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Andrea Bargnani : le premier first pick européen

Portrait

Montage Une : Laurent Rullier pour Basket Retro

Né le 26 octobre 1985 à Rome, Andrea Bargnani se passionne très tôt pour la balle orange, lui qui grandit pourtant dans un pays de football. Quand la plupart de ses camarades de classe vibrent devant les exploits de Roberto Baggio, le jeune Andrea préfère travailler son tir au sein des locaux de la Stella Azzurra Roma. Club de quatrième division, il disputera son premier match officiel avec l’équipe en 2002, à seulement dix-sept ans. Très technique malgré son gabarit (2m13, 111kg), Bargnani attire rapidement la convoitise des plus grands clubs du pays, notamment le Benetton Trévise avec qui il s’engage l’été suivant. Comme un signe du destin, sa première rencontre officielle avec son nouveau club sera un match amical face…aux Toronto Raptors ! L’adaptation à l’échelon supérieur va cependant avoir un coût pour Bargnani qui doit se contenter d’un temps de jeu relativement faible dans un premier temps. Toutefois, le Benetton Trévise a bien compris qu’il avait mis la main sur un véritable diamant brut qui nécessiterait du temps et de la patience pour développer son jeu.

Andrea Bargnani conseillé par David Blatt, entraîneur de Trévise durant la saison 2005-2006

Sur la saison 2003-2004, il ne joue que onze matchs (dont deux en Euroleague), pour 4,2 points et 1,6 rebonds par match. Progressivement, Andrea Bargnani parvient, malgré tout, à gagner ses minutes et prend de l’importance dans la rotation. Dès la saison suivante, il participe désormais à quarante rencontres, pour un rendement moyen de 6,8 points et 3,1 rebonds. Le déclic aura lieu durant la troisième saison professionelle de Bargnani, qui sera marquée par l’arrivée sur le banc de l’expérimenté David Blatt. Son statut change complètement, devenant à seulement vingt ans un cadre de l’une des meilleures équipes d’Europe. Désormais surnommé « Il Mago » (le magicien), sa saison sera marquée par plusieurs matchs références , avec notamment deux sorties à vingt points contre le Panathinaïkos et Strasbourg ou encore vingt-cinq points en championnat face à Rome. Des performances qui ne laisseront pas indifférents les scouts de la NBA…

Si Andrea Bargnani suscite autant d’intérêt de la part des franchises outre-Atlantique, c’est avant tout en raison de son profil atypique. Bien qu’il évolue le plus souvent au poste de pivot, il n’hésite pas à s’écarter pour tirer à mi-distance, voire même derrière la ligne à trois points, lui valant d’être comparé à la légende des Mavs Dirk Nowitzki. A cela s’ajoute également une bonne mobilité, une expérience déjà conséquente au haut niveau et une grande maturité sur le terrain. Semaine après semaine, l’intérieur du Benetton Trévise grimpe dans les « mock draft » de la cuvée 2006, au point de s’affirmer comme un candidat très sérieux pour le prestigieux premier choix ! Mais, avant de s’envoler vers le pays de l’Oncle Sam, l’italien va tout de même s’appliquer pour finir en beauté sa saison à Trévise : décisif en finale face à Bologne, il permet au club de renouer avec le titre de champion d’Italie. Sur le plan individuel, il tourne à 11,9 points et 5,5 rebonds de moyenne en 65 matchs, lui valant le titre de « Euroleague Rising Star ».

David Stern sert la main au premier choix de la cuvée 2006, Andrea Bargnani

Sa saison terminée avec Trévise, Andrea Bargnani s’envole pour les Etats-Unis en vu de rencontrer les différentes franchises intéressées avant la soirée de la draft. Parmi elles, les Toronto Raptors, qui ont hérités du premier choix quelques semaines plus tôt lors de la loterie. Alors General Manager de l’équipe canadienne, Jerry Colangelo va très vite être séduit par le potentiel du jeune intérieur. Si Bargnani passe avec succès les exercices techniques et physiques, c’est surtout lors d’un entretien d’aptitude psychologique qu’il aurait convaincu Colangelo. Ce dernier avait effectivement pour habitude de faire passer aux joueurs le test du « Caliper Profile », visant à déterminer les capacités d’un individu à exceller dans certaines situations spécifique. En l’occurrence, Andrea Bargnani s’en sort haut la main, démontrant une grande maturité et une véritable imperméabilité à la pression.

Au soir de la draft, le suspens reste malgré tout entier, tant aucun prospect ne se dégage réellement. Mais côté Raptors, le choix est déjà fait depuis plusieurs jours. Colangelo n’a aucun doute, Bargnani sera amené à devenir une star de la grande ligue. L’enveloppe contenant le choix de la franchise est transmise au commissionnaire David Stern, qui s’avance ensuite vers son pupitre pour dévoiler au public du Madison Square Garden le choix des Raptors…

« With the first pick of the 2006 NBA Draft, the Toronto Raptors select…Andrea Bargnani, from Italy ! »

Au milieu des années 2000, il est clair que le basket européen est loin de jouir d’une bonne réputation chez l’Oncle Sam. Malgré les pionniers qu’étaient alors les Nowitzki, Gasol et Parker, les joueurs venus du vieux contient étaient considérés comme trop peu athlétique, mauvais en défense et soft par bon nombre d’américains. Ce sentiment sera d’ailleurs renforcé par plusieurs « bust », tel que Nikoloz Tskitishvili (cinquième choix de la draft 2002) ou Darko Milicic (deuxième choix de la draft 2003). Autant dire que de nombreux doutes resurgissent lorsque Toronto mise sur un grand italien avec son premier choix, faisant de lui le premier first pick européen. Ces doutes furent d’ailleurs légitimés par les débuts pour le moins laborieux de Andrea Bargnani. Avant le début de la saison, il marque notamment l’histoire d’une bien triste manière en devenant le premier joueur à être expulsé d’une rencontre de Summer League après avoir commis…dix fautes !

Prometteuse sur le papier, l’association Bargnani-Bosh ne décollera jamais… (crédit : Sporting News)

Pour son premier match officiel avec les Raptors, Bargnani inscrit deux petits points en huit minutes face aux New Jersey Nets. En difficulté durant les premiers mois de la saison régulière, l’intérieur italien va malgré tout faire taire ses détracteurs avec une bonne deuxième partie de saison (notamment 14,3 points et 3,9 rebonds de moyenne sur le mois de février), lui valant une deuxième place dans les votes pour le titre de Rookie Of The Year ainsi qu’une séléction dans la All-Rookie First Team à l’issu de la saison. Des performances encourageantes qui seront suivies d’une première participation aux Playoffs, les Raptors ayant terminés troisième de la conférence Est. Malgré un apport correct de 11,0 points et 4,0 rebonds par matchs, Toronto sortira dès le premier tour face aux Nets, concluant pour Bargnani une saison rookie pour le moins encourageante.

Mais dès sa saison sophomore, de sérieux doutes vont commencer à émerger au sein de la franchise canadienne. Alors que beaucoup pouvaient s’attendre à voir l’italien passer un cap, Bargnani va régresser par rapport à sa première année, passant à 10,2 points et 3,7 rebonds par match, avec seulement 38% de réussite au tir. De nombreux aspects de son jeu suscitent des critiques, notamment son manque d’investissement en défense et sa présence bien trop faible aux rebonds, en dépit de sa taille. La campagne de Playoffs qui suivra tournera même au cauchemar, avec seulement 6,4 points de moyenne face à la défense du Magic qui éliminera à nouveau les Raptors au premier tour.

9 décembre 2010, Andrea Bargnani plante 41 points face aux Knicks (crédit : Bleacher Reports)

Malgré les rumeurs de transfert engendrées par sa laborieuse année sophomore, Toronto va continuer de croire en son first pick en le poussant à devenir un vrai intérieur. Durant l’été, Andrea Bargnani prend sept kilos de muscles et travaille son jeu intérieur pour moins dépendre de son tir extérieur. Plus efficace et avec un jeu désormais plus complet, « Il Mago » se retrouve décalé au poste d’ailier par Sam Mitchell. Transformé, Bargnani semble enfin se diriger vers le joueur qu’il aurait dû devenir. Néanmoins, cette montée en puissance progressive va se faire au sein d’une équipe qui ne parvient plus à retrouver les Playoffs. Toronto ne gagne que trente-trois matchs en 2009, puis quarante-et-un l’année suivante, insuffisant pour espérer finir dans le top 8 de sa conférence. Des déceptions sur le plan collectif, mais un semblant de confirmation sur le plan individuel pour le premier choix de la cuvée 2006, qui tourne à 15,4 puis 17,2 points de moyenne sur les saisons en question. Ces performances lui vaudront une prolongation de contrat sur cinq ans avec les Raptors, moyennant un salaire annuel de dix millions de dollars.

Problème, au cours de l’intersaison 2010, Toronto de parvient pas à prolonger son franchise player, Chris Bosh. L’ère est désormais à la reconstruction pour l’équipe canadienne qui ne vise plus grand chose, si ce n’est de développer ses jeunes. La saison suivante, Bargnani signera le meilleur exercice de sa carrière avec pas moins de 21,4 points, 5,2 rebonds et même 1,7 contres par match. Le 9 décembre, il connaîtra d’ailleurs le meilleur match de sa carrière au Madison Square Garden, en compilant 41 points, 7 rebonds et 6 passes face au New York Knicks, à 16 sur 24 au tir et 2 sur 3 longue distance. Il s’agit également de la dernière saison où Bargnani ne sera pas handicapé par les pépins physiques. Régulièrement touché aux coudes et aux épaules, il manquera vingt-sept matchs en 2011-2012, puis quarante-sept en 2012-2013. Avec le temps, les Raptors on compris que Bargnani ne deviendrait jamais la star qu’imaginait Jerry Colangelo en 2006. Les projets de la franchise ont changés, elle qui mise désormais sur DeMar DeRozan, Jonas Valanciunas et Kyle Lowry. Le 10 juillet 2013, Andrea Bargnani est officiellement échangé aux Knicks contre Steve Novak, Marcus Camby, Quentin Richardson, un premier tour et deux seconds tours de draft.

Après un séjour de sept ans à Toronto marqué par des hauts et des bas, Andrea Bargnani comptait bien relancer et poursuivre sa carrière au sein d’une équipe des New York Knicks ambitieuse. Désormais âgé de vingt-huit ans, l’ailier italien débarque dans une franchise qui compte déjà dans ses rangs trois All-Star (Carmelo Anthony, Amar’e Stoudemire et Tyson Chandler), des joueurs de rotation solides (J.R Smith, Iman Shumpert) et des vétérans (Kenyon Martin, Metta World Peace). De quoi nourrir des ambitions à Big Apple après avoir atteint quelques mois plus tôt les demi-finales de conférence. Malheureusement, Bargnani ne pourra pas apporter autant qu’espéré à l’équipe, la faute à de nouvelles blessures. Sur une tentative de dunk complètement ratée, le joueur des Knicks retombe violemment au sol, lui causant une rupture du ligament du coude. Une perte conséquente à New York puisqu’il était le troisième meilleur scoreur de la franchise avec 13,3 points de moyenne en 42 matchs. L’équipe new-yorkaise terminera l’année avec trente-sept victoires, synonyme de neuvième place à l’Est, et donc d’absence des Playoffs.

La saison suivante sera encore pire pour l’italien qui manquera cette fois-ci cinquante-trois rencontres en raison de multiples blessures à l’épaule et à la hanche. Délesté de ses meilleurs joueurs dans le courant de la saison, les Knicks vont passer en mode tanking pour espérer récupérer un bon choix de draft. Au final, New York conclura la saison 2014-2015 avec seulement dix-sept succès, signant tout simplement un des pires exercice de son histoire. Régulièrement la cible de critiques de la part de l’exigeant public du Madison Square Garden, Bargnani fait de nouveau parler de lui pour son manque d’investissement en défense et une mentalité trop passive face aux événements…l’histoire de sa carrière.

Andrea Bargnani rate sa tentative de dunk, lui causant une nouvelle blessure au coude (crédit : NY Post)

Non-conservé au terme de son contrat par les Knicks, Andrea Bargnani n’aura cependant pas besoin de déménager bien loin pour poursuivre sa carrière NBA. A désormais trente ans, il s’engage comme agent libre avec les Brooklyn Nets, une franchise alors en reconstruction et qui peine à trouver son cap. Là encore, l’expérience vire à l’échec. « Il Mago » voit son temps de jeu drastiquement baisser dans une équipe qui peine à gagner des matchs. L’aventure sera finalement de courte durée puisqu’en février, la franchise accueille un nouveau General Manager en la personne de Sean Marks. Ce dernier souhaite entamer au plus vite un projet de reconstruction complet, et plusieurs joueurs n’entrent pas dans ses plans, dont Bargnani. Bien qu’il lui reste encore un an et demi de contrat, ce dernier signe un « buy-out » en février 2016, mettant ainsi fin à son passage chez les Nets. Il y aura joué 46 matchs, pour 6,6 points de moyenne.

Bargnani inscrit 23 points face aux Sixers dans l’un des dernier matchs de sa carrière outre-Atlantique (crédit : NBA)

Après dix saisons en NBA, la carrière de Andrea Bargnani semble être au point mort. Au terme de la période de transfert, aucune franchise n’a pris contact avec l’italien. Celui qui devait être le « Dirk 2.0 » est définitivement passé de mode. Après de longs mois à attendre, il se décidera finalement à rentrer en Europe où il s’engagera avec le Vitoria Baskonia. Dix ans après, « Il Mago » fait son retour sur les parquets de l’Euroleague. Le magicien n’a cependant plus sa fougue d’autrefois, marqué physiquement par ses années NBA où les blessures ne l’ont pas épargnées. Il parvient tout de même à impacter positivement son nouveau club avec ses 11,5 points de moyenne en championnat espagnol et 8,8 points en Euroleague. Ce retour en Europe va cependant tourner cours avec, une fois n’est pas coutume, une blessure. Habitué des séjours prolongés à l’infirmerie, Bargnani résiliera finalement son contrat avec le club basque en avril 2017. Une séparation qui résonne comme un clap de fin pour beaucoup, et qui se confirmera quelques mois plus tard. En janvier 2018, Andrea Bargnani met un terme à sa carrière à 32 ans, affirmant être revenu dans de bonnes conditions physique, mais ne souhaitant pas se lancer de nouveaux défis afin de se consacrer à sa famille.

Il va sans dire que le bilan de la carrière de Andrea Bargnani est loin de combler les attentes qui avaient pu être placées en lui au début de sa carrière. Celui qui était appelé à devenir le pivot du futur en NBA ne sera finalement jamais parvenu à confirmer, alternant entre exercices moyens et saisons tronquées par les blessures. Malgré des qualités certaines sur le plan offensif, le premier choix de la draft 2006 a acquis la réputation d’être un joueur passif en défense. Une impression qui s’illustre par ses « seulement » 4,7 rebonds de moyenne en carrière en dépit de sa grande taille. Plusieurs lacunes ressortaient également de l’autre côté du terrain, avec un style offensif relativement unidimensionnel basé sur les tirs extérieurs qui venaient compenser une finition trop aléatoire dans la raquette. Son côté « soft » a également alimenté une certaine frustration chez les fans, souvent agacés par sa passivité apparente sur le terrain.

26 février 2017, Bargnani inscrit 18 points face à Saragosse, le dernier match de sa carrière

Mais ce bilan peu tout de même être nuancé. Bien qu’il n’ait jamais atteint le statut de All-Star qui lui semblait promis en 2006, Andrea Bargnani apparaît aujourd’hui plutôt comme un joueur qui a eu le malheur d’être en avance sur son temps. Dans une ligue encore dominée par les intérieurs physiques et athlétiques, Bargnani fut un des premiers à afficher un profil de « stretch five » et à s’écarter de la raquette. Pour David West, il ne fait aucun doute que son association avec Chris Bosh aurait fait des ravages dans la NBA actuelle. L’ancien ailier-fort des New Orleans Hornets expliquait ainsi dans une interview accordée à BasketballNews en octobre 2020 : « Ils étaient quasiment impossibles à défendre. Je suis sérieux. La seule raison pour laquelle Bargnani n’a pas eu une carrière, c’est parce que les arbitres ont laissé des gens comme moi jouer physique avec lui. Mais c’était une autre époque ».

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