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Pearl Washington, l’autre perle de New York

Portrait

Montage Une : Laurent Rullier pour Basket Rétro

Le 22 avril 1989, Dwayne Washington joue son dernier match professionnel après seulement 3 saisons en NBA. Sa carrière n’est pas à la hauteur des espérances placées sur lui au vu de son potentiel. Il demeure pourtant encore aujourd’hui une des légendes des playgrounds new-yorkais et de l’université de Syracuse.

ENFANT DE LA BALLE

Dwayne Washington est né le 6 janvier 1964 à Brooklyn où il commence très tôt à manier la balle orange sur les playgrounds des quartiers de Brownsville et d’East New York. Le petit à beaucoup de talent et évolue avec beaucoup de grâce alors qu’il n’a que 8 ans. Les adultes voyant ce gamin dribbler et se déplacer avec tant d’aisance lui demandent alors s’il se prend pour Earl « The Pearl » Monroe, l’arrière légendaire des New York Knicks, le surnom ne le quittera jamais.

Il ne perd pas non plus ses incroyables dispositions pour le basket-ball et encore moins ses capacités balle en main. Le meneur de jeu devient une des attractions de la ville, Mike Vaccaro journaliste au New York Post dit de lui qu’il est la dernière légende des playgrounds dont le monde ne verra jamais les exploits. À cette époque, pas de portable pour immortaliser les dribbles du jeune Dwayne. C’est pour cette raison que Mike Vaccaro et les spécialistes du basket new-yorkais placent son nom à côté de ceux comme Earl Manigault, Herman Knowings, Fly Williams, Joe  » The Destroyer  » Hammond et Pee Wee Kirkland, stars dans un monde où seul le bouche-à-oreille faisait la réputation des athlètes de rue.

Mais la réputation de Dwayne Washington ne se cantonne pas aux playgrounds et c’est avec l’équipe du lycée Boys and Girls de Brooklyn qu’il signe ses premiers cartons. Le joueur est d’une facilité déconcertante et il n’est pas rare de le voir affoler les Box Score, il termine son année avec 35 points, 10 rebonds et plus de 8 passes par rencontre. De quoi faire de lui le lycéen le plus en vue du pays, tous les programmes se l’arrachent. Même l’autre fort meneur new-yorkais Kenny Smith et l’arrière Reggie Miller n’attirent pas autant de convoitises.

 

GAME CHANGER

En 1983, Pearl doit faire son choix, il décide de rester dans l’État de New York et rejoint l’université de Syracuse. Il y fait la rencontre de son nouvel entraîneur, le mythique Jim Boeheim. Syracuse évolue dans la conférence « Big East » de la NCAA, les grandes facs se nomment Georgetown, Providence, Boston College, Seton Hall et St John’s. Des joueurs comme Chris Mullin et Patrick Ewing sont les vedettes de cette conférence et participent à sa notoriété. Mais « la star », la vraie, celle qui peut remplir un stade de 30 000 personnes, c’est Pearl Washington.

Le meneur est le joueur le plus flashy de tout le continent américain, son pouvoir d’attraction est hors normes. Il maîtrise l’art du dribble comme personne et enchaîne ses mouvements signatures que sont le « Cross-Over » et le « Shake and Bake » avec lesquels il électrise les foules. Il n’y a à cette époque là rien de comparable au show de la Perle.

Jim Boeheim, coach des « Oranges » depuis 1976 n’a jamais caché son admiration pour le joueur qu’il considère comme étant le plus excitant de tous ceux qu’il a pu connaître dans son parcours, même devant Carmelo Anthony, c’est dire. Être excitant est une chose mais s’il est toujours une légende aujourd’hui à Syracuse ce n’est pas seulement le fait de quelques dribbles chaloupés. Boeheim le dit, Washington a révolutionné Syracuse et en a fait le programme qu’il est aujourd’hui. Grâce à lui, nombreux sont ceux qui ont souhaités suivre ses pas en jouant pour le même maillot. Mais il ne s’arrête pas là, pour lui il a révolutionné la Big East et même la NCAA, cela ne peut se faire sans réaliser quelques exploits.

S’il ne parvient pas à remporter le championnat NCAA, Washington place sur la carte Syracuse en hissant sa fac au top de la Conference trois années de suite. Sans être un athlète et sans faire des stats incroyables, il est un joueur impossible à tenir. John Stockton, NBA All Defensive à 5 reprises et défenseur de renom dit de lui qu’il est le joueur le plus difficile à défendre qu’il ait eu à affronter. Si dans la Big East son talent et son aura n’est plus à prouver, c’est grâce à un tir miraculeux que l’engouement pour le joueur devient national.

24 janvier 1984, Syracuse affronte Boston College à domicile au Carrier Dome. Les deux équipes se rendent coup pour coup tout le long du match et nous voici dans les dernières secondes de la partie. Le score est de 73-73, lancer franc pour Boston qui vient d’égaliser en scorant le premier de ses lancers. Le second est manqué, rebond Syracuse, la balle arrive dans les mains de Pearl Washington qui court et envoie un missile du milieu du terrain. Le ballon termine sa trajectoire dans le cercle, le public exulte et au lendemain de cette exploit les images de ce tir venu d’ailleurs font le tour du pays. Les projecteurs se braquent sur lui et les fans de basketball se découvrent une nouvelle coqueluche.

Pour Boeheim, ce tir met en lumière le talent de Washington et permet à Syracuse d’étendre son recrutement à tout le pays. Ainsi Rony Seikaly, Derrick Coleman et Sherman Douglas deviennent à leurs tours des Oranges et jouent ensemble la finale nationale en 1987, sans Pearl cela ne serait jamais arrivé.

 

Lors de sa deuxième année, l’autre leader de l’équipe Rafael Addison se blesse, Pearl héroïque prend ses responsabilités et porte sur ses épaules toute l’équipe. Il martyrise St John’s à deux reprises en marquant à chaque fois 35 points dans un Madison Square Garden devenu son terrain de jeu favori. Mais surtout il amène les Oranges en finale du tournoi de la Big East en terrassant le géant Patrick Ewing en demi-finale.

Ce dernier se souvient bien de Pearl qu’il décrit comme « un des plus grands phénomènes de l’époque ». Il se souvient également que Georgetown décide de placer son meilleur défenseur sur lui et que le pauvre est embarrassé par les dribbles de Washington tout le match. C’est alors tous les Hoyas qui se voient abusés par le handle dévastateur du meneur de Syracuse qui s’empresse de filer au cercle après avoir laissé tous ses adversaires sur place. Victoire 75 à 73, car en plus d’être intenable, il est champion du money time. Si le ballon est dans ses mains dans les dernières secondes d’un match, vous êtes alors en grand danger. Lorsque la rencontre se joue à un petit point, le bilan de Syracuse et de 6 victoires pour une défaite, Pearl est un joueur clutch.

Cette défaite d’un point est la seule de sa carrière, elle survient malheureusement lors de la finale du tournoi. Syracuse affronte St John’s et Pearl est une fois de plus étincelant, 20 points et 14 passes décisives pour lui dans ce match, mais ce soir là, il sera le héros malheureux. Il rate d’abord un lancer franc crucial, puis sur l’action suivante, il remonte la balle et part au cercle pour un double pas que son adversaire Walter Berry contre dans les dernières secondes du match. C’est une défaite mais il peut se consoler avec son titre de MVP du tournoi, grâce à ses 23 points et 10 passes de moyenne en 3 rencontres.

Lors de sa troisième année et comme à chaque fois, Syracuse tombe au second tour du tournoi NCAA. L’année précédente c’est Georgia Tech et son meneur Mark Price qui élimine les Oranges, et c’est maintenant la Navy et son pivot David Robinson qui écrasent Syracuse. Suite à cette défaite Pearl annonce qu’il se présente à la draft. C’est le premier joueur à ne pas terminer son cursus sous les ordres de Jim Boeheim. Ce dernier voit partir son petit génie vers le monde professionnel avant l’heure, mais son poulain a tellement apporté à son programme qu’il ne peut lui en tenir rigueur.

 

NBA TON UNIVERS IMPITOYABLE

Il est drafté en 13ème position de la draft maudite de 1986, ce sont les New Jersey Nets qui sélectionnent le meneur d’1m88. Bien que tout à fait honorable avec 9 points et 4 passes décisives par rencontre, cette saison de transition vers le niveau supérieur est difficile pour Pearl. Pas si athlétique, un peu en surpoids et shooteur peu fiable, il peine à répliquer l’impact qui était le sien à Syracuse.

Pour certains, la NBA n’a pas été bienveillante avec Pearl, la regardant comme un phénomène de foire issu des playgrounds, un dynamiteur pour Syracuse, mais pas un joueur de NBA. Son style de jeu participe à cette image « street » qui n’est pas dans les mœurs de la ligue à cette époque. Mais il s’est aussi rendu compte que pour rester dans la ligue, il lui fallait fournir un travail énorme. Conscient que son niveau n’est pas suffisant pour être un joueur constant dans cette ligue, il préfère alors mettre un terme à sa carrière et sans en nourrir de regrets.

Quand il évoque cette carrière, il déclare : « Quand je suis arrivé chez les Nets, j’étais censé être le Franchise Player, le gars qui allait venir là-bas et faire la différence. Cela n’arrive tout simplement pas avec les meneurs de jeu». Une déclaration qui peut sonner faux de nos jours, dans une NBA où les meneurs sont rois mais dans le contexte des années 80, cela peut totalement s’entendre.

 

Quoi que l’on pense de sa carrière professionnelle, il est, malgré ce flop, resté une légende toute sa vie. Patrick Ewing en témoigne encore aujourd’hui, en déclarant que de nos jours, on vient encore lui poser des questions sur ses affrontements avec Syracuse et Pearl Washington.

Neil Olshey, directeur général des Portland Trail Blazers de 2012 à 2021 ne cache pas non plus son amour et son admiration pour Pearl. Il compare son impact en NCAA à celui de Steph Curry en NBA, rien que ça, « Chaque fois qu’il recevait le ballon, l’ambiance devenait électrique. »

Dwayne Washington ne regrette pas d’avoir raté son rendez-vous avec la NBA, il regrette par contre de ne pas avoir fait une année de plus avec Syracuse. C’est avec son université qu’il a connu l’apogée de sa carrière et qu’il a vécu ses plus beaux moments balle en main.

Une fois sa carrière terminée, il fait son retour à Syracuse et obtient son diplôme. Il est la figure emblématique de cette université et lorsque l’équipe performe il n’est pas rare de voir Pearl débarquer dans le vestiaire. Avec son légendaire large sourire, il vient féliciter les joueurs qui tous connaissent et respectent l’héritage laissé par celui-ci.

MAN OF THE HOUR

Il passe trois saisons à Syracuse, 15 points, 7 passes et 2 interceptions de moyenne, des chiffres incapables de rendre compte de la trace indélébile laissée par le joueur. Il est de ces étoiles qui marquent par endroit l’Histoire du basketball. Le 21 avril 2016, devant 30 000 personnes, comme aux grandes heures de sa gloire, les fans et toute l’organisation de Syracuse rendent hommage à Dwayne « Pearl » Washington en retirant son numéro 31. Une cérémonie poignante pour faire l’éloge du héros local décédé la veille d’une tumeur cancéreuse au cerveau contre laquelle il luttait depuis plusieurs années. Lors du match suivant les joueurs de l’équipe vont alors arborér un maillot floqué de son surnom en hommage.

Nul besoin de noircir les tablettes de NBA pour être une légende du basketball, Dwayne Washington en est la preuve. Celui qui avait pour seule ambition « d’être un gars bien », a marqué à jamais le basketball new-yorkais, des playgrounds au parquet du Carrier Dome de Syracuse. C’est alors des générations de joueurs, de fans, qui se souviendront à jamais de l’éclat inimitable de Pearl.   

HIGHLIGHITS DE PEARL WASHINGTON A L’UNIVERSITE

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