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Zarko Paspalj, un gaucher si atypique

Portrait

Montage Une : Laurent Rullier pour Basket retro

La saison d’Euroleague 2024-2025 est arrivé à son terme le dimanche 25 mai avec un Final-Four qui s’est déroulé pour la première fois hors d’Europe, à Dubaï. Guidés entre autres par ses deux gauchers, Devon Hall (13 points, 3 rebonds et 2 passes) et Marko Gudurić (19 points et 6 rebonds), le club turc de Fenerbahçe s’est adjugé le titre suprême devant Monaco (81-70). Avant cela, les récompenses sont tombées le mois dernier avec le « cinq majeur » de la compétition dévoilé. Et c’est peu dire que cette saison, une curiosité s’est glissée parmi les cinq lauréats puisque trois gauchers figurent au palmarès. Le Parisien supersonique T.J. Shorts, le meneur du « Pana » Kendrick Nunn déjà récompensé la saison précédente ainsi que l’homme aux trois nationalités (Bulgare, Grec et Chypriote), Sasha Vezenkov de l’Olympiacos. Ce dernier revient dans le « 5 » un an après son retour des États-Unis après une expérience mitigée aux Kings. Trois gauchers ensemble donc, c’est une rareté mais dans une saison où bon nombres d’entre eux se sont mis en valeur, les Nadir Hifi, Tyson Ward, Kostas Sloukas, ou Elie Okobo ont assuré. Pourtant, dans l’histoire de la compétition européenne, il existe également une figure que les moins de 20 ans ne connaissent sans doute pas à sa juste valeur. Un homme dont le destin a épousé l’histoire de son pays et dont le parcours respire le basket d’antan. Žarko Paspalj est à lui seul un carrefour tant la dimension de son jeu a fait de lui un précurseur et permis à ses coéquipiers de briller. Pour autant, si l’on demande à n’importe quel passionné de citer les joueurs marquants de cette Yougoslavie à l’époque unie, les premiers noms qui reviennent sont sans doute les mêmes : Dražen Petrović, Vlade Divac, Toni Kukoč, Dino Radja ou bien Predrag Danilović et Sasha Djordjević. Du clinquant, du marqueur frénétique, de la technique, du muscle et de la grande gueule, voilà un bon condensé du basket yougoslave des années 80. Mais, pour alimenter de tels personnages, il faut également des joueurs de devoirs, capables de se sacrifier pour le collectif.

Des personnalités pouvant s’intégrer aisément au milieu de ces joueurs hors-norme pour mettre de l’huile dans les rouages. Paspalj fait donc partie de cette seconde catégorie faisant le bonheur des entraîneurs, lui le gaucher né, dans ce que l’on nomme aujourd’hui le Monténégro, en 1966. Plus précisément dans la ville de Pljevlja, localité située au nord du pays et à une petite encablure de la Serbie actuelle sur sa façade ouest. Une ville connue pour être également celle de naissance d’un certain Bogdan Tanjević, coach à succès ainsi que la reine du « turbo-folk », Sanja Đorđević. Cette musique typiquement balkanique mélange de plusieurs variétés et assez populaire dans tous les pays d’ex-Yougoslavie. On ne sait pas si le jeune Paspalj a été influencé par cette rythmique musicale mais, comme pour tous les jeunes de son époque, il est baigné dans le sport dès son plus jeune âge puisque la Yougoslavie menait une politique intensive à ce sujet. Arrivé avec sa famille à Titograd, ancienne appellation de la ville, en hommage au Maréchal Tito et aujourd’hui capitale du Monténégro connu sous le nom de Podgorica, Paspalj intègre un club sans prétention mais idéal pour former les jeunes aux dures lois du jeu. A seulement 16 ans, lors de la saison 1981/1982, son nom figure au sein de l’effectif professionnel. Durant deux ans, le jeune Žarko hume l’odeur du parquet au milieu de briscards à peine plus âgés que lui et apparaît dans l’effectif pro lors la saison 1982/1983 en tant que remplaçant.

A 18 ans, son numéro 14 sur le dos et avec 2m08 sous la toise, il côtoie dès sa première saison quelques personnalités du basket yougoslave de l’époque. Parmi eux, citons Sasa Radunović, puissant pivot qui fera carrière principalement en Espagne et prendra la nationalité de ce pays. Mais également l’arrière le plus francophone des Balkans, Nikola Antić, qui fera carrière en tant que joueur (AS Bondy 93) et coach en France (Charleville-Mézières, Châlons-Reims, Antibes ou Boulazac). Enfin, Duško Ivanović, légendaire entraîneur (à poigne) de Baskonia et qui évolue également cette saison-là avec son frère, Dragan, au sein de du club. Dès lors, cette première saison dans la très relevée « Première division fédérale de Yougoslavie » permet à Budućnost de terminer à une dixième place (sur 12), suffisante pour éviter la relégation.

Mais ce qui est frappant, c’est qu’à partir de l’arrivée effective dans l’équipe première du gaucher Žarko, Budućnost progresse chaque saison en championnat. 8ème lors de la saison 1983/1984 puis 7ème la saison suivante avant de terminer à une belle 3ème place lors de la saison 1985/1986, la dernière de Paspalj au club, avec un quart de finale perdu face au Jugoplastika. S’il est difficile de tirer un joueur du lot dans un sport collectif, force est de constater que le jeune Paspalj devient, à 20 ans, titulaire dans une équipe dont il est la principale force de frappe. Grand et technique il tire son épingle du jeu et tape dans l’œil du Partizan Belgrade, club de la capitale. Un départ qui fera tomber Budućnost, à la 9ème place du championnat la saison suivante, ce qui démontre toute l’importante prise par ce jeune joueur.

Belgrade, surnommée la « ville blanche », est une ferveur à elle seule pour ce qui tout concerne la balle orange. Une ville de passionnés capables de sublimer leur équipe mais également de l’inhiber tant la passion les enflamme. Cependant, pour le Partizan, le championnat yougoslave est aussi un chemin de croix face aux clubs croates qui se partagent les titres. Si le club de Belgrade a remporté trois titres de champion (en 1976, 1979 et 1981), la compétition est féroce face à l’autre équipe de la ville, l’Étoile Rouge et les équipes croates de Zagreb, Zadar et Split. Les dirigeants du club décident donc de miser sur une nouvelle politique de joueurs capables de rivaliser face à ces adversaires de haut vol. Dans ces conditions, la saison 1986/1987 voit débarquer Paspalj, à 20 ans, dans une équipe donc le coach est Vladislav Lučić. Ce dernier a 45 ans, et a la particularité d’être double champion de Yougoslavie (en 1984 et 1985) avec le Partizan, mais avec la section féminine. Assisté par Duško Vujošević, qui prendra les rênes du Partizan quatre fois, entre 1987 et 2015.

Gardant son numéro 14, le gaucher débarque en même temps qu’un certain Vlade Divac, 18 ans seulement mais a la barbe déjà fournie. Ivo Nakić (20 ans), double vainqueur de l’Euroleague avec le Cibona Zagreb et qui agrémentera son palmarès d’un troisième trophée en 1992 avec le Partizan fait également partie de la bande. Pour la petite anecdote, son fils Mario est actuellement basketteur et évolue au… Partizan. Tout ce beau monde retrouve dans l’équipe quelques futurs beaux noms du basket yougoslave. A savoir le meneur de 19 ans et avec des cheveux, Aleksandar Djordjević, le pivot Slaviša Koprivica (18 ans) et le meneur Vladimir Dragutinović (19 ans). Cette brochette de gamins est entourée par quelques « vieux » à peine plus âgés avec les pivots Goran Grbović (25 ans), Milenko Savović, décédé en 2021 et un certain Željko Obradović, 26 ans pour ces deux derniers. Une moyenne d’âge de 20 ans, des pépites en devenir et une équipe dont le caractère s’affirme. Le cocktail est idéal sur le papier mais a du mal à se mettre en route au début. Ce qui coûte fatalement son poste au coach principal, remplacé par son adjoint Vujošević. Dès lors, à partir de ce changement de perspective, le Partizan de Paspalj termine finalement à la deuxième place de la phase régulière, derrière le Cibona d’un certain Dražen Petrović, meilleur marqueur du championnat avec moyenne de points de 37 unités. A partir des quarts, le Zadar puis le Bosna sont défaits tour à tour et une victoire (2-0) face au rival de l’Étoile Rouge permet aux blancs et noirs d’être titrés pour la quatrième fois de leur histoire en finale des playoffs.

Pas mal pour une première saison et la suivante est sensiblement du même acabit, avec pratiquement les mêmes joueurs, excepté Koprivica parti à l’OKK Beograd, puisque le Partizan termine sa saison régulière à la troisième place derrière Jugoplastika (1 défaite) et le Cibona. En playoffs, l’Étoile Rouge se fait de nouveau éliminer deux manches à zéro et en demi, le Cibona subit le même sort (2-1). Malheureusement, en finale, le Jugoplastika est beaucoup trop fort et l’emporte deux victoires à une avec une pelletée d’internationaux dans ses rangs : Toni Kukoč, Dino Rada, Žan Tabak, Vladan Alanović, Velimir Perasović, Zoran Sretenović (mort en 2022), Duško Ivanović, le tout coaché par Božidar Maljković. Une équipe de Jugoplastika qui se prépare également à rafler trois Euroleague d’affilée entre 1989 et 1991, la dernière équipe en Europe à avoir fait le triplé dans la compétition. La Coupe d’Europe n’est pas en reste, lors de la saison 1987/1988, puisque dans la compétition majeure, ancêtre de l’Euroleague actuelle, les Yougoslaves terminent en tête de leur groupe devant l’Aris Salonique, le Tracer (aujourd’hui connu sous le nom d’Olimpia) Milano, du Maccabi Tel-Aviv et du FC Barcelone. Cependant, en demi-finale, le Partizan, malgré les 18 points de Paspalj se fait éliminer, 82-87, par le Maccabi du duo Kevin Magee (31 points) et Doron Jamchy. Qu’à cela ne tienne, les Yougoslaves se remobilisent pour la rencontre pour la 3ème place et battent l’Aris de Nikos Galis (39 points) et Panagiotis Giannakis (11) sur le score de 105-93 avec 21 points pour Paspalj. Le Partizan termine finalement troisième d’une compétition remportée par le Tracer Milano de Bob McAdoo, Riccardo Pittis, Mike D’Antoni et Dino Meneghin.

La saison 1988/1989 est la dernière de Paspalj sous les couleurs du Partizan. Toujours entouré de Divac, Nakić, Djordjević et Obradović et coaché par Vujosević, la jeune bande accueille deux petits nouveaux en son sein : Miroslav Pecarski, ailier-fort de 21 ans et un certain Predrag Danilović, 18 ans et dont c’est la première saison pro. Dès lors, la saison yougoslave est acharnée puisque si le Partizan est finit en tête, les six premiers terminent la saison régulière avec deux victoires de différences entre elles (16 pour le Partizan et 14 pour Bosna, l’Étoile Rouge et le Smelt Olimpjia). Dans ces conditions, avec des playoffs au format réduit, la finale Partizan-Jugoplastika se profile mais une nouvelle fois, les Belgradois s’inclinent, trois manches à une. Mais les coéquipiers de Paspalj trouvent un autre exutoire avec la Coupe Koraç. Une compétition qui voit quatre groupes de quatre équipes tenter d’arracher leurs qualifications pour les demi-finales. Pour le Partizan, la première partie est une formalité avec six victoires engrangées pour zéro défaite. La demi-finale voit donc Belgrade aux prises avec une vieille connaissance de son championnat, le Zadar. Après une double victoire 75–63 et 88–84, une finale à deux manches face aux Italiens de Cantù arrive à grands pas.

A l’époque, dans les années 80, les équipes italiennes étaient très difficiles à manœuvrer et Cantù ne déroge pas à la règle. Une équipe féroce et plusieurs fois titrée en Europe que ce soit en Euroleague, avec Koraç ou la Saporta. Entraîné par Carlo Recalcati, les Italiens ont dans leurs rangs le pivot US, Kent Benson passé par les Bucks, les Pistons, Utah Jazz et les Cavaliers et dont c’est la dernière saison en pro. Secondé par l’ailier-fort, drafté par les Nets en 1984, Jeff Turner et deux Italiens, légendes du club, Giuseppe Bosa et Antonello Riva, cette équipe a fière allure tout en étant dangereuse. Le Partizan n’en mène donc pas large et se fait secouer comme jamais à l’aller. Mais Belgrade réussit à limiter la casse en s’inclinant de moins de quinze points (89-76). Grâce à son quatuor magique avec Divac (28 points), Djordjević (22), Paspalj (11) et Danilović (10), auteurs des 71 des 76 points marqués par leur équipe. Dès lors, l’espoir est permis à la Hala Sportova de Belgrade pour le retour et le Partizan fait bien les choses, toujours avec ses quatre mousquetaires, dont 22 points pour le gaucher, au four et au moulin, en pliant Cantù 101-82 lors du match retour. Un Premier trophée européen pour Paspalj et un beau doublé puisque la Coupe de Yougoslavie tombe également dans l’escarcelle du club. Après trois ans à Belgrade, il obtient un bon de sortie en compagnie de son coéquipier Vlade Divac. Si partir en Europe pour un joueur yougoslave pouvait s’avérer compliquer, période communiste oblige, la destination de duettistes les emmènent de l’autre côté de l’Atlantique. En ligne de mire, les États-Unis et la NBA, avec les Spurs pour Paspalj et les Lakers pour Divac. Les deux anciens du Partizan se retrouvent donc au sein de la grande Ligue américaine pour leur première expérience à l’étranger.

Saison 1989/1990, Vlade Divac, à 21 ans, est propulsée en Californie au sein des Lakers de Pat Riley en compagnie de Magic Johnson, James Worthy, Byron Scott, qui finira sa carrière en 1997 au Panathinaïkós et du regretté Orlando Woolridge, décédé en 2012. Pour Žarko Paspalj, 23 ans, direction le Texas et San Antonio dans une équipe coachée Larry Brown avec comme adjoints les légendes des Spurs R.C. Buford et Gregg Popovich. Ce dernier est à l’origine de la venue du Monténégrin de naissance dans ce qui préfigure de l’internationalisation de San Antonio, dix ans avant les arrivées de Tony Parker, Manu Ginobili et consorts. En attendant cette période dorée, les Spurs comptent sur un autre rookie gaucher, en la personne de David Robinson, ainsi que sur le champion NBA 1983 avec les 76ers de Philadelphie, Maurice Cheeks. Les Texans comptent également dans leurs rangs, Caldwell Jones (décédé en 2014), un ailier-fort-pivot et pour ajouter une petite touche européenne, deux Allemands évoluant au poste de pivot. Uwe Blab, drafté par les Maves en 1985 et Chris Welp (mort en 2015), futur champion d’Europe avec son pays en 1993 à domicile. Cependant, préfigurant les difficultés pour les joueurs de sa trempe en NBA, Paspalj est en souffrance avec des statistiques faméliques durant cette saison. 28 rencontres disputées pour 2,6 points seulement et 0,4 passes. Une misère derrière un Robinson qui cartonne à 24 points de moyenne. Si sa franchise termine derrière les Lakers lors de la saison régulière et se fait éliminer par Portland en demi-finale de conférence ouest, Paspalj n’y est clairement pas. Cette saison est donc clairement à mettre aux oubliettes mais qu’à cela ne tienne, l’expérience est bonne à prendre pour le garçon. Dès lors, la saison 1990/1991 revoit le gaucher revenir au Partizan qui est tout heureux de récupérer, un an après, son ailier-fort. Un Partizan qui retrouve également son coach de la Koraç 1989, Dusko Vujosević de retour d’Andalousie, et qui compte toujours dans ses rangs Nakić, Djordjević, Danilović et Željko Obradović dont c’est la dernière saison en tant que joueur et qui reprendra les rênes du club en 1991. Petit nouveau de 18 ans, Nikola Lončar qui évoluera à Paris quelques années plus tard (1997/1998) et un autre Željko, Rebraca, futur pivot du « Pana », en Grèce.

Cette saison est une duplication des précédentes avec un Partizan qui termine derrière le Pop 84, le nouveau nom de l’ex-Jugoplastika. Avant de se faire laminer par ces derniers trois victoires à zéro en finale des playoffs. Ces derniers, sont également vainqueurs de l’Euroleague cette saison-là, à Bercy. La fin de la saison coïncide avec le début de la Guerre de Yougoslavie qui va durer dix ans et conduire la « République fédérative socialiste de Yougoslavie » inéluctablement vers sa fin. Comme tout homme, chacun est préoccupé par l’avenir de son pays et de sa famille mais restant professionnel, Paspalj décide de quitter le Partizan. Direction la Grèce au sein de l’Olympiacos où il évoluera durant trois saisons, d’abord chez les « Rouges ». Pour un total de cinq années, avec une saison au « Pana » et une dernière au Panionios.

Lors de sa première saison donc, en 1991/1992, « l’Oly », pourtant coaché par une légende locale, Giannis Ionnidis (décédé en 2023), 12 fois vainqueurs au total du championnat local et coach historique de Nikos Galis, se voit chiper le titre par le PAOK de Dušan Ivković. Avec Panayótis Fasoúlas futur taulier de l’Olympiacos et de la sélection grecque, Ken Barlow, pivot US et champion d’Europe 1987 avec Milano, l’arrière machine à scorer Serbo-Grec Branislav Prelevic et le meneur Gréco-Américain John Korfas, les noirs et blancs saisissent leur chance et sont champions de Grèce, le deuxième titre du club après 1959. Toutefois, la donne change dès la saison suivante puisque Paspalj et son escouade forment désormais une équipe plus solide et dominante. Avec l’apport de l’ailier-fort américain, drafté par Portland en 1986 et passé par les Spurs, Walter Berry, l’ailier US Sean Higgins, drafté lui par les Spurs en 1990, le gaucher (futur ex-Yougoslave) a davantage de munitions à sa disposition. Sans compter la présence d’un noyau serbo-croate, bien utile : Milan Tomić, Dragan Tarlać et Franko Nakić (ce dernier est Croate) et du jeune espoir grec, Giórgos Sigálas, l’équipe a fière allure. Le championnat grec tombe rapidement dans l’escarcelle du Pirée, pour ce qui est le début d’une hégémonie des « Rouges » allant de 1992 à 1997 sur le trophée !!

Effectivement, la saison suivante (1992/1993) Paspalj fait le « back-to-back » grec avec Fasoúlas et Roy Tarpley (décédé en 2015) comme nouveaux partenaires. La saison 1993/1994 est encore plus idyllique au niveau local avec un championnat obtenu en finale face au PAOK, une Coupe de Grèce glanée face à Iraklis, à domicile, au Pirée. Seule anicroche, la finale d’Euroleague perdue 59-57 face à la Joventut Badalona. Après avoir défait leur ennemi héréditaire du Panathinaïkós en demi, les Grecs pensaient certainement avoir fait le plus dur au niveau émotionnel. Maigre consolation cependant, Paspalj obtient le titre de MVP de la saison en Europe et rafle également tous les trophées de MVP sur la scène nationale grecque. Une année faste pour le Yougoslave malgré la tragédie que traverse son pays avec la guerre qui s’enlise. Toujours est-il que le changement, c’est maintenant et la saison 1994/1995 voit le numéro 8, désormais âgé de 28 ans, quitter le Pirée pour aller vers le… Panathinaïkós. Du vert au rouge, la différence est mince mais pouvait-on dire non au plus Grec des Américains (avec Telly Savalas de Kojak) ? Pour sa dernière saison, l’immense Nikos Galis, 37 ans, voit arriver un pourvoyeur de ballons pour une ultime mission. Dès lors se forme un quatuor, certes âgé, mais de folie avec le pivot Croate, Stojan Vranković (30 ans). Ce dernier, pour l’anecdote deviendra à Paris, en 1996, l’idole de tout le peuple vert en sprintant du haut de ses 2m17 pour contrer un joueur de Barcelone allant au panier, en finale d’Euroleague. En attendant, avec Panagiotis Giannakis (35 ans), le quatuor se forme pour tenter de donner une belle sortie à la légende grecque. Ajoutons enfin, une autre (future) légende, avec la présence dans l’effectif du futur capitaine du « Pana », période Euroleague glanés, Frangískos Alvértis, 20 ans.

Malheureusement, point de trophées puisque l’Olympiacos garde la main malgré la belle résistance offerte par le Panathinaïkós (victoire rouge trois manches à deux) en finale du championnat grec. En Euroleague, malgré une belle première phase de groupe avec notamment la présence dans son groupe du futur vainqueur de l’épreuve, le Real Madrid de Arvydas Sabonis, Joe Arlauckas et Obradović sur le banc, le « Pana » ne conclut pas. Sur sa route, les verts retrouvent l’Olympiacos en demi-finale du Final Four, à Saragosse. Bilan, une défaite 58-52 face aux rouges mais une troisième place glanée face au CSP Limoges comme lot de consolation.

La saison 1995/1996 est la dernière du gaucher en Grèce. Pour se faire, il choisit d’aller en banlieue d’Athènes au sein du modeste club du Panionios. Pas le plus réputé et carrément écrasé par la présence tutélaire des deux géants « verts et rouges », Paspalj retrouve là-bas le meneur américain Byron Dinkins. Mais c’est surtout le choix du cœur puisque son sélectionneur national, Dušan Ivković, entraîne l’équipe depuis deux saisons. Une saison sans trop de relief mais qui signe surtout la fin de cinq saisons de présence du côté d’Athènes et ses dépendances. Dès lors, l’objectif de Paspalj est de se lancer un dernier défi. Terminer sa carrière du mieux possible sur un challenge atypique, comme lui.

Dans les années 90, le PSG, bien aidé par Canal +, faisait partie des fers de lance du football français. Auréolés d’un trophée européen obtenu face aux Autrichiens du Rapid de Vienne, en 1996, titrés sur la scène nationale et avec de beaux parcours sur la scène européenne, Paris attire et brille. Ville lumière Paris a tout pour plaire avant la série « Emily à Paris ». Dès lors, à côté du football germe l’idée de constituer le versant balle orange du foot mais sans la participation directe du PSG. A l’instar des sections multisports de clubs tels que le Real Madrid, Barcelone ou Fenerbahçe, l’idée est de s’engager dans le basket en ayant sa propre marque. Pour cela, Charles Biétry, aujourd’hui malheureusement gravement malade, grand ponte des médias et notamment de Canal +, devient le président de la section « PSG omnisports » qui comprend également du hand et du volley. Dès lors, Biétry réussit à former une équipe de basket sur les cendres du Racing Paris Basket et qui se nomme le Racing Paris. Si le Racing Paris n’est pas directement lié avec le PSG, hormis le logo qui est le… même, sur le papier, Paris a une équipe et celle-ci a plutôt fière allure pour l’époque.

Lors de la saison 1996/1997, le Racing Paris débute la saison avec Richard Dacoury en tête d’affiche, capitaine champion d’Europe avec le CSP en 1993, l’ailier-fort US, JR Reid passé par les… Spurs lui aussi ou encore Laurent Sciarra, taulier de l’Équipe de France. Citons aussi la présence d’Arsène Ade Mensah et du massif pivot belge, Eric Struelens, qui partira au Real Madrid à la fin de la saison 1997/1998. Ajoutons à ces gaillards, le trio de gauchers Stéphane Risacher, Jure Zdovc, Žarko Paspalj et l’équipe est solidement armée pour le championnat français. Entraîné dans un premier temps par Chris Singleton, Paris mise plus tard sur une doublette Jacky Renaud-Didier Dobbels après des résultats initiaux loin des attentes. Dès lors, en championnat, l’équipe termine cinquième de la phase régulière avant de monter en puissance lors des playoffs. Le Mans et Pau-Orthez, pourtant de solides équipes, subissent ainsi les foudres des Parisiens avant de voir ces derniers terrasser le Villeurbanne de Delanay Rudd en finale de championnat en deux manches et pratiquement deux scores identiques (72-64 et 74-65). Un authentique exploit également agrémenté d’un superbe parcours en Eurocoupe. Le Racing Paris est éliminé, de peu, par le Real Madrid, futur vainqueur de la compétition avec sept petits points de différence sur les deux rencontres. Le Racing Paris est donc titré et pour Paspalj, un nouveau trophée tombe dans sa besace malgré un temps de jeu plus que réduit. Seulement 9 rencontres pour le gaucher mais 12 points de moyenne, un beau gage de réussite.  Après cette saison victorieuse et intense, Paspalj, après un retour en Grèce à l’Aris Salonique et une petite expérience italienne, au Kinder (aujourd’hui Virtus) Bologna décide de dire stop à 32 ans malgré ses 8 points de moyenne en douze rencontres en Italie. Une retraite bien méritée pour un joueur, loin d’être le plus cliquant mais ultra-clinique dans les moments décisifs.

Si Žarko Paspalj n’est pas le joueur le plus mis en valeur, c’est aussi et surtout en raison de la présence, en sélection, d’une flopée de talents. Le gaucher a participé à neuf compétions internationales avec la Yougoslavie, aussi bien en catégories jeunes qu’avec les sélections nationales. Il a glané neuf médailles (cinq en or, deux en argent et deux en bronze) en quatre Eurobasket, deux Jeux Olympiques et une Coupe du monde. A ses côtés ? Les frères Petrović (Dražen et Aco), Sasha Djordjević, Toni Kukoć, Dino Radja, Stojan Vranković, Vlade Divac, Predrag Danilović, Jure Zdovc, Zoran Čutura, Zoran Savić, Arijan Komazec, Sasa Obradović, Željko Rebraca, Dejan Bodiroga, Dejan Tomasević ou encore Miroslav Berić. Côté coachs ? Krešimir Cosić (mort en 1995), Dušan Ivković (décédé en 2023) ou encore Željko Obradović. Un joueur qui réussit lors de chaque compétition à tirer son épingle du jeu, en plantant un trois points ou faisant une passe, à vivre parmi tous ces compétiteurs aux égos surdimensionnés est forcément spécial. Ce qui prouve que Paspalj a non seulement du talent mais également de la classe et un moral d’acier pour survivre à cette faune endiablée. Une fiabilité à toute épreuve qui l’a également vu remporter le Championnat européen des moins de 16 ans avec comme coéquipiers Jure Zdovc, Miroslav Pecarski, Ivo Nakić ou encore Luka Pavićević en battant l’Espagne, 89-86, en finale. Un parcours qui le verra participer aux J.O. de 1988, à Séoul, en compagnie de Petrović et Divac. Finale perdue face à la doublette soviétique (et futurs Lituaniens), Šarūnas Marčiulionis et Arvydas Sabonis (63-76). La Yougoslavie prend sa revanche à peine deux ans plus, en Argentine, lors du Championnat du monde. Victoire 92-75 avec 20 points de Paspalj et un parcours qui les aura vu battre les États-Unis (99-91). Une victoire également synonyme de cassure entre deux coéquipiers de Žarko, Dražen Petrović le Croate et Vlade Divac le Serbe. A l’origine, après le coup de sifflet final, un supporter entre sur le parquet avec un drapeau de la Croatie dans ses mains. Aux prémices de la guerre de Yougoslavie, Divac voit rouge et lance le piquet vers le sol dans un geste d’énervement. Un geste inconcevable pour Petrović qui en voudra à Divac jusqu’à sa mort en 1993, sur une autoroute allemande. Divac, quant à lui, détestés par les Croates fera amende honorable en allant voir la famille de Petrović des années plus tard dans le documentaire de 2010, « Once Brothers ».

Pour Paspalj, qui se définit comme Serbe, les Eurobasket ont aussi des saveurs particulières. Ceux de 1989, à domicile à Zagreb face à la Grèce de Galis (98-77) et en Italie en 1991, face au pays organisateur avec, en prime, une place dans le cinq du tournoi en compagnie de Nando Gentile, Nikos Galis, Toni Kukoč et Antonio Martin Espina, ont été des moments intenses. Mais ces épopées trouvent leur apogée dans ses deux dernières compétitions majeures. Tout d’abord, l’Eurobasket de 1995, disputée en Grèce avec un premier tour digne d’un bon vieux traquenard, balayé haut la main par des Yougoslaves en confiance. Terminer premier dans un groupe composé de la Lituanie, la Grèce, l’Italie et l’Allemagne, championne d’Europe en titre est un acte majeur. Mais en plus, invaincus, c’est encore mieux. Après avoir facilement battu la France puis la Grèce, les Yougoslaves se dirigent vers une finale d’anthologie face à la Lituanie du duo Sabonis- Marčiulionis. Avec un public soutenant les Lituaniens en raison de la guerre et malgré 32 points de Marčiulionis, Djordjević (41 points), Paspalj, le coach Ivković et son adjoint Obradović remportent la compétition 96-90. Cinq points pour Paspalj et quatre rebonds mais une quatrième médaille lors d’un championnat européen après le bronze initial de 1987 obtenu en… Grèce.

Un an plus tard, aux J.O. d’Atlanta, les Yougoslaves terminent de nouveau invaincus devant l’Australie, la Grèce, le Brésil et Porto-Rico. Avant d’éliminer en quarts la Chine puis en demi, la Lituanie. En finale, malgré la défaite (95-69) face aux États-Unis de David Robinson, Charles Barkley, Hakeem Olajuwon, John Stockton et Reggie Miller, Paspalj termine meilleur marqueur pour son pays avec 19 points. Un baroud d’honneur pour celui qui va arrêter sa carrière de joueur deux ans plus tard. Aujourd’hui, à 59 ans, le gaucher magique est devenu cadre dirigeant notamment au sein de la Fédération serbe de basket et met l’accent notamment sur la formation de nouveaux talents. Tout en critiquant les choix des sélectionneurs en place et notamment ceux de Svetislav Pešić, le titulaire du poste actuellement. En parallèle de ses activités, celui qui a déjà souffert de problèmes de santé (cœur) par le passé, se soigne et essaie de repartir de l’avant physiquement. Žarko Paspalj a donc marqué une génération de fans par son toucher de balle, sa gestuelle et sa technique singulière. Une main de velours capable de planter une brindille et soulager son équipe. Mais surtout, c’est sa fiabilité dans les instants chauds et son sang-froid qui en font un joueur si spécial. Un basketteur que les moins de 20 ans doivent découvrir et apprécier à sa juste valeur de toute urgence.

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Fan de basket européen, d'Anadolu Efes, de Fenerbahçe du KK Partizan Belgrade et du CSKA Moscou, je voue un culte à l'immense Željko Obradović ainsi qu'à Petar Naumoski, grâce à qui j'ai appris à aimer la balle orange. Passionné également d'histoire, j'essaye de transmettre ma passion à travers Basket Retro.

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