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La longue marche du basket féminin vers la professionnalisation aux USA

Basket Féminin

Montage Une : Laurent Rullier por Basket Retro

L’histoire de la professionnalisation du basket féminin aux États-Unis n’est pas celle d’un long fleuve tranquille. Inventé à la fin du XIXe siècle, le basketball séduit rapidement la gent féminine. Cependant, au début du XXe siècle, les organisations sportives américaines entravent son développement en interdisant toute forme de compétition, estimant que ce sport est trop intense et physique pour les femmes. Peu à peu, elles obtiennent le droit de pratiquer la compétition, mais uniquement à un niveau amateur.

La donne change le 23 avril 1972. Un décret du Congrès, le Title IX, prohibe toute forme de discrimination fondée sur le seul critère du sexe dans les programmes d’éducation soutenus par la puissance publique américaine. Son champ d’application est large, mais c’est dans le sport que les répercussions sont les plus importantes. Le Congrès américain donne six ans aux universités pour mettre en œuvre cette disposition. Progressivement, le basket féminin universitaire se structure. Dans un premier temps dans le cadre de l’Association for Intercollegiate Athletics for Women (AIAW) puis, à partir de 1981, avec la National Collegiate Athletic Association (NCAA).

En tribune les militantes pour l’adoption du Title IX.

Malgré cette décision politique, l’absence de résultats dans le contexte international témoigne du retard du basket féminin états-unien sur les nations d’Europe de l’Est. Il faut en effet attendre 1984 pour que les États-Unis décrochent leur première médaille d’or olympique. Les deux précédentes éditions avaient été remportées par l’Union soviétique (les États-Unis ayant boycotté les Jeux de 1980 à Moscou). S’agissant de la Coupe du monde, les Américaines, qui connaissent un vrai passage à vide de 1964 à 1975, laissent le champ libre aux Soviétiques qui exercent une domination sans partage sur la compétition.

Si les joueuses universitaires bénéficient depuis l’instauration du Title IX de bourses sportives et des mêmes conditions d’entraînement que les garçons, il n’en demeure pas moins que pour les plus douées la fin du cursus universitaire est synonyme de la fin de leur carrière de basketteuse. La seule solution pour certaines d’entre elles est de s’expatrier en Europe où elles peuvent continuer à vivre leur passion et gagner quelques dollars. Ou alors se teindre en rousse et rejoindre l’équipe de gala des All American Red Heads qui sillonnent le pays en courant le cachet.

En 1978, un audacieux businessman du sport, Bill Byrne, se lance dans l’aventure d’une ligue pro féminine. Agent de joueurs de foot puis commissioner d’une ligue mineure de foot avant de créer une ligue pro de softball en 1977, ce touche-à-tout parvient à réunir huit équipes au sein d’une ligue, la Women’s Professional Basketball League (WBL). Les salaires sont chiches, 3 000 à 5000 $ pour une saison de 34 matchs qui s’étire de l’automne 78 au printemps 79. Certaines joueuses comme Carol Blazejowski et Lusia Harris préfèrent conserver un statut d’amateure pour pouvoir disputer les Jeux Olympiques. Un sacrifice vain car elles regardent les Jeux à travers leur écran de télévision en 1980. En effet, suite à l’invasion soviétique de l’Afghanistan, les États-Unis boycottent les jeux moscovites et privent ainsi le basket féminin américain d’une belle vitrine médiatique. Ce qui n’arrange pas les affaires chancelantes de la WBL. Après trois saisons, malgré l’accueil de nouvelles franchises en 1979 et 1980, les réalités économiques sont cruelles. 14 millions $ de pertes cumulées en trois ans. La ligue est dissoute en novembre 1981.

L’été 1981 voit apparaître la très éphémère LPBA, Ladies Professional Basketball Association. Un petit tour, 5 matchs, et puis s’en va. Mais notre entêté Bill Byrne ne s’est pas découragé après l’échec de la WBL. Il remet ça en 1984 avec la WABA, Women’s American Basketball Association. Malheureusement pour lui, la même sentence économique tombe dès la fin de la première et unique saison disputée entre six équipes et remportée par les Dallas Diamonds de la MVP Nancy Lieberman, ultérieurement intronisée au Hall au Fame.

En 1993, un an après des JO où la tornade Dream Team a balayé la décevante médaille de bronze des filles, un étrange personnage tente à son tour l’aventure d’une ligue pro. Ancien joueur NFL et vétéran du Vietnam, Lightning Ned Mitchell répond à l’appel de Dieu.  Selon ses dires, c’est le Seigneur tout puissant qui lui a donné la « vision » d’une ligue professionnelle féminine de basket. Mitchell a la bonne idée d’organiser les matchs durant l’été, évitant ainsi la concurrence de la NBA et de la NCAA. Après une première saison à six équipes du Midwest, la Women’s Basketball Association (WBA) survit jusqu’en 1995. Les voies du Seigneur sont impénétrables mais financièrement guère généreuses. L’ajout de deux équipes supplémentaires, toujours du Midwest, en 1994 ne remplit pas pour autant le portefeuille des franchises et de Mitchell. La WBA dépose le bilan.

Bill Byrne et Lightning Mitchell, les deux précurseurs.

Outre-Atlantique, le professionnalisme pour les dames peine à émerger. Il est temps que de vrais pros s’en mêlent. Des gens capables d’investir et sur le long terme. Une structure puissante qui sait comment ça marche. L’heure de la NBA a sonné.  

La Women’s National Basketball Association (WNBA) voit officiellement le jour le 24 avril 1996. Trois mois plus tard, lors des Jeux Olympiques d’Atlanta, les États-Unis, alors à domicile, écrasent le Brésil 111-87. Des stars universitaires comme Lisa Leslie, Teresa Edwards, Rebecca Lobo et Sheryl Swoopes incarnent déjà le futur du basket féminin. Le coup d’envoi de la WNBA est sifflé en 1997 mais cette dernière doit composer avec une concurrente : l’American Basketball Association, lancée un an plus tôt. Mais, à la différence de la WNBA, l’ABA n’a pas eu la clairvoyance d’adopter un calendrier estival. Moins puissante financièrement, elle ne survivra que deux saisons. De ses cendres renaîtra l’une des franchises mythiques de la WNBA : le Seattle Storm, héritier du Seattle Reign.

21 juin 1997, Kym Hampton et Lisa Leslie lancent la WNBA.

Le développement du championnat est lent. En 2010, les matchs attirent en moyenne 7 000 spectateurs et la couverture télévisée reste limitée. Heureusement, la NBA fait preuve de patience. C’est Internet qui devient le véritable moteur de l’expansion de la WNBA. Après trois décennies d’existence, la WNBA n’est toujours pas rentable. En 2023, les revenus ont doublé pour atteindre 200 millions de dollars, mais l’année 2024 s’est tout de même soldée par une perte de 40 millions de dollars.

Toutefois, l’avenir s’annonce prometteur. De jeunes stars NCAA créent déjà l’engouement avant même leur arrivée en ligue, à l’image de la jeune Caitlin Clark. Le 9 avril 2024, 18,4 millions de personnes ont allumé leur télé pour suivre la finale universitaire qui opposait Iowa, son équipe, contre South Carolina – un record d’audience pour un match de basket aux États-Unis, toutes ligues confondues depuis 2019. En outre, de nouvelles franchises voient le jour, et un contrat média historique de 2,2 milliards de dollars sur 11 ans prendra effet à partir de 2026. En somme, la WNBA pourrait bientôt devenir l’une des ligues majeures du sport professionnel américain.

Caitlin Clark, la nouvelle icône mondiale du basket féminin.

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About Manon Pasquier (3 Articles)
Ancienne joueuse, passionnée d'histoire et de la balle orange. Souhaite mettre en lumière le basket féminin et tricolore.

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