[ITW] Irène Guidotti : « En 1974, je finis meilleure marqueuse du championnat d’Europe »
Interview
Dans la seconde moitié du XXe siècle, le basket européen était dominé par le bloc de l’est. En 50 ans, les bleues n’ont réussi à tirer leur épingle du jeu qu’une fois, obtenant l’argent en 1970. Parmi elles figurait Irène Guidotti, alors toute jeune joueuse. Celle qui a été désignée, en 1999, parmi les « 5 joueuses françaises du siècle », nous raconte aujourd’hui ses riches souvenirs d’euros…
BR : Avant de parler de vos expériences européennes, pouvez vous raconter comment vous êtes arrivée en équipe de France ?
IG : En fait, j’étais sportive de très jeune âge. J’étais à Marseille et j’ai joué beaucoup au football. Mais je ne connaissais pas du tout le basket, parce qu’à Marseille, on parle beaucoup de foot, mais pas de ce style de sport, le basket. Etant donné que mon frère travaillait au PTT, je suis rentrée à l’ASPTT de Marseille. Et le basket m’a tout de suite plu, et j’ai vite compris ce sport. Le double pas en deux secondes, c’était fait. J’ai eu la chance d’avoir de bons entraîneurs.
À l’ASPTT, on a été deux fois champions de France junior. J’ai pu être sélectionnée pour des stages nationaux, et Monsieur Jaunay m’a découvert. J’ai fait ma première sélection à 17 ans, mais je n’étais pas prévue ; une joueuse s’était blessée.
Je suis arrivée à Clermont, au CUC, à 19 ans. À l’époque on était tout le temps prises avec le club et les stages de l’équipe de France : on était pas professionnelles, des joueuses prenaient leurs vacances pour pouvoir partir en tournoi. Moi j’ai travaillé dans une usine à peindre des ballons ! Si j’avais dit ça à mes parents, ils m’auraient fait rentrer à la maison.

Irène Guidotti profite d’un écran pour filer au panier.@ La Montagne
BR : Pouvez vous décrire votre style de jeu ?
IG : J’étais assez adroite, je jouais meneuse et ailière, on se partageait les places avec Jacky.
BR : Vous avez 20 ans lorsque vous disputez votre premier euro.
IG : Oui, j’avais déjà trois ans de l’équipe de France, puisque j’ai fait mon premier match le jour de mes dix-sept ans. Donc j’étais encore extrêmement jeune et je n’avais pas complètement terminé ma progression, donc c’était assez difficile quand même de commencer un championnat d’Europe.
Il y avait des joueuses qui étaient beaucoup plus qualifiées, comme Jacky (Chazalon, ndlr), qui était un peu plus âgée que moi. Elisabeth Riffiod est arrivée en équipe de France en même temps que moi, donc on avait la même expérience.
« Les joueuses de l’est se battaient pour être en équipe nationale, il fallait être dans les meilleures pour pouvoir voyager et éviter le travail à l’usine. »
BR : Et cet euro se traduit par une sacrée performance, avec cette belle médaille d’argent … Qu’est ce que ça faisait de jouer l’Union soviétique, la Russie, la Yougoslavie … ?
IG : Ah oui, totalement. On l’a méritée parce qu’on s’était préparées à ça quand même. Ces pays là … L’Union soviétique, il faut la mettre à part, parce que c’étaient des grandes joueuses. Que ce soit en club ou en sélection, on ne pouvait rien faire.
En Yougoslavie, il y avait Marija Veger-Demsar : quand je l’ai vue, je me suis dit que c’était la meilleure joueuses que j’avais jamais vu jouer. Elle était à peu près de ma taille, elle attaquait, elle défendait, c’était extraordinaire.
En Bulgarie et en Tchécoslovaquie, il y avait des grandes joueuses aussi. Dans ces pays, elles étaient plus ou moins professionnelles car on leur proposait un travail et un appartement pour qu’elles puissent s’entraîner. Donc les joueuses de l’est se battaient pour être en équipe nationale, il fallait être dans les meilleures pour pouvoir voyager, autrement elles n’avaient pas de passeport pour être plus libre et de voir ce qu’il y avait ailleurs.

L’équipe de France victorieuse en 1970
BR : Et en Russie, Semjenova était vraiment imprenable. Vous l’avez côtoyée ?
IG : Oui, je l’ai connue pendant les championnats d’Europe junior. Je me souviens d’être montée dans un ascenseur, je regardais par terre et je vois ses grands pieds, je lève la tête et je me suis dit que c’était foutu d’avance.
Mais, les russes, on ne les côtoyait pas vraiment. D’autres oui, comme les bulgares ou les roumaines. On se croisait à l’hôtel, à la fin des compétitions on faisait la fête et on dansait ensemble…
« Je finis meilleure marqueuse du championnat. Je me souviens que les filles m’ont beaucoup aidé parce qu’elles me donnaient tous les ballons pour que j’arrive à battre Semjenova »
BR : Vous ne réussirez pas à prendre de nouvelles médailles face à toute cette concurrence. Comment se passent vos euros suivants ?
IG : Oui, on finit 4eme en 1972, moi j’avais un peu raté mon championnat. En 1974, Jacky n’était pas dans l’équipe, elle était revenue l’année suivante parce qu’il y avait les Jeux Olympiques (ndlr, les qualifications). Donc je finis meilleure marqueuse du championnat. Je me souviens que les filles m’ont beaucoup aidé parce qu’elles me donnaient tous les ballons pour que je tire et que j’arrive à battre Semjenova. Mais c’était un renouvellement de génération, il y avait beaucoup de jeunes donc l’équipe n’était pas compétitive, on finit 7emes.
BR : Vous continuez de suivre le basket aujourd’hui ?
IG : Oui, bien sûr. J’étais à San Francisco il n’y a pas longtemps, j’ai eu la possibilité d’aller voir une équipe qui jouait contre Washington. Ce ne sont pas les meilleures équipes, mais il y avait 17.000 personnes dans la salle. 17,000 ! Pour du basket féminin, vous imaginez ? Ça doit être extraordinaire, je crois que si j’avais eu la possibilité de jouer aux États-Unis, j’y serais allée.
Mais ce n’est plus du tout le même niveau de préparation. On était pas professionnelles, aujourd’hui il y a plus de kiné, du travail pour la récupération … L’ambiance n’est pas la même ! La seule chose, c’est que je ne sais pas comment les joueuses arrivent à entendre l’entraîneur tellement c’est bruyant.
Merci à Irène Guidotti pour ses réponses !


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