[Portrait] Philippe Hervé, ingénieur du basket
France
Entraîneur dans sa tête depuis longtemps, Philippe Hervé raccroche ses baskets de joueur à 32 ans. Le début d’une longue odyssée sur les bancs du championnat de France. Adepte des constructions au long cours, il propulse Chalon puis Orléans dans l’élite tricolore. Ingénieur du basket aux méthodes acérées, il se forge au fil du temps un palmarès qui force le respect.
A LA RECHERCHE D’UN ROYAUME
Les exemples de meneurs de jeu reconvertis avec succès dans le coaching ne manquent pas. De Jacques Monclar à Michel Gomez, en passant par Gregor Beugnot, la liste est longue. Philippe Hervé appartient à cette catégorie. D’abord rugbyman dans sa ville de Maisons-Laffitte, il doit sa rencontre avec la balle orange à un ami d’enfance. Dès lors, il laisse tomber l’ovalie, montrant rapidement des aptitudes sérieuses au basket. Repéré en cadet par le Racing Club de France, il évolue alors avec les juniors puis intègre l’équipe fanion, toujours avec une longueur d’avance ! International cadet, junior et militaire, il signe à 21 ans à Poissy en Nationale 2, le temps d’une saison. Il quitte la région parisienne l’année suivante pour s’engager avec Challans. Enfin dans l’élite du basket, Hervé rejoint une bande de gamins composé de Valéry Demory, Vincent Naulleau et Christophe Aymé. Des surdoués développés par un mentor, Michel Gomez, qui propose déjà un basket novateur. Le sixième place décrochée en 1986 est encourageante, mais décidément Philippe a la bougeotte. Il quitte le navire vendéen pour filer à Saint-Etienne.
Doublure de l’expérimenté Didier Dobbels, Hervé poursuit son apprentissage dans le dur. Dernier de Nationale 1A, le CASE ne doit son salut qu’à un remodelage du championnat de France. Avec des finances dans le rouge, Saint-Etienne laisse filer ses cadres à l’intersaison dont sa pièce maîtresse, l’international Jean-Luc Deganis. Philippe hérite de plus de responsabilités – 6,6 points et 2,5 passes – mais ne peut empêcher la relégation. Il quitte, donc, la Loire pour le Maine-et-Loire. A Cholet, il déboule dans un club en pleine ascension, pour retrouver ses anciens coéquipiers Demory et Dobbels. Sous l’égide du président Michel Léger, l’équipe connaît dix montées en douze ans et inaugure sa première participation à une coupe européenne en 1988. Opposé à Caserte puis au Real Madrid, Hervé à l’occasion de croiser le fer avec les stars Oscar Schmidt et Drazen Petrovic, pour deux victoires inattendues dans une Meilleraie en feu. L’épopée la plus marquante pour Philippe en tant que joueur.

© Ouest France
Malgré l’énergie laissée en Coupe d’Europe, Cholet n’oublie pas le championnat de France. Utilisé une quinzaine de minutes par son coach Jean Galle, Hervé se distingue lors de la dernière journée avec un double double contre les Parisiens : 17 points et 10 passes. Une victoire qui scelle la deuxième place des Choletais. Mais, touché à la cuisse pendant le Tournoi des As, Philippe rate le premier tour des playoffs contre Saint-Quentin. Pour sa découverte des playoffs, il doit se contenter de 4 petits points dans la série contre Orthez. Une série perdue dans les dernières minutes du match d’appui dans les Mauges, 69-73. L’aventure choletaise s’arrête ici pour lui. En 1989, il signe à Villeurbanne. Là encore, il joue les premiers rôles du championnat, mais, bloqué par Vincent Collet à la mène, Hervé change de direction. A 27 ans, il est temps de diriger sa propre équipe. Il quitte alors la Pro A pour rejoindre Chalon… en Nationale 2.
Nommé immédiatement capitaine de l’Elan, il prend les rênes de l’équipe dans la difficulté. Les Chalonnais ne sauvent leur peau qu’à la faveur d’un repêchage en 1991. Une relégation évitée de justesse qui booste les résultats des deux saisons suivantes, bouclées dans le Top 6. En coulisses, Hervé prépare sa reconversion. Après le décès tragique dans un accident de voiture du coach Bernard Fatien, il assure l’intérim pendant trois matchs. Et même après la nomination du nouvel entraîneur Witek Zawadski, il conserve la gestion technique du collectif. Une double casquette qui lui va comme un gant. Pour preuve, l’Elan écrase tout sur son passage en 1994 pour accéder à la Pro B. Un passage à l’échelon supérieur délicat. Chalon commence l’exercice par douze défaites consécutives qui ont raison de Zawadski. Pour sauver sa saison, le club nomme officiellement Philippe Hervé sur le banc, assisté par Pascal Thibault. Déjà entraîneur dans sa tête, il se débat également sur le parquet avec 8.6 points et 6.4 passes. Un rôle décisif pour arracher le maintien in extremis.
CHALON Z’ENFANTS DE LA PATRIE
Confronté à un choix professionnel à l’intersaison, Philippe met un terme à sa carrière de joueur pour devenir entraîneur à plein temps. Plus jeune, il pensait raccrocher à 32 ans… une vision prophétique avec le recul. Cette vocation de coach est née lors de son passage à l’Asvel. Sur le banc, Hervé se rend compte de dysfonctionnements sans pouvoir changer les choses. Désormais à Chalon, c’est lui qui tire les ficelles. Sa philosophie du coaching se situe entre la culture technico-tactique de Michel Gomez et la capacité à conduire des individualités de Jean Galle. Deux pygmalions pour lui, auxquels il faut ajouter Gregor Beugnot, dont il partage la même vision du collectif. Avec un groupe qui adhère complètement à ses idées, l’Elan termine à la première place et accède à l’élite pour la première fois de son histoire. Philippe vient de placer Chalon sur l’échiquier du basket français et ne va pas s’arrêter en si bon chemin.

© Le Journal de Saône-et-Loire
Pour son bizutage en Pro A, l’Elan obtient son maintien dès la fin février. Mal embarqué en début d’exercice, Hervé décide de se séparer de son sniper lituanien Rimas Kurtinaitis. A 37 ans, il le juge trop pénalisant en défense, malgré sa puissance de feu offensif (18 points à 44% à 3 points). Un mouvement qui inverse complètement la tendance. Chalon passe d’un bilan de trois victoires en treize matchs, à l’équilibre parfait pour clôturer sa première campagne. Le scénario se répète en 1997 avec cette fois, Charles Pittman dans l’œil du cyclone. L’intérieur historique de l’Elan, depuis l’arrivée de Philippe sur le banc, connait une baisse de rendement inquiétante à l’aube de ses 40 ans. En témoignent, une défaite inaugurale 60 à 38 contre le PSG Racing, puis une rouste mémorable sur le parquet de la Maison des Sports contre Villeurbanne, 38 à 89 ! 51 points d’écart, un bouillon trop anisé pour des Chalonnais, atomisés par l’Asvel pourtant privé de Delaney Rudd. Tout simplement la défaite la plus lourde à domicile de l’histoire de la LNB, restée en travers de la gorge du coach :
En quinze ans de carrière, je n’ai jamais connu une telle déroute. C’est le message que je ferai passer aux joueurs, à qui il faut éviter d’être trop traumatisés par ce match. Villeurbanne a fait une défense européenne en shootant à 68% en attaque. C’était injouable. Il faut être sur le terrain pour vivre ça. On n’a pas fui, mais on a ressenti un sentiment terrible d’impuissance.
En guise d’électrochoc, Hervé se sépare de Pittman. Une longue valse-hésitation avec l’un des piliers du groupe remplacé par le scoreur pyromane, Charlie Burke. Avec ce nouvel attelage, Chalon met fin à une série de sept défaites et recolle progressivement dans le ventre mou de la Pro A. Pour éviter les erreurs passées, Hervé recrute du côté de l’Asvel, pendant l’été 1998 : Jimmy Nébot et Andre Owens passent ainsi de l’autre côté de la Saône. Quant à la mène, elle est confiée à un habitué du circuit européen, Keith Gatlin. Avec un effectif plus équilibré, Philippe veut mettre l’accent sur la défense. Pari payant dès l’entame du championnat, où l’Elan surprend Villeurbanne à l’Astroballe. Jolie revanche pour Hervé qui pose les bases d’une campagne historique. Chalon termine le mois d’octobre invaincu avec six victoires consécutives et file vers une surprenante quatrième place avec seulement 66,63 points encaissés par match. Trois ans après son accession à l’élite, l’Elan s’invite en playoffs, le temps d’une série contre le PSG. Dominé dans la belle par un adversaire plus expérimenté, Chalon est là, avant tout, pour apprendre. Un apprentissage qui se poursuit à l’horizon 2000 avec une nouvelle place en quart-de-finale face à l’ogre villeurbannais. Opéré d’urgence de l’appendicite quelques jours avant le choc, Philippe tient tout de même sa place sur le banc, mais ne peut rien faire face à la Green Team. Si Chalon veut passer un tour, il faudra s’en donner les moyens.

© Le Journal de Saône-et-Loire
Dès lors, l’ambition grandit en Saône-et-Loire en même temps que le budget. L’Elan s’attache les services du vétéran Stéphane Ostrowski et de pointures internationales comme Robert Gulyas et Stanley Jackson. C’est avec ces têtes d’affiche que Chalon connaît sa première épopée européenne. Coupe Saporta 2001, Hervé met en place une défense étouffante pour s’imposer à Valence en demi-finale. Au match retour, le club est obligé de pousser les murs de la Maison des Sports. Un scénario hitchcockien qui voit Sacha Giffa délivrer les siens dans le money time. L’engouement populaire est à son paroxysme en ville. L’Elan affrète même un avion spécial pour Varsovie, théâtre de la finale contre Maroussi. A 72 partout à quelques secondes du buzzer, Hervé demande de faire faute sur Sotiris Nikolaidis. Mais, le meneur ne tremble pas et derrière Chalon gâche son ultime possession. Philippe échoue à deux petits points du Graal. Cette parenthèse enchantée européenne marque le début d’une nouvelle ère. Le club poursuit sa mue en se dotant d’un nouvel écrin de 4500 places, le Colisée.
UN ROI SANS COURONNE
Philippe Hervé fait honneur à cette nouvelle salle en passant pour la première fois un tour de playoffs. Opposé à Gravelines, l’Elan arrache sa qualification au terme d’une belle indécise. Mené de dix points à la pause, Hervé galvanise ses troupes pour hausser l’intensité défensive. Résultat, un troisième quart survolé 22-11. Dans le money time, la furia bourguignonne continue avec une maîtrise totale du rebond pour une victoire 73-66. Chalon accède enfin aux demi-finales, une marche toutefois trop haute face à l’armada paloise. Cette campagne sera le dernier cadeau de Philippe aux fans. Quelques semaines auparavant, son départ pour l’Asvel est officialisé. Le coach entretient des relations fortes avec la maison verte. Il n’a jamais caché que c’était la raclée reçue à domicile en 1997 qui l’avait orienté vers des schémas plus défensifs. Par la suite, il n’a pas hésité à enrôler d’anciens villeurbannais comme Nébot et Owens, puis Laurent Pluvy, Brian Howard, Shea Seals, Corey Crowder et Rémi Rippert. Conscient d’avoir insufflé un élan durable aux Chalonnais, Hervé s’oriente vers un défi professionnel :
Chaque personne a un projet professionnel dans sa vie. Moi, je n’ai jamais caché mes ambitions d’entraîner un club d’EuroLigue. L’occasion s’est présentée, difficile de la refuser. Le projet sportif est fort et les moyens énormes. L’ASVEL a la volonté de reconstruire, de renouer avec ses racines, sa culture, les valeurs du club. Après Greg (Beugnot), il y a eu rupture totale avec le passé du club. On doit avant tout reconstruire la maison. Et ça demandera un certain temps.

© TPS Star
Une déclaration faite avant les playoffs qui voit Villeurbanne remporter le titre suprême, après vingt ans d’attente. Décrié puis viré, le coach Bogdan Tanjevic quitte le navire sur un joli pied de nez aux dirigeants. C’est dans ce contexte très particulier que Philippe rejoint son ancien club en septembre 2002. Dans une structure aussi ambitieuse que l’Asvel, il doit jouer sur plusieurs tableaux. Pour sa découverte de l’Euroligue, il accroche le Top 16 à la faveur du point average sur le Real Madrid. En Pro A, la Green Team déroule avec une deuxième place acquise derrière les Palois. La finale propose justement des retrouvailles avec son grand rival pour la troisième fois consécutive. Intraitable à domicile dans le match 2, Hervé s’offre une belle dans le Béarn. Lourdement sanctionné par les fautes de ses intérieurs, l’Asvel s’en remet aux tirs à 3 points pour rester dans le match. Mais, dans le jeu des missiles longue distance, ce sont les Palois les plus adroits. Philippe rate encore le coche d’un cheveu. Et ce n’est pas l’exercice suivant qui lui permet de rebondir. Plombé par les blessures, l’Asvel passe complètement à côté de sa saison. Comme souvent dans ces cas-là, le coach sert de fusible. Le 18 mars 2004, Hervé est licencié, juste avant son centième match sur le banc villeurbannais.
PHILIPPE D’ORLEANS
Pour se relancer, Philippe accepte la proposition d’Orléans, en Pro B. Dix ans après avoir quitté l’antichambre avec Chalon, il récupère un projet taillé pour lui, tant les similitudes avec l’Elan sont grandes. Arrivé au chevet d’un club pas si malade que cela – 4 victoires pour 3 défaites sous les ordres de Michel Perrin avant son éviction – Hervé enclenche la seconde dès sa nomination en engrangeant huit succès en dix matchs pour clôturer les matchs allers. Tête de série numéro en 2 en playoffs, l’Entente Orléanaise durcit encore plus sa défense : Saint-Quentin est tenu à 64 points de moyenne en demi-finale et pour le match de l’accession en Pro A, Châlons-en-Champagne ne peut rien faire face aux barbelés posés par Hervé, 68-47. Cerise sur le gâteau, les Orléanais s’invitent aussi en finale de la Coupe de France après avoir éliminé deux équipes de Pro A. Pour sa grande première sur la scène nationale, la Pucelle d’Orléans s’incline les armes à la main contre des Dijonnais plus expérimentés, 66-58. Mais, en quelques mois, le club vient de faire une entrée tonitruante dans le basket tricolore.
Comme avec l’Elan, Hervé stabilise le club puis gravit les échelons rapidement. Orléans se dote d’un budget en adéquation avec son ambition et déménage son parquet dans la salle du Zenith (5000 places) pour les grandes affiches. Onzième en 2007, treizième en 2008, Philippe enclenche la vitesse supérieure la saison suivante avec un recrutement judicieux : le vétéran Laurent Sciarra pour amener son vécu, un jeune talent prometteur Adrien Moerman, l’un des meilleurs artificiers de Pro A Cedrick Banks et une sangsue défensive, Tony Dobbins. Cinq victoires pour démarrer la campagne puis neuf succès de suite pour virer en tête à la trêve, Orléans est en avance sur son tableau de marche. L’ADN de cette équipe cendrillon reste la défense de fer, orchestrée par Hervé. Le coach met l’accent sur la fermeture des espaces et des intentions et l’anticipation des démarquages. Un véritable travail collectif qui fait suffoquer les deux meilleures attaques de Pro A : Roanne est scotché à 53 points et l’Asvel cale à 64. Symbole de cette forteresse, Tony Dobbins rend hommage au travail de son entraîneur :
C’est un concept de défense en équipe, un travail de groupe. C’est très différent pour moi, j’ai dû me remettre en question, m’adapter à d’autres réflexes. C’est un système qui implique chaque joueur présent sur le terrain et qui, pour fonctionner, demande que tu fasses confiance à tes coéquipiers. On a bossé depuis la pré-saison, étape après étape, pour construire cette confiance. Ça a été dur, mais le coach a été patient.

© Le Progrès
Une patience récompensée par une seconde place de Pro A et un titre d’Entraîneur de l’Année. Finaliste malheureux de la Semaine des As, perdue contre Le Mans 74-64, Orléans compte bien mettre la main sur son premier trophée lors des playoffs. Novice à ce stade de la compétition, l’Entente dispose de l’Elan Chalon en deux matchs au premier tour et prend sa revanche contre les Manceaux en demi. Passé tout près d’une défaite à domicile au match 1, Orléans doit son salut à un game winner de Brian Greene à 5 secondes du buzzer, 76-75. Dans la belle, le catenaccio d’Hervé a raison des velléités offensives du Mans, 66-60. Le conte de fée se poursuit pour lui et ce sont désormais les Villeurbannais de son ancien coéquipier Vincent Collet, qui l’attendent en haut du podium. Une finale en mode guerre de tranchées qui ne dépasse pas les 100 points en cumulé. Face à l’événement, l’Entente balbutie en attaque avec seulement 4 points inscrits entre la 11ème et la 36ème minute. Une maladresse rédhibitoire, quand dans le même temps, l’Asvel passe un terrible 19-0 pour clore les débats. La défaite 55-41 est dure à digérer, mais ne doit pas faire oublier l’excellente campagne des hommes d’Hervé.
Changement de braquet en 2010 avec la découverte des joutes d’Euroligue. Trop tendre à ce niveau, Orléans termine lanterne rouge avec deux victoires au compteur. Attendue au tournant après son explosion dans l’élite, l’Entente se montre plus irrégulière en championnat. Sorti des playoffs dès le premier tour face à la Chorale de Roanne dans une belle au bout du suspense, Philippe craque également en finale de la Semaine des As face à son éternel rival villeurbannais, 69-70. L’Asvel coiffe Orléans au poteau en inscrivant les six derniers points du match. Trois finales perdues en l’espace d’un an, six sur le plan personnel en tant que coach, c’est beaucoup trop pour Hervé, au bord des larmes en conférence de presse. Le coach avait une main sur le trophée et fustige un arbitrage trop permissif avec son adversaire. La Coupe de France offre une dernière chance de briser enfin cette malédiction. Opposé à Gravelines en finale, Orléans attaque tambour battant pour prendre le large de 16 points en première période. Mais, porté par Demetrius Nichols, les Nordistes partent à l’abordage et reprennent l’avantage avant le dernier quart, 50-52. Moment choisi par Laurent Sciarra pour sortir de sa boîte : un tir primé et deux passes décisives plus tard, le vétéran porte l’estocade et maintient un léger écart jusqu’au buzzer. 73-69, Hervé tient enfin son premier trophée hexagonal :
Notre défaite aux As aurait pu nous décourager. Ça fait deux ans qu’on a une équipe qui joue bien au basket, qui vit bien ensemble. Et tout cela prend de la valeur en gagnant des titres. Ce soir, on voulait écrire l’histoire. On avait décidé qu’il fallait gagner. On s’est mis une grosse pression pour ce match. Ce trophée consacre notre travail depuis cinq ans et notre volonté d’écrire l’histoire d’un club, de chacun, joueurs, entraîneur, en début ou en fin de carrière, qui font ce groupe. L’obtention de ce titre ne change rien, en ce sens qu’Orléans s’est construit sur des valeurs de constance, de cohésion. La question qui demeure aujourd’hui est : comment durer ? Qu’est-ce qu’on veut faire demain ? Comment continuer de grandir et devenir un grand club européen ?
Justement, pour continuer de grandir, le club a dans les tuyaux, la construction d’une salle de 10.000 places. Mais, face aux retraits des subventions de plusieurs municipalités, l’Entente est obligée de changer de nom pour devenir Orléans Loiret Basket. Quant à la nouvelle arène, le projet est sans cesse repoussé. Avec un effectif remanié en 2012, Philippe parvient tout de même à s’engouffrer jusqu’en demi-finale. Face à son ancienne équipe chalonnaise, il est à deux secondes d’un exploit retentissant. L’OLB fait cavalier seul au Colisée lors du match d’appui, menant même de 14 points à 5 minutes du coup de sifflet final. Il faut un ultime tir du MVP Blake Schilb pour priver Orléans d’une nouvelle finale, 81-83. Un run héroïque en guise de baroud d’honneur. Clairement en fin de cycle, Hervé boucle encore deux bilans à l’équilibre, sans pour autant accéder aux playoffs. En 2014, après neuf saisons passées dans le Loiret, il passe la main à son fidèle assistant, François Péronnet. Philippe veut prendre du recul avec une année sabbatique, lui, qui a tout simplement mis Orléans sur la carte du basket français.
LE COURONNEMENT DU ROI PHILIPPE

© Le Populaire du Centre
Un congé qui dure jusqu’au lundi de Pâques 2015. Champion en titre, Limoges se traîne en ce printemps et décide de congédier Jean-Marc Dupraz. Hervé est appelé à la rescousse du CSP, dans un groupe talentueux, mais en perte totale de confiance. Philippe a un mois et demi pour remobiliser ses troupes et monter une opération commando. Il impose tout d’abord sa patte défensive et instaure une discipline de fer pendant les entraînements, à l’image des suicides collectifs imposés au moindre manquement individuel de concentration. La méthode fonctionne à merveille. Pour son retour aux affaires, Cholet est tenu à 35% de réussite, puis le CSP plante 96 points aux rivaux Béarnais. Limoges termine l’exercice en trombe et conserve cette dynamique en playoffs. Le Havre et Nancy sont avalés sans la moindre défaite. De nouveau opposé à Strasbourg en finale, le CSP remporte le match 1 au forceps (70-68), reprenant au passage l’avantage du terrain. Et dans une salle chauffée à blanc, Limoges plie l’affaire sur les deux matchs à domicile. Après ses échecs à Villeurbanne et Orléans, Hervé peut enfin savourer le titre de champion de France.
Ce titre, ça fait bien sur les cartes de visite, mais cela fait surtout un titre de plus pour Limoges. C’est plus facile d’y gagner des titres, parce que c’est dans les gènes de ce club. Au quotidien, les objectifs sont rappelés par quelqu’un d’exigeant comme Fred Forte. J’avais besoin de cette contrainte-là. Cela a été un élément moteur pour moi. On a accepté de se remettre en question, de repartir de zéro, de partager les choses différemment. Cela pouvait générer un peu de frustration par moments. Mais on n’avait qu’une seule idée en tête, c’était de faire la photo de champion en titre à la maison, à Beaublanc. Je l’avais annoncé dès le début. On a tenu cet engagement en restant très solides tout au long des semaines passées.
Un bonheur de courte durée. Distancé dès l’entame du championnat la saison suivante, Limoges a la gueule de bois. Onzième de Pro A début janvier, Philippe donne sa démission, conscient que le courant ne passe plus avec les joueurs et le président Forte. Toujours passionné, il refait surface à Cholet, le temps de deux saisons. Mais, sans qualification en playoffs, il laisse la main en 2018. Hervé fait même un retour rapide sur le banc de Chalon en 2019, histoire de boucler la boucle. Sa dernière apparition dans l’élite. Avec la nécessité de faire un break professionnel, Philippe intègre la commission mixte formation de la LNB-FFBB. Son but, proposer des programmes de formation d’entraîneurs, afin de créer un langage commun dans l’apprentissage des fondamentaux. Son choix s’est d’ailleurs porté sur un groupe de jeunes en 2024, lorsqu’il prend les rênes du club LyonSO en Nationale 1. Encore un projet à faire grandir, comme il aime si bien le faire. Mais, avant de savoir si Hervé rugira aux échelons supérieurs avec les Lyonnais, sa vision du coaching a évolué pour conjuguer tactique et relations humaines :
Je rejette aujourd’hui le terme de technicien. Notre métier a beaucoup évolué et on ne peut pas se situer uniquement dans le technico-tactique. Il faut avoir des compétences permettant de communiquer avec des joueurs qui ont un profil différent, une autre personnalité. La cohésion d’un groupe, ça ne se décrète pas. Il faut des règles de fonctionnement, être capable de recadrer. Ça peut être un vrai paradis, mais si les joueurs sortent du cadre, ça peut vite devenir un enfer.
PALMARES
- Entraîneur de l’Année (2009)
- Entraîneur lors du All Star Game LNB (1999, 2003 et 2013)
- Champion de France Pro A (2015)
- Champion de France Pro B (2006)
- Vainqueur de la Coupe de France (2010)
- Finaliste du championnat de France Pro A (2003 et 2009)
- Finaliste de la Coupe de France (2006)
- Finaliste de la Semaine des As (2009 et 2010)
- Finaliste de la Coupe Saporta (2001)


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