4,4 points et 4,3 rebonds derrière le quatuor américano-croate précédemment cité. En playoffs, les coéquipiers de Rivers éliminent successivement en quarts, Beşiktaş (3-2) puis en demi Fenerbahçe (3-1) et la finale oppose Tofaş à Efes Pilsen. Le club de Bursa remporte le titre, quatre victoires à deux sur l’ensemble de la saison, les PO prenant en compte les matchs joués en saison régulière. Okur termine même avec 12 points et deux fois 5 points lors de trois rencontres. Rashard Griffith détruit la raquette adverse avec respectivement 25, 23 et 20 points marqués en trois rencontres. Premier titre pour Tofaş et premier trophée pour Mehmet Okur, à peine 20 ans. Dès lors, on prend presque les mêmes (excepté Rogers) et on recommence la saison suivante (1999/2000) avec quasiment le même résultat. 19 victoires et 7 défaites en saison régulière et deuxième place obtenue derrière Efes Pilsen, bien décidé à prendre sa revanche. Mais tout ne va pas si bien puisqu’en cours de saison, Repesa est remercié et le Turc Tolga Öngören prend sa place sur le banc. Cependant, l’équipe est tellement expérimentée que cela ne change pas grand-chose. Notamment grâce au travail défensif puisque Tofaş est la meilleure défense du championnat à ce niveau. Sur le terrain, en playoffs, Rivers et sa bande éliminent Tuborg Pilsener (3-1) en quarts puis Ülkerspor sur le même score avant d’aller affronter en finale, Efes Pilsen.

Sur une série de cinq rencontres et malgré la perte de la première manche, Tofaş glane un doublé et peut savourer son triomphe, porté par un David Rivers de gala (40 points lors de l’ultime partie). Mehmet Okur, quant à lui, augmente ses stats et ses minutes de jeu avec 6,6 points et 5,7 rebonds de moyenne. En finale des playoffs, outre la dernière rencontre à un point, Okur participe au triomphe avec 7, 8, 12 et de nouveau 12 points inscrits sur les rencontres précédentes. La saison de Tofaş au niveau Euroleague est plus anecdotique puisque le club termine à la cinquième place de son groupe, ce qui est contrebalancée par l’obtention de la Coupe de Turquie et la Coupe du président. Au total, le bilan de Mehmet Okur à Bursa est spectaculaire avec deux championnats, deux Coupes de Turquie et deux Coupes du président glanés.

Cette double confrontation face à Efes Pilsen ne passe pas inaperçu du côté d’Istanbul puisque Okur signe avec les finalistes un contrat de deux ans dans la foulée. La saison 2000/2001 le voit débarquer chez les bleus et blancs coachés par l’inénarrable Ergin Ataman. Un Ataman qui laissera sa place en cours de saison à l’inflexible Oktay Mahmuti. Une équipe d’internationaux turco-croato-monténégrine qui voit le départ de Hedo Türkoğlu aux Kings de Sacramento. Mais, avec les meneurs Ender Arslan, Kerem Tunçeri, l’arrière Ömer Onan, les pivots Kaya Peker et Hüseyin Besok et une vieille connaissance en la personne d’Alper Yılmaz, l’équipe a fière allure. D’autant que le meneur croate Damir Mulaomerović et le duo serbo-monténégrin Predrag Drobnjak et Vlado Šćepanović apportent du scoring à l’ensemble. Cependant, si Tofaş n’est plus là désormais pour enquiquiner Efes, les dirigeants de Bursa ayant tout simplement décidé après la finale gagnée de dissoudre l’équipe, un autre adversaire se met en travers du chemin de Mehmet Okur et ses coéquipiers. Ülkerspor de Harun Erdenay est l’épine dans le pied d’Efes puisque ces derniers sont deuxièmes (au même nombre de points) que leurs adversaires en saison régulière. Tour à tour tombeurs de Beşiktaş et Darüşşafaka, Efes Pilsen affronte en finale Ülkerspor dans le même style de format prenant en compte les rencontres de saison régulière. A ce petit jeu, cette fois, derrière un Erdenay de folie (36, 27 et 22 points), Ülker l’emporte et Okur voit sa série de « three peat » turc stoppée. Qu’à cela ne tienne, le pivot turc augmente encore ses stats (8,8 points et 5,8) et découvre l’Euroleague. Plus exactement, la Suproleague qui concurrence l’Euroleague cette saison-là et à laquelle participe notamment le CSKA Moscou, le Panathinaikos ou encore nos représentants de Pau-Orthez et l’Asvel. Au Final Four de Bercy, Efes termine à la troisième place après avoir été battu en demi par les Grecs du « Pana », 74-66. Dans la rencontre pour la troisième place, les Turcs prennent le dessus sur le CSKA, 91-85. Une équipe d’Efes Pilsen qui brise enfin sa malédiction dans une compétition supérieure puisque l’équipe turque avait l’habitude de buter en quarts à chaque fois.

Surtout, pour Okur, c’est une expérience puisée derrière le pivot titulaire en club et en équipe nationale, Hüseyin Beşok. Dès lors, il prend confiance et dès la saison suivante, de l’envergure. Mahmuti resserre l’effectif et le renforce autour du meneur US, Marcus Brown, grand artisan du triplé du CSP Limoges en 2000 et qui débarque du Benetton Treviso. Sans compter la doublette Balte avec le musculeux Letton Kaspars Kambala et le plus cérébral Lituanien Saulius Stombergas.

Avec le départ de Beşok au Maccabi Tel-Aviv, Mehmet Okur partage la peinture avec Kambala et cette saison 2001/2002 le met sur orbite. Troisième au nombre de minutes jouées derrière Brown et Kerem Tunçeri, participation à 31 rencontres et 13,1 points, 8,1 rebonds et 1,3 passes pour le désormais combo pivot-ailier-fort. Un beau tiercé gagnant pour un joueur capable d’écarter le jeu et de tirer à trois points en même temps. Un profil très différent des standards de l’époque puisque Beşok, par exemple, est davantage un joueur poste bas qui ne s’écarte jamais de la raquette. Tout en étant dominant dans la peinture, Okur, quant à lui, devient un joueur plus complet et apporte davantage de solutions offensives. Ce qui permet à Efes de terminer à la première place en saison régulière, devant Ülkerspor avec seulement deux défaites sur 22 rencontres au compteur. Par la suite, un Fenerbahçe en capilotade cette saison-là est écrasée, 3-0. Même tarif face à la surprenante équipe d’Oyak Renault en demi-finale avant de retrouver le bourreau de la saison précédente en finale. Efes Pilsen, en raison de sa double victoire en saison régulière part avec un avantage d’une rencontre. Mais les fabricants de biscuits (Ülker étant une société de biscuiterie et chocolaterie très réputée en Turquie) sont coriaces derrière leur duo Harun Erdenay-Quadre Lollis. Malgré tout, après une série serrée, Efes remporte le titre lors d’un duel entre les deux anciens d’Oyak Renault. 22 points pour Lollis face aux 19 d’Okur et ce dernier obtient son troisième titre en quatre saisons. Avec la Coupe de Turquie dans sa besace, Mehmet Okur fait un beau quadruplé sur ce trophée puisque, de 1999 à 2002, entre Tofaş et Efes, c’est un embargo sur le trophée pour le pivot turc. Trois titres nationaux, quatre Coupes de Turquie donc ainsi que deux Coupes du président obtenues en 1999 et 2000 avec Tofaş. La Turquie est devenue trop étroite pour le jeune homme de 23 ans.

Dès lors, sans passer par la case Europe, Mehmet Okur franchit l’Atlantique. Fort d’un tour de draft validé par Detroit Pistons en 2001, le Turc arrive dans la grande Ligue un an plus tard. Direction Detroit donc, la capitale américaine de la voiture que l’on aperçoit notamment dans le générique de début du film « Le Flic de Beverly Hills » avec Eddy Murphy. Une constante pour le Turc car, après Renault et Tofaş, il se retrouve dans une autre région où la voiture est reine et où les usines sont légion. On ne sait pas si c’est fait exprès mais toujours est-il qu’Okur débarque au sein de la franchise US drivée par Rick Carlisle. Parmi les joueurs qui composent l’effectif à majorité américaine, citons Rip Hamilton, Chauncey Billups, le gaucher Tayshaun Prince et Ben Wallace. Côté étranger, Okur le Turc se retrouve avec le pivot serbe Željko Rebrača et le gaucher argentin Pepe Sánchez. Mais il apprend vite et surtout s’adapte rapidement à son environnement. Pour un débutant, il est important de bien figurer, de travailler dur, d’être calme et patient. Pas réputé pour avoir un caractère exubérant à l’inverse de Hedo Türkoğlu, davantage plus volubile, Okur bosse et apprend sans broncher. Pour sa première saison, il participe à 72 rencontres en en commençant même neuf directement dans le cinq de départ. Sept points de moyenne et 4,7 rebonds agrémentent cette partition, plutôt correcte pour un rookie. Detroit termine en tête de sa conférence et élimine Orlando lors du premier tour des playoffs puis les 76ers de Philadelphie avant de tomber en demi-finale face aux Nets de Jason Kidd.


La saison suivante, Larry Brown débarque sur le banc. Les vétérans Elden Campbell et Lindsey Hunter apportent leur expérience et un gaucher étranger en remplace un autre. Le massif pivot serbe Darko Miličić arrive en provenance de Hemofarm avec des promesses pleins les yeux. Une histoire de gauchers puisque ce dernier est drafté juste derrière un certain LeBron James (gaucher à l’écriture mais droitier au tir en NBA) et devant… Carmelo Anthony et un autre gaucher, Chris Bosh. C’est dire les attentes qui pesaient sur les épaules du golgoth Serbe, lui qui n’aura jamais confirmé son potentiel… Pour Mehmet Okur cependant, pas le temps de tergiverser puisque Brown compte sur lui et le montre durant toute la saison. 71 rencontres sur 82 disputées dont 33 dans le cinq de départ, 9,6 points de moyenne (cinquième meilleur marqueur de l’équipe) et 5,9 rebonds. Par la suite, dans une saison qui voit arriver le sulfureux Rasheed Wallace en provenance d’Atlanta, celle-ci prend une autre tournure à partir du printemps. Avec les Wallace à la manette, Detroit devient injouable avec Ben au rebond et Rasheed qui apporte sa grinta. Okur mise son enthousiasme et dès lors, toute l’équipe se met au diapason. Les Pistons terminent à la troisième place en saison régulière derrière les Pacers et les Nets. Ce qui les fait affronter Milwaukee au premier tour des playoffs. Quatre victoires à une plus tard, New Jersey se dresse face à eux. Dans le plus pur style d’affrontement NBA, les Pistons se débarrassent de leur bourreau de la précédente saison (4-3) et affronte en finale de conférence les Pacers de Reggie Miller et Ron Artest. Après une victoire 4-2, Detroit remporte la finale de conférence à l’Est et affronte en finale NBA, les Lakers de Phil Jackson, Shaquille O’Neal et Kobe Bryant. Disons-le clairement, parmi toutes ces étoiles, il est très difficile pour Mehmet Okur de se mettre en avant, surtout sur une finale de Conférence. Mais, il apporte son écot autrement sur des périodes précises alternant repos des titulaires et besoin spécifiques. La finale contre les Lakers n’échappe pas à cette règle et Okur joue son rôle de partenaire à la perfection. D’autant que les Pistons du quintet Hamilton, Prince, Billups et des deux Wallace ne laissent aucun espace à des Lakers en perdition. Score final, quatre victoires pour Detroit contre une seule pour les Californiens. La dernière rencontre voit même Okur marquer sept points en près de sept minutes lors d’une fin de match actée pour tout le monde. Ce qui permet à un Turc de devenir champion NBA en 2004 pour la première fois de l’histoire. Une trace indélébile car, si Mirsad Türkcan a été le premier Turc à être drafté et Türkoğlu, être un partenaire fiable en NBA avec Sacramento et Orlando, Okur est champion NBA. Belle mise en avant sur le CV et un moment de joie et de passion qui récompense son travail de l’ombre. Mais, après les festivités, place à la réalité et une décision s’impose à lui pour la suite de sa carrière. Quitter Detroit ou aller voir ailleurs ? La question ne se pose pas trop longtemps finalement en raison de la limitation salariale des Pistons qui devaient faire de la place pour Rasheed Wallace. Dans ces conditions, le départ est inéluctable pour le Turc.

Dès lors, au sein d’une équipe des Pistons qui a brillamment remporté le titre, Mehmet Okur sent qu’il n’aura pas toute la latitude qu’il souhaite pour se développer. Alors, à 25 ans, décision est prise de partir voir si l’herbe est plus verte ailleurs. Direction justement la verdure à Utah, avec ses montagnes, ses vallées, ses rivières et surtout son équipe de basket, le Jazz. Dans une franchise qui aime faire réciter de belles partitions, Okur intègre sa nouvelle équipe lors d’une saison 2004-2005 où cohabite de nombreux joueurs européens. D’autant que sa relation avec Jerry Sloan y est pour beaucoup.

Comme les Spurs, le Jazz aiment faire place à des joueurs étrangers et le Turc se retrouve avec le Russe Andrei Kirilenko aka « AK47 ». L’Espagnol Raul López et le Croate Gordan Giriček sont présents ainsi que le meneur Portoricain Carlos Arroyo et une vieille connaissance d’Okur, Ben Handlogten. Côté Américain, Raja Bell et Carlos Boozer amènent de l’impact à un ensemble équilibré mais pas taillé pour jouer les premiers rôles. Dans ces conditions, Okur élève son niveau de jeu et se retrouve au centre de la décision. Ses stats en témoignent, lui qui participe à 82 rencontres avec 13 points, 7,5 rebonds et 2 passes. Mais les Jazz ne parviennent pas à se qualifier en playoffs et perdent 56 rencontres de saison régulière. La saison 2005-2006 voit l’arrivée du meuneur US rookie Deron Williams et les Jazz du quatuor Boozer-Kirilenko-Okur-Giriček termine neuvièmes en saison régulière avec un bilan plus équilibré (41 victoires et 41 défaites). Il y a du mieux clairement avec un effectif moins pléthorique et le Turc élève son niveau de points avec 18 inscrits en moyenne.

Le travail de fond entrepris par Jerry Sloan commence à payer lors de la saison 2006/2007 avec l’arrivée du gaucher expérimenté et ancien des Lakers, Derek Fisher. Un apport qui permet aux Jazz de terminer à la quatrième place en saison régulière derrière les Mavs, les Suns et les Spurs avec 51 victoires. Sur un plan comptable, c’est 25 de plus qu’il y a deux saisons. Okur est dans les mêmes stats de points, près de 18 inscrits pour 7 rebonds et 2 passes. Encore mieux, Utah passe deux tours en éliminant les Rockets (4-3 avec 11 points, 8 rebonds et 2,4 passes pour le Turc) puis les Warriors en demi (4-1 avec 17,4, 10,4 et 1,4) avant de tomber en finale de conférence face aux Spurs de Tony Parker (4-1 avec 7,2, 4,6 et 1,2 seulement pour « Memo »). Pour Okur, revenir en playoffs est devenu un objectif qu’il va se charger de confirmer lors des saisons suivantes.

Saison 2007-2008, Utah gagne 54 rencontres pour 14,5 points et 7,7 rebonds pour le Turc avant d’aller affronter et éliminer les Rockets de nouveau (4-2 pour 13,2 points, 12,7 et 1,7 passes). La suite est moins rose avec une élimination face aux Lakers au second tour, 4-2 (17,7-10,8-2,2). La saison 2008-2009 est à peu près du même acabit avec toujours un apport de 17 points en moyenne pour Okur dont la franchise est éliminée de nouveau par les Lakers de Kobe et Shaq mais avec seulement deux parties disputées par le Turc en raison d’une blessure. La saison 2009-2010 permet à Okur et aux Jazz d’être qualifiés pour la post-season mais le natif de Yalova ne participe qu’à une rencontre de playoffs et Denver élimine les représentants de l’Utah.

RETOUR EN TURQUIE, BLESSURES ET PASSEUR POUR SES COMPATRIOTES

La saison 2010/2011 est le point d’achoppement de cette belle collaboration puisque Mehmet Okur ne participe qu’à 13 rencontres en raison d’une grave blessure au tendon d’Achille. D’autant qu’une défiance s’installe entre Jerry Sloan et ses joueurs et le coach quitte son poste après 23 ans de présence sur le banc de la franchise, remplacé par son adjoint, Tyrone Corbin. Un chemin de croix qui verra le pivot turc quitter l’Utah à la fin de saison. Avec le « lock-out » NBA, Okur revient au pays, à Ankara au sein du Türk Telekom pour disputer sept rencontres (13 points tout de même et 8 rebonds de moyenne).

Par la suite, retour aux États-Unis chez les Nets mais le cœur et le corps n’y sont plus. Okur ne dispute que 17 rencontres pour 7 points de moyenne inscrits au sein d’un effectif long comme le bras malgré la présence de Brook Lopez, Johan Petro ou encore Deron Williams. Il signe donc la fin de sa carrière en 2012, à l’âge de 33 ans, jeune mais le corps usé. Depuis lors, le Turc vit toujours aux États-Unis avec sa femme et ses trois enfants dont il suit l’évolution au niveau scolaire et universitaire. Côté professionnel, il effectue quelques piges avec du travail spécifique sur les « skills » notamment aux Suns ou en sélection nationale. Avec le rêve de devenir un jour coach comme il l’avait indiqué il y a quelques années.

En attendant, au total, Okur a disputé 634 rencontres NBA en une petite dizaine d’année pour 13,5 points de moyenne, 7 rebonds et 1,7 passes. Capable également de scorer dans les moments chauds, il a participé à certains « highlights » qui en ont fait un joueur renommé dans les résumés du lendemain de match. Un autre moment de gloire en mondovision intervient lors du « All-Star Game » 2007 qui se déroule à Las Vegas. Une partie de rigolade qui se fait pâmer la « Toile » et qui a énormément eu d’impact à l’époque. Dans un contexte où chaque joueur essaye de tirer la couverture à soi parmi cette pluie d’étoiles, Okur se retrouve  lors du 4ème quart-temps face à Shaquille O’Neal. Jusqu’ici, rien d’anormal, les deux hommes boxant à peu près dans la même catégorie physique. Sauf que non… si le duel Okur vs Shaq au poste de pivot est normal, voir Shaq vs Okur, à un poste de meneur improbable, beaucoup moins. Mais le « buzz », lui, est garanti. Le pivot des Lakers commence à ramener la balle comme un meneur tandis que son vis-à-vis turc essaye de l’empêcher de tirer. Au final, Okur démontre que même à un poste qui n’est pas naturel, il sait défendre puisque Shaq ne marque pas, ce qui participe encore davantage à sa légende notamment en Turquie.

Entre son pays natal et la NBA, Mehmet Okur a également été un pilier de la sélection turque notamment celle qui a fini deuxième lors du championnat d’Europe disputé à domicile et perdue face à la Serbie-Montenegro de Predrag Stojaković en 2001. Pas le pivot titulaire puisque le totemique Hüseyin Beşok était présent mais une médaille d’argent à rajouter au bronze glané avec les -20 ans turcs en Italie en 1998. Au sein de cette équipe de jeunes, quelques-uns de ses futurs partenaires avec notamment Serkan Erdoğan, Kerem Tunçeri, Hedo Türkoğlu, Ömer Onan. La fameuse génération de 1978/1979 qui portera la sélection turque durant près de 15 ans par la suite.

Au niveau sélection, petit bémol toutefois car d’après la légende locale, Okur était quelque peu mis de côté, Türkoğlu vampirisant les responsabilités au sein du « Milli Takım». Qu’à cela ne tienne, Mehmet Okur reste donc à ce jour, le seul vainqueur NBA venant de Turquie. Mais il a surtout ouvert la voie à d’autres joueurs dont l’un actuellement semble suivre sa trace avec assiduité et sérieux. Alperen Şengün, est même en voie de le surpasser mais cela ne trouble pas outre mesure le placide Okur.

Prodiguant conseils et voulant transmettre, il reste disponible pour ses jeunes compatriotes, notamment à Bursa, afin de leur donner les clés pour évoluer et les faire progresser. Tel un passeur, lui le pivot, il figure comme un élément central de la construction du basket turc de la fin des années 90 à aujourd’hui. A l’instar du majestueux phénix qui, malgré les conflits de personne, reste au-dessus de la mêlée. Mehmet Okur, sans chichi mais avec sa redoutable précision malgré la pression, est bien devenu une figure historique du basket turc.

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Fan de basket européen, d'Anadolu Efes, de Fenerbahçe du KK Partizan Belgrade et du CSKA Moscou, je voue un culte à l'immense Željko Obradović ainsi qu'à Petar Naumoski, grâce à qui j'ai appris à aimer la balle orange. Passionné également d'histoire, j'essaye de transmettre ma passion à travers Basket Retro.

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