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Real Madrid 1964 : Le premier titre du plus grand des champions européens

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Montage Une : Laurent Rullier pour Basket Retro

Au soir du 10 mai 1964, le basket Espagnol remportait son premier titre à l’échelle continental. Un trophée qui s’ajoutait à ceux des footballeurs de la perle du sport Ibère, le prestigieux Real Madrid. Les basketteurs merengues devenaient Champion d’Europe des Clubs Champions. 

LES DÉBUTS D’UN CLUB PIONNIER EN ESPAGNE SOUS L’IMPULSION DE SANTIAGO BERNABEU

Si aujourd’hui le Real Madrid et la sélection espagnole envahissent nos pensées dès que l’on évoque le basketball européen, il faut prendre en compte que cela n’a pas toujours été le cas. Bien que l’Espagne ait été un des protagonistes de la finale des premiers Championnats d’Europe de basketball de 1935, perdue face à la Lettonie, la guerre civile débutée en 1936 a empêché un réel développement de ce sport en terre ibérique. La Roja ne se qualifie pas pour les mondiaux suivants et termine à la 7e place de l’Euro 1963, loin des standards que l’on attendrait de cette sélection de nos jours.

Créé au début du siècle, le Real Madrid est d’abord un club de football, dont le succès ne tarde pas à se faire connaître. Une équipe de basket-ball voit le jour quant à elle en 1931, après une annonce passée dans un quotidien espagnol invitant les « gentlemen » pratiquant ce sport à rejoindre ce nouveau projet. Le Madrid Basket-Ball devient une section officielle du Real Madrid en 1941 dans le cadre de son développement multisport. Ce nouveau club s’impose rapidement comme un des fers de lance du basket espagnol, en étant couronné 6 fois champion de Castille entre 1942 et 1950. Cette même période voit simultanément l’affirmation du général Francisco Franco à la tête de l’Espagne, et l’arrivée de la légende du football madrilène Santiago Bernabeu comme nouveau président du Real. Ce dernier compte bien donner des ambitions et les moyens de les réaliser à sa section baloncesto.

L’effectif du Real Madrid autour de la Coupe d’Europe après la victoire en 1964. @RealMadrid

Les années suivantes témoignent d’une profonde domination du club de la capitale sur le territoire national. Le Real Madrid remporte symboliquement le premier Championnat d’Espagne de l’histoire, organisé par la Fédération d’Espagne de basketball en 1957, marquant ainsi l’avènement de l’ancêtre de la Liga et d’une domination sans pareille d’une même écurie sur la compétition. Couronné 7 fois lors des 8 premières saisons, le Real ne laisse que l’exercice 1958-1959 au FC Barcelone, autre section multisport s’appuyant sur sa composante footballistique.

LES MADRILÈNES A L’ASSAUT DE L’OGRE SOVIETIQUE

Véritable porte étendard sur la scène nationale, le Real fait face à de plus grandes difficultés sur la scène européenne. Mais en même temps, qui peut se targuer à la fin des années 1950 de pouvoir concurrencer les équipes de l’Est ? 3 fois finalistes des Jeux Olympiques en 1952, 1956 et 1960, l’URSS voit ses joueurs internationaux évoluer sur son territoire au sein d’équipes soviétiques ainsi très compétitives, et vainqueures des 5 premières éditions de  la compétition européenne. Seule une équipe réussit réellement à tirer son épingle du jeu face à l’Europe de l’Est : le Real Madrid. Déjà présent lors de la première édition de la dénommée « Ligue des champions » du fait de sa victoire en championnat, le Real s’était hissé en demi-finale après avoir défait les Belges du Royal Brussels, pour finalement s’incliner face au futur vainqueur, Riga. Mais les années qui suivirent furent plus compliquées, les Madrilènes ne dépassant plus le stade des quarts de finale quand ils réussissaient à se qualifier. Toutefois jusqu’au tournant de la saison 1961-1962.

Face à la domination, le mot étant d’ailleurs sans doute encore trop faible, des athlètes soviétiques, le Real Madrid présente la particularité de faire appel à des basketteurs étrangers, notamment issus de la filière universitaire américaine. En 1962 par exemple, le Real compte dans ses rangs le pivot Stan Morrison et surtout Wayne Hightower, dont l’histoire singulière mérite également d’être racontée en détail. Déjà championne d’Europe à 5 reprises entre 1956 et 1960 sur le carré vert, le Real Madrid atteint donc grâce en grande partie à sa star états-unienne la finale de la plus prestigieuse des compétitions. Mais avec quelques particularités néanmoins : le match se déroule sur terrain neutre, en Suisse, et en un match sec au lieu de la formule aller-retour jusque-là usitée sur la scène européenne. La raison ? Les Soviétiques du Dinamo Tbilissi ont refusé de se rendre en Espagne ou d’accueillir les Madrilènes sur leur sol à cause du contexte franquiste. Un compromis fut trouvé aux termes de longues négociations menées victorieusement par Raimundo Saporta, délégué à la présidence de la section baloncesto du Real par Bernabeu. Il dut notamment promettre une gracieuse compensation financière au club géorgien. Le jour de la confrontation enfin arrivée, il est clair que le Dinamo Tbilissi est mieux préparé sur les plans physiques et techniques que la formation espagnole. Malgré une performance XXL de Wayne Hightower, dont la sortie pour 5 fautes marque la fin des espoirs espagnols, le Real Madrid ne put que s’incliner devant l’insolente réussite au tir des Géorgiens, qui remportent ainsi leur premier titre.

Wayne Hightower sous les couleurs du Real Madrid, ici face à Bagnolet. @Universal/Corbis/VCG via Getty Images

Mais rien de meilleur pour se relever d’une défaite que de repartir au travail, avec dans les bagages un nouveau doublé coupe-championnat sur la scène nationale. A nouveau, le Real réussit une campagne de qualification européenne parfaite. Après une demi-finale plus que disputée où les Madrilènes ont dû effacer un retard de 19 points au match aller pour finalement s’imposer face au Spartak Brno (un adversaire que nous retrouverons assez rapidement dans notre récit), voilà les joueurs de Ferrandiz à nouveau en finale. Opposés au CSKA Moscou, déjà vainqueur de la reine des compétitions du vieux continent deux ans plus tôt. Procédant en contre et tirant partie des fautes accumulées par la raquette soviétique, les Merengue réussissent un exploit en s’imposant à domicile 86-69 pour le compte du match aller. 17 points d’écarts donc, qui offrent une lueur d’espoir inespérée aux supporters madridistas. Mais au Palais des sports du stade Lénine, à Moscou, l’espoir est rapidement mis en cage. Avec 14 points d’avance en faveur de leurs hôtes à la mi-temps, le coup au moral pour les Madrilènes est rude, d’autant plus que les blessures s’accumulent. Avec un score final de 91 à 74 pour les Moscovites, la finale prend une autre dimension : un même écart à l’aller comme au retour oblige pour la première fois de l’histoire de la compétition un troisième match pour départager les deux équipes, joué à seulement 24 heures d’écart de la dernière opposition. Dans un laps de temps si court et à cause de corps trop marqués par les efforts consentis, les joueurs du Real Madrid n’ont eu d’autres possibilité que de s’incliner face au savoir-faire russe. Mais ce scénario est digne d’enseignement : un club d’Europe occidentale à bien failli faire vaciller le monstre du basket soviétique. Et si c’était possible ?

1964, LE REAL POUR LA PREMIÈRE FOIS SUR LE TOIT DE L’EUROPE

Malgré deux finales consécutives et un nouveau doublé glané au pays, le coach Pedro Ferrandiz est remplacé pour le compte de la saison 1963-1964 par Joaquin Hernandez en tant qu’entraîneur principal du Real Madrid. A nouveau parmi les 23 équipes qualifiées pour la Coupe d’Europe, le club de la capitale espagnole compte bien faire encore mieux que les deux saisons précédentes. Les joueurs le savent, ils sont capables d’imiter leurs collègues footballeurs et ainsi inscrire leurs noms dans le palmarès de leur sport. Plusieurs de ces athlètes sont attachés au Real, et ont déjà connu les précédentes aventures européennes. Déjà meilleur marqueur de la dernière finale, Emiliano Rodriguez fait partie des leaders de l’effectif, aux côtés notamment de Carlos Sevillano, issu de la réserve du club et ayant rejoint l’équipe première en 1959, au même moment que le premier. Sevillano est un ailier renommé pour sa grande vitesse en contre-attaque et son habilité à monter la balle, tandis qu’Emiliano est un véritable tireur hors du commun, shoot qu’il a pu perfectionner en côtoyant un de ses idoles, Clifford Luyk. L’Américain, recruté à l’occasion d’un voyage à New York en 1962 par Pedro Ferrandiz, déjà à l’origine de l’arrivée d’Hightower, s’est adapté avec une facilité déconcertante à la vie madrilène, et surtout à son vestiaire. D’autres noms, comme la star universitaire Bill Hanson, le futur dirigeant Lolo Sainz, ou encore Bob Burgess, Jose Durand et Julio Descartin complètent un effectif plus que compétitif sur le papier, alliant le talent de quelques américains à la formation espagnole.

Emiliano Rodriguez, le pistolero madrilène @RealMadrid

Sous la houlette d’Hernandez, les Madrilènes se hissent aisément jusqu’en demi-finale. Comme l’année précédente, le Real concède le premier match, cette fois face à Milan, pour ensuite prendre le large au retour à domicile. Ainsi, le Real Madrid retrouve la finale de la Coupe d’Europe pour la troisième saison consécutive, déjà un exploit remarquable en soit, pour cette fois être opposé au Spartak Brno. 10 fois champion de Tchécoslovaquie, le club reste un des fleurons du basket de l’Europe oriental, mais n’est cette fois pas affilié à l’URSS. La première manche prend place le 27 avril 1964 à Brno. Pour les Madrilènes, bien que remontés comme jamais à l’approche de l’occasion, tout ne se passe pas exactement comme prévu. Ils ont pourtant parfaitement débuté la rencontre, avant de voir leur avance fondre comme neige au soleil pour arriver à une égalité parfaite 24-24 à la huitième minute. Pour le plus grand malheur du Real, Sevillano, Luyk, Sainz, Descartin et Hanson doivent successivement quitter le parquet, sur blessure ou à cause d’une disqualification, tandis que les Tchécoslovaques prennent feu à l’instar  de Jan Bobrovsky. Le Real doit alors jouer les 5 dernières minutes de la partie avec seulement deux de ses habituels joueurs des grands rendez-vous, Emiliano et Burgess. Score final 110 à 99 pour les locaux, l’addition est salée pour les Merengue.

Or, il leur faut déjà se projeter sur le match retour. Dire que ce match est capital dans l’histoire de l’institution espagnole est un euphémisme. Bonne nouvelle après le coup de massue reçu, tous les joueurs sont aptes à retrouver les parquets pour la seconde manche. Celle-ci a ainsi lieu le 10 mai 1964, à Madrid. Devant des supporters galvanisés par l’enjeu, les joueurs de Joaquin Hernandez savent qu’ils peuvent le faire. Mieux, ils en sont persuadés. Même si  l’enjeu est cette fois bien plus important, les Madrilènes ont déjà remonté un déficit encore plus ample deux ans auparavant face à cette même équipe tchécoslovaque en demi-finale, et s’ils ont bien appris quelque chose au terme de la finale 1963 face à Moscou, c’est que rien n’est impossible à domicile. Le coup de sifflet des arbitres retentit. Le match commence. Et le reste appartient à l’histoire. Sur un nuage depuis déjà deux saisons pleines maintenant, Emiliano compose la partition de sa vie, inscrivant pas moins de 28 points sur l’ensemble de la partie. L’extérieur à l’adresse folle est bien épaulé par son mentor et ami Clifford Luyk, auteur de 25 points. Galvanisés par le public, les Madrilènes réalisent l’impensable, une remontada exceptionnelle à tous points de vue. Mais est-ce vraiment tant inattendu, venant d’une équipe qui a connu les deux dernières finales de Coupe d’Europe et qui en a tiré une inestimable expérience. Score final 84-64, 20 points d’écarts plus que suffisants pour l’emporter. Mais 20 points d’écarts qui ne permettent pas de gagner un simple match. 20 points d’écarts qui écrivent l’histoire d’un club, qui le font entrer dans la légende. Dès le lendemain, la presse madrilène titre « Nos joueurs, en démonstration exceptionnelle, transforment le rêve en réalité en remportant le « panier d’argent » ».

La presse madrilène célèbre le titre du Real, avec en photo Sevillano portant triomphalement le trophée. @RealMadrid

Avec le retour du coach Pedro Ferrandiz dès la saison suivante, les Madrilènes vont faire entrer la Coupe d’Europe, future Euroligue, dans une nouvelle dimension en remportant 4 titres en seulement 6 ans, dont son troisième à nouveau face à Brno en 1968. Le titre de 1964 titre et ce qui s’en suivra démontrent l’extraordinaire puissance de l’institution Real Madrid, programmée pour dominer l’Europe, et inspirer les générations futures de basketteurs européens.

LE PREMIER TITRE EUROPEEN DU REAL MADRID EN IMAGES

@Real Madrid
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Pour un passionné de sport comme moi, qui souhaite devenir journaliste sportif, le basket représente une mine d'or d'émotions. Quand on connait la cadence des matchs et la riche histoire de la discipline, on se dit qu'en se plongeant dans son passé on ne peut que continuer à s'émerveiller.

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