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Quand les Cleveland Cavaliers ont failli devenir les Toronto Towers

Franchise History

Montage Une : Laurent Rullier pour Basket Rétro

La ville de Toronto a connu 2 époques de basketball : celle des Huskies qui n’a tenu qu’une saison entre 1946 et 1947 et celle des Raptors qui dure depuis 1995. Et pourtant les fans canadiens auraient pu retrouver la joie d’une franchise au milieu des années 80, quand le sinistre Ted Stepien a failli déménager ses Cleveland Cavaliers de l’autre coté de la frontière.

Peu de gens le savent mais les Cavaliers auraient pu disparaitre en 1983. A l’époque, les Cavs étaient la propriété de Ted Stepien, magnat de la publicité, à la tête d’une grande agence nommée Nationwide Advertising, qui avait tenté de réitérer ses succès dans le sport. Pressé de réussir, Ted Stepien avait pris la main sur le sportif à Cleveland et s’était fait une spécialité d’échanger ses tours de draft pour acquérir des joueurs immédiatement opérationnels, quitte à mettre en péril sa franchise à moyen et long terme.

Ainsi en quelques mois après sa prise de fonction, Stepien avait échangé ses premiers tours de draft pour les 5 éditions à venir (de 1982 à1986). En laissant à d’autres franchises le soin de sélectionner à sa place des joueurs comme James Worthy, Derek Harper, Sam Perkins, Detlef Schrempf ou Roy Tarpley, Stepien a contraint la NBA à intervenir, d’abord en surveillant le moindre échange des Cavs puis en instaurant une règle, la “Stepien Rule”, qui empêche les franchises d’échanger leur premier tour de draft 2 années consécutives.

Ted Stepien – Getty Images

C’est dans ce climat glacial que Ted Stepien poursuit son mandat de propriétaire des Cavaliers, entre échecs sportifs et détestation des supporters, qui désertent progressivement le Richfield Coliseum de Cleveland. Mais Stepien et son égo surdimensionné n’ont aucune envie de recoller les morceaux. Bien au contraire même, puisque Ted Stepien décide de prendre ses distances avec la ville de Cleveland et pense dans un premier temps à renommer l’équipe en Ohio Cavaliers et à jouer dans tout l’état.

Mais Stepien imagine également aller encore plus loin et imagine à ce moment-là déménager ses Cavaliers non pas dans un autre état mais bien dans un autre pays, direction le Canada et Toronto.

DES CAVALIERS, VERS LES TOWERS ?

Bon client pour la presse, Ted Stepien parle sans filtre. En ce mois de mars 1983, alors que son équipe n’a remporté que 15 victoires lors de la saison 1982-1983, récoltant le pauvre total de 66 victoires en 3 ans, le terrain est propice au déménagement. Ce que Stepien confirme à la presse locale, annonçant que Toronto est sa destination idéale : il y aurait trouvé des investisseurs, des garanties de vente de billets et le soutien des politiciens de la ville.

Cette annonce, aussi déroutante soit-elle, ne surprend pas le microcosme de la franchise. Stepien est de nature imprévisible et a souvent utilisé la menace du déménagement pour répondre aux critiques, venant des médias ou des fans. Quand à la destination, si Toronto n’a plus connu d’équipe depuis les Huskies, la ville reste pour autant une terre à conquérir pour la NBA. Entre 1971 et 1975, les Buffalo Braves, futurs Los Angeles Clippers, avaient par exemple joué 16 matchs au Maple Leaf Gardens de Toronto.

En 1982, l’été précédent l’annonce de Stepien, Leo Rautins, natif de Toronto et espoir de la fac de Syracuse, avait croisé le propriétaire des Cavs dans les tribunes de la Varsity Arena de Toronto, lors d’un match de l’équipe nationale du Canada. S’en était suivi un échange prémonitoire :

« Hé, on va faire une équipe ? » Rautins à Stepien.
« Nous y travaillons », Stepien à Rautins

UN LOGO, UN NOM, PUIS… PLUS RIEN

Et effectivement Stepien y a travaillé. Quelques jours après l’annonce, il organise une conférence de presse à Toronto pour y présenter sa nouvelle équipe de basketball : les Toronto Towers ! Accompagné de Harold Ballard, propriétaire des Maple Leafs en NHL, Stepien annonce un rapprochement entre les 2 franchises pour que ses Towers jouent leurs matchs au Maple Leaf Gardens.

Pour rendre les choses encore plus concrètes, Stepien présente le logo des Toronto Towers : un design tout en rondeur, reprenant l’iconographie de la CN Tower, emblème de la ville pour un logo rappelant furieusement le logo des Sonics (sans doute l’effet “tour”). Et Stepien a même un plan pour remplir sa salle immédiatement. Il compte drafter Leo Rautins, éligible à la draft 1983 pour faire de lui la première superstar canadienne à mener la première franchise NBA de l’histoire du Canada.

Logo des Toronto Towers

Mais les plans de Ted Stepien n’iront jamais jusqu’à leur exécution. Déja les Cavs n’ont pas de tour de draft en 1983 et Rautins sera drafté par les Sixers à la 17eme position. Mais surtout les Toronto Towers ne dépasseront pas le stade de l’identité visuelle. Et cela, à cause de Kent Schneider, avocat et ami personnel de Ted Stepien.

Depuis sa prise en main des Cavs, Stepien ne fait que perdre de l’argent. Ces pertes sèches, qui l’avaient justement conduit à envisager un déménagement, l’empêchent ironiquement d’avoir les mains libres. En manque de liquidité, Stepien doit en effet vendre Nationwide Advertising pour pouvoir investir au Canada.

Lucide sur les qualités de propriétaire de son client, Schneider décide de mettre son véto à cette vente, craignant une faillite pure et simple de Stepien. Alors l’avocat décide de trouver un plan B et contacte les frères George et Gordon Gund, propriétaires du Richfield Coliseum. Après plusieurs semaines de négociation et suite à l’intervention de la NBA qui donnera la possibilité aux Cavs de “racheter” des premiers tours de drafts, les frères Gund feront une offre de 22 millions de dollars pour racheter les Cleveland Cavaliers à Ted Stepien.

Les Cavs restent au Coliseum

Ainsi il n’y aura pas de Toronto Towers en NBA. La ville canadienne devra même attendre 12 ans avant d’obtenir une franchise NBA avec l’arrivée des Raptors. Mais avant cela, Stepien essayera quand même d’implanter une équipe de basket dans la ville avec la création des Toronto Tornados, engagé dans la CBA (Continental Basketball Association).

La-bas, Stepien essayera de faire venir Rautins, en difficulté en NBA mais sans succés. Les difficultés s’enchaineront pour les Tornados qui finiront par déménager 2 ans plus tard à Pensacola, en Floride, mettant fin au rêve de Stepien d’imposer une équipe de basket professionnel au Canada.

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About Winston (8 Articles)
Observateur de la NBA depuis le début des années 2000, je suis tombé amoureux d'une franchise qui a marquée toutes les époques de la NBA : les Detroit Pistons. Raconte aussi son historie en podcast dans "Les Chroniques de Motor City"

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