FIBA et naturalisation : quand « The Dream » devenait américain
Team USA
Les naturalisations dans le basket international sont aujourd’hui, plus que jamais, sujettes à débat. Jusqu’ici plutôt épargnée, la France a aussi eu droit à son feuilleton avec l’obtention de la nationalité française par Joël Embiid en juillet 2022, avec la promesse de disputer les prochains Jeux olympiques avec l’Équipe de France. Natif de Yaoundé au Cameroun, le pivot des Philadelphia Sixers avait provoqué l’incompréhension en participant finalement aux Jeux Olympiques de Paris avec la sélection américaine, pays dont il était également officiellement devenu citoyen deux ans auparavant. Ce phénomène, bien que plus courant de nos jours, n’est pourtant pas nouveau. En 1993 déjà, il avait suscité quelques interrogations après l’obtention de la nationalité américaine par un autre pivot star de la NBA : Hakeem Olajuwon.
DE LAGOS A HOUSTON
La vie de Hakeem Olajuwon est le genre d’histoire que seule la NBA peut nous offrir. Né le 21 janvier 1963 dans une famille modeste de Lagos, capitale du Nigéria, celui que les fans des Rockets surnommeront « The Dream » ne découvre le basket qu’à quinze ans. Jusqu’ici plutôt passionné de football, où il occupait le poste de gardien de but, il découvre finalement la balle orange à l’occasion d’un tournoi scolaire. Une passion qui ne le quittera plus. Alliant taille et agilité, il s’affirme vite comme un joueur au grand potentiel, au point d’être repéré à ses dix-huit ans par Guy Lewis, entraineur des Houston Cougars en NCAA.
Le tout jeune Olajuwon quitte les siens pour le Texas en 1980, un état où il passera presque toute sa carrière. Au sein de la fameuse équipe des « Phi Slama Jama », Akeem (sans H, à l’époque) atteint le Final Four trois années consécutives. Même si aucune de ces épopées ne se termine par un titre, il s’affirme comme un des meilleurs joueurs du circuit universitaire avec 16,8 points, 13,5 rebonds et 5,6 contres sur sa saison Junior. Fort de cette réputation, il sera sélectionné par les Houston Rockets avec le premier choix de la draft NBA 1984, faisant de lui le premier first pick non-américain de l’histoire.
Au travers d’une carrière longue de dix-huit saisons dans la grande ligue, dont dix-sept passées à Houston, « The Dream » va s’affirmer comme un des meilleurs pivot de l’histoire, comptabilisant douze participations au All-Star Game, douze sélections dans les All-NBA Team et neuf nominations dans les All-Defensive Team. Au sommet de sa carrière, il sera élu MVP de la saison régulière en 1994 et défenseur de l’année à deux reprises, le tout en menant sa franchise au titre deux années consécutives. Un palmarès immense auquel viendra s’ajouter en 1996 une médaille d’or Olympique qu’il remporte à Atlanta avec…la sélection américaine. En effet, bien que né au Nigeria, il sera par la suite naturalisé, ce qui lui permettra d’évoluer sous les couleurs de Team USA. Ce changement de nationalité sportive, rare pour l’époque, va cependant susciter de nombreuses interrogations, notamment au sein de la FIBA.
UNE NATURALISATION QUI POSE QUESTION
En septembre 1993, alors qu’il réside désormais aux États-Unis depuis presque treize ans, Hakeem Olajuwon est naturalisé par l’État du Texas. Il devient alors un citoyen américain.
Le hasard faisant bien les choses, le basket international a connu un revirement historique un an auparavant. En effet, pour la toute première fois, les joueurs NBA sont autorisés à participer au tournoi Olympique de basketball, donnant ainsi naissance à la mythique Dream Team qui laissera une marque indélébile sur les jeux de Barcelone. Une équipe dont Hakeem Olajuwon n’avait logiquement pas fait partie du fait de sa nationalité nigériane. Cependant, cette question d’éligibilité pour Team USA est complètement remise en cause du fait de sa naturalisation récente. Sur le papier, rien ne s’oppose désormais à la présence du pivot des Rockets dans l’équipe nationale américaine.
Oui…sauf qu’il y a un « mais ». Un petit détail va en effet convaincre la FIBA de l’inéligibilité d’Olajuwon, le coinçant pendant plusieurs années aux portes de la sélection. Cette opposition est dû à la participation du joueur à plusieurs rencontres officielles en 1980 avec la sélection U18 nigériane. Le règlement de la fédération stipule en effet qu’aucun joueur ne peut représenter deux pays différents, que ce soit avec l’équipe A ou avec les sélections jeunes. De plus, il est clairement stipulé qu’un joueur naturalisé doit attendre trois ans avant de jouer avec sa nouvelle sélection. Olajuwon ayant obtenu la citoyenneté américaine en septembre 1993 et les jeux d’Atlanta ayant lieux en août 1996, il ne serait de toute manière pas sectionnable pour l’évènement. Florian Wanninger, responsable presse de la FIBA à l’époque, déclarera par la suite aux journaux américains qu’on ne pouvait pas laisser des athlètes professionnels « changer de nationalité comme ils changent de pantalon ». Pas d’exception faite pour la star des Houston Rockets dont ces quelques matchs joués à dix-sept ans vont provisoirement le priver d’une potentielle participations aux Jeux d’Atlanta avec sa nouvelle nationalité.
DE LA FRUSTRATION AU REVE
Les dirigeants de l’équipe américaine ne vont cependant pas restés sur cet échec et décideront de faire appel de cette décision. Après réexamen des différents arguments des parties et deux ans d’incertitudes, la FIBA va finalement inverser sa décision, déclarant officiellement Hakeem Olajuwon éligible à une convocation dans l’équipe américaine le 22 juillet 1995. A titre exceptionnel, la fédération internationale va également mettre de côté le délai de trois ans imposé aux joueurs naturalisés, effaçant le dernier obstacle s’opposant à sa sélection pour les prochains Jeux olympiques !
Ce feuilleton terminé, Hakeem Olajuwon sera logiquement sélectionné quelques mois plus tard par Lenny Wilkens pour faire parti de la « Dream Team II ». Bien moins médiatisée que la première, cette nouvelle sélection américaine assemblée pour aller décrocher l’or n’en restait pas moins spectaculaire, associant des membres de l’équipe de Barcelone comme Charles Barkley, Scottie Pippen ou Karl Malone, et des étoiles montantes de la ligue tel que Grant Hill et Penny Hardaway. Côté pivot, Olajuwon allait partager la peinture avec deux autres cadres à son poste, l’amiral David Robinson et le jeune Shaquille O’Neal. Cette concurrence va cependant avoir pour conséquence une baisse significative de son temps de jeu durant la compétition, avec seulement treize minutes en moyenne par match.
Malgré un effectif moins spectaculaire sur le papier par rapport aux précédents jeux, Team USA ne va pas moins dominer l’évènement, infligeant notamment une défaite de soixante-trois points à la Chine en phase de groupe (133-70). De retour en finale, la sélection américaine s’imposera 95-69 face à la Serbie-et-Monténégro, une rencontre où Hakeem Olajuwon compilera cinq points et cinq rebonds en douze minutes. Sur l’ensemble de la compétition, le pivot des Rockets affiche des moyennes de 5,0 points, 3,1 rebonds et 1,1 passes par match. Un impact certes limité, mais largement compensé par un titre olympique qui viendra étoffer un palmarès déjà bien rempli.
La finale olympique d’Atlanta sera la septième et dernière apparition d’Hakeem Olajuwon avec les États-Unis. Après plusieurs années d’incertitudes et de questionnements autour de son éligibilité, la légende des Rockets sera finalement parvenue à réaliser son rêve en remportant l’or avec la sélection américaine. Au-delà de l’accomplissement personnel du joueur, ce feuilleton aujourd’hui relativement méconnu a largement contribué à la réforme du règlement de la FIBA relatif aux naturalisations. Véritable tournant pour le basket international, Olajuwon aura finalement été le pionnier d’un phénomène désormais très (trop ?) répandu.


Laisser un commentaire