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[Portrait] Alex English, le Mister Buckets des Nuggets

Portrait

Montage Une : Thomas Lérin pour Basket Rétro

Discrétion, efficacité, longévité, Alex English est un tueur silencieux. Plus de 25.000 points en carrière pour un monstre du scoring, trop souvent oublié quand on évoque les années 80. Dans le style de jeu ultra-offensif de Denver, English tape des cartons historiques. Un métronome du jump shot qui tentera d’amener ses Nuggets au sommet de la Conférence Ouest pendant plus de dix ans.

L’APPRENTISSAGE DE L’ANGLAIS

Qui est le scoreur le plus prolifique de la décennie 1980 en NBA ? Larry Bird, Kareem Abdul-Jabbar, George Gervin, Moses Malone, Dominique Wilkins ? Les prétendants ne manquent pas, mais le lauréat n’est pas dans cette short-list. Pour le trouver, il faut chercher bien à l’ombre des spotlights. Sous l’uniforme des Nuggets, Alex English cumule la bagatelle de 21.018 points, inscrits entre 1979-80 et 1988-89. Une machine de précision et de constance qui ne vient pas immédiatement en tête lorsque l’on évoque les top scoreurs de la ligue. La faute à une équipe trop souvent éliminée au premier tour des playoffs et au caractère très humble du joueur. Une modestie héritée de son enfance en Caroline du Sud. Avec des parents partis à New York pour travailler, c’est sa grand-mère qui l’élève au milieu d’une douzaine d’autres enfants. Les journées à deux repas sont rares, Alex devra même attendre la fac pour goûter enfin à un steak. Habitué à se satisfaire de peu, il fabrique un panier de fortune dans le jardin familial. Une installation un peu spéciale qui le force à ne plus manquer sa cible :

J’ai récupéré un morceau de contreplaqué tout d’abord et j’ai dû trouver un cercle. Donc, j’ai pris une vieille jante de pneu pour la clouer au panneau. Ensuite, je me suis procuré un poteau pour fixer l’installation. J’ai dû creuser un trou dans le sol et ajouter des pierres au fond pour que le poteau reste stable. Enfin, j’ai remis toute la terre. J’avais fait cela dans le jardin en pente. Donc, très souvent, si vous ratiez le tir, vous deviez dévaler la pente pour récupérer le ballon. J’ai dû apprendre à shooter sans rater !

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Alex English et sa soeur Margaret © thestate.com

C’est une poussée de croissance qui le pousse vers la balle orange. D’abord moqué dans le quartier pour son aspect d’échalas déguingandé, English se forge progressivement une réputation sur le bitume de Columbia. Formé à la Dreher High School entre 1969 et 1972, il emmène les Blue Devils au sommet de l’état. Trois nominations dans la All-State First Team, Joueur de l’Année en Caroline du Sud, Alex affole les compteurs en senior avec 31 points par match ! Il ne compte plus les propositions de bourse pour les plus grandes facs du pays. Dans sa short list, on retrouve Oklahoma, Maryland, Minnesota, Clemson et South Carolina. Cette dernière a l’avantage de se situer à deux pas de chez lui. Hélas, le programme sportif est le moins performant parmi les prétendants. Sa rencontre avec le coach local, Frank McGuire précipite son choix. Non seulement l’entraîneur l’emmène dans le meilleur steakhouse de la ville, mais il lui vante aussi les mérites d’un recrutement qui veut donner la part belle aux joueurs afro-américains de la région. Pour arpenter les playgrounds de Columbia chaque été, English sait que les talents pullulent autour de chez lui. Aussi, l’idée de servir de pionnier en ville, lui plait. Il s’engage donc avec les Gamecocks.

Arrivé aux manettes de la fac en 1964, McGuire met tout simplement South Carolina sur la carte universitaire avec la première qualification à la March Madness en 1971. Au sein de l’Atlantic Coast Conference, ça grince des dents, notamment Duke et North Carolina. Les concurrents fustigent McGuire pour des bourses accordées trop facilement. La saison suivante, l’ACC durcit profondément les conditions d’admission. Conséquence, les Gamecocks choisissent de quitter la conférence pour devenir indépendant. Un régime particulier qui durera jusqu’en 1983 et son rattachement à la Metro Conference. Pour ses débuts universitaires, Alex évolue donc dans une poule hybride, où les chances de qualification pour le tournoi NCAA sont minces. Au contact des futurs pros, Kevin Joyce et Mike Dunleavy, le freshman apprend vite. Deuxième scoreur de l’équipe avec sa quinzaine de points, il ramène également plus de 10 rebonds et 2 blocks. Avec son physique longiligne, McGuire préfère l’aligner au poste 4. Stratégie payante ! Les Gamecocks engrangent les succès contre les facs de seconde zone et piègent des cadors comme Indiana ou Villanova. 22 victoires pour 7 défaites, le bilan est suffisant pour s’inviter à la March Madness. Dominé par Texas Tech pendant 35 minutes, South Carolina a un sursaut d’orgueil dans le money time porté par English et ses 15 points, 15 rebonds. Contre les Tigers de Memphis, il mène encore l’équipe avec 19 points à 9/15 aux tirs, mais s’incline face aux 34 points et 20 rebonds de Larry Kenon ! La route s’arrête au Sweet Sixteen. Une prouesse, toutefois, quand on sait que les Gamecocks devront patienter 44 ans pour retrouver ce stade de la compétition.

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© columbiametro.com

Avec un groupe quasi inchangé, South Carolina accroche aussi le tournoi NCAA en 1974 le temps d’un petit tour, avant d’entamer une grande traversée du désert. En quittant la prestigieuse Atlantic Coast Conference, le coach McGuire a du mal à recruter de nouveaux talents. Le programme retombe progressivement dans l’anonymat. Trop esseulé, English passe la vitesse supérieure offensivement les deux saisons suivantes, sans retrouver l’ivresse de la March Madness. Grâce à son cursus complet, l’ailier fluet prend du muscle pour devenir une machine à scorer. Son jump shot se perfectionne et gagne en efficacité avec plus de 55% de réussite dans sa saison senior. Une campagne bouclée à 22.6 points et 10.3 rebonds en moyenne. En décembre, il dépasse quatre fois de suite les 30 unités. Sous le charme de son poulain, McGuire déclare qu’Alex est « le genre de joueur qui vous plante 40 points sans même verser une goutte de sueur ».  Première star afro-américaine des Gamecocks, English quitte le campus avec le titre de meilleur scoreur all time et deux nominations dans les All-America Teams. La NBA n’est plus très loin. Mais, compte tenu de son âge, 23 ans, certains managers sont frileux pour le sélectionner très haut. Sa marge de progression ne saute pas aux yeux des recruteurs. A la draft 1976, son nom glisse progressivement au second tour pour terminer à la 23ème position chez les Bucks.

LE PATIENT ANGLAIS

A Milwaukee, l’équipe pleure encore son leader, Kareem Abdul-Jabbar, parti à Los Angeles un an auparavant. En une saison, les Bucks sont passés de chasseurs à chassés. Le départ calamiteux de l’équipe, trois victoires sur les 20 premiers matchs, coûte sa place de coach à Larry Costello. A la barre du navire, Don Nelson débarque pour faire du ménage. English paie les frais de ce changement de cap en passant de 16 à 8 minutes de temps de jeu. Alors qu’il montrait le bout de son nez en attaque avec deux matchs consécutifs à plus de 20 points, il se retrouve scotché au banc. Devant lui, dans la rotation, l’expérimenté Bob Dandridge et le jeune qui monte, Junior Bridgeman. La saison suivante, c’est un autre ailier débutant, Marques Johnson, qui a les faveurs de Nelson. Le rookie récolte 35 minutes par match, là où English doit se contenter de 18. Un minutage largement rentabilisé à la vue de ses 9.6 points à 54,2% de réussite. Alex est ce que l’on appelle un scoreur micro-onde, capable de prendre chaud sur de courtes séquences. Illustration en playoffs, où il score 26 points à 10/12 en ouverture contre les Nuggets. Il récidive avec 21 points dans le Game 6 pour forcer un match d’appui, perdu sur le fil 110-116. Des coups d’éclat qui ne passent pas inaperçus dans la ligue, d’autant qu’il est agent libre à l’intersaison 1978. Devant un horizon bouché par Marques Johnson et Junior Bridgeman, Alex file à l’anglaise pour poser ses valises chez les Pacers.

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© Focus on Sport

En pleine reconstruction, Indiana a du temps de jeu à lui proposer pour poursuivre son développement. La transition de l’ABA vers la NBA est dure à vivre chez les Pacers. Les trois titres de champion de la défunte ligue tranchent avec des saisons très fades depuis 1976. Pas de playoffs, pas de stars à mettre en avant, tout est à construire à Indianapolis. English l’a bien compris et pose d’entrée son CV. Il tape son record dès la première semaine avec 32 points dans une victoire contre les Clippers. Ses 33 minutes par match accordées par le coach Slick Leonard lui permettent d’étaler ses talents de scoreur. Sans ligne à 3 points, Alex fait feu aux quatre coins du parquet. Grâce à sa détente et son tir en suspension déclenché très haut au-dessus de sa tête, impossible de contrer son shoot jump. Les Pacers restent moribonds dans leur Midwest Division, mais English passe un cap. Désormais, les autres franchises respectent sa force de frappe offensive, lui qui dégaine à plus de 50%, chose rare pour les extérieurs de l’époque. Les Pacers profitent alors de sa cote sur le marché pour organiser un trade. Alex déménage à Denver pendant qu’Indiana rapatrie la fierté locale, George McGinnis. Double champion ABA avec Indy, Big George incarne les heures glorieuses de la franchise. Encore All Star à Denver en 1979, il sort de sept saisons consécutives à plus de 20 points de moyenne. Un trade équilibré sur le papier qui va s’avérer désastreux par la suite. A 30 ans passés, McGinnis n’est que l’ombre de lui-même, tout le contraire d’English sous ses nouvelles couleurs.

A l’instar des Pacers, les Nuggets intègrent la NBA en 1976, lors de la fusion avec la ABA. Seul point commun entre les deux franchises, car Denver peut s’appuyer tout de suite sur un tandem All Star, David Thompson et Dan Issel, pour tutoyer les sommets. Mais, au début des eighties, ce one-two punch ne suffit plus. En sacrifiant l’expérimenté McGinnis contre English, le front office mise sur la concrétisation de son potentiel. Et Alex ne se fait pas attendre. 29 points et 13 rebonds dans son premier match contre Chicago puis un nouveau record en carrière à 40 unités quelques jours plus tard face aux Kings. L’explosion statistique a bien lieu avec 21.3 points sur la seconde partie de saison, sans que cela permette à Denver d’accrocher les playoffs. Confirmation dès le début de la campagne 1980-81. Les Nuggets jouent aux montagnes russes, alternant succès de prestige contre les Lakers et soirées portes ouvertes contre les cancres de la ligue. Car, là où Denver pioche réellement, c’est en défense ! Les wagons de points encaissés pénalisent trop les résultats. Comme souvent dans ces cas-là, c’est le coach qui sert de fusible. Après 20 défaites en 30 matchs, Donnie Walsh est prié de faire ses bagages, remplacé par l’ancien coach des Spurs, Doug Moe.

L’ANGLAIS POUR TOUS

A la vue du roster, Moe percute immédiatement sur le potentiel offensif. La défense attendra. Il met en place son fameux système de run and gun. L’objectif, trouver un shoot ouvert avant que les adversaires ne se mettent en place. Les joueurs sont invités à ne pas conserver la gonfle plus de trois secondes pour augmenter le mouvement du ballon et multiplier les écrans et les coupes. Une idéologie qui demande des ajustements comme le prouvent les quatre défaites d’affilée pour la bande à Moe. Puis, la mayonnaise prend progressivement auprès des cadres de l’équipe. Mettre rapidement le ballon dans le panier, c’est dans les cordes d’Alex English. L’ailier monte sa production à 23.8 points. Son trio formé avec Thompson et Issel ramène chaque soir plus de 71 points aux Nuggets ! Contre toute attente, Denver boucle la régulière avec un bilan positif sous les ordres de Doug Moe avec 26 victoires pour 25 défaites. Un nouveau cycle est en marche dans les Rocheuses avec un jeu offensif qui va marquer l’Histoire de la ligue.

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© Sports Illustrated

La saison 1981-82 est celle de tous les records. Une nouvelle fois, Denver est la seule franchise à compter trois joueurs au-dessus des 20 points de moyenne. Alex devient le leader avec 25.4 points, mais la triplette change de visage avec l’apparition du sophomore Kiki Vandeweghe. Il remplace David Thompson, d’abord relégué sur le banc puis évacué chez les Sonics pour ses problèmes de drogue. Beaucoup plus rôdé, le run and gun du Colorado carbure à 126.5 points par match, un nouveau record en NBA. Les Nuggets sont aussi la première équipe de l’Histoire à scorer au moins 100 points sur les 82 matchs de régulière ! De l’autre côté du parquet, les hommes de Doug Moe font également voler en éclats les standards avec 126 points encaissés, tout simplement la pire défense alltime ! Douze fois au cours de la saison, les adversaires dépassent les 140 points. Cette stratégie a au moins le mérite de ramener Denver en playoffs, le temps d’une petite série contre les Suns. Malgré l’avantage du terrain, les Nuggets baissent pavillon dans le match décisif, la faute encore à une défense trop permissive sur l’arrière Walter Davis. Pour les observateurs, cela ne fait pas de doute, le jeu rapide de Moe assure une base solide de victoires en régulière, mais s’avère inefficace en playoffs lorsque le tempo se ralentit. Une critique bien reçue par English, qui passe au level supérieur la saison suivante avec 28.4 points de moyenne. Largement suffisant pour s’adjuger le titre de meilleur scoreur de la ligue ! Une performance minimisée par la plupart des médias du fait du style de jeu de Denver. Plutôt discret devant les micros, Alex tient à remettre les pendules à l’heure :

On pourrait dire cela de beaucoup de joueurs. Mais, le fait est que je fais partie du gratin des scoreurs et je fais cela contre certains des meilleurs joueurs de cette ligue. Chaque soir, j’ai le meilleur défenseur adverse face à moi. Tous les sceptiques ne font que rajouter de l’huile sur le feu. J’ai travaillé très dur sur mon jeu. Presque tous mes tirs sont pris à mi-distance. Tout le monde sait que si je suis sur le parquet, je vais récupérer le ballon, me retourner et prendre un jump shot. Mais, c’est quelque chose que personne ne sait comment arrêter.

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© Sports Illustrated

Cet esprit revanchard anime English en playoffs lors des retrouvailles avec les Suns. Et cette fois dans le match décisif, l’ailier ne se prend pas les pieds dans le tapis. Là où il s’était contenté de 18 petits points en 1982, il explose son compteur avec 42 unités, nouveau record de franchise en postseason. Il fallait bien ça pour l’emporter sur le parquet de Phoenix 117-112. Sur cette série, les Nuggets réussissent l’exploit d’encaisser moins de 100 points dans le Game 2. Des efforts défensifs qui s’évaporent au tour suivant face aux Spurs avec 152 points dans la musette au Match 1. Dans ce duel de gros scoreurs, c’est le Texan George Gervin qui l’emporte haut la main, avec un gentleman sweep. Le front office du Colorado reste persuadé que cette philosophie de jeu n’a pas encore délivré son plein potentiel. Le même casting repart donc à la ruée vers l’or. Le summum de l’orgie offensive est atteint le 13 décembre 1983 contre Detroit. Au terme de trois prolongations, les deux équipes tapent un nouveau record NBA sur le score fleuve de 186-184 ! Dans cette défaite amère, Alex s’offre tout de même un career high avec 47 points… 4 de moins que son coéquipier Vandeweghe. La déception est encore plus grande en playoffs dans le choc face à l’artilleur n°1 de la saison, Adrian Dantley. 31 points de moyenne sur la série pour l’ailier du Jazz, 29 pour le Nugget et une sortie prématurée au Game 5 contre Utah.

Âgé de 30 ans désormais, English est en plein dans son prime. Son palmarès individuel commence à bien se remplir avec trois étoiles de All Star et deux nominations dans les All-NBA Teams. Mais, collectivement c’est le désert. Pour mieux l’encadrer, les dirigeants échangent Vandeweghe à Portland contre Calvin Natt et Fat Lever. Le premier s’affiche immédiatement à plus de 20 points et le second s’éclate dans un rôle de couteau suisse. Alex, lui, est dans sa routine avec 27.9 points à 51,8% de réussite. Avec ce 5 majeur remanié, les Nuggets laissent la cuillère de bois défensive aux Warriors pour la première fois sous l’ère Doug Moe. De 125 points encaissés en moyenne, Denver passe à 117.6 points en 1985. Il n’en faut pas plus pour booster les résultats. Le record de franchise tombe avec 52 victoires et une deuxième place à l’Ouest ! En playoffs, Alex règle ses comptes avec ses derniers bourreaux. Au premier round, il surclasse George Gervin et ses Spurs avec 29.8 points contre 22.2 pour The Iceman. Puis, c’est au tour d’Adrian Dantley de prendre un coup de pioche en demi-finale. Les Nuggets croquent le Jazz en cinq matchs avec English au firmament de sa carrière : 30.6 points à 56,4% aux tirs, 6.8 rebonds et 6.0 passes. Une série XXL qui propulse Denver au sommet de la Conférence pour affronter les Lakers. Face à l’ogre californien, Alex sait que les chances de qualification sont minces. Battu sèchement lors du Game 1 au Forum d’Inglewood, il remet les pendules à l’heure en inscrivant 40 points trois jours plus tard. Le chant des fans « We want Boston » laisse place au doute avant d’aller dans les Rocheuses pour les deux rencontres suivantes. Dans le costume d’outsider, English jubile :

On ne comptait pas sur nous pour atteindre la finale de la Conférence Ouest. Nous savons que nous sommes les outsiders et nous aimons l’être, parce que nous prouvons aux gens qu’ils ont tort. Nous savons quel est leur talent. Nous savons qu’ils sont forts, mais nous sentons aussi que nous avons une petite chance. Nous ne sommes pas en admiration devant eux. Nous voulons prouver que nous méritons d’être ici. Après le premier match, nous étions déçus, mais nous savions ce qu’on avait à faire pour les battre. Jouer plus dur, plus vite et cela a payé !

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© Sports Illustrated

Un barbecue d’équipe est organisé avant le Game 3. La camaraderie au sein du groupe soulève des montagnes depuis le début des playoffs et Doug Moe compte bien souffler sur les braises collectives. Mais, derrière les coups de boutoir de James Worthy et Byron Scott, les Lakers reprennent l’avantage du terrain, 136-118. Le match 4 est déjà celui de la survie. Pour ne rien arranger, les lieutenants d’English ne sont pas au top physiquement. Natt a un genou douloureux et Issel soigne une cuisse meurtrie. Malgré cela, les Nuggets sont devant à la pause dans le sillage des 28 points de leur leader. L’espoir change définitivement de camp dans le troisième quart. Sur une bataille au rebond avec Kareem Abdul-Jabbar, Alex se fracture le pouce. Privé de son sniper, Denver rend les armes 120-116. Opéré en urgence dans la nuit, l’ailier assiste impuissant à l’élimination des siens au match 5. Une blessure au goût vraiment amer quand on sait qu’Alex n’a raté que six rencontres en dix saisons complètes dans le Colorado ! Les Nuggets version run and gun viennent de laisser passer leur meilleure opportunité d’accrocher les Finales NBA.

A la rentrée 1985, Dan Issel raccroche définitivement ses baskets. Son scoring n’est pas réellement remplacé. Pour la première fois depuis 1979, Denver n’a plus l’attaque la plus prolifique de la ligue. English est désormais le seul joueur au-dessus des 20 points. Et pour palier le manque de supporting cast, il envoie sa meilleure production en carrière avec 29.8 points. En vain ! Trop esseulé, il s’incline face aux Trailblazers au second tour, non sans battre son record en postseason avec 42 unités dans le dernier match. La sortie de piste est encore plus prématurée la saison suivante. Les retrouvailles avec les Lakers se soldent par un sweep violent. Plus de 27 points d’écart en moyenne séparent les deux équipes. L’ère Doug Moe semble toucher à sa fin, le projet patine dangereusement depuis cette fameuse Finale de Conférence. C’est sans compter sur l’ingéniosité du coach. Plutôt que de servir des Nuggets réchauffés, il mijote une nouvelle recette en sortant l’ailier Otis Smith de son 5 majeur, pour le remplacer par le micro-meneur Michael Adams. Fat Lever, lui, est décalé au poste 2. L’idée : accélérer le tempo de l’attaque pour la rendre plus performante. Pari gagnant ! Denver cavale avec la plus grande pace de la ligue et reprend le lead offensif en NBA. Gavé de ballons avec deux meneurs, English s’éclate à 25 points de moyenne… à bientôt 35 ans. Surprise à l’Ouest, Denver s’invite à la deuxième place, fort d’un bilan à 54 victoires. Malmené par les Sonics de Xavier McDaniel et Tom Chambers au premier tour, English termine meilleur scoreur du match décisif pour emmener ses Nuggets en demi. Avec l’avantage du terrain face aux Mavericks, Denver valide son statut de favori en menant 2 à 1. Un troisième match remporté à Dallas durant lequel Fat Lever se blesse au genou. Privé de son lieutenant, English est impuissant face au duo de scoreurs Rolando Blackman et Mark Aguirre. Il laisse filer la série 4-2.

Les échecs s’accumulent pour Alex. Mais, à chaque fois, il préfère répondre sur le parquet. Il prouve qu’il en a encore sous la semelle en plantant 51 points contre le Heat ! Un record au scoring à 36 ans, l’exploit n’est pas banal tout comme sa moyenne qui culmine à 26.5 points. Une longévité incroyable qui permet aux Nuggets d’accrocher les playoffs pendant deux saisons. En 1990, English montre des premiers signes de déclin : un scoring en dessous de la barre des 20 points, une réussite qui ne dépasse pas les 50%, l’érosion a finalement lieu sur l’attaquant. Le coup de grâce intervient avec le renvoi de Doug Moe en septembre. Coach de l’Année en 1988, presque 55% de victoires en régulière, il quitte les Rocheuses avec un style de jeu ultra-spectaculaire gravé dans les Annales. Il n’est pas le seul à quitter le navire à l’intersaison. En désaccord avec son front office depuis plusieurs mois au sujet de sa prolongation, Alex English teste finalement le marché des agents libres. L’offre financière dérisoire des Nuggets pour jouer les vétérans de service lui reste en travers de la gorge. Il claque sèchement la porte pour s’engager avec les Mavericks via un deal de 2 millions de dollars. Son rôle, remplacer Sam Perkins parti chez les Lakers. Mais, rapidement, la saison des Mavs tourne au vinaigre. En octobre 1991, Roy Tarpley est banni de la NBA pour consommation de drogue. Il laisse un grand vide dans la raquette. Alex ne parvient pas s’intégrer au sein du collectif. Il perd sa place de titulaire au profit de Randy White en cours d’exercice. Plutôt que jouer les utilités en sortie de banc, English décide de quitter définitivement la NBA… mais pas complètement le basket.

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© Youtube

En 1991, il traverse l’Atlantique pour un baroud d’honneur dans le championnat italien. Avec le Depi Napoli, Alex retrouve son statut de superstar le temps d’une vingtaine de matchs. Le papy du Depi montre quelques beaux restes avec 14 points de moyenne lors de cette parenthèse enchantée. Et quand il raccroche pour de bon ses baskets, les hommages fleurissent de toute part. A sa retraite, English est le septième scoreur alltime avec plus de 25.000 points et reste le premier joueur à marquer au moins 2000 points au cours de huit saisons consécutives ! Les Nuggets profitent de cette annonce pour se rabibocher avec leur légende. Des excuses publiques en bonne et due forme et un maillot retiré au plafond de la McNichols Sports Arena. Pour sa reconversion, la NBA créé un nouveau poste, celui de directeur du programme et des services de l’association des joueurs (NBPA). A ce titre, il gère les relations avec les retraités de la ligue et sensibilise les rookies sur les dangers du monde professionnel. En 2002, Alex retourne sur les bancs NBA en tant qu’assistant. Il passe notamment sept saisons chez les Raptors pour revenir à un rôle d’ambassadeur à partir de 2014. Diplomate sportif pour le département d’état américain, il organise des événements autour du basket pour les jeunes défavorisés. Un rôle qui lui permet aussi de s’adonner à d’autres passe-temps culturels. English est ainsi apparu dans plusieurs films ou séries et surtout il édite de la poésie, sa vraie passion. Dans son recueil de 300 poèmes baptisé « Sometimey Feelins Sometimes » il s’inspire de son expérience de basketteur pour faire des rimes. L’un d’eux, « Barter Talk » propose une négociation contractuelle entre un joueur et son GM. Fiction ou réalité de ce qu’il a vécu à Denver, Alex préfère garder le secret.

STATISTIQUES ET PALMARES

  • Stats NCAA : 17.8 points à 53,8% aux tirs, 9.6 rebonds et 1.0 assist
  • Stats NBA : 21.5 points à 50,7% aux tirs, 5.5 rebonds et 3.6 assists
  • All-America Second Team (1975 et 1976)
  • 8 sélections pour le All Star Game
  • 3 nominations dans la All-NBA Second Team (1982, 1983 et 1986)
  • Meilleur scoreur NBA (1983)
  • Meilleur scoreur de l’Histoire des Nuggets (21.645 points)
  • Maillot retiré chez les Nuggets (1992)
  • Intronisé au Hall of Fame (1997)

ALEX ENGLISH EN IMAGES

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About mosdehuh (43 Articles)
Tombé dans la NBA au début des 90's avec Penny Hardaway. Grosse passion pour les loosers magnifiques et les shooteurs. Supporter de la Chorale de Roanne depuis 3 générations.

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