Kermit Washington ou le coup de poing le plus violent de l’histoire du basket
Trash Talk
Que s’est-il passé dans la tête de Kermit Washington ce 9 décembre 1977 quand à l’occasion d’un duel entre ses Lakers et les Rockets, il a donné un énorme coup de poing dans le visage de Rudy Tomjanovich ? Ce déchainement de violence, qui aurait pu avoir une issue tragique, a durablement marqué les 2 protagonistes, ainsi que toute la NBA, qui a pris conscience que les coups sur les parquets ne devaient plus rester impunis.
La saison 1977-1978 avait commencé de la pire des manières pour les Lakers. Après quelques minutes dans le premier quart-temps du match d’ouverture contre les Bucks, Kareem Abdul Jabbar frappait le numéro un de la draft Kent Benson, “coupable” de lui avoir donné un coup de coude sur un contact en défense. Pour ce geste, Kareem écopera de 5000$ d’amende, record NBA de l’époque, mais ratera surtout les 21 matchs suivants, à cause d’une fracture à la main consécutive à son coup sur Benson.
Mais pourtant cet accrochage entre Abdul Jabbar et Kent Benson fera figure d’anecdote dans les livres d’histoires de cette saison-là, éclipsé par les événements du 9 décembre lors du match entre les Lakers et les Houston Rockets au Forum d’Inglewood. Dans ce match où le duel entre Kareem Abdul Jabbar et le jeune Moses Malone est scruté de prés, Kermit Washington fait figure coté Lakers d’enforcer, un terme en vogue à cette époque-là pour désigner les joueurs les plus durs au mal, présents sur le terrain pour distribuer les coups et pour en recevoir à la place de leurs stars.
Présent chez les Lakers depuis sa draft en 1973, Kermit Washington s’est bien installé dans ce rôle, embrassant ses bons et ses mauvais côtés. Terrifié par un Jerry West en fin de carrière lors de sa saison rookie, Washington se fait discret et tait tous ses soucis, y compris certaines blessures, craignant de perdre sa place dans la ligue, si quiconque se rendait compte de ses faiblesses.
UN COUP DE POING QUI AURAIT PU ETRE FATAL
Ce soir de décembre, Kermit Washington a peut-etre pensé à tout ça, au moment où d’une bataille à 3 pour un rebond défensif, entre lui et Kareem Abdul Jabbar côté Lakers et l’intérieur Kevin Kunnert, coté Rockets. Si Kunnert sort vainqueur de ce duel, la confrontation se prolonge, Washington attrapant le short de Kunnert pour l’empêcher de revenir rapidement en attaque. Pour se dégager, Kunnert balance un coup de coude à Washington, qui lui répond avec un coup de poing avant qu’Abdul-Jabbar lui-même n’arrive dans le dos de Kunnert, lui attrapant les bras pour le dégager mais en réalité le laissant à la merci de Washington qui lui distribue un deuxième coup de poing, qui le met cette fois-ci à genou.
Au niveau de la ligne des lancers-francs de l’autre côté du terrain, Rudy Tomjanovich voit son coéquipier au sol et fonce à sa rescousse. Sentant une présence derrière lui, Kermit Washington se retourne et balance immédiatement un énorme coup de poing au joueur des Rockets, pris par surprise et qui s’écroule immédiatement.

Homme de paix, Tomjanovich venait mettre un terme à la bousculade et ne s’imaginait pas un instant être frappé de la sorte. Inconscient et au sol, Tomjanovich ne peut constater la stupeur qui règne désormais, à la fois sur le parquet et dans les tribunes. Les joueurs présents autour de lui se rendent compte qu’il n’y a plus un bruit dans la salle, les fans étant choqués de la violence du coup. Certains journalistes et officiels descendent même sur le terrain, craignant de constater le pire. Spectateur « privilégié », Abdul-Jabbar comparera plus tard le son du coup à celui d’un melon tombé sur du béton. Jerry West, penché au dessus de Tomjanovich, imagine pendant quelques secondes que son adversaire n’est plus de ce monde. Le coach des Lakers est d’ailleurs le premier visage que Tomjanovich aperçoit à son réveil, à peine quelques secondes après s’être effondré. Contre toute attente, le Rocket se relève et quitte le terrain doucement, constatant tout de même que son nez était probablement cassé, pensant que le tableau d’affichage lui été tombé dessus
Au départ, Tomjanovich est seulement énervé de ne pas pouvoir finir ce match dans lequel il avait déjà marqué 19 points. Puis face aux médecins urgentistes, il commence à comprendre que la situation est plus grave qu’il ne l’imagine. Le coup de Kermit Washington lui a fracturé le visage, lui causant une commotion cérébrale, en plus de sa mâchoire et son nez cassés. Le sang coule désormais abondamment en plus d’une fuite du liquide céphalo-rachidien qui s’écoule jusque dans sa bouche. Le médecin l’informe en toute franchise qu’il ne pourrait peut-être pas survivre à ce choc.
Transporté en urgence à l’hôpital, Tomjanovich passe quatre jours en soins intensifs, subissant toute une série d’opérations chirurgicales, même si le médecin-chef comparera ces tentatives à “du scotch sur une coquille d’œuf gravement brisée”. Selon l’hôpital, de nombreuses personnes souffrant de blessures beaucoup moins graves ne pas s’en sortent pas toujours mais au bout d’un processus de rééducation long de 10 mois, Rudy Tomjanovich récupèrera l’intégralité de ces capacités, guéri physiquement de ces blessures.

UNE RENCONTRE ENTRE TOMJANOVICH ET WASHINGTON, POUR LAISSER LE PASSE DERRIERE
Physiquement peut-être mais moralement, la guérison prendra plusieurs années, Tomjanovich restant logiquement marqué par ce jour sinistre. En revanche, Kermit Washington constate immédiatement les retombées de son geste. La NBA le condamne à 10 000 dollars d’amende, auxquels s’ajoute à une suspension record de 60 jours. Dans l’opinion publique, il devient le paria, au fil des débats et des multiples rediffusions de son coup de poing : la police lui déconseille le service de chambre en déplacement à son retour, craignant qu’on l’empoissonne; sa femme enceinte de huit mois se fait refouler chez son obstétricien à cause du geste de Washington et nombres de ses amis lui tournent le dos pendant sa suspension.
Washington ne reçoit aucun soutien de la part du front office des Lakers, qui choisit même de se débarrasser de lui, le tradant chez les rivaux des Celtics moins de 20 jours après l’incident. Mais surtout Kermit Washington sert de déclencheur pour la nouvelle politique anti-violence de la NBA. David Stern, futur commissioner et à l’époque avocat de la NBA, a déclare que “la NBA ne peux plus permettre à des hommes aussi grands et aussi forts de se lancer des coups de poing”. Ainsi il est décidé qu’un joueur donnant un coup de poing, même raté, est automatiquement expulsé et suspendu pour au moins un match. A la fin de cette saison 1977-78, la NBA ajoute également un troisième arbitre, qui, ce 9 décembre, aurait pu siffler dès le début de l’accrochage entre Washington et Kunnert.

La carrière de Kermit Washington sera à jamais entachée par ce jour sombre. A Boston, il ne joue que 32 matchs avant d’être envoyé le temps d’une saison à San Diego, puis à Portland où il décrochera sa seule et unique sélection au All-Star Game pour sa première année chez les TrailBlazers.
Rudy Tomjanovich reviendra lui dés la saison suivante, tournant à 19 points de moyenne par match, mais sa sélection All-Star ne doit pas faire oublier qu’il n’a plus jamais été un joueur de premier plan pour les Rockets.
Jusqu’à la fin de leurs carrières, et durant prés de 25 ans, il n’y aura pas de contact entre les deux joueurs. Mais si Rudy Tomjanovich avait laissé la nature guider sa guérison physique, il souhaitait par-dessus tout être l’acteur de sa guérison mentale. Ainsi en 2002, après une carrière riche en succès dans le coaching, Tomjanovich rencontrera Kermit Washington pour avancer et mettre cette histoire enfin derrière eux.
Depuis plusieurs années déjà, Tomjanovich avait intégré que le ressentiment ne pouvait être que néfaste dans sa vie et avait refusé de vivre dans le passé. Il avait surmonté cet incident sans colère envers quiconque et attendait juste le bon moment pour revoir son bourreau, qui de son côté a laissé cet incident lui gâcher la vie. Frustré d’être devenu un paria en NBA, Washington avait notamment déclaré à sa retraite qu’il était également « une victime de ce moment« , les portes se fermant devant lui, à cause de sa réputation. Pourtant il sera embauché comme entraîneur adjoint à l’université de Stanford et travaillera ensuite avec le coaching-staff des Portland Trailblazers.
Kermit Washington sera surpris de la bienveillance de Tomjanovich, étonné de rencontrer une personne aussi indulgente envers lui. Ce jour-là, les deux hommes se sont serré la main et ont discuté du bon vieux temps, se rappelant du jeu de l’époque plutôt que de revivre l’affreux soir du 9 décembre.


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