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Eddy Terrace, recordman méconnu

Portrait

Montage Une : Laurent Rullier pour Basket Retro

Du peu que l’on sait à son sujet, Eddy Terrace est né dans le courant de l’année 1935 dans la ville de Molenbeek, dans la banlieue de Bruxelles. Passionné dès son plus jeune âge par la balle orange, il passe souvent ses journées à jouer sur un terrain situé dans le quartier du Heysel, où il se bâtit une petite réputation. Alors qu’il n’est encore qu’adolescent, il tape dans l’œil de Gustave Poppe, ancien international belge et membre de l’équipe olympique de 1948, qui s’empresse de lui faire intégrer un club. Au début des années cinquante, il rejoint l’Union Saint-Gilloise, où son niveau impressionne. D’une grande précocité, il fait ses débuts avec l’équipe première en 1952, a seulement dix-sept ans. Du haut de son mètre soixante-dix neuf, Eddy Terrace s’affirme progressivement comme un cadre du club, qui bataille alors pour se maintenir en Division d’Excellence (la première division belge).

Eddy Terrace (numéro 4) photographié au cours d’un match d’exhibition

Les conditions dans lesquelles le club évolue demeurent précaires, le championnat étant à l’époque amateur, la plupart des joueurs exercent un métier en parallèle. Cela n’empêche pas Terrace de se faire petit à petit un nom sur la scène nationale, au point d’attirer le regard de Eddy Verswijvel, le sélectionneur de la Belgique. Après avoir échoué à se qualifier pour l’Eurobasket en 1955, les lionceaux ont à cœur de se rattraper lors de l’édition suivante à Sofia deux ans plus tard. Problème, de nombreux joueurs ne parviennent à se libérer pour l’occasion, peu d’entreprises acceptant de laisser partir leurs employés pour plus d’un mois à l’autre bout de l’Europe. La Belgique devra donc composer avec une équipe B pour l’occasion. A quelques semaines de l’échéance, la liste des douze joueurs retenus est dévoilée. Jusqu’ici jamais appelé, Eddy Terrace y figure pour la première fois, ne se doutant pas le moindre instant que cette compétition allait lui permettre de rentrer dans l’histoire.

Pour cette dixième édition des championnats d’Europe, la Belgique fait plutôt office de “petit poucet” du tournoi. Face aux géants des sélections du bloc de l’Est, les Belgian Lions apparaissent bien amoindri avec l’absence de ses cadres et aucun joueur de plus de deux mètres dans ses rangs. Au tirage au sort, les hommes de Eddy Verswijvel héritent d’un groupe délicat composé de la Hongrie, la Roumanie et la Finlande. Détail notable au niveau de l’organisation, cet Eurobasket sera l’avant-dernier à se jouer en plein air, dans le stade national Vasil Levski de Sofia. 

Pour Eddy Terrace et ses coéquipiers,  l’entrée en matière sera des plus frustrante, avec une défaite de seulement deux petits points contre la Finlande (74-76). Pour sa première sélection, le joueur de l’Union Saint-Gilloise sera passé à côté de son sujet, avec seulement six points inscrits. Déjà maigres, les chances de qualification belge seront anéanties dès le match suivant face à la Roumanie, qui se solde par un nouveau revers malgré une belle résistance (45-57) et les onze points de Terrace. Les lions terminerons enfin par le plus coriace avec un face-à-face sans enjeu contre la Hongrie, championne d’Europe en titre. Sans surprise, la rencontre tournera à la démonstration, avec un score de 84 à 50 en faveur des hongrois. Si l’Eurobasket s’était arrêté là, la participation des Belges et de Eddy Terrace aurait été pour le moins anecdotique. Mais c’était sans compter sur les matchs de classement, qui offraient ainsi une occasion à la Belgique de sauver l’honneur.

Cliché pris au cours d’une rencontre des « Belgians Lions » pendant leur séjour à Sofia

Cette deuxième phase de la compétition va pourtant bien mal commencer avec une nouvelle gifle, cette fois-ci infligée par l’Italie (91-50). A nouveau discret avec ses dix points, Eddy Terrace va alors entamer une folle série au scoring lors des matchs suivants : vingt-neuf points contre la Turquie (défaite 70-83), vingt-cinq points contre l’Autriche (victoire 70-58), vingt-quatre points contre la Finlande (défaite 84-67), et surtout quarante points contre l’Ecosse, dans un succès 76-51 ! Avec ce total, Eddy Terrace marquait déjà les esprits en signant la deuxième meilleure performance au scoring de l’Eurobasket. Le record appartenait alors au Yougoslave Ladislav Demšar, avec 42 unités inscrites sur un match lors de l’édition 1947. 

Mais le meilleur restait encore à venir pour l’ailier Saint-Gillois. Après une sortie à douze points dans une victoire contre l’Allemagne de l’Ouest (50-46), il ne restait plus qu’un match à jouer pour Terrace et ses coéquipiers. Une rencontre face à l’unique sélection n’ayant encore remporté aucun match dans le tournoi, l’Albanie. Les consignes du coach sont simples pour ce dernier rendez-vous : arroser de ballons leur ailier, Terrace à carte blanche.  Sans surprise, la Belgique va complètement dominer les débats, s’adjugeant sa plus large victoire de l’Eurobasket sur le score de 90-48. Mais lorsqu’on jette un oeil sur la feuille de stats de la rencontre, on constate avec effarrement la performance folle de Eddy Terrace : 63 points marqués ! Le record de points est pulvérisé par cet exploit, dont il ne demeure aucune trace aujourd’hui. En dehors de la feuille remplie par la table de marque, il n’existe pas d’image de la rencontre en question. Seul détail connu, Terrace avait tiré à neuf sur douze aux lancers francs ce jour-là. 

Meilleur marqueur de l’Eurobasket 1957 avec 24,4 points de moyenne, Eddy Terrace ne jouera pourtant plus jamais avec  la sélection belge, dont il aura porté le maillot à seulement neuf reprises. Ses performances ne sont néanmoins pas passées inaperçues. Quelques mois après la compétition, il sera ainsi contacté par Robert Busnel, ex-joueur et ex-entraîneur de l’équipe de France, et alors directeur technique national du basket français. Ce dernier lui proposa un contrat pour jouer en Nationale, la première division française, ainsi qu’une naturalisation pour intégrer l’équipe de France. Une offre fort généreuse qui aurait pu faire de lui l’un des premiers basketteurs professionnels belge, mais qu’il refusa. Terrace reste fidèle à l’Union Saint-Gilloise, dans les bons moments comme dans les mauvais. En 1960, alors qu’il termine meilleur marqueur du championnat avec près de vingt-huit points de moyenne, l’USG est relégué en Division Honneur, le second échelon du basket belge. Après un retour dans l’élite en 1963, Eddy Terrace se retire des parquets l’année suivante, à vingt-neuf ans. 

Soixante-huit ans après, son record au scoring à l’Eurobasket tient toujours, malgré les nombreux grands noms ayant pris part aux éditions successives, une organisation des matchs désormais en intérieur et l’ajout de la ligne des trois points. Si l’on prend également en compte son match à quarante unités contre l’Ecosse, il demeure avec Nikos Galis le seul joueur à avoir atteint ou dépassé la barre des quarante points sur une rencontre à plusieurs reprises dans un même Eurobasket. La légende de la sélection hellène établira cette performance lors de l’édition 1987, en demeurant néanmoins à chaque fois loin du record de Terrace. De quoi laisser songeur sur la faisabilité aujourd’hui d’une performance semblable. 

Eddy Terrace (à gauche) lors de l’hommage rendu par l’Excelsior de Bruxelles (crédit : sudinfo)

Après son départ de l’Union Saint-Gilloise, Eddy Terrace ne restera pas bien longtemps loin des parquets. Dans les mois qui suivent, il devient entraîneur-joueur au sein du club amateur de Fontaine-l’Evêque. Figure respectée en Belgique, il avait notamment été honoré par l’Excelsior de Bruxelles pour l’ensemble de sa carrière en 2013, quelques jours avant son décès soudain, à soixante-dix huit ans. Malgré un destin et une carrière méconnue, Terrace aura marqué l’histoire du basket belge et européen par ses performances au scoring exceptionnelles, lui permettant d’inscrire à jamais son nom dans le livre des records de l’Eurobasket. 

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