[Portrait] Ludovic Vaty, l’épine dans le coeur
Portrait
Espoir du basket tricolore au début des années 2000, Ludovic Vaty est stoppé en pleine ascension par des problèmes cardiaques. Obligé de changer de vie à 24 ans, il doit dire adieu à l’équipe de France et à sa vie de joueur professionnel.
LA PERLE DES ABYMES
Invité par un ami d’enfance à passer un test pour le club des Abymes, Ludovic Vaty découvre le basket par hasard, à l’âge de 11 ans. Le coach Patrick Onestas, à la recherche de taille pour son équipe, vient de dénicher une perle rare ! Pour la polir, l’entraîneur le place rapidement au pôle espoir de la ligue régionale de Guadeloupe. Vainqueur de la coupe Antilles-Guyane avec sa sélection, l’île devient trop petite pour lui. A 15 ans, du haut de ses 2 mètres, Ludo fait ses valises pour la métropole, direction l’INSEP et son Centre Fédéral. Lancé dans le grand bain de la Nationale 1, il s’étalonne face à des adultes et ne tarde pas à trouver son rythme de croisière. Premier double double en décembre 2003 dans une victoire contre Challans, Vaty forme avec son conscrit Alexis Ajinça, la raquette du futur. Un duo d’intérieurs modernes, capables de s’écarter du cercle pour scorer.

© FIBA Europe
On retrouve d’ailleurs cette paire intérieure sous la tunique tricolore lors du Championnat d’Europe Cadets. Alors que la France n’avait jamais fait mieux qu’une quatrième place, Ludo & co offrent le titre suprême à leur coach Lucien Legrand, le jour de son anniversaire et de son dernier match sur le banc. Avec 12 points et 19 rebonds, Vaty plane dans la peinture de la finale remportée contre les Russes. En double double de moyenne, il est élu logiquement dans le meilleur cinq de la compétition. Son parcours en bleu continue en 2006. Sélectionné pour le Championnat d’Europe Juniors, il rejoint une armada composée de Nicolas Batum, Antoine Diot et Adrien Moerman. Une génération archi-douée qui rajoute une médaille d’or à son palmarès grâce à une victoire 77-72 face à la Lituanie. Une dernière rencontre indécise, où Ludovic ramène 12 points et 10 rebonds dont un offensif pour sceller le sort du match.
UNE PAU DE CHAGRIN
A tout juste 18 ans, Vaty est l’un des prospects tricolores les plus convoités du marché. Pour ses débuts professionnels, il s’engage avec Pau-Orthez. Le club béarnais tourne une énorme page de son Histoire avec l’arrêt des frères Gadou. Pour ce nouveau chapitre, le président Pierre Seillant mise sur la jeunesse de Vaty, intégré directement dans le groupe des 12. Quoi de mieux pour se former que les joutes d’Euroligue et les chocs de la Pro A. Même s’il est utilisé à dose homéopathique par son coach Gordon Herbert, Ludo découvre le haut niveau et fait preuve de culot. Doté d’un excellent toucher pour un intérieur, il étoffe sa panoplie offensive en même temps qu’il gagne en densité physique. Malheureusement, les Palois paient cher leurs erreurs de casting. Les recrues américaines s’enchaînent sans créer d’électro-choc au classement. Abonné aux playoffs depuis leur création en 1987, l’Elan termine à la neuvième place et rate l’événement. Seule la Coupe de France égaye cette campagne avec un premier trophée hexagonal pour Vaty après la victoire contre Nanterre 92-83.
L’absence de Pau en playoffs conduit à une mini révolution : entraîneur remercié, effectif chamboulé et finances allégées. Ludo garde la confiance du club et passe de 8 à 17 minutes de temps de jeu. Plus responsabilisé, il en profite pour battre son record au scoring avec 25 points contre Chalon. En vain ! L’élan reste scotché à la neuvième place. L’onde de choc est terrible dans le Béarn. Cette fois, le club fait face à un déficit de 400.000 euros. Pour résorber la dette, la commune de Lacq entre dans le capital. Propulsé leader de la jeune garde paloise, Vaty ne démérite pas avec 11.6 points et 7.7 rebonds de moyenne, mais ne peut empêcher la relégation. Après 33 ans passés dans l’élite, l’élan est rétrogradé à l’échelon inférieur. Solide titulaire en Pro A, Ludo quitte le navire pour s’engager avec Orléans.

© Sud Ouest
LE CRI DU COEUR
Finaliste malheureux de la dernière édition, l’OLB est ambitieux. Les signatures de Vaty et de l’américain Justin Doellman vont dans ce sens. Tour préliminaire de l’Euroligue, présélection en équipe de France, le début de saison du jeune intérieur est chargé. Mais, après le stage tricolore à Vichy, le nouveau coach Vincent Collet ne conserve pas Ludo en EDF. Quant à l’Euroligue, Orléans se contente de deux petites victoires en 10 matchs. Les joutes européennes usent l’effectif qui ne retrouve pas la même dynamique en championnat. Sixième de la régulière, l’OLB sort dès le premier tour des playoffs contre Roanne. Toutefois, comme dans le Béarn, Vaty se console avec une victoire en finale de la Coupe de France, le premier trophée remporté par les Orléanais, après trois finales perdues. A l’intersaison, le Guadeloupéen se présente à la draft, son ultime chance de monter dans le wagon NBA. Lors d’un workout Outre-Atlantique, le staff médical des Lakers décèle une anomalie cardiaque incompatible avec le sport de haut niveau, contrairement aux cardiologues français qui avaient repéré un simple souffle au cœur. Un diagnostic qui reste en travers de la gorge de Ludo :
C’est une erreur médicale qui m’a un peu coupé. Lors d’un test d’effort deux jours avant la draft, ils ont trouvé une anomalie et ils ont paniqué. Il était trop tard pour contredire la décision. Et la draft m’est passée sous le nez. De toute façon, ça n’a pas toujours été facile pour moi. Ça fait partie des mauvais coups qui peuvent arriver. À moi de les surmonter, de travailler encore plus pour progresser et que ça n’arrive plus.
Hors-jeu à 36 heures de la draft, Ludo signe quelques semaines plus tard avec Grenade. Mais, là encore, c’est un examen médical qui fait capoter le deal. L’IRM de sa cheville droite révèle un ligament manquant dont il se passe pourtant depuis son enfance. Recalé par le club espagnol, il revient à Orléans pour une saison bien maussade conclu par une dixième place. En juin 2011, Ludo tente de relancer sa carrière en s’engageant avec Gravelines pour former une raquette très francophone composé de Cyril Akpomedah et Dounia Issa. Un pari gagnant ! Les Nordistes caracolent en tête de la régulière avec 27 victoires en 30 matchs. Meilleur rebondeur et second scoreur de l’équipe, Vaty se prend les pieds dans le tapis en playoffs, stoppé par Cholet au terme d’une prolongation dans le match d’appui. Une déception contrebalancée par sa sélection en EDF. Privé de Ronny Turiaf et Joakim Noah, Vincent Collet appelle Ludo à la rescousse pour la préparation des J.O. 2012. Neuf sélections en Bleu qui boostent ses performances en Pro A.

© Icon Sport
All Star pour la première fois, Ludo survole aussi la Leaders Cup 2013. Dans la finale qui oppose les deux co-leaders du championnat, il envoie 14 points et 5 rebonds contre Strasbourg pour s’adjuger le titre de MVP. De nouveau leader de régulière, la malédiction s’abat sur le BCM qui cale une nouvelle fois au premier tour contre Nanterre, futur champion de France. La pilule a du mal à passer chez Ludo, mais ce n’est rien par rapport à l’annonce qui suit cette élimination. 24 mai 2013, le couperet tombe : Vaty est contraint de mettre sa carrière sur pause en raison de cette fameuse pathologie cardiaque, décelée plus tôt. Un véritable coup de massue à 24 ans seulement ! En pleine ascension, le Guadeloupéen est obligé de reconstruire sa vie professionnelle et part se réfugier dans le Béarn.
Je n’y ai pas cru. Je pensais à une blague. J’étais bien, en bonne santé, je venais de réaliser ma meilleure saison. Aucune alerte, aucune douleur, aucun signe avant-coureur. Rien. Je n’ai rien vu venir. Je voulais rassurer mes proches, leur dire que je n’étais pas malade, que je ne courrais aucun risque. J’ai mis un mois pour réaliser, me poser. Quand tu es sportif de haut niveau, tout est programmé. Tu connais tes échéances. Ta vie est rythmée par les entraînements, les déplacements, les matchs. Et là, tout d’un coup, il n’y avait plus rien. Plus rien, sinon des questions par dizaines. Ma carrière envolée ? J’essaie de gérer ma frustration. J’aurai pu m’énerver. Mais contre quoi ? Contre qui ? Ce n’était la faute de personne.

© La Dépêche
Mais, le virus de la balle orange est trop fort. Il passe des tests régulièrement pour évaluer son état de santé. Deux ans plus tard, avec l’aval de son médecin, il reprend le basket au niveau amateur. Temps de jeu limité, surveillance cardiaque, Ludo se plie à un protocole strict. Et comme le cœur tient bon, il s’invite plus tard en Nationale 1 à Tarbes, Bordeaux puis Toulouse et Coteaux du Luy. Une passion intacte même à ce niveau qui aura raison de lui. Lors d’un banal entraînement avec le TOEC en août 2023, Ludo s’effondre. Placé dans un coma artificiel, il décède le 1er septembre. Fauché à 34 ans, le drame secoue la planète basket. La LNB décide d’ailleurs dans un hommage de rebaptiser le trophée du MVP de la Leaders Cup, le trophée Ludovic Vaty.
STATISTIQUES ET PALMARES
Pro A : 8.7 points à 54,7% aux tirs, 5.2 rebonds, 0.8 passe
Médaille d’or aux Championnats d’Europe Cadets (2004)
Médaille d’or aux Championnats d’Europe Juniors (2006)
Vainqueur de la Coupe de France (2007 et 2010)
Vainqueur de la Leaders Cup (2013)
All Star LNB (2011)
9 sélections en équipe de France
MVP de la Leaders Cup (2013)


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