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[ITW]: Allen Bunting : « Sabonis, c’est pour moi le meilleur joueur contre lequel j’ai joué »

Interview

Joueur clé d’Antibes dans les années 1980, Allen Bunting était notamment réputé pour sa défense. Il revient pour nous sur son riche parcours, de San Diego, en Californie, au sud de la France où il est encore établi aujourd’hui.

Basket Rétro : Pouvez vous vous présenter pour les lecteurs qui ne vous connaissent pas ?

Je suis Allen Bunting, ancien joueur pro, ancien international, ancien coach en Pro A et Pro B. J’ai passé ma vie dans le basket, j’étais prof d’EPS les dernières années aussi. Maintenant, je ne coache plus d’équipe mais je fais toujours les camps TBA Superdevoluy, les plus grands camps de France. On a 10 terrains complets en extérieur, des salles d’entraînement, de muscu … L’été on a pratiquement 200 gamins par semaine !

BR : Comment êtes vous tombés dans le basket ?

C’était pas forcément mon sport de prédilection. Mon père avait joué au basket en high school, c’était le plus grand joueur de l’état (1,95m). Mais apparemment il a pas été super bon. Moi, j’étais plus football américain et baseball au départ et mon père m’a encouragé à jouer au basket.

Je n’ai commencé qu’à 14 ans, en high school. J’étais très nul au départ, heureusement qu’ils ont pris 20 gars dans l’équipe des freshmen, parce que s’ils en avaient pris 15, je n’aurais pas été pris. Mais j’ai beaucoup bossé et j’étais dans le deuxième 5 à la fin de l’année. Puis j’ai commencé à grandir et j’étais dans le 5 en junior et senior. Il y avait un bon niveau au basket à San Diego, là où j’ai grandi.

La première fois que j’ai été titulaire, c’était pour marquer Bill Walton, c’était le gars le plus côté des USA à l’époque. J’ai fait tout ce qui était humainement possible de faire face à Walton, on m’a même accusé d’être trop physique, ce qui était ridicule car je manquais d’agressivité à l’époque. Comme il y avait beaucoup de scouts, j’ai commencé à avoir des touches pour les facs.

J’allais jouer contre Elvin Hayes, Pat Riley ou Calvin Murphy, qui jouaient déjà aux Rockets. Une fois, je faisais un 3-3 avec Pat Riley et le coach de Texas Tech m’a proposé une bourse !

Pat Riley et Elvin Hayes avec San Diego (1968)

BR : Quand avez vous progressé ?

J’avais vraiment pris le virus du basket. Je commençais à beaucoup fréquenter le « Municipal Gym » dans le centre de San Diego et j’allais jouer contre Elvin Hayes, Pat Riley ou Calvin Murphy, qui jouaient déjà aux Rockets (NDLR : les Rockets ont déménagé de San Diego à Houston en 1971). Une fois, je faisais un 3-3 avec Pat Riley et le coach de Texas Tech m’a proposé une bourse ! C’était surtout le dimanche que j’y allais.

Moi je venais de la banlieue blanche, il n’y avait aucun noir dans mon école jusque ma dernière année. Donc j’allais là-bas pour essayer d’affronter les meilleurs joueurs possibles, ça m’a beaucoup servi pour m’améliorer. J’étais très souvent le seul blanc dans le gymnase. Mais une fois que tu pète deux-trois dunks sur les mecs, ils te respectent.

Sur ma dernière année, j’ai gagné un championnat d’été avec mon équipe de high school. J’ai fait le California Basketball Camp, et j’ai été MVP. Ça m’a vraiment lancé. Cette année-là on a aussi gagné deux grands tournois, un à Los Angeles et un à San Diego… On a fait 21 victoires pour deux défaites. J’ai été contactés par 80 à 100 universités différentes.

BR : Et alors, quel a été votre choix ?

San Diego State ! C’était un mid-major, c’est à dire une fac de première division mais moins forte que Duke, Syracuse etc. Avec 5, 6 gars locaux, on a décidé de faire une équipe pour faire une perf en NCAA. Deux ans avant, San Diego était encore en D2 ! On a réussi à faire progresser la fac. Ma première année de fac, c’était la dernière année où les freshmen (NDLR : les première année) n’avaient pas le droit de jouer en équipe première. Donc on jouait contre quelques JC (NDLR : des junior college, des équipes de seconde zone), une équipe militaire et d’autres équipes freshmen. On a battu UCLA avec David Meyers (qui sera MVP de NCAA plus tard) mais on a perdu contre USC et leur armada, avec notamment Gus Williams.

La deuxième année, on m’a convaincu de faire « redshirt » (NDLR : une année sans jouer permettant de rester une année supplémentaire dans l’équipe) car il y avait beaucoup de gars dans l’équipe. Je m’entraînais quand même, et j’ai compris que les coachs étaient pas terribles, mais je ne pouvais plus changer de fac.

Pour mon année sophomore, beaucoup de gars sont partis ; c’était une année de reconstruction et j’étais dans le 5, et j’ai toujours défendu contre le meilleur joueur adverse, que ce soit un intérieur ou un meneur. On avait un calendrier, c’était n’importe quoi ! On jouait Marquette, à Marquette, c’était la troisième fac du pays, puis Oklahoma à Oklahoma, Creighton… Le calendrier était hyper dur ! J’ai dû me payer Maurice Lucas, qui est ensuite devenu All-Star et champion NBA. Je crois qu’on a gagné 7 matchs, c’était vraiment pas terrible. Pour mon année junior, on a refait les playoffs, alors qu’il n’y avait que 32 équipes qui se qualifiaient à l’époque. C’était historique pour San Diego State. On jouait UNLV (Las Vegas), c’était une équipe mythique de Jerry Tarkanian. Ils ont 6, 7 mecs qui sont passé en NBA cette année là, on a perdu de 10 points mais il n’y avait pas photo.

Marques Johnson, à la fac à UCLA avant son arrivée en NBA, chez les Bucks

Ma dernière année on a perdu contre UCLA, j’ai dû marquer Marques Johnson, qui est devenu All-Star et qui est encore commentateur des Bucks. J’ai aussi marqué Freeman Williams, il était le meilleur marqueur du pays à l’époque ! Il avait 40 points de moyenne, et moi je l’ai maintenu à 20 points. D’ailleurs dans « les blancs ne savent pas sauter », les deux protagonistes jouent un 2 contre 2 contre Phil Williams et Marcus Johnson ;

À la fac, je n’avais pas des stats extraordinaires, une dizaine de points, 7 ou 8 rebonds, quelques chose comme ça, mais j’ai été élu trois fois joueur de la semaine. Je n’étais pas la vedette de l’équipe, je ne shootais pas assez. J’ai toujours été beaucoup trop collectif !

BR : C’est parce que vous aviez des bons shooteurs dans l’équipe ?

Non, c’est mon éducation ; rien de pire que d’être accusé d’une mitraillette !

Sur ma dernière année de fac, j’avais très bien commencé. J’ai fait un très très bon match contre UCLA et j’étais bien placé pour la draft. Il y avait 10 tours de draft à l’époque. J’ai su après grâce à un scout que j’aurais pu être pris entre le deuxième et quatrième tour.

Mais trois jours après le match à UCLA je me suis fait une très grosse entorse à la cheville et je suis revenu juste pour les derniers matchs et les playoffs. Le kiné est venu me voir un jour et il m’a dit « Allen, j’ai reçu un questionnaire des Celtics et des Lakers. Je te cache pas que ce que je vais devoir leur dire, ça va pas te favoriser ». J’avais des problèmes de genou et mes soucis d’entorses.

Mais j’étais invité au rookie camp pour les deux, et je n’y suis pas allé parce que je suis un con ! J’aurais dû y aller, pour l’expérience.

BR : Vous avez donc fait le choix de venir jouer en Europe.

Bunting sous le maillot de Crystal Palace, en Angleterre

On m’a proposé de jouer en Europe, mais d’abord je ne voulais pas et je suis parti travailler. Le basket a commencé à me manquer, et un gars que je connaissais de San Diego State avait signé en Angleterre donc je l’ai rejoint. J’ai signé là bas pour trois fois rien, aux London Metros.

Là bas j’ai été meilleur marqueur du championnat en battant deux fois le record de points sur un match en championnat et en coupe d’Angleterre, j’ai fait 58, 57, 55 points et j’étais à 33 de moyenne . On avait des blessés, il fallait que je marque, je n’avais pas le choix. Le fait d’avoir le feu vert constamment m’a fait progresser.

La deuxième année j’ai été pris par la deuxième meilleure équipe. Les deux grosses équipes c’était Crystal Palace et Milton Keynes, où j’ai joué. On avait un coach anglo-canadien, Steve Schmitt, un ancien pivot d’Orthez (leur premier américain) mais qui était un peu en fin de carrière. Tous les anglais qui jouaient avec moi, c’étaient des internationaux.

On a fini deuxième, derrière Crystal Palace, et on a fait la coupe des coupes : on a un tirage difficile : Barcelone au premier tour ! J’ai mis une vingtaine de points contre eux, on a fait match nul ou on a gagné d’un point à l’aller, je ne me rappelle plus. Au retour en Espagne, on a pris 20 points, moi j’en ai mis 43 quand même.

J’avais un des meilleurs contrats du pays, mais je ne trouvais pas ça terrible quand même : je devais partager la voiture avec l’autre ricain, l’appartement avec le coach, je ne roulais pas sur l’or !

BR : Le niveau du basket anglais ne devait pas être très élevé à cette époque. Est-ce que tout le monde était pro dans votre équipe ?

Non, tout le monde était payé mais ils avaient quand même un autre boulot. Moi j’avais un des meilleurs contrats du pays, mais je ne trouvais pas ça terrible quand même : je devais partager la voiture avec l’autre ricain, l’appartement avec le coach, je ne roulais pas sur l’or !

John Service, mon meilleur ami à l’époque, jouait au Stade Français, il avait fait une bonne année. La deuxième année, il était pris par Antibes. Moi je ne voulais pas rester en Angleterre, ça ne payait pas assez. Comme on a fini plus tôt que le championnat français, je suis descendu voir John, il louait une maison sur le cap d’Antibes. Quand le train a pris le virage vers Cassis, je me suis dit « c’est pas mal ici ! ». C’était mieux que Londres !

J’ai passé un mois et demi sur la côte avec John. Il jouait avec Marcellus Starks, Saint-Ange Vebobe, Jacques Cachemire, Jean-Claude Bonato, Charlie « Chuck » Brakes (un naturalisé), Sylvain Grzanka: ils avaient une grosse équipe ! Je n’ai jamais compris pourquoi ils n’ont pas été champions cette année là (en 1978). Je me suis entraîné avec eux, je plaisais beaucoup à Andrijasevic, mais il m’a dit qu’il était possible que la ligue réduise le nombre d’américains. « Si on a deux américains je te prends comme ailier, si on en a qu’un, je prends un pivot ». J’ai dit que je comprenais parfaitement.

Ça a pas loupé, le nombre a été réduit et ils ont pris Robin Jones, un ancien de Portland (NDLR : et de Houston).

BR : Comment avez vous eu un contrat en France ?

John m’a mis en contact avec Jim McGregor, qui était à la fois agent et coach. Il avait une équipe de tournée, je suis parti avec eux dans toute l’Europe, et je jouais avec de très bons joueurs, on s’est baladé en France, en Italie, en Suisse… J’ai été dans le 5, et là rebelote, je me fais une entorse. j’avais fait un essai avec Hyères qui me proposait un bon contrat, mais le niveau était nettement inférieur à ce que j’avais connu en Angleterre. Comme j’étais blessé, je suis resté quelques jours avec l’équipe et j’ai fini par signer avec eux.

C’est pour ça que je suis allé là, on était en troisième division.

BR : C’était un choix par défaut ?

Oui car je devais faire des essais en Italie, en Espagne, mais j’étais blessé. J’étais quand même content de gagner plus d’argent, même si c’était pas énorme, c’était deux fois ce que je gagnais en Angleterre. Mais l’équipe était plus faible quand même.

La première année on a fini deuxième, la deuxième année on est montés en deuxième division. Le recrutement n’était pas suffisant, on devait prendre un grand pivot mais il n’est jamais venu. On est redescendus.

L’année d’après j’attendais ma naturalisation, et je n’ai pas pu jouer. Andrijasevic voulait me récupérer à Antibes ; Orthez, Nice me voulaient aussi. Andrijasevic était déjà meilleur que beaucoup de coachs que j’ai pu avoir.

BR : Donc vous êtes enfin venus à Antibes.

Allen Bunting (Antibes), qui monte au dunk sous les yeux de Stéphane Ostrowski (Limoges)

Oui, je suis arrivé en même temps que Pierre Bressant et Daniel Haquet était un joueur bien établi. Je me suis régalé parce que j’ai passé deux ans avec Bob Morse, qui était mon copain de chambre. Quel joueur hein, et quel être humain aussi. C’est un monstre du basket européen : Membre du Hall of Fame FIBA, 3 fois champion d’Europe en club, 9 fois meilleur marqueur d’Italie… On est toujours très proches, il vit à Portland.

Ils avaient été huitièmes l’année d’avant. Hervé Dubuisson et Saint-Ange Vebobe venaient de partir, on devait les remplacer. On a fini tout de suite troisièmes, on s’est qualifiés pour la coupe d’Europe. Nous les américains on avait pas le droit de la jouer, mais on a fait les demi-finales.

Pendant ma deuxième année, on a frôlé le titre. On avait gagné à Limoges et on a perdu un match qu’on aurait jamais dû perdre.

J’étais vraiment très fort, pour priver le joueur de ballon. J’étais le seul à pouvoir arrêter Ed Murphy.

BR : En 1986 vous avez été élu meilleur défenseur du championnat. Vous pourriez décrire votre style de jeu de l’époque ?

Il y a un ballon et 10 joueurs sur le terrain : pour moi, le secret de la défense c’était surtout de défendre sur le joueur quand il a pas le ballon. Si tu prives le joueur de ballons, il ne peut pas marquer, c’est aussi simple que ça !

C’était surtout ça mon boulot. Des gars comme Galis, s’ils ont le ballon, ils vont marquer ou provoquer la faute. C’est là où j’étais vraiment très fort, pour priver le joueur de ballon. J’étais le seul à pouvoir arrêter Ed Murphy. Le premier match à Antibes, il a mis 6 points contre moi alors qu’il était à 35 de moyenne ! J’étais sorti pour 5 fautes à 1 minute 30 de la fin, il a réussi à finir à 13 points.

Je devais marquer ces gars là, j’ai défendu contre Oscar Schmidt, un des meilleurs marqueurs de tous les temps. Il jouait à Caserta, ils étaient venus pour un tournoi de présaison qu’on jouait avec Monaco et Duke. Premier match je joue contre Oscar Schmidt, je le limite à 17 points.

Donc j’étais trop fatigué pour jouer en attaque, malgré ma condition physique qui était très bonne à l’époque. J’ai fait quelques cartons, j’ai mis 30 contre Paris une fois, 29 contre Mulhouse, 24 contre Limoges … Mais j’avais pas de statistiques impressionnantes, je shootais pas assez.

BR : Quel joueur a été le plus difficile à défendre ?

Je lui ai dit directement, c’était Norris Bell. Il n’a jamais fait de gros carton contre moi, mais il était tellement complet, des bons fondamentaux, bon passeur et très physique … J’avais beau bien défendre, il trouvait une passe lumineuse pour un panier facile. Je me demandais à quoi ça servait de bien défendre contre lui, il était chiant ! C’était un sacré client.

BR : Vous avez aussi affronté l’un des meilleurs attaquants de l’histoire du championnat de France : Ed Murphy. Vous pouvez nous en parler ?

Ed Murphy © Maxi Basket

Je me rappelle quand j’ étais en équipe de France, c’est Dacoury qui m’ a raconté ça.

Il m’ a dit « tu ne peux pas imaginer l’ascendant psychologique que tu avais sur Ed ». Je dis « ah bon ? ». Il m’ a dit qu’avant les matchs, Ed disait « oh putain, je vais avoir ce Bunting sur le dos, ça va être l’enfer ». Il était vraiment… J’ avais un truc sur lui. Il marquait 35 points de moyenne, mais il n’ a jamais fait ça contre moi. C’ est sûr qu’il se débrouillait toujours un petit peu mieux à Limoges que chez nous, mais voilà.

C’ était un gars sympa, j’ avais du respect pour lui, il fallait que je sois concentré à 100%.

BR : A votre avis, qu’est ce qui expliquait votre réussite face à lui ?

Ed, ce qui m’ a permis aussi d’ être performant contre lui, c’ était qu’il était un peu plus petit que moi. Il devait faire 1m95. Et il n’ était pas plus rapide que moi, il était très fluide, il avait un super contrôle de son corps en l’air et compagnie. Voilà, un petit peu comme Galis, mais Galis c’était beaucoup plus rapide. C’ est pas pareil.

Contre Ed, je pense que j’anticipais bien ce qu’il faisait une fois qu’il avait le ballon en main. Mais comme je l’ai déjà dit, moi ce que je faisais le mieux, c’était de priver le joueur du ballon. Il y a dix joueurs sur le terrain, il y a un seul ballon, donc s’il y a un très bon joueur, un très bon attaquant, au maximum il a le ballon 20% du temps, on va dire. Si le gars n’a pas la balle, il ne va pas marquer et toi tu ne peux pas faire la faute.

Je ne me collais pas à mon joueur, je me mettais très haut dans la ligne de passe. Et voilà, ce qu’on appelle la défense, c’est ça. Beaucoup ne comprennent pas ça, ils pensent que la défense, ça commence quand le joueur a le ballon, mais ce n’ est pas vrai. Ce n’est pas ça la défense, pas sur un joueur comme ça.

BR : Vous m’avez dit vouloir partager une anecdote sur votre période d’Antibes.

Oui, dans l’ équipe, on s’ entendait tous bien au début. Il y avait la clique des ricains, ce qui est un peu normal, la clique des Français, et la clique des français pas trop français : moi, Cissokho, sénégalais, et Georgy Adams, un joueur tahitien. On jouait le même poste tous les trois, et on s’ entendait bien, donc on traînait beaucoup ensemble. Et Georgy me dit, un jour on était en train de boire un coup et Georgy me demande, « Allen, qu’est ce que tu vas faire après ta carrière ? ». Je lui dis écoute j’en sais rien, je vais rentrer aux states, on me verra. Et il me dit, mais « te fais pas chier, tu viens avec moi à Tahiti ! ». Je lui dit que c’ est gentil, ça doit être très beau et compagnie, mais moi je connais personne là-bas. Et il me dit «  mais c’est pas grave tout le monde te connaît ! ».

Je pense qu’il se fout de moi, mais il me dit, « Tous mes potes te regardent ! Je suis Tahitien, tous nos matchs sont retransmis sur RFO ». Là je me suis dit que je suis connu à Papeete, à l’autre bout du monde, c’est pas possible ! Je suis tombé des nues quoi. J’avais pas cette notion d’Outre-mer.

BR : Vous avez aussi été sélectionné en équipe de France pendant vos années à Antibes.

Oui, en 1985, Jean Galle m’a fait venir à Monaco pour un stage. Au bout de deux-trois jours, Jean vient me voir en me disant qu’il venait de se rendre compte qu’il ne pouvait pas me sélectionner, parce que mon président ne m’avait inscrit sur la liste FIBA qu’à partir d’octobre. Je comprends pourquoi il avait fait ça, car quand un joueur devient international sa valeur marchande augmente, et en plus il risque de se blesser. Ce qui est dommage, c’est que j’aurais pu être dans le 5 pour les championnats d’Europe, j’aurais pu jouer quelques matchs !

Sabonis, c’est pour moi le meilleur joueur contre lequel j’ai joué. Il était énorme ! S’il était parti en NBA à 20 ans, il serait le GOAT ! 2.18m, il courait bien, il était costaud, il sautait, il était adroit, il dribblait entre les jambes, shootait à trois points … et il faisait des passes, putain ! Il était comme le Joker, mais plus athlétique ! Il arrivait à 40 points sans forcer.

BR : Donc vous avez eu vos premières sélections pour les qualifications aux championnats du monde.

Oui, mon premier match c’était en novembre 85 contre les Grecs, je devais marquer Nikos Galis. Ils étaient très forts, d’ailleurs ils ont été champions d’Europe ensuite (NDLR : en 1987), et on a perdu en triple prolongation.

On a joué l’URSS, je ne marquais pas Sabonis mais c’est pour moi le meilleur joueur contre lequel j’ai joué. Il était énorme ! S’il était parti en NBA à 20 ans, il serait le GOAT ! 2.18m, il courait bien, il était costaud, il sautait, il était adroit, il dribblait entre les jambes, shootait à trois points … et il faisait des passes, putain ! Il était comme le Joker, mais plus athlétique ! Il arrivait à 40 points sans forcer.

Et l’URSS n’avait pas que lui, je défendais sur Kurtinaitis qui était le meilleur marqueur de l’équipe. On a perdu de 7 points à Paris, c’est probablement mon meilleur match en équipe de France. On a aussi pris un carton contre eux en Allemagne une fois.

On a joué et gagné deux fois contre les Tchèques et une fois contre les Polonais, ça nous a qualifié pour les championnats du monde, mais je me suis blessé à l’entraînement. Je suis revenu au bout de trois semaines pour un match de préparation contre les ricains, et on les a battu de 15 points, on les a surpris en jouant bien. Mais ils venaient d’arriver en Europe, ils étaient jet lagués sans doute. Leur 5 c’était Sean Elliott, David Robinson, Rony Seikaly, Muggsy Bogues et Steve Kerr, que j’ai marqué et qui n’a pas mis un point ! Seikaly et surtout Sean Elliott ont été très bons, mais en dehors de ça …

Mais j’avais déjà 33 ans et je savais que je n’allais pas continuer longtemps dans l’équipe de France.

BR : En 1988, vous êtes passé entraîneur. Comment s’est fait ce choix ?

J’ai réussi le BE2 à l’INSEP en 88, mais moi je voulais continuer à jouer. Je voulais continuer en Pro B, mais Antibes demandait de l’argent et ça n’a pas pu se faire. Ils avaient laissé partir d’autres joueurs pour rien, donc je trouvais que pour un ancien capitaine, ils ont été vaches avec moi !

Donc j’ai signé une année à Tours comme coach. J’étais inexpérimenté, j’ai vite appris, j’ai vécu 10 ans en un. On a fait quelques exploits, comme battre Montpellier, gagner à Paris … Tours m’avait signé pour une année ferme et deux années en option, mais ils n’ont pas prolongé.

Donc je suis parti à Évreux en deuxième division, la première année a été une grosse réussite, on est pas montés à cause d’une cascade de blessures à la fin de l’année. Mais c’était une réussite, tellement que mes meilleurs joueurs ont tous signé ailleurs ! Ma deuxième année était moyenne, mais on s’en est sortis. J’ai encore perdu des joueurs, et la troisième année j’ai été licencié au milieu de l’année.

J’ai eu des propositions, mais mon ex-femme ne voulait pas que j’accepte un nouveau poste d’entraîneur pro. J’en ai eu, et des très bonnes, mais elle voulait qu’on revienne dans le sud de la France.

BR : Vous avez continué le basket longtemps, en joueur puis en tant qu’entraîneur. Et vous me disiez qu’aujourd’hui vous jouez plutôt au golf ?

Oui, je suis golfeur et je sais pas si tu connais le monde du golf ou pas, mais moi je suis 3,8 d’index exactement, ce qui fait que je suis dans les 1% des meilleurs golfeurs. Je pensais pas que j’ allais atteindre un niveau comme ça. Je suis pas loin d’ être un pro, mais je joue en équipe au niveau national. Je croise pas mal d’anciens sportifs. Le plus connu, c’ est Alain Boghossian, qui était champion du Monde en 98 avec Zidane. Et Boghossian, très bon joueur, c’ est un gars qui est 0 d’ index ou légèrement négatif. Parmi les anciens sportifs devenus golfeurs, c’est le plus fort de tous. Et puis je joue en équipe avec Pascal Portes, qui était 39ème mondial au tennis et qui était en équipe de France de Coupe Davis avec Yannick Noah et toute cette génération. Pascal a à peu près le même niveau golfique que moi. Et puis on a Pierre Tremouille, mon pote, qui était capitaine du Rugby Club de Toulon quand il était champion de France.

Merci à Allen Bunting pour cette riche interview.

 

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About Antoine Abolivier (90 Articles)
Tombé dans le basket en découvrant Tony Parker et Boris Diaw. Passionné par tout ce qui touche à son histoire que ce soit le jeu, la culture ou les institutions.

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