Uvais Mazhidovich Akhtaev : le géant soviétique
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C’est un fait, le basket moderne nous a habitués ces dernières années aux anomalies physiques. Que ce soit avec Victor Wembanyama, Chet Holmgren, Kristpas Porzingis ou Bol Bol, voir un joueur dépasser les deux mètres vingt n’est pas encore devenu monnaie courante…mais presque. Peut-on alors imaginer l’étonnement (ou la frayeur) des défenseurs qui découvrirent un ovni de deux mètres trente-six face à eux lors des jeux universitaires de 1947 ? Originaire des plaines de Tchétchénie, ce colosse désormais oublié s’appelait Uvais Mazhidovich Akhtaev.
UNE JEUNESSE TOURMENTEE
Né le 26 décembre 1930 à Vachandarov dans la république soviétique autonome de Tchétchénie, Uvais Akhtaev va connaître de jeunes années difficiles, marquées notamment par la déportation massive des habitants de la région vers la Sibérie en 1944. Il n’a ainsi que quatorze ans lorsque sa famille et lui sont expulsés de leur village vers la ville de Karaganda au Kazakhstan. A son jeune âge, il possède déjà des dimensions physiques impressionnantes, mesurant près de deux mètres. Une taille peu courante, tout comme la façon dont il a commencé le sport.
Obligé de voler des fagots de bois pour ne pas mourir de froid, Uvais Akhtaev se fait prendre par la police locale. La légende raconte que, impressionné par sa carrure, les agents de la “militsia” décideront de le conduire au centre sportif de la ville plutôt qu’au commissariat pour lui permettre d’utiliser ses qualités à bon escient. Il s’essaye à diverses activités tel que la boxe, le lancer de poids, de javelot et de disque ou encore la lutte. Bien aidé par ses dimensions physiques avantageuses, ces expériences sportives seront toutes couronnées de succès. En 1946, il est même sélectionné pour participer aux Spartakiades, évènement semblable aux jeux olympiques se déroulant au sein du bloc de l’Est. Athlète polyvalent, il se tourne finalement définitivement vers le basket-ball en 1947 après avoir fait la rencontre de Isaak Kopolevich qui le convainc de rejoindre son équipe basée à Alma-Ata.

UN MONSTRE SANS COURONNE
A seulement dix-sept ans, Uvais Mazhidovich Akhtaev fait donc ses débuts au sein du championnat soviétique de basket avec le club kazakh du BK Buruvestnik. Sans surprise, il ne lui faut pas longtemps pour tirer avantage de son physique hors-normes (désormais deux mètres trente-six et cent quatre-vingt kilos). Selon les dires de plusieurs témoins, il était notamment capable de dunker sans sauter et avait la capacité de faire des passes d’un bout à l’autre du terrain. Sa domination sous le panier était tellement impressionnante que la tactique de son équipe se résumait désormais uniquement à des passes au poste. Véritable casse-tête pour les défenses adverses, de nombreuses équipes vont redoubler d’ingéniosité pour tenter de limiter le géant. Un récit d’époque raconte qu’un joueur avait déjà essayer de se hisser sur les épaules d’un coéquipier pour avoir une taille presque équivalente à son vis-à-vis, ou encore que sa tenue de match et ses chaussures avaient été dérobé pour l’empêcher de jouer. Forcément, difficile pour lui de retrouver des chaussures pointures 58 dans l’immédiat. Un membre de l’équipe de Leningrad se serait même infiltré dans l’hôtel où il séjournait pour le faire jouer aux cartes toute la nuit une veille de match.
Cependant, ce qui constitue sa plus grande qualité va également devenir sa principale faiblesse. En effet sa grande taille le limitait énormément dans ses déplacements et ses retours en défense, devenant parfois un poids plus qu’un avantage pour son équipe. Parfois trop polarisant en attaque, attirant souvent jusqu’à quatre défenseurs sur lui,Uvais Akhtaev ne parviendra jamais a remporter le moindre titre avec Alma-Ata au sein d’un championnat soviétique dominé par le Dynamo Moscou et le Zalgiris Kaunas. Contrairement à d’autres joueurs, il ne pouvait pas compter non plus sur la sélection soviétique pour compenser ce sevrage en trophée. Dans un premier temps retenu pour disputer les Jeux de Helsinki en 1952, il sera finalement écarté de la liste définitive car tchétchène. Il se verra proposer de changer de nom pour participé à l’événement, mais refusera catégoriquement. Bien qu’il ai fait partie à l’époque des meilleurs joueurs de son championnat, il ne disputera jamais le moindre match avec l’équipe d’URSS. Sa seule apparition avec un maillot soviétique eu lieu lors des jeux universitaires de Paris en 1947. Cependant, cette mise à l’écart arbitraire ne l’empêchera pas d’avoir une carrière internationale puisqu’en 1956, il dispute les Spartakiades avec la sélection kazakh. Véritable maître à jouer de l’équipe, cette dernière déjouera les pronostics et terminera l’événement à la cinquième place.

UN FIN DE VIE DANS L’ANONYMAT
Bien que spectaculaire, le physique d’Uvais Akhtaev impliquait également de nombreuses complications. Sa carrure démesurée le rendait ainsi bien plus sujet aux blessures, qui le poursuivront tout au long de sa carrière. Pour ne rien arranger, il souffre également de plusieurs problèmes de santé. Durant l’année 1957, il contracte une grave pneumonie avant d’être diagnostiqué diabétique. Plusieurs raisons qui vont le pousser à arrêter la pratique du basket, à seulement vingt-sept ans et après dix saisons au Buruvestnik Alma-Ata. Reconverti dans le coaching, il entraînera pendant plusieurs années l’équipe de Grozny dans sa Tchétchénie natale. A partir de 1973, ses soucis de santé vont cependant s’aggraver, l’obligeant à constamment rester alité. Il s’éteint cinq ans plus tard, à seulement quarante-huit ans. L’une de ses dernière volonté fut d’être enterré dans une tombe de taille normale pour ne pas que sa sépulture devienne une curiosité locale.

Peu d’images demeures aujourd’hui du géant tchétchène. L’histoire de Uvais Mazhidovich Akhtaev pourrait même parfois faire penser à une simple légende urbaine sans les quelques récits et photographies qui font aujourd’hui perdurer la mémoire d’un joueur aussi spectaculaire qu’oublié. Durant sa carrière, le pivot d’Alma-Ata aurait pourtant pu faire ses débuts sur grand écran. Un producteur de cinéma soviétique lui avait effectivement proposé de jouer dans une adaptation du roman « Le Voyage de Gulliver à Lilliput« . Akhtaev avait d’abord accepté, avant de revenir sur sa décision en constatant que le tournage lui ferait manquer certains matchs de son équipe.
Sa carrière et son palmarès ne sont, certes, pas des plus impressionnants. Pourtant, Uvais Akthaev fut un pionnier à sa manière en devenant le premier « géant » de son sport. Véritable force de la nature, on ne peut qu’imaginer l’impact que sa présence aurait pu avoir au sein d’une équipe plus compétitive, notamment avec la sélection soviétique, double championne d’Europe à l’époque.


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