Dernières publications

[Portrait] Elton Brand, Boule de Clipper

Portrait

Montage Une : Laurent Rullier pour Basket Rétro

Plus de 15.000 points, 8000 rebonds, 2000 passes et 1500 contres en carrière. A sa retraite, Elton Brand fait partie de ce club fermé, composé seulement de dix joueurs. Star universitaire avec Duke, son parcours en NBA n’est pourtant pas un long fleuve tranquille. Bazardé par les Bulls après deux saisons, il atterrit chez les Clippers, où il va tout faire pour remettre à flot une franchise maudite depuis son déménagement à Los Angeles.

LE ROC DE L’ÉTAT DE NEW YORK

La vie d’Elton Brand est un formidable exemple du rêve américain. Parti de rien pour arriver au sommet, le colosse s’est servi du basket pour s’arracher à sa condition sociale, au point d’être le prospect le plus convoité du pays à la fin des nineties. Tout commence à Peekskill, une ville tranquille située à 45 minutes du Nord de New York. Ici, le strass et les paillettes de Big Apple laissent place à la sueur. Peekskill est une cité ouvrière, où Daisy Brand élève seule ses enfants Artie et Elton. Logement social, salaire de misère, le quotidien de la famille est une lutte. Pour changer cela, Daisy ne laisse rien passer à ses garçons en matière d’éducation. Avec le sens du mot travail inculqué dès son plus jeune âge, Elton récolte les éloges aux différents échelons scolaires. Pour se vider la tête, il souhaite se mettre au football américain à ses 10 ans. Un sport jugé trop dangereux par Daisy qui le réoriente vers le basket. Un très bon coup de flair maternel ! A l’adolescence, Elton hérite d’un physique de déménageur et ne se prive pas pour s’en servir sur les parquets. Engagé avec le petit lycée de Peekskill, son nom commence à se répandre dans la région. Mais, à cette époque, Brand ne rêve pas de carrière en NBA, trop préoccupé par sa réussite scolaire :

En entrant au lycée, je n’étais pas très coté ni projeté comme un futur All-American, donc mon esprit a toujours été tourné vers l’éducation : aller à l’université en tentant de décrocher une bourse, obtenir mon diplôme pour ensuite acheter une maison à ma maman. C’était mon objectif, acheter une maison à ma mère un jour.

Elton-Brand-Highshool

Elton Brand et Ron Artest © aauboysbasketball.org

Ses dernières saisons en highschool vont en décider autrement. En tournant à quasiment 30 points et 20 rebonds, il offre deux titres d’état aux Red Devils de Peekskill. Si son arsenal offensif est encore brut, sa puissance lui permet de scorer à volonté tout en représentant un roc infranchissable de l’autre côté du terrain. Un talent évident qui se mesure aux autres prospects new-yorkais pendant l’été. Comme le niveau entre les différents lycées varie sensiblement, le circuit estival AAU permet de vraiment scouter le gratin. En 1996, Brand s’inscrit avec les Hawks de Riverside Church dans ce qui reste la plus grande équipe de cette compétition. Aux côtés d’Elton, on retrouve les futures stars, Lamar Odom et Ron Artest ! Un trident complètement dingue qui confirme que les garçons sont désormais attendus à l’étage supérieur. Les plus grandes facs du pays courtisent Brand, nommé Mr New York Basketball en 1997. John McCloud, coach de Notre Dame et Steve Lappas de Villanova font même le voyage jusqu’à Peekskill pour soigner leur plan drague. Peine perdue ! Avec l’embarras du choix pour sa bourse universitaire, il fait le choix de l’élite en s’engageant avec Duke.

La promotion 1997 reste dans les annales des Blue Devils. En plus d’Elton, Mike Krzyzewski attire dans ses filets les futurs NBAers, Shane Battier et William Avery. Fin décembre, Brand est déjà le meilleur scoreur et rebondeur de l’équipe, mais une grave blessure au pied le stoppe net. Les médias évoquent une fin de saison pour le freshman. Dévasté par la nouvelle, Coach K lui rend visite à l’hôpital pour le réconforter. Et là, surprise c’est Elton qui remonte le moral de l’entraîneur en lui assurant qu’il sera bientôt de retour. Sûr de sa robustesse, Brand revient bel et bien en jeu fin février. En son absence, les Blue Devils ont bien fait les choses avec 13 victoires en 14 matchs. La première place de l’Atlantic Coast Conference se joue lors du dernier match de régulière face au rival de toujours, North Carolina, emmené par Vince Carter et Antawn Jamison. Dans les cordes de 17 points à onze minutes du terme, Elton sonne la révolte en scorant quatre paniers consécutifs. Dès lors, les Dukies amorcent une remontée infernale en marquant sur 15 de leurs 18 dernières possessions. La bascule se fait sur un tir de Roshown McLeod dans les dernières secondes. Les Blue Devils passent devant pour la première et la seule fois du match qui se termine sur le score de 77-75. Un scénario complètement fou gravé dans l’histoire de cette rivalité, d’autant qu’elle correspond à la 500ème victoire en carrière de Coach K.

Sur sa lancée, Duke surclasse la fac de Radford puis celle d’Oklahoma State pour ouvrir son tournoi NCAA. Opposé à Syracuse lors du Sweet Sixteen, Brand qui découvre la March Madness, fracasse son adversaire du soir, Etan Thomas : 20 points, 14 rebonds et 2 blocks sur le futur pivot des Wizards. Le tour suivant se corse légèrement face à Kentucky. Après avoir compté 18 points d’avance, Duke se fait rejoindre dans les dernières minutes, 86 à 84. Les deux gardes du corps des Wildcats Nazr Mohammed et Jamaal Magloire musèlent complètement Elton, qui sort frustré de la compétition. Une déception qui sert de moteur au groupe entier l’année suivante. Rejoint par le tout jeune Corey Maggette, les Dukies font figure d’épouvantails dans l’ACC. Encore plus puissant après un été studieux passé à la musculation, Brand impose d’entrée sa marque : jeu au poste, rebond offensif, dissuasion défensive, l’intérieur crève l’écran avec 17.7 points à 62% de réussite, 9.8 rebonds et 2.2 blocks ! Le pilier de la meilleure saison alltime de la fac. Après une défaite sur le fil contre Cincinnati 77-75 fin novembre, les Blue Devils enchaînent une série légendaire de 24 victoires consécutives, un nouveau record sur le campus. Duke devient également la première équipe de l’Atlantic Coast à boucler un bilan parfait au sein de la conférence (16-0). Meilleure attaque en NCAA (93.7 points), les Dukies démontent leurs adversaires par une marge moyenne de 25.7 points tout en prenant 16 rebonds de plus par match. Une domination physique sans partage qui doit beaucoup à la présence d’Elton dans la raquette.

Elton-Brand-Duke

Le succès ne monte pas à la tête de Coach K qui précise qu’il n’y a pas de bannière pour un bilan de 16-0. Une façon de faire comprendre à ses protégés que seul le titre final compte. Un message bien reçu par ses joueurs. Le début de la March Madness est une boucherie : +41 contre Florida, +41 contre Tulsa, +17 contre Missouri State, +21 contre Temple. Le Final Four est atteint sans même trembler une seconde. Les Spartans de Michigan State en demi-finale sont déjà plus coriaces. Particulièrement maladroit, Duke ne parvient pas à créer un écart supérieur à dix points. Omniprésent des deux côtés du parquet, Brand écope d’une quatrième faute à dix minutes du terme. Sur le banc, il voit Morris « Mo’Pete » Peterson ramener les siens à moins 3. Heureusement, il remet le bleu de chauffe à temps dans le money time pour l’emporter 68-62. Avec 18 points et 15 rebonds, il est le grand monsieur de ce match à pression. Enfin, les Dukies sont poussés dans leurs retranchements, une opposition qui ne peut être que bénéfique pour la finale, déclare Elton en conférence de presse. Cette 37ème victoire des Blue Devils marque aussi un nouveau record sur une saison universitaire. Il ne reste plus qu’à conclure ce grand chelem face à Connecticut, la seule fac qui rivalise en termes de talent.

Le Tropicana Field en Floride est le théâtre d’un affrontement à couteaux tirés : 14 égalités et 7 changements de leader. Richard Hamilton et ses 27 points matche complètement les 25 unités de Trajan Langdon. Elton, comme à son habitude, est en double double avec 15 points et 13 rebonds. Mené 75-74, le Dukie Langdon hérite de la dernière possession, mais effectue un marcher sur son drive. Derrière, Khalid El Amin rentre ses lancers pour une victoire 77-74 de UConn. Énorme déception pour Brand que le titre de National College Player of the Year n’efface pas. Et rapidement se pose la question de repartir en campagne. Habituellement les stars de Duke comme Christian Laettner ou Grant Hill font un cursus complet de quatre ans. Mais, Elton a un physique déjà NBA ready et le chant des sirènes de la grande ligue résonne fort dans sa tête. Le 15 avril 1999, il s’inscrit à la draft. Une décision qui fait grincer des dents sur le campus, la presse locale publiant même la lettre d’un fan qui reproche à Elton, le choix de l’argent. L’intérieur prend alors son droit de réponse en argumentant ses origines modestes. Mettre sa mère à l’abri est toujours son objectif. Il faut une déclaration de Coach K pour éteindre l’incendie :

En raison de ses bons résultats sportifs, la prise de décision a été d’une logique implacable. Elton fait le bon choix pour toutes les personnes impliquées. Je suis en faveur de cela à cent pour cent. Il a déjà tout en magasin pour faire une grande carrière en NBA.

UN PASSAGE EN COUP DE VENT A WINDY CITY

Dans une cuvée loin d’être historique, Elton émerge comme un First Pick légitime. Ses principaux concurrents, le guard Steve Francis et le couteau suisse Lamar Odom. Après la pire campagne de son histoire qui s’est soldée par 13 petites victoires, les Bulls ont la main sur la draft 1999. Le départ de Michael Jordan a laissé la franchise orpheline, où seul Toni Kukoc fait figure de rescapé. Pendant des semaines, le bruit court que le general manager Jerry Krause tente d’échanger son précieux sésame contre une superstar. La rumeur la plus sérieuse émane de Toronto, susceptible de se séparer de Tracy McGrady. Le jour J, les yeux sont rivés sur le GM qui opte finalement pour Brand. Entre la fragilité physique d’Odom et le caractère bien trempé de Francis, Krause fait le choix de la sécurité. Et même si cette décision ne fait pas l’unanimité dans le front office, Elton veut clairement faire taire les sceptiques :

C’est un super défi d’être dans les pas de Michael Jordan. C’est beaucoup de pression de jouer pour les Bulls avec tout cet héritage et tous ces titres de champion. Mais, je suis prêt à relever ce défi, à me battre et à prouver que tous mes opposants ont tort. Je pense que je resterai dans les mémoires comme la personne qui a ramené les Bulls sur le devant de la scène.

Elton-Brand-bulls

© nba.com

Son début de campagne lui donne raison. Dix jours après ses débuts, il cartonne les Clippers avec 29 points, 17 rebonds, 4 passes et 4 blocks ! Sur le mois de décembre, il cumule huit double double, une stat qui devient sa marque de fabrique. Pourtant, les Bulls restent scotchés dans les bas-fonds avec seulement deux victoires sur les 28 premiers matchs. La faute à un casting désastreux. Autour d’Elton c’est le désert. Seul l’autre rookie du groupe, son ancien coéquipier à Big Apple, Ron Artest tourne à plus de 10 points de moyenne. Chicago n’a aucun meneur compétent avec Randy Brown dans le rôle de meilleur passeur… à 3.4 assists par match. Même Kukoc finit par mettre les voiles à la trade deadline. Dans ce bateau ivre, Brand écope de son mieux avec 20.1 points, 10 rebonds et 1.6 block, mais ne peut empêcher le naufrage collectif, 17 victoires – 65 défaites. Individuellement, en revanche, c’est le carton plein. Il est élu MVP du Rising Stars Challenge avec 16 points et surtout 21 rebonds, nouveau record de ce match exhibition. Il tamponne sa première campagne NBA avec le trophée de Rookie de l’Année, remporté ex-aequo avec Steve Francis.

Cancre de la Conférence Est, Chicago a l’opportunité de se renforcer à la draft 2000 grâce à ses six choix dans le Top 35. Avec le recul, le recrutement peut laisser perplexe : Marcus Fizer, Chris Mihm échangé plus tard contre Jamal Crawford, Dalibor Bagaric, Jake Voskuhl, A.J. Guyton et Khalid El-Amin. Sur la ligne de départ, les Bulls ne comptent pas moins de huit rookies et trois sophomores. Une inexpérience fatale pour le groupe du coach Tim Floyd. Les résultats ne décollent toujours pas, Chicago réussissant même la prouesse de boucler un exercice encore pire que le précédent (15 victoires). Seul Bull au-dessus de la ligne de flottaison, Brand émerge à plus de 20 points et 10 rebonds de moyenne, auxquels il faut désormais ajouter 3.2 assists. Alors qu’il est la pierre principale de cette reconstruction, coup de tonnerre à Windy City ! Jerry Krause décide d’expédier Elton chez les Clippers en échange du rookie Tyson Chandler et du pivot Brian Skinner. Derrière ce choix discutable, le GM mise beaucoup sur le jeune intérieur Eddy Curry, fraîchement drafté à la quatrième place en 2001. Une intuition qui se révèlera catastrophique puisque ni Chandler ni Curry ne sortiront les Bulls de l’ornière.

CONTRE VENTS ET MARÉES CHEZ LES VOILIERS

L’époque dorée et victorieuse de Duke parait bien loin pour Elton. En passant des Bulls aux Clippers, il continue sa longue dérive en NBA. Depuis leur installation à L.A. en 1984, les Clips n’ont participé qu’à trois campagnes de playoffs sans jamais passer le moindre tour et cumulent déjà six bilans en dessous des 20 victoires. Bienvenue à Lose Angeles ! A l’aube de la saison 2001, pourtant, la hype monte en flèche grâce à une pléiade de jeunes talents. En plus de Brand, on retrouve son ancien pote new-yorkais Lamar Odom, son coéquipier à Duke Corey Maggette, le dunkeur fou Darius Miles et le sniper Quentin Richardson. Moyenne d’âge de ce quintet : 21 ans ! Bien décidés à changer l’image de la franchise, ils s’affichent en couverture du magazine Slam avec le titre annonciateur « Rock L.A. Familia ». Cette génération hip-hop est prête à prendre le pouvoir dans la Cité des Anges et affiche ses ambitions. Un autre journaliste compare d’ailleurs Elton à un mini-Shaq, référence au pivot mastodonte des Lakers qui officie également au Staples Center. Réponse de l’intéressé : « Rien à voir, car moi je rentre mes lancers ! ». Le ton est donné. Rapidement, les hommes d’Alvin Gentry joignent les actes à la parole. Début janvier, le bilan est positif (16-14) et en fin de mois les Clippers tapent leurs voisins. Elton – 25 points et 12 rebonds – domine Shaquille O’Neal et ses 24 points et 10 rebonds. Le jeu proposé tient ses promesses entre spectacle et efficacité. Comme un symbole, Brand décroche sa sélection pour le All Star Game, le premier Clipper depuis Danny Manning en 1994 à recevoir cet honneur.

Elton-Brand-slam

La jeunesse, c’est bien, mais le manque d’expérience se fait sentir après le All Star Break. Les Clippers laissent filer douze matchs sur des scores serrés par moins de cinq points. La blessure au poignet de Lamar Odom met fin aux rêves de playoffs. L’équipe termine en 39-43 à une rageante neuvième place à l’Ouest. Les pépins physiques s’invitent également la saison suivante entraînant deux séries de six défaites. Sous pression, le general manager Elgin Baylor perd brusquement patience et décide d’échanger Darius Miles à Cleveland contre un meneur d’expérience, Andre Miller. Une greffe qui ne prend pas, le guard faisant même ses valises à la free agency. Et il n’est pas le seul. Agent libre restreint, Odom signe une offer sheet de 67 millions sur 6 ans avec le Heat. Un scénario identique à l’été précédent où Elton s’était engagé avec Miami, avant que les Clippers ne matchent l’offre floridienne. Mais, cette fois, sur l’insistance d’Odom, le front office ne bronche pas. Lamar quitte un projet alléchant, mais quasiment tué dans l’œuf après deux années seulement. Seul rescapé à bord avec Maggette, Brand est obligé de sortir les rames. Sur ce radeau, il produit deux saisons à 20 points, 10 rebonds et plus de 2 contres en 2004 et 2005 sans pour autant accrocher les playoffs.

Coincés dans le ventre mou de la Conférence Ouest, le front office des Clippers déploie son dernier canot de sauvetage. Los Angeles envoie le prometteur Marko Jaric chez les Timberwolves en échange des restes de Sam Cassell. En perdition à Minneapolis, le meneur de 36 ans, sort d’une opération de la hanche. Curieux coup de poker tenté par Elgin Baylor, toujours aux manettes de la franchise. Dans la foulée, il signe l’agent libre Cuttino Mobley, un autre vétéran censé relancer le projet. Un pari quelque peu désespéré qui porte pourtant ses fruits. Cassell montre qu’il a encore le leadership et la vista pour prendre le gouvernail d’un collectif. L’ancien champion est certainement le meilleur meneur avec lequel Brand ait été associé depuis son arrivée en NBA. Avec un axe 1-4 aussi fort et les scoreurs Mobley et Maggette autour, les Clippers lèvent enfin l’ancre. Le bilan positif en 25-16 à mi-saison valide ce recrutement risqué. Elton est celui qui bénéficie le plus des qualités de chef d’orchestre de Cassell. Avec 25.6 points, il s’éclate offensivement et n’oublie pas de taper son record personnel – 44 points dans une victoire contre Memphis – juste avant la pause des étoiles. Résultat, une deuxième sélection archi-méritée pour le All Star Game. Contrairement aux moussaillons de 2001, cette version plus expérimentée des Clippers ne flanche pas après ce break pour décrocher une sixième place surprenante à l’Ouest. Après sept longues années d’attente, Brand découvre les playoffs !

Elton-Brand-playoffs2006

© UPI

Le premier tour face aux Nuggets de Carmelo Anthony est un duel en trompe l’œil. Premier de la Northwest Division, Denver hérite automatiquement du spot 3 de l’Ouest, malgré un plus mauvais bilan que les Clippers. La logique sportive est respectée sur les deux premiers matchs, remportés dans la douleur par les Californiens. Le soubresaut de Denver dans le Game 3 est de courte durée. Elton ne rate pas l’occasion d’envoyer Melo en vacances de retour au Staples Center. Avec 23 points et 13 rebonds, il est une nouvelle fois le mât de la raquette des Clippers, qui propulse son équipe en demi-finale de conférence. Une première depuis le déménagement de la franchise dans la Cité des Anges ! Face aux Suns du MVP Steve Nash, le second tour est une opposition de style : le jeu small ball rapide de Phoenix contre la puissance intérieure de L.A. Dès le Game 1, Brand fait comprendre qu’il sera un problème insoluble dans la peinture. 40 points dans une défaite, certes, puis 27 points pour reprendre l’avantage du terrain au match 2. Aucune équipe ne gagnera deux fois d’affilée dans cette série. Après une défaite à domicile, Elton torpille les Suns avec une prestation aux portes du triple double : 30 points, 9 rebonds et 8 passes. Le plan des Clippers est simple, alimenter Brand à l’intérieur où sa puissance et sa technique ne peuvent être stoppées. Et en cas de prises à deux, il ressort la gonfle pour les shooteurs. Dès lors, il stabilise sa vitesse de croisière à plus de 30 unités : 33 points et 15 rebonds dans une défaite à Phoenix. Dos au mur, il émarge à 30 points, 12 rebonds et 5 blocks pour éviter aux siens de couler à pic. Mais, dans un match 7 irrespirable, ses 36 points ne suffisent pas pour continuer la traversée. Il sort de sa première campagne de playoffs la tête haute avec un tsunami statistique face aux Suns : 30.9 points à 59% de réussite, 10.4 rebonds, 4.3 assists et 3.1 blocks ! A lui seul, il redonne de la crédibilité à une franchise qui en manquait cruellement.

Ces articles selon lesquels nous sommes la pire organisation de tous les temps, c’est vraiment une blague. Les gens me disaient : « Pourquoi veux-tu jouer avec les Clippers ? » Comme si l’équipe n’était pas une franchise NBA. Nous avons fait trembler l’une des meilleures équipes de la saison. Il est temps de nous prendre au sérieux !

Effectivement, pour des Clippers plus respectés au sein de la ligue, l’effet de surprise ne prend plus. Brand reçoit désormais un traitement de faveur de la part des coachs adverses, sans pour autant baisser de régime avec 40 double double en 80 matchs. Le supporting cast, en revanche, tangue dangereusement : Chris Kaman ne confirme pas ses progrès, Cassell squatte l’infirmerie et Maggette multiplie les prises de bec avec son coach. Le bilan en 40-42 reste correct, mais avec une neuvième place à l’Ouest, les Clippers restent à quai. Et le plus dur est à venir. Pendant un banal entraînement en août, Elton se rompt le tendon d’Achille gauche. Le lendemain de la parution du calendrier NBA, la saison des Clippers est déjà terminée. En général, il faut compter une année civile pour se remettre d’une telle blessure. Et chez les big men comme Brand, les séquelles peuvent être encore plus sérieuses. Mais, comme à Duke dans ses jeunes années, il met les bouchées doubles pendant sa rééducation. Il fait son retour pour les huit derniers matchs de la saison, histoire de se mouiller la nuque. Ses 17.6 points et 8.0 rebonds sur ce test laissent augurer des jours meilleurs, surtout que les Clippers veulent se renforcer avec un meneur de calibre All Star. Baron Davis, ami proche d’Elton, est la cible privilégiée des Californiens.

RETOUR DE KARMA A PHILA

Eté 2008, Elton dispose d’une player option pour poursuivre l’aventure à Los Angeles. Afin de donner de la flexibilité financière à ses dirigeants, il n’active pas sa clause, mais promet publiquement de rempiler dès l’arrivée du Baron en ville. A l’ouverture de la free agency, Davis s’engage avec les Clippers via un deal de 65 millions sur cinq ans. Le plus dur est fait, côté front office, qui ne doute pas un instant que Brand consentira à un effort salarial. Mais, le projet de L.A. va faire un grand plouf ! Elton refuse tout d’abord une offre à 90 millions des Warriors pour mieux dire oui aux Sixers. Un contrat de 82 millions sur cinq ans, soit sept millions de plus que Los Angeles pouvait se permettre. Après sept années de service, il quitte le bateau des Clippers pour se lancer à l’abordage de la Conférence Est. Un coup bas pour la franchise californienne, qui se justifie économiquement et sportivement. Eliminé au premier tour des derniers playoffs, les Sixers voient en Elton Brand, le joueur qui leur fera passer un cap. Aux côtés d’Andre Iguodala et Andre Miller, il manque en effet une force de frappe dans la raquette. Un sentiment confirmé sur ses 20 premiers matchs bouclés en 17.4 points et 10.3 rebonds jusqu’à un terrible retour de karma mi-décembre. Face aux Bucks, Elton se disloque l’épaule sur une bataille au rebond. Il tente un comeback un mois plus tard. En vain. Contraint de passer sur le billard, il tire déjà un trait sur sa première saison à Phila.

Elton-Brand-sixers

© nba.com

Remis physiquement pour la campagne 2009-10, Brand paraît avoir perdu son impact physique. Plus lent dans ses déplacements, il peine à défendre son cercle et ne retrouve pas le rythme en attaque. A 30 ans passés, il est tout simplement rattrapé par le poids des saisons. Son jeu basé sur du post-up dans la peinture est aux antipodes de la révolution du tir longue distance qui se profile. Elton tente bien de faire de la résistance. En 2011, il redevient le leader des Sixers dans ses catégories statistiques de prédilection – 15.0 points, 8.3 rebonds et 1.3 blocks – et arrache une place en playoffs le temps d’un tour contre les Heatles. L’aventure ira jusqu’en demi-finale la saison suivante. Tête de série n°8 à l’Est, Phila profite de la blessure de Derrick Rose pour créer l’upset. Une équipe poil à gratter qui pousse même les Celtics à un match 7. Sur ce run de playoffs, Brand n’est que l’ombre de lui-même avec 8.6 points et 4.8 rebonds. Son esprit de compétiteur reste intact, allant au combat avec une main gauche cassée et un doigt luxé, mais ses limitations physiques sont désormais connues de ses adversaires. A l’intersaison, les dirigeants sont obligés d’admettre que la fin est proche pour Elton. Celui qui était surnommé « The Philly Max » en raison de la taille de son contrat n’a pas propulsé les Sixers en haut de la conférence. Le general manager Rod Thorn active donc la clause d’amnistie pour couper son joueur, un an avant la fin de son deal.

Agent libre à 33 ans, Brand a l’intelligence de comprendre que son rôle n’est plus celui d’un titulaire. Il signe chez les Mavericks pour jouer les doublures de son ancien coéquipier à L.A., Chris Kaman. Meilleur contreur de l’équipe avec 1.3 blocks en 21 minutes, il se concentre sur les tâches obscures défensives. Si son physique tient le choc grâce à un plus faible temps de jeu, ce n’est pas le cas des cadres Dirk Nowitzki et Shawn Marion, qui squattent longtemps l’infirmerie. Avec un bilan tout juste à l’équilibre, les Texans ratent les playoffs pour la première fois depuis l’an 2000. Elton ne veut pas rester sur un échec, il s’engage ensuite chez les Hawks pour apporter de la dureté à un outsider de l’Est. Sous les ordres de Mike Budenholzer, il rapporte encore 5.7 points, 4.9 rebonds et 1.2 blocks à 36 ans. Au-delà des statistiques, c’est surtout son leadership dans le vestiaire qui est apprécié. Atlanta ne s’y trompe pas en lui proposant un second contrat. En bout de banc, Brand participe à la meilleure campagne alltime de la franchise avec 60 victoires en régulière. Une épopée qui se solde par une défaite en finale de conférence contre les Cavs de LeBron James. Sur ce run, le vétéran se contente d’agiter les serviettes, recevant seulement 4 minutes de temps de jeu sur l’ensemble des playoffs. Cette fois, il est l’heure de raccrocher les baskets. Elton annonce sa retraite officielle à l’issue de la saison.

Dans son ancienne franchise des Sixers, un general manager du nom de Sam Hinkie est arrivé aux manettes peu après son éviction. En deux saisons, il déconstruit minutieusement le roster pour empiler les choix de draft. Une stratégie bientôt baptisée The Process qui est loin de faire l’unanimité au sein de la ligue. Début janvier 2016, Phila affiche un bilan de 3 victoires pour 32 défaites avec le risque d’enregistrer le pire bilan de l’Histoire. Devant la pression des instances NBA, Hinkie convainc Brand de reprendre du service pour remettre de l’ordre dans le vestiaire. Son rôle, monitorer les deux intérieurs Jahlil Okafor et Nerlens Noel. Sans faire de miracle, Philly parvient in extremis à atteindre les dix victoires pour éviter la pire cuillère de bois alltime. Satisfaite de son intervention, la franchise décide de conserver Elton en l’intégrant dans l’organigramme. D’abord responsable du développement des joueurs, il prend ensuite la tête des Delaware 87ers, l’équipe de G-League affiliée aux Sixers. En 2018, un nouveau scandale éclate dans les bureaux du front office. Bryan Colangelo est sommé de démissionner, après l’affaire du twitter-gate. Le GM se servait d’un faux compte pour incendier ses propres joueurs. Pour éteindre le feu, Phila appelle encore une fois Elton Brand. Nommé general manager, il remet à flot le projet, sans répondre complètement aux attentes sportives. En 2020, il laisse sa place à Daryl Morey et accepte le poste de président des opérations basket. Un job un peu plus dans les coulisses, en attendant qu’une nouvelle franchise mise sur lui.

Elton-Brand-gm

© Inquirer.com

STATISTIQUES ET PALMARES

  • Stats NCAA : 16.2 points à 61,2% aux tirs, 8.9 rebonds et 1.9 block
  • Stats NBA : 15.9 points à 50,0% aux tirs, 8.5 rebonds et 2.1 assists
  • Mr New York Basketball (1997)
  • All-America First Team (1997)
  • All-Atlantic Coast Conference First Team (1999)
  • Atlantic Coast Conference Player of the Year (1999)
  • National College Player of the Year (1999)
  • Rookie of the Year (2000)
  • NBA All-Rookie First Team (2000)
  • Deux sélections pour le All Star Game (2002 et 2006)
  • All-NBA Second Team (2006)
  • Médaille de bronze aux Championnats du Monde 2006

ELTON BRAND EN IMAGES

Avatar de mosdehuh
About mosdehuh (43 Articles)
Tombé dans la NBA au début des 90's avec Penny Hardaway. Grosse passion pour les loosers magnifiques et les shooteurs. Supporter de la Chorale de Roanne depuis 3 générations.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.