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Les All-American Red Heads, les pionnières du basket féminin

Basket féminin

Montage Une : Laurent Rullier pour Basket Rétro

Elles se nomment Geneva Langerman, Hazel Walker, Lorene  » Butch  » Moore ou Peggy Lawson. Ensemble, elles ont formé les All-American Red Heads, la première équipe féminine de basket-ball à jouer comme les hommes, contre les hommes et même mieux que les hommes. Dans une époque où femme et sport étaient considérés comme incompatibles, elles ont pavé la voie aux futures générations.

Au cœur des années 30, la pratique du basket, comme de l’ensemble des autres sports, est interdite pour les femmes. Les hommes les jugent trop fragiles et les somment de rester loin des parquets et autres terrains pour ne pas risquer d’abîmer leur faible constitution, leur beauté et leur charme. Senda Berenson, considérée comme la “mère du basket féminin” avait bien fait jouer ses étudiantes dès 1892 mais en adaptant les règles : équipe de 9 joueuses, 3 zones distinctes avec des joueuses assignées, limitation des dribbles, interdiction de tenir la balle plus de trois secondes… bref rien qui ne ressemble réellement à du basket.

Cet ersatz de basketball est d’ailleurs organisé comme un loisir, pour distraire les femmes et les aider à rester en bonne santé. Même si ce concept se répand, notamment via les écoles et les universités, la pratique du basketball féminin n’est en rien existante, puisque l’AAU (Amateur Athletic Union) ainsi que l’ensemble des différentes organisations sportives aux États-Unis refusent les programmes féminins. Dans ce système patriarcal, l’éclaircie ne peut malheureusement venir que d’un homme : Connie Mack Olson. Dans les années 20, le barnstorming est la principale manière de consommer du basketball. Partout dans le pays, des équipes se forment et se déplacent, menant des tournées comme des rock-stars, avec l’ambition de proposer aux habitants des petites villes du Midwest, du Texas ou du sud profond des performances qui assument autant d’être un show spectaculaire qu’une prouesse sportive.

Joueur et manager des “Olson’s Terrible Swedes”, une des plus fameuses équipes masculines de barnstorming capable des rivaliser avec les Original Celtics ou les New York Rens, Olson cherche à diversifier ses activités et imagine un avenir où les femmes pourraient faire jeu égal avec les hommes. Aux côtés de sa femme, Doyle Olson, il décide donc de monter en 1936 une équipe 100% feminine, à Cassville, Missouri.

Kennebec Journal

Les All-American Red Head @ Kennebec Journal

Cette charmante bourgade d’à peine 3000 âmes a la particularité d’accueillir un “Olsen’s Beauty Parlors”, salon de coiffure tenu par Doyle Olson qui sera à l’origine de l’identité même de l’équipe. Par un heureux hasard, les deux premières joueuses recrutées dans l’équipe de Connie Mack sont rousses. Doyle y voit immédiatement un signe distinctif parfait pour faire émerger sa nouvelle équipe dans la jungle du barnstorming et propose d’appeler l’équipe les Red Heads. Pour aller au bout de la démarche, les futures recrues blondes, brunes ou châtains seront ensuite teintes en rousse dans son salon de coiffure. Connie Mack adhère à l’idée et y accole un All-American très patriotique qui scellera la création des All American Red Heads.

LES FILLES DES REDS HEADS, PLUS FORTES QUE LES HOMMES

Le basket à neuf et l’interdiction des contacts, très peu pour les Red Heads qui décident très rapidement de jouer uniquement face à des équipes masculines avec les règles habituelles du basket. Le choix de Olson est autant une conviction que du pragmatisme, les Red Heads ayant de toute façon du mal à trouver d’autres équipes féminines à affronter.

Le succès des Red Heads est immédiat. Comme prévu, les filles rousses sortent du lot, avec leur coiffure sensationnelle et leurs uniformes rouge, blanc et bleu satinés. Les salles sont remplies et les spectateurs en ont pour leur argent, les filles dominant assez souvent leur homologues masculins. Il faut dire qu’Olson sait y faire. Fort de son expérience avec les Terrible Swedes, il connaît les rouages pour conquérir les foules et demande à ces joueuses de faire le show. Elles doivent gagner mais également divertir le public. Les Red Heads s’amusent pendant leurs matchs, illuminent les petits gymnases avec des “tricks” que ne renieraient pas les Harlem Globetrotters avant de boucler les rencontres avec un run décisif dans les dernières minutes.

Lors de leur première année, les Red Heads disputent 133 matchs dans près de 30 États différents d’Octobre à Mai. Les spectateurs locaux payaient 25 cents pour assister au match, dont les bénéfices étaient partagés entre Olson et les femmes, faisant d’elle les premières athlètes féminines à vivre de leur sport.

Amarillo globe news

Les Red Head au Hall Of Fame @ Amanilo Globe News

Leur succès est total avec plus de 70% de victoire face à des adversaires exclusivement masculins et la popularité des All American Red Heads ne sera ralentie que par la 2eme guerre mondiale, quand le barnstorming dans son ensemble connaîtra un coup d’arrêt dû aux mobilisations et autres rationnements. Mais sitôt le conflit résolu, les Red Heads se rassemblent, surtout qu’Olson compte bien passer encore une étape. En 1948, il engage Orwell Moore, ancien entraîneur d’équipes féminines au lycée, pour coacher ses Red Heads. Aux côtés de Moore, sa femme Lorene rejoint également les filles rousses et va en devenir l’une des cadors, jouant plus de 2 000 matchs en carrière et marquant 35 426 points contre des adversaires masculins.

Sous la houlette de Moore, les Red Heads multiplient les rencontres et enchaînent les salles combles. Chaque année pendant 7 mois, elles sont inlassablement sur la route et atteignent parfois les 220 matchs par an, faisant fi du load management. A force de répéter les efforts, la barre des 70% de victoire n’est pas systématiquement atteinte, mais les spectateurs ne se déplacent pas pour ça mais bien par amour des Red Heads. Il y a des files d’attente chaque soir pour les voir jouer, la presse les adore, les hommes sont secrètement jaloux de leur succès et pourtant en 1954, Connie Mack Olson décide de se retirer et de vendre l’équipe.

L’ESSOR DES RED HEADS MIS A MAL PAR LE TITRE IX

Au sommet, Olson passe la main mais point de bouleversement dans l’organisation des Red Head. Le repreneur de l’équipe n’est autre que le coach Orwell Moore qui, mis à part une relocalisation à Caraway, Arkansas, ne change rien de la formule qui a déjà fait ses preuves. Les Red Heads continuent ainsi à sillonner les routes et la philosophie reste la même, à savoir des filles exemplaires sur et en dehors du terrain qui font la fierté des leurs.

Le succès est tel qu’Olson doit désormais faire face à un afflux constant de candidatures de joueuses qui souhaitent rejoindre l’aventure. En 1971, il met en place un camp d’entraînement, nommé Camp Courage, qui devient vite le QG des Red Heads. Fini le recrutement au fil de l’eau et place à une vraie organisation où toutes les joueuses sont impliquées, qu’ils s’agissent de former les nouvelles recrues, transmettre les valeurs du barnstorming ou simplement gérer la campagne à venir. Les joueuses gagnent désormais 150 dollars par mois et il y a trois équipes différentes chez les Red Heads pour permettre de jouer plus de matchs. Les All-American finissent même par s’’internationaliser avec des déplacements au Canada, au Mexique ou aux Philippines.

Wikipedia

Uniforme des Red Head @ Wilkipedia

Mais en 1972, les Red Heads vont être victimes de leur succès. Devant l’essor du basket féminin, auquel elles ont amplement contribué, le Congrès des États-Unis adopte le titre IX, un amendement qui interdit toute discrimination fondée sur le sexe dans les programmes et activités éducatives soutenue par l’État. Désormais les universités et les lycées ne peuvent refuser des programmes féminins et malgré les manœuvres de la NCAA pour entraver le développement du sport féminin, les barrières finissent par tomber.

Ce qui est un succès à l’échelle nationale, permettant à de nombreuses jeunes filles de pouvoir enfin pratiquer leur passion, vient indirectement gripper la belle machine des All-American Red Heads. Tout d’un coup, l’afflux de candidatures pour jouer avec les Red Heads s’arrête, de nombreuses filles passant principalement par la filière universitaire. Camp Courage se vide peu à peu et même la pratique de barnstorming perd de son attrait : inutile d’attendre des jours pour voir venir les filles rousses quand il est possible chaque week-end de voir des matchs de l’équipe de la fac locale.

En 1978, une Ligue professionnelle de basket-ball féminin est même créée et les All-American Red Heads commencent doucement à perdre de leur superbe. Elles jouent toujours aux 4 coins du pays mais les salles sont moins remplies, les candidates moins nombreuses et les interviews plus rares. Olson sait qu’il doit désormais organiser la fin de l’histoire, ce qu’il fera pour la saison 1986, symboliquement la 50eme saison des Red Heads. Il n’y a désormais plus qu’une équipe sur la route, limitée à une centaine de matchs par saison, mais la passion reste intacte et les filles finissent cette ultime campagne avec 114 victoires en 121 matchs, le dernier à Cassville, Missouri, là où tout avait commencé avec un salon de coiffure.

Le 26 Juillet 1996, 10 ans après leur ultime rencontre, les All-American Red Heads se reformeront le temps d’un match commémoratif contre les Walmart All Stars, à Carraway, où se retrouveront pour l’occasion de nombreuses joueuses et leur différents coachs. A cette occasion, le maire de Carraway déclarera ce jour comme le All American Red Heads Basketball Team Day. Mais l’honneur suprême interviendra en 2012 quand les Red Head deviendront la première équipe féminine à faire leur entrée au Hall of Fame. Un juste retour des choses après avoir passé 50 ans à dominer des garçons..

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About Winston (8 Articles)
Observateur de la NBA depuis le début des années 2000, je suis tombé amoureux d'une franchise qui a marquée toutes les époques de la NBA : les Detroit Pistons. Raconte aussi son historie en podcast dans "Les Chroniques de Motor City"

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