Ann Wauters : la reine du basket européen qui a ouvert la voie outre-Atlantique
Portrait
En 2025, une vingtaine d’européennes dont 4 Belges foulent les parquets américains de WNBA et certaines privilégient leur adaptation à la ligue américaine à l’appel de leur sélection. Ce n’était pas autant le cas à l’aube des années 2000. Parmi celles qui ont ouvert la voie vers l’outre-Atlantique figure une des meilleures joueuses de l’histoire de la scène européenne : la pivot belge Ann Wauters. Son palmarès constitué en EuroLeague et dans les meilleurs championnats tout au long de 20 années de carrière parle pour elle.
LA FILLE DE SINT-NIKLAAS
Ann Wauters voit le jour à Sint-Niklaas, une ville néerlandophone de Belgique, en Flandre-Orientale. Enfant très active, elle découvre le basket à 12 ans au sein du Hermes Sint-Niklaas alors qu’elle n’était entrée dans la salle que pour accompagner une amie. D’abord attirée par la capacité du sport à rassembler les personnes, elle se laisse petit à petit conquérir par l’aspect compétitif, si bien qu’à seulement 15 ans elle joue déjà en première division belge dans les rangs des Osiris Aalst. Il faut dire qu’elle atteint rapidement le mètre 93, véritable atout pour son poste de pivot. Ainsi, bien que très jeune, elle s’ouvre les portes des meilleures ligues européennes, ce qui la conduit à prendre la route pour la France dès sa majorité atteinte.
USVO : D’ESPOIR A LÉGENDE

Elle pose alors ses bagages à Valenciennes en 1998, après avoir été repérée par Marc Silvert, l’historique entraîneur de l’Union Sportive Valencienne Olympic (USVO). Le nord de la France ne la dépayse pas tant, sa ville d’adoption ayant été construite à courte distance de la frontière belge. La jeune Ann Wauters se fond rapidement dans le collectif valenciennois, qui l’accueille à bras ouvert. Elle dit aujourd’hui qu’à Valenciennes, « c’était comme jouer au basket avec des amies ». Et parmi ses nouvelles amies, Ann va également trouvée une mentor en la personne d’Isabelle Fijalkowski, légende des Bleues et première française à avoir évolué en WNBA, la ligue féminine américaine, qui arrive à Valenciennes à l’intersaison en 2000. A l’approche du nouveau millénaire, Ann Wauters découvre le très haut niveau, avec une finale perdue face à Bourges à la belle en 1999, et à nouveau face à ce même adversaire l’année suivante. Elle prend également ses marques sur la scène européenne, l’USVO traçant sa route jusqu’en finale de l’EuroLeague 2000. Ann Wauters est même récompensée du titre de MVP du Final Four, symbole de son explosion précoce.
Les supporters de Valenciennes ne sont pas les seuls à se féliciter des performances exceptionnelles de leur pivot. Les suiveurs américains ne restent pas de marbre, et placent Wauters parmi les plus grands espoirs du basket mondial.
PREMIER CHOIX DE LA DRAFT 2000
Ann Wauters souhaite à tout prix pouvoir continuer à jouer en Europe et à se développer au sein de la famille USVO. Cela ne l’empêche pas de s’inscrire à la draft 2000 de la WNBA, la saison américaine se jouant au moment de l’intersaison en Europe, ce qui rend compatibles toutes ses aspirations.
Les Rockers de Cleveland sélectionnent sans hésiter Ann Wauters à la première place de la draft. Cela fait d’elle la deuxième, et dernière européenne premier choix de draft WNBA, deux ans après Malgorzata Dydek. La Polonaise, à l’instar de Wauters, est une pivot passée par l’USVO, entre 1994 et 1996. Des points communs qui amènent la Belge à marcher sur ses traces. Ann Wauters devient ainsi, à 19 ans, la plus jeune joueuse de la ligue, et la première belge à fouler un parquet américain.
Cleveland avait terminé la campagne précédente avec seulement 20% de victoires. Un bilan qui va être drastiquement différent en 2000, les Rockers finissant deuxième de leur conférence en atteignant mêmes les finales de conférence avant de s’incliner 2-1 face à New York. Lors de cette première expérience américaine, Ann Wauters joue peu, devant se contenter de quelques minutes en sortie de banc. Les deux saisons suivantes vont être beaucoup plus complètes pour Ann, qui prouve sa parfaite acclimatation à l’aspect physique du jeu américain.

MVP EUROPEENNE ET PAUSE WNBA
Sa progression constante est néanmoins arrêtée délibérément en 2003, Ann souhaite prendre une pause pour la première fois de sa jeune carrière professionnelle, trois ans après son arrivée à Cleveland. En effet, depuis sa draft, elle n’a fait qu’enchaîner saison pleine européenne puis WNBA durant l’été, avant de reprendre le championnat de France sitôt la parenthèse américaine terminée. Un rythme éreintant pour une joueuse de 22 ans. Tout en sachant que son USVO va au bout de toutes les compétitions qu’elle joue. Ann a grandement contribué aux trois titres de championnes de France consécutifs des Valenciennoises, et au sacre en EuroLeague en 2002. Cette réussite vient consacrer le collectif de l’USVO, mais surtout met en exergue les performances d’Ann Wauters. Absolument intouchable dans la raquette, elle figure déjà parmi les meilleures joueuses du continent, comme le démontrent ses trois titres consécutifs de MVP du Final Four de l’EuroLeague en 2001, 2002 et 2003. Un enchaînement de reconnaissances jamais observé jusqu’alors. Aucun club français, russe ou polonais ne semble lui résister.
Ce premier été off de sa carrière lui permet de recharger ses batteries, avant de remporter à nouveau le championnat de France et l’EuroLeague, avec à la clé un nouveau titre de MVP des finales. Confiante et reposée, la Valenciennoise d’adoption décide qu’il est temps de retenter sa chance outre-Atlantique.
DE NEW YORK A SAN ANTONIO : S’IMPOSER COMME UNE STAR A L’AMERICAINE
Mais ce retour en grande pompe de la meilleure joueuse européenne ne se fera pas à Cleveland. En effet, les Rockers viennent de disparaître à la suite de soucis financiers, donnant lieu à une draft de dispersion pour que les joueuses de la franchise trouvent une nouvelle équipe. Ann Wauters est alors choisie en quatrième position par les New York Liberty. Dès son arrivée sur le sol de la Big Apple, Ann Wauters donne le ton en interview : « Ma saison rookie dans la WNBA a été une année de transition difficile pour moi en raison du côté physique de la ligue. Mais maintenant, avec plus de matchs derrière moi, je pense que la transition se fera très bien. Bien sûr, je vais devoir apprendre de nouveaux systèmes avec le Liberty et rencontrer mes coéquipières mais je pense que je m’adapte bien aux nouvelles situations et que tout ira très bien. ». Malheureusement pour elle, sa première saison sur la côte Est est marquée par une fracture du pied droit. Qui ne fut qu’une petite embûche sur son parcours. Plus motivée que jamais, Ann entame la saison 2005 de manière tonitruante en doublant tout simplement sa moyenne de points et de rebond, affichant près de 14 points et 7 rebonds chaque soir.
Entre temps, Ann Wauters a quitté l’USVO pour tenter un nouveau challenge en Russie, qui fait figure de meilleur championnat du monde. Avec le CSKA Samara, elle remporte l’EuroLeague 2005.
Les saisons suivantes sont synonymes de changement : en Europe, rejoignant le CSKA Moscou après deux ans passés à Samara, et aux Etats-Unis. Après une nouvelle pause, cette fois de deux ans, Ann Wauters est de nouveau de retour en WNBA, au sein de sa troisième franchise en carrière. Elle rejoint le Silver Stars de San Antonio en 2008, pour faire partie d’un effectif taillé pour gravir des montagnes aux côtés de la française Edwige Lawson-Wade et de Becky Hammon, sa coéquipière à Moscou. Wauters réalise alors statistiquement sa meilleure saison en carrière WNBA : 14,7 points et 7,5 rebonds de moyenne par match au compteur. Les Silver Stars, portées par leur pivot au sommet de son art, atteignent la finale WNBA. San Antonio affronte le Shock de Detroit, emmené par son arrière Katie Smith. La triple médaillée d’or olympique va offrir un véritable récital lors des trois matchs de la finale 2008, dont elle finira MVP. Malgré une performance XXL de Becky Hammon au match 2 et d’Ann Wauters au match 3, les Silver Stars sont dominées et échouent sur la dernière marche, non sans avoir bataillé. La saison suivante est moins réussie pour San Antonio, qu’Ann Wauters quitte pour se recentrer sur sa famille et sa carrière européenne après être passé si proche du titre suprême. En juin 2011, elle donne naissance à son fils, tandis que sa compagne accouche de leur fille la même année.
TOUJOURS PLUS DANS LA LÉGENDE EN EUROPE ET LE GRAAL ENFIN ATTEINT
Après deux saisons à Iekaterinbourg, le mastodonte russe où elle retrouve sa prédécesseuse en WNBA Malgorzata Dydek, Ann Wauters découvre un nouveau championnat en 2011-2012 avec Valence, en Espagne. C’est au sein de cette équipe qu’Ann remporte sa quatrième EuroLeague, à Istanbul. Meilleure marqueuse et rebondeuse de son équipe tout au long de la saison, son alchimie avec ses coéquipières parmi lesquelles Isabelle Yacoubou, Sancho Lyttle et la meneuse Laia Paula. A nouveau, ce sont ses performances exceptionnelles, preuve d’une domination rarement vue en Europe, qui lui ouvrent à nouveau les portes de la ligue la plus exposée médiatiquement, en 2012. Son retour en WNBA s’effectue avec le Storm de Seattle. Elle arrive pour gonfler un effectif déjà fort de Sue Bird, Lauren Jackson et de son bourreau de 2008, Katie Smith. Autrice de 9 points de moyenne et près de 6 rebonds, son histoire à Seattle s’arrête pourtant au bout d’une seule saison, après une défaite en demi-finale de conférence d’un seul point dans le match décisif contre Minnesota. Cruelle désillusion sur la scène américaine, encore une fois.
Retour en Europe donc, pour un enchaînement de clubs et de championnats étrangers. Turquie à Galatasaray, retour en France à Villeneuve-d’Ascq (l’USVO ayant disparu en 2008), retour chez elle en Belgique avec les Castors de Braine… A 35 ans, les sommets de sa carrière semblent derrière elle. Mais Ann ne souhaite pas s’arrêter et son expérience peut toujours être profitable. C’est à cette conclusion qu’arrivent les dirigeants du Sparks de Los Angeles, qui font appel à la pivot belge pour effectuer une pige en 2016.
A nouveau, elle rejoint un effectif d’exception, où figurent deux autres numéros 1 de draft : Candace Parker en 2008, double MVP, et Nneka Ogwumike en 2012. Ajoutées à elles, la tricolore Sandrine Gruda ou encore Chelsea Gray. Une équipe plus que prétendante au titre. Ann Wauters le sait, le temps ne va pas lui laisser d’autres occasions d’ajouter une bague à son palmarès presque parfait. Si elle joue peu, elle pèse de toute son expérience dans le vestiaire. Après une saison magnifique réalisée par le Sparks, Wauters et ses coéquipières terminent deuxième de leur conférence, avec 76% de victoire. Le Sky ne fait pas le poids en finale de conférence et voilà Los Angeles en finale WNBA, la deuxième pour Wauters. La confrontation face au Lynx de Minnesota rentre dans l’histoire. Los Angeles prend l’avantage par deux fois, mais le Lynx recolle systématiquement. S’ouvre alors un match 5 d’anthologie au Target Center de Minneapolis. Los Angeles est derrière au tableau d’affichage à quelques secondes de la fin du match. Chelsea Gray rate son shoot dont le rebond offensif est pris par Nneka Ogwumike qui ajuste à trois points à trois secondes du terme. 77-76 pour Ann Wauters et les siennes, qui empêchent le Lynx de bien négocier la dernière possession. Le Sparks célèbre alors sa troisième bague. Wauters, en larmes, remporte enfin son premier et seul titre. Après une carrière américaine de précurseur pour les Européennes qui vont suivre ses traces même si elle fut en pointillé, Wauters est championne WNBA.

UNE DERNIERE MISSION AVANT LA RETRAITE AVEC LES BELGIAN CATS
Si nous n’avons pas abordé la sélection nationale belge jusqu’ici, c’est pour une bonne raison : Ann Wauters a longtemps mis sa carrière internationale de côté pour mener à bien ses carrières européennes et américaines. Mais Ann croit en cette nouvelle génération belge, qu’elle a pu côtoyer lors de sa saison en Belgique, mais aussi en ayant été coach adjointe auprès des espoirs féminines Belges à l’occasion du mondial U19. Elle découvre alors de jeunes joueuses très prometteuses, à l’instar de Julie Allemand ou d’Elise Ramette, pour qui elle veut devenir un mentor. Des joueuses qu’elle va par la suite retrouver avec les Belgian Cats, pour réussir les premières épopées de l’histoire belge : les championnats d’Europe 2017 en sont la première pierre. Premières d’un groupe dans lequel figure la Russie notamment, les Belges s’ouvrent les portes d’un quart de finale plutôt abordable. Les Belgian Cats s’imposent 79-66 face à l’Italie, et s’offrent alors le droit de rêver. Mais contre l’Espagne, peu d’espoirs sont permis, et Ann Wauters n’y peut rien. Reste un dernier match à jouer, pour la troisième place et une première médaille internationale, face à une surprenante équipe de Grèce. Trop fortes, les Belges s’imposent 78 à 45, offrant ainsi à Ann Wauters la joie d’un premier succès d’envergure avec le maillot de sa sélection sur le dos.

Les émotions ont été si fortes qu’Ann Wauters va décider de prolonger au maximum sa carrière pour vivre, à 41 ans à Tokyo, les premiers jeux olympiques de sa sélection nationale. Si, à cause de son genou qui l’embête depuis quelques temps, elle ne joue qu’un petit bout de match pour deux points marqués, la légende absolue des Belgian Cats tire sa révérence sur une compétition qui marque l’avènement de la Belgique au premier plan du basket mondial.
En près de 23 années au plus haut niveau, Ann Wauters a écrit les lignes de l’un des plus beaux palmarès du basket mondial. 10 championnats remportés dans 3 pays différents, de nombreuses coupes domestiques glanées, quatre EuroLeague remportées avec autant de récompenses de MVP du Final Four, en plus d’une bague WNBA et d’une médaille de bronze à l’Euro 2017 et une participation aux JO de Tokyo. Elle a marqué de son empreinte les clubs par lesquels elle est passée, jusqu’à figurer dans le 5 des 20 ans de la LFB. Elle aura ouvert la voie aux Européennes en WNBA, et notamment aux joueuses Belges. Dans son sillage, les Belgian Cats ont remporté coups sur coups les Euros 2023 et 2025, chose impensable avant le début de sa carrière. Emma Meesseman, Julie Allemand et Julie Vanloo ont, entre autres, évoluées ou évoluent encore aux côtés des meilleures joueuses du monde. Par ses performances et sa soif de victoire, Ann Wauters s’est offert le droit d’être considérée comme la plus grande joueuse belge de l’histoire et l’un des plus grandes de son continent.



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